Bonjour à tous et toutes,
après toutes les superbes revues lues un peu partout, l’idée d’en faire une moi-même me trottait dans la tête. Le lurkeur que je suis entre en action! Hélas, pour cela, il fallait disposer d’une montre peu ordinaire à vous présenter, histoire de mêler l’utile à l’agréable.
Après plusieurs Archimede et autres Stowa, j’ai eu envie, il y a quelques mois, de m’acheter une vraie montre. Mais mon poignet m’obligeant à être exigeant (16cm) dans mes choix, je m’étais tourné vers une Omega Speedmaster Reduced. Une bien belle pièce, avec une réelle légitimité vis-à-vis la Speedmaster Pro, par plusieurs points (polissages, fond, cadran, boutons, ...) qui sont autant de différences qui m'ont conforté dans mon choix et font que j’ai porté cette montre sans relâche durant plusieurs semaines. Je me suis alors dit : pas de nouvelle montre avant d’avoir vendu toutes les autres (les fameuses Stowa et Archimede)! Et... je les ai toutes vendues!
Je vais donc essayer de vous présenter en toute humilité ma petite dernière, que certains d’entre vous n’aimeront d’ailleurs pas beaucoup... Je vais donc utiliser les trois ou quatre termes horlogers que je me suis forgé en quelques années pour vous expliquer mon choix. Étant donné mon caractère très amateur, veuillez par avance excuser quelques inexactitudes ou approximations qui auraient pu se glisser dans ces quelques paragraphes. Je ne fais que présenter les quelques points que j’apprécie beaucoup sur ce modèle, tout en tentant de rester assez bref.
Mon choixPour l’été, je souhaitais une nouvelle montre, un peu moins classique que la Speedmaster, mais avec du charme et du caractère, qui pourrait également m’accompagner dans la piscine ou à la plage. Bref, quelque chose de solide, de compact, d’étanche mais que je pourrais aussi porter tous les jours.
Appréciant beaucoup les montres d’aviateurs (ma première montre automatique était une Archimede Pilot) pour leur côté fonctionnaliste (la réponse directe à un cahier des charges précis) et leur histoire, j’ai cherché de ce côté là. Mais l’idée n’était pas de reprendre une Archimede. Cette fois, l’idée était d’aller taper dans le haut du panier, la crème de la crème, pour ne pas avoir de regret. Et finalement, s’il y a bien une marque représentante des montres d’aventuriers (aériens ou maritimes), c’est bien IWC. Une marque à la fois élitiste, avec une image de sérieux et de perfection, sans pour autant avoir l’image désagréable que se tape Rolex. Pour moi, c’est la Suisse dans toute sa splendeur ; discrète, sérieuse et prestigieuse.
Aller zouh! Direction Schaffhausen (au sens métaphorique, hein)! Coup de chance, je repère une annonce dans les semaines qui ont suivi.
L’été annonçant également les vacances, j’ai eu l’envie soudaine de trouver une montre à deux fuseaux horaires. Une petite complication sympathique, peu ordinaire tout de même, et parfois utile.
Vous voyez peut-être où je veux en venir : mon choix s’est porté sur l’IWC UTC (dite également “Spitfire TZC“).
L’histoireUn petit paragraphe rapide pour vous raconter l’histoire de ces montres, même si le descendant direct de la grande lignée de montres pilote réside dans le Mark XVI, et non à proprement parlé dans l'UTC.
Tout commence en 1935 avec la Mark IX. Elle était équipée du Calibre 83, avec petite seconde, à 18000 alternances par heure. Elle se distinguait également par le petit triangle mobile (sur la photo à 8h30) accroché à la lunette tournante.
Merci à Fliegeruhr.fr
Plus tard, on apprendra également qu’IWC a produit des montres pour la Luftwaffe, sous la forme de la B-Uhr bien connue, à partir de 1939.
Le successeur de la Mark IX, la X, fait suite à une commande britannique (1945). Même calibre à l’intérieur et on voit apparaitre la fameuse aiguille des heures en bâton.
Photo anonyme du net
En 1948, IWC lance la Mark XI qui sera produite pendant plus de 30 ans. Plus simple que jamais, le design est tout en rondeurs. Elle était équipée du calibre 89, tout en beauté. Et pour la première fois, le boitier protège le mécanisme des champs magnétiques.
