La règle, c'est qu'il n'y a pas de définition de manufacture.
Un texte de tac que je trouve très bien fait :
[quote]Quelques idées reçues sur les manufactures :
* manufacture et modernisation de l'outil productif :
la production en série, l'augmentation de la qualité, l'interchangeabilité vient autant de l'introduction de standards, normes de l'industrie, machinis-outils chez les producteurs d'ébauches et assortiments, fournitures diverses, que des quelques manufactures emblématiques (Omega/Longines/Zenith), des genevois (Patek essentiellement) ou de l'alliance Aegler (Rolex Bienne) et Wilsdorf (Rolex Genève).
Cf aussi tout le mouvement de concentration entre 1890 et 1930 parachevé avec l'ASUAG.
* manufacture et "innovation" :
- les processus de recherche modernes sont mis en place chez les fabricants de l'assortiment, en particulier côté échappement (FAR / Nivarox : il sont piloté les recherches et lma mise au point de l'échappement 5 Hz suisse, Zenith p ex - mais les autres suisses ayant produit du 36 00 dans les années 67/75 - utilisaient le clinergic 21 de FAR, cela les fan de telle oun telle marque ne le mettent pas nécessairement en avant, aveuglement ou ignorance ?)
- idem pour le quartz, regroupement au sein du LRH ;
- boitier compressor / super compressor : créé par Piguierez, fournisseur de boite ; Reverso : brevet d'un tiers.
* manufacture et "tradition" :
la "manufacture" (regroupement sous une même entité des processus de conception et production n'est pas du tout une caractéristique de l'industrie suisse, ne l'a jamais été : l'industrie suisse se caractérise au contraire par un réseau de sous-traitants, auxquels font appel aussi les manufactures (combien de manufacture produisent leurs rouages ? Extrêmement peu, JLC, Patek... et après ? et pourquoi fabriquer médiocrement ce que d'autres produisent excellemment, en s'adaptant à la demande et en supportant le risque de l'investissement ?)
* manufacture et concentration contemporaine :
la fusion à l'orée des années 80 entre un groupe de manufactures (SSIH : Omega/Tissot) et les restes de l'ex cartel ASUAG, qui regroupait l'essentiel des fournisseurs d'assortiments et d'ébauches, devant servir de façon "neutre" tous les établisseurs et manufactures suisses, a créé les condition d'une situation de monopole ; aujourd'hui, ce qui en est issu , swatch group, reproche à ses clients de ne pas avoir investi (eux même n'ont pas créé de mouvement mécanique de masse depuis plus de 30 ans) et rapatrie la valeur ajouté chez lui.
Que signifie "manufacture" pour une marque du swatch group, dotn un mouvement va être conçu avec l'aide de toutes les sociétés compétentes du groupe, et réalisé chez X ou Y pour telle ou telle partie et à tel ou tel moment selon les impératifs de production, de compétence, ou de marketing ? Idem chez Richemont, avec Valfleurier pour la prod' de certains mouvements "mont blanc" ou Panerai...
* manufacture et bonneteau capitalistique :
au début des années 80, Piguet, fabricant de mouvement, avec JC Biver, reprend un nom de marque disparue depuis longtemps, Blancpain, pour créer un label permettant d'écouler ses mouvement, aider à la relance de l'industrie de la montre méca, etc...
Swatch group rachète plus tard Blancpain, puis bien plus tard Piguet ; quelques années après, le groupe fusionne ses deux sociétés, décroche l'enseigne "Piguet" de la fabrique de mouvement de vallée de joux et colle un panneau Blancpain en lieu et place, et voici la manufacture Blancpain. Même blague avec Breguet et Lemania.
* manufacture et qualité, authenticité, etc...
Discours commercial sans fondement :
- en quoi un mouvement conçu par des horlogers du jura suisse et comportant des rouages provenant d'autres tpe/pme de micromécanique de l'arc jurassien seraient moins authentiques que le même mouvement conçu par les mêmes mais rachetés par le groupe auquel appartient le donneur d'ordre ?
- même chose pour la qualité ; d'ailleurs, les plus grandes marques font appel à des sous-traitant pour la décoration de certaines parties du mouvement, ou le décolletage / usinage etc... des pièces les plus complexes.
