Page d'histoire : Les montres des gardes-frontières suisses après la guerre 14

Nous sommes pendant la grande guerre de 1914/1918. La Suisse posséde des frontières communes avec quatre des belligérants, la France, l’Allemagne, l’Autriche et l’Italie. Elle craint que l’un eux, ne décide de traverser son territoire pour prendre à revers l'ennemi et ignore ainsi la neutralité de l'Etat hélvètique.
Loin de se comporter en simple observatrice, la Suisse profite de cette période pour collecter des renseignements sur les armées des différentes nations ne serait-ce que pour construire sa propre défense.

Les dangers étant aussi forts de toutes parts, la Suisse met en place des gardes-frontières afin de sécuriser ses importations, la survie de ses habitants et ses approvisionnements.

Des bataillons de fusiliers sont donc créés avec des missions militaires de garde mais aussi de surveillance au sens large du terme. Les conditions de travail sont difficiles mais la discipline est rapidement mise en oeuvre au point qu'après guerre les cahiers de sanctions sont quasiment vides. Dès leur arrivée dans les bataillons, les hommes sont formés et se voient interdire la consommation d'alcool. Logés parfois dans des conditions difficiles, parfois chez l'habitant ou sous des tentes, les bataillons affrontent les températures glaciales nocturnes sans révolte ni insoumissions.

Après la guerre, certaines communes suisses décidèrent de leur rendre hommage dans un contexte culturel qui est celui de la récompense pour les actes patriotiques et la bravoure. Les prix habituellement remis en Suisse, berceau de l'horlogerie sont des montres et les concours de tir fédéral sont notamment l'occasion de distribuer des pièces horlogères à des hommes pour lesquels la possession d'une "belle" montre reste un privilège.

Ce sont donc des montres de qualité et d'honneur qui sont ainsi distribuées et la commune de Démoret dans le nord Vaudois (aujourd'hui 126 habitants) va récompenser les fusiliers du bataillon qui l'a protégée par l'offrande d'une montre de poche spécialement fabriquée dans une boite en argent de 800 millièmes. Chaque pièce est gravée sur la cuvette du nom du garde-frontière destinataire et des références de son bataillon.
Le fond est orné d'une gravure en relief signée Holy Frères d'un garde-frontière, fusilier avec son fusil et son sac à dos positionné à coté d'une borne frontière sur laquelle figure la croix suisse. En arrière plan, un lac, une montagne, deux fûts de canons, des fleurs de montagne sans doute pour pacifier l'image et un drapeau achève le décor avec les mentions 1914-18 à gauche et le mot "Mobilisation" en bas de la gravure.




Ces montres sont remises aussitôt la fin de la guerre et chacune d'elle est un émouvant témoignage d'une page d'histoire de la Suisse.
Conservées dans les familles, elles témoignent du comportement exemplaire d'un grand-père ou d'un ancêtre valeureux.




Zenith fut l'une des manufactures la plus sollicitée pour la production de ces pièces d'exception et ce n'est donc pas un hasard si ces montres n'ont rien perdu de leur immense intérêt. Dotées d'un calibre de 19 lignes à ancre, de 15 rubis et d'un balancier guillaume coupé à vis de compensation, elles disposent d'un cadran en émail et d'aiguilles souvent de type Louis 15 qui correspondent à la fourniture disponible après guerre.

Ces montres sont par erreur confondues avec des montres hommage à des poilus mais elles valorisent bel et bien le travail d'une petite poignée d'hommes qui ont préservé la neutralité Suisse. La petite commune de Démoret a ainsi par cet objet ô combien affectif, offert à des hommes ordinaires devenus héros, le moyen de se souvenir de la reconnaissance d'un peuple.

Holy frères, la maison qui a signé la gravure des boites des montres de gardes frontière exerça une grande partie de son activité dans le domaine horloger. Son origine remonte à 1893, quand fut fondé à St-Imier (Suisse), un atelier artistique de gravure, dont la raison sociale était "Etablissement Holy Frères à St-Imier". Cette maison créée par les frères François et Jules Holy exerça son activité dans la fabrication et la décoration de boites de montres puis de médailles et d'estampes. La maison Holy reçut en 1914 une médaille d’or à l’Exposition nationale suisse à Berne. La marque Holy Frères ("H") fut enregistrée en 1919.

Les travaux de Holy pour Zenith sont moins fréquents que ceux faits par cette maison pour Omega. Zenith en effet, travaillait plus facilement avec la maison Huguenin. On retrouve néanmoins beaucoup de montres de tir fédéral faites par Holy pour Zenith.

Droits réservés

Encore une belle page d'histoire, merci ZEN!


ps. jolie trouvaille en effet!

A quand un sous-forum "historique" sur FAM ? Merci pour ce partage

Merci beaucoup Zen pour ce travail !
Le "balancier guillaume coupé à vis de compensation" était spécifique de ce type de montre de garde-frontière ou bien commun à l'époque ?