Merci Grinhu
La Mark XII, qui produit une longue lignée de CHI à partir de 1993, se distingue surtout de la Mark XI par le changement du mouvement, qui passe par le 889 de chez Jaeger LeCoultre (qui implique également la présence d’un guichet de date.
La couronne est également changée et les cornes deviennent moins fluettes. De manière générale, le look devient bien plus moderne.
Merci à Watchtime.com
En 1999, la Mark XV sort. Pourquoi? Il semblerait que suite au succès rencontré par la Mark XII, le calibre Jaeger n’était plus produit en assez grande quantité et devenait trop cher, du fait du rapport offre/demande. Bref, cette “nouvelle“ montre voit en fait son calibre changé, au profit d’un ETA, totalement remanié par IWC. Mais la version officielle de ce changement semble être la taille : la Mark XII était visiblement trop petite et la Mark XV a vu son diamètre augmenter de 2mm.
Merci à Watchestrends.com
En 2006, me semble-t-il, la Mark XVI est présentée et intègre le tout frais calibre IWC, le 30110 (28800 alternances par heure et automatique, avec 42h de réserve de marche). Mais ce n’est pas la seule évolution. La boite en fer doux a été renforcée (visiblement autour de 40,000 A/m). Le verre Saphir est sécurisé contre les changements soudains de pression d’air, faisant parfois un effet de ventouse pouvant être assez désobligeant... Enfin, la boite devient étanche! Bref, de grandes évolutions, visant à le mettre à niveau de ses concurrents apparus chez d’autres manufactures suisses.
Merci à Melendz
Je trouve personnellement que toute la lignée de montres pilote de chez IWC a fait preuve d’une maturation tout à fait réussie. Chaque successeur apportant son lot de nouveauté, une remise en question bienvenue du design. Une réelle évolution.
L’IWC UTC est une montre qui se situe en terme de technique entre la Mark XV et la Mark XVI. Le calibre est un ETA (2892-A2), auquel s’ajoute une complication maison IWC pour le second fuseau horaire, et le boitier intègre beaucoup des futures nouveautés de la Mark XVI, comme l’étanchéité, le verre anti-drops, les aiguilles, etc... En somme, l’UTC était un coup d’essai pour la Mark XVI.
BoiteMon petit poignet m’autorise rarement à mettre des montres de plus de 39mm. Heureusement, cette IWC fait justement 39mm de large, sans la couronne, pour 13,5mm d’épaisseur. 13,5mm, ça peut paraitre beaucoup, mais son verre saphir étant bombé, la boite ne fait en elle-même que 12mm, ce qui est finalement assez peu gênant, bien que tout de même étonnant. On se demande bien ce qu’il peut y avoir à l’intérieur... Toujours est-il qu’elle se range très bien sous une chemise. Pas de problème de ce côté là.
De plus, contrairement à la Mark, l’entrecorne est de 20mm (et non 19), ce qui est bien plus pratique pour trouver un bracelet.
Le design général de la montre est par ailleurs très simple, mais parfaitement maitrisé. Les architectes du topic ne me contrediront pas : faire simple est ce qu’il y a de plus dur. Et ici, tout est réussi, pour moi. Qu’il s’agisse du profil acéré, du biseautage autour du verre qui rehausse le tout, du fond industriel ou encore de ses aiguilles “glaive“ qui semblent effilées jusqu’au dernier atome de métal.
Ce qui me dérange le plus souvent dans le design, ce sont les compromis. Par exemple, un guichet dont la position est contrainte par un mécanisme. Ou bien un index tronqué par un sous-cadran. Toutes ces choses me dérangent et ne semblent pas résulter d’une volonté mais d’une contrainte... Ici, pas de compromis. Tout est très bien organisé et semble résulter de véritables choix. Cela peut sans doute s’expliquer par le lourd remaniement du mécanisme effectué par IWC, qui a rajouté un module maison. On imagine donc une relation directe entre le design et l’ingénierie.
Toujours est-il que l’on est face à IWC. Donc la qualité de fabrication est exemplaire. L’acier inoxydable (316L) est traité tout en brossé, excepté à quelques endroits bien précis, qui rehaussent justement de façon subtile la profondeur du design. C’est notamment le cas de la lunette autour du verre, créant une transition subtile du mat vers le brillant.