BRxavier a écrit:

Merci beaucoup Zen pour ce travail !
Le "balancier guillaume coupé à vis de compensation" était spécifique de ce type de montre de garde-frontière ou bien commun à l'époque ?

je ne suis pas zen,mais le balancier guillaume se trouve dans beaucoup de montres.

en tout cas c'est une belle pièce.

Une bien belle montre pour une bien belle histoire !

Merci Zen

Merci pour cet article très intéressant ; une totale découverte en ce qui me concerne.



Emmanuel

Merci Zen pour ce post bien sûr mais plus largement pour ... FAM .

Que dire de plus...

Un superbe hommage pour celui qui le recevait...Et toujours des articles intéressants de la part du patron!

Une belle page d'Histoire. Merci du partage

je ne suis pas trés "montre de poche", mais j'avoue que ma curiosité a été piquée au vif et que j'ai dévoré ce post,
merci patron

Superbe sujet! A intégrer à la revue des montres du mois prochain!

Sait on combien d'exemplaires ont été fabriqués pour l'occasion?

Cette reconnaissance d'une nation envers ceux qui l'ont défendue ou protégée devrait servir d'exemple à d'autres à la mémoire défaillante ou selective...

Merci Zen pour ce partage!

Cerise sur le gâteau, le specimen qui illustre ton propos est dans un parfait état de conservation!

Mahuzard a écrit:

BRxavier a écrit:

Merci beaucoup Zen pour ce travail !
Le "balancier guillaume coupé à vis de compensation" était spécifique de ce type de montre de garde-frontière ou bien commun à l'époque ?

je ne suis pas zen,mais le balancier guillaume se trouve dans beaucoup de montres.

en tout cas c'est une belle pièce.

Merci Mahuzard

Je trouvais ce "Démoret" combien généreux.....


Belle capture!

Merci du partage!

BRxavier a écrit:

Mahuzard a écrit:

BRxavier a écrit:

Merci beaucoup Zen pour ce travail !
Le "balancier guillaume coupé à vis de compensation" était spécifique de ce type de montre de garde-frontière ou bien commun à l'époque ?

je ne suis pas zen,mais le balancier guillaume se trouve dans beaucoup de montres.

en tout cas c'est une belle pièce.

Merci Mahuzard

on le trouver également dans les montres bracelets,chez PP,Breguet omega etc etc

Mahuzard a écrit:

on le trouver également dans les montres bracelets,chez PP,Breguet omega etc etc

Avez-vous en tête des modèles précis ? Merci

BRxavier a écrit:

Mahuzard a écrit:

on le trouver également dans les montres bracelets,chez PP,Breguet omega etc etc

Avez-vous en tête des modèles précis ? Merci

il y en à pas,mais des modèles en basse fréquence comme des 3 aiguilles classiques,d'ailleurs je rigole quand je vois le battage fait autour de beaucoup de balancier à nouveau matériau,alors que le balancier guillaume était d'une très grande précision.

Le balancier dit Guillaume bi-metallique fut utilisé largement jusqu'aux années 50 voire 60. Dans les montres de poche , il est le plus répandu jusqu'aux années 50. rares sont les montres de poches de qualité à échappement à ancre qui ont un autre type de balancier.

J'en ai pourtant rencontré un , sur un chronographe de 1916 fabriqué en très petite série (2 boites de 6) et "expérimental". C'est un chrono savonette Zenith où Charles Rosat qui outre ses talents de chronomètrie faisait de la recherche pour Zenith, avait testé un balancier monométallique non coupé en Elinvar.

sympa le bout d'Histoire !

ca doit pas etre facile de "remonter" le temps pour trouver des temoignages !

merci du travail !


salutations

Un très interressant morceau d'histoire, d'une époque difficile aussi pour la Suisse malgré une neutralité souvent raillée.

Les hommes aux frontières ont connus les mêmes peurs... la guerre ne fait pas de distinction dans son lot de malheurs et de terreur.

Merci pour cette découverte Zen, très interressant article.

ZEN a écrit:

Le balancier dit Guillaume bi-metallique fut utilisé largement jusqu'aux années 50 voire 60. Dans les montres de poche , il est le plus répandu jusqu'aux années 50. rares sont les montres de poches de qualité à échappement à ancre qui ont un autre type de balancier.

J'en ai pourtant rencontré un , sur un chronographe de 1916 fabriqué en très petite série (2 boites de 6) et "expérimental". C'est un chrono savonette Zenith où Charles Rosat qui outre ses talents de chronomètrie faisait de la recherche pour Zenith, avait testé un balancier monométallique non coupé en Elinvar.

Merci pour ces explications Zen !

Une nouvelle page d'Histoire horlogère très intéressante.
Merci de tes recherches.

Merci à tous de vos commentaires