L’étanchéité est annoncée à 60m. C’est finalement suffisant pour se baigner en “touriste“ mais par pour faire de la plongée. Pour moi, c’est parfait, je n’ai pas besoin de plus, même si une étanchéité à 100m m’aurait plus rassuré. Un jour, “je ne sais plus qui“ m’a dit qu’un plongeon dans une piscine créait une pression équivalente à 100m ou plus et était ainsi souvent à l’origine de quelques fuites...
Chez IWC, lorsqu’une montre est étanche, ils mettent un petit poisson sur la couronne. D’ailleurs, cet élément du boitier est particulièrement bien réalisé : elle est vissée et son design est à la fois brut et discret. Pas de fioritures ; et pas d’épaulement.
Enfin, le mécanisme est protégé des champs électromagnétiques par un traitement intérieur en fer doux, fidèle à ses origines de montres d’aviateur. Cette protection, l’une des plus puissante au monde, protègera ainsi le mouvement des champs du téléphone portable, des portiques anti-vol dans les magasins et autres sources dont on pense assez peu en se baladant. Le mouvement se révèle être d’une précision redoutable.
VerreAttention, je vais me faire taper, mais le verre n’est pas traité anti-reflet, et j’adore ça! En fait, il est légèrement bombé et les reflets qui viennent l’animer sont ainsi déformés, légers et arrondis. Ils ne sont plus violents et agressifs mais adoucis et émoussés. C’est réellement un point fort de cette montre, selon moi.
La lisibilité reste très bonne, grâce à un cadran vraiment très contrasté derrière, blanc sur noir. Aucun problème de ce côté là.
Qui plus est, l’absence de traitement rend le verre vraiment inrayable.
CadranComme dit juste avant, le cadran est extrêmement lisible, dans la lignée des montres d’aviateur. Contrairement à la Mark XVI, les aiguilles ne sont pas peintes en noir mais brillantes également, comme le contour du verre, rehaussant encore une fois le tout, par petites touches subtiles. D'ailleurs, il semble que les aiguilles de l'UTC soient plus fines que celles de la Mark XVI. Je ne comprends pas pourquoi ils n'ont pas gardé ces proportions. Je trouve celles de l'UTC bien plus réussies.
La lecture du second fuseau horaire se fait par un guichet situé entre 10h et 2h. Une particularité assez rare : d’habitude, un second fuseau horaire se lit avec une seconde aiguille, comme sur la Seamaster GMT ou l’Explorer II. C’est selon moi beaucoup plus subtile et rajoute une complexité bienvenue au cadran, sans pour autant créer une impression de surcharge.
Le guichet de date est très discret, bien proportionné et ne déséquilibre pas l’ensemble. De loin, on le remarque à peine. Encore une fois, son alignement est parfait. En revanche, du fait des complications imposées au mouvement, la date n’est plus sautante. Elle met une heure pour se déplacer complètement, de 23h30 à 00h30.
D’ailleurs, la théorie des triangles est respectée, afin d’éviter cet effet de surcharge. Vous comprendrez avec l’image ci-dessous :
Tout est bien sûr traité au Luminova. Le soir, c’est très lumineux, notamment grâce au fait que les index des heures soient en fait des bâtons appliqués et non une simple peinture. Ils ont une épaisseur donnant une substance supplémentaire au cadran. De profil, c’est formidable.
Les index sont d’ailleurs entourés d’un cerclage blanc, qui n’est pas présent sur l’IWC Mark XVI. Je ne sais pas trop quoi en penser. Je ne trouve cela ni plus beau ni moins. C’est simplement différent et participe à singulariser la tocante. Je dirais néanmoins que la Mark XVI est peut-être un poil plus travaillée dans l’ensemble, alors que l’UTC est plus “brutale“, dans le bon sens du terme.
La police des caractères est également plus “carré“ que sur la Mark XVI. Personnellement, je préfère la police de cette UTC, plus dans l’esprit militaire du design.
Le fond du cadran est d’un noir très profond. La granulosité de la matière n’y est pas étrangère, et renforce cette matité en désagrégeant chaque reflet. À mon sens, il n’y a qu’IWC qui ait réussi à trouver le juste milieu dans cette matérialité.
Enfin, en bas, on retrouve la fameuse mention “T Swiss Made T“.
Bracelet et boucle déployanteJ’ai reçu la belle sur un bracelet en cuir d’alligator noir, accompagné de sa boucle déployante.
Le bracelet d’abord est d’une qualité impeccable. Vraiment, il n’y a rien à dire sur sa qualité générale. Il est doux, brillant mais avec une belle patine, etc... Seulement, le cuir noir d’alligator, je trouve ça assez peu saillant pour cette montre. Ce n’est qu’un avis personnel, mais cette combinaison me dérange, d’un point de vue historique. Sitôt après son achat, j’ai recherché d’autres bracelets. Finalement, je me suis tourné vers un bracelet en caoutchouc naturel (intérieur cuir) marron foncé, avec des petits reflets bordeaux du plus bel effet. J’ai longuement hésité avec un bracelet en cuir de taureau brun, très mat et surtout très proche des bracelets d’aviateurs. Je pense qu’un petit Nato irait également très bien. Bref, tout ce qui est un peu brutal, collant avec le design de ma montre, et non pas quelque chose d’hyper-travaillé comme le cuir d’alligator.
La boucle déployante est franchement un régal! C’est une véritable pièce d’ingénierie à elle seule. Celle-ci ne dispose pas de bouton poussoir, elle se ferme par pression, ce qui n’est pas plus mal. Deux choses que j’apprécie particulièrement :
Son rendu est entièrement poli, exception faite de de la partie intérieure, qui ne se voit que lorsque la boucle est ouverte. Le rendu est sablé et comporte la mention “International Watch Co.“ dans une police toute en rondeurs. C’est juste incroyable cette finesse d’écriture et ces subtilités ; j’aimerais juste voir la machine qui fait ça, par curiosité.
La boucle, une fois fermée, propose un profil très graphique. Chacun peut y voir quelque chose de différent, mais moi, cela me semble être un geste relativement organique, surtout grâce aux bords émoussés par le polissage. On peut ainsi y voir un assemblage d’os dans un corps vivant ou encore un rapport à l’architecture graphique de Zaha Hadid. Bref, un gros point fort pour moi.
MouvementLe mouvement de cette montre est bien le point le plus important et le plus passionnant. IWC a décidé d’intégrer un mouvement ETA 2892-A2 entièrement remodelé et sur lequel la marque a voulu ajouter un module maison, pour ajouter le second fuseau horaire ainsi que la saute rapide des heures.
Avant de rentrer dans les détails, passons sur les généralités : 28 800 alternances par heure, stop-seconde, heure rapide “sautante“, date, second fuseau horaire. La date n’est pas rapide mais elle se change tout de même assez vite, du fait du saut rapide des heures.
L’ETA 2892-A2 n’est pas un mouvement de manufacture IWC. Néanmoins, la marque n’utilise qu’une base ETA, reçoit donc le mouvement en pièces détachées et refait en interne les pièces les plus importantes, notamment le duo balancier/spiral, ainsi que quelques autres roues. L’ETA n’est finalement conservé que pour son architecture. J’imagine qu’un futur modèle d’UTC empruntera le calibre du Mark XVI.
Le module rajouté par IWC est à la fois simple et ingénieux. Il a été imaginé par Hano Burtscher, ingénieur horloger. C’est le premier à autoriser le changement de fuseau directement sur les aiguilles d’heures, grâce au saut, et non par la “quatrième aiguille“ (c’est le gros avantage du disque, visiblement). Je ne vais pas m’amuser à faire semblant de bien connaitre les mouvements en vous expliquant ce module, mais plutôt en vous indiquant un lien vers une explication d’un pro (attention, en anglais) : http://www.gregsteer.net/IWC/UTC/UTC_Pilot.html
Merci à Greg Steer
Enfin, j’ai mesuré le décalage journalier du mécanisme. Pour l’instant, j’ai une moyenne à -1,5s par jour. C’est franchement pas mal. C’est la montre la plus précise que j’ai eu l’occasion de posséder, mon Omega étant à -2s par jour et les autres tournant autour de +4 ou +5s par jour. Bref, belle performance!
ConclusionComment conclure sinon en disant que cette montre est un gros coup de coeur. En marge de la lignée des Mark, elle fait figure de montre d’avant garde, selon moi. Comme un prototype avant le lancement en grande pompe de sa cousine. Néanmoins, l’une n’est pas une version inférieure de l’autre. Les deux ont leur propre singularité. Je préfère d’ailleurs personnellement le design de l’UTC, moins vide que la Mark XVI, plus authentique tout en n'ayant pas le mauvais goût d'en devenir anarchique.