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Mais puisqu'il faut en parler...:
Selon l'arrêté du Conseil Fédéral suisse protégeant l'industrie horlogère suisse en date du 23 décembre 1948 (Recueil officiel du droit fédéral, 1948 p. 1275), abrogé, une manufacture est :
"une fabrique qui produit chez elle tout ou partie de ses ébauches et, le cas échéant, des fournitures et des boîtes nécessaires à sa fabrication de montres ou de mouvements"
A la manufacture s'opposait les "établisseurs", qui passaient commande à des sous-traitants, et assemblaient les pièces. On parle aujourd'hui, couramment, voire péjorativement, d' "emboiteurs".
Anecdote : à la différences de la plupart des fabricants, qui passent ce point sous silence ou revendiquent, parfois exagérément, le statut de "manufacture", Alain Silberstein assume et revendique sa qualité d' "établisseur", cohérente avec sa démarche de concepteur ("architecte horloger" ) donneur d'ordres.
Les "manufactures historiques" suisses, outre Patek, et dans une moindre mesure Vacheron Constantin (qui s'est beaucoup fourni, au long de son histoire, notamment chez JLC, à qui il a d'ailleurs appartenu dans les années 50 et 60), sont Longines, Omega (et, un temps, sa petite soeur au sein de la SSIH, Tissot) , IWC, Jaeger-LeCoultre, Zenith. Seules ces trois dernières répondent encore à la définition de l'arrêté de 1948.
Cependant, opposer établisseurs et manufacture en terme d'intérêt horloger est très excessif et simplificateur. Ainsi, de nombreux fabricants, de petite ou moyenne série, réalise d'intéressantes transformations, complications, sur des bases fournies par des tiers (Ulysse Nardin ; Peter Speake- Marin, Christiaan van der Klaauw, Urwerk...), ou ont on lancé une pratique de la collaboration avec un ou plusieurs horlogers pour concevoir et produire, à leur bénéfice, des calibres exclusifs. Cette collaboration est parfois mise en valeur, et est même la raison sociale de la fabrique, comme chez MB & F.
Parmi les fabricants dont un ou plusieurs calibre, voire la totalité, ne sont pas des mouvements standards (ou des modifications relativement légères à partir d’ébauches), il y a ceux qui :
- conçoivent et produisent leur calibre “in house” sans partir d'une ébauche extérieure, les “vraies manufactures”, mais recourent cependant à des fournisseurs (rouages, spiraux...) ou des sous traitants pour aider à la conception ; même Seiko, archétype de la fabrique intégrée, a des "partenariats", ainsi avec un laboratoire universitaire français de Besançon pour la springdrive sonnerie...
- à partir d'une base dont ils ne conservent que quelques éléments d'architecture, élaborent des calibres nouveaux (Nomos Tangomat ; Lange et Heyne qui travaille sur une base Unitas) ou des complications importantes intégrées ou modulaires (UN, Hautlence...) ;
- disposent de calibres “exclusifs”, élaborés en partenariat avec un producteur de mouvements, et dont l’usage leur est réservé (au moins pour une période).
Quelques fabricants plus ou moins "manufactures" (les plus évidents en premier) : Seiko; Jaeger Lecoultre ; Rolex ; Lange & Söhne ; Patek Philippe (utilise ou a utilisé parfois des ébauches JLC, Lemania); Zenith ; FP Journe ; Orient; Citizen (Miyota), Vacheron Constantin (des calibres conçus par JLC pour VC, aussi) ; Audemars Piguet (utilise aussi des calibres Piguet, des bases lemania, JLC...) ; Glashuette Original ; UN (pour certaines de leurs complications seulement ) ; Chopard (LUC) ; Girard Perregaux ; Nomos (Tangomat : base Peseux)...
Et Breguet ? La fabrique de mouvement Nouvelle Lemania a été transférée au sein de Breguet par le groupe Swatch auquel tous deux appartiennent, mais cela suffit-il à faire de Breguet une manufacture ? Même question avec Blancpain (Swatch group) au sein de qui Frederic Piguet (S.G. également) a été rattaché en mai 2010. Ce qui est assez ironique lorsqu'on songe que Blancpain a été ressuscité (en réalité, plutôt créé tant la continuité est absente) au début des années 80 par J.-C. Biver, et Jacques Piguet, patron de Frédéric Piguet (depuis, les deux sociétés ont l'une et l'autre été rachetées par le S.G.).
Dans ce jeu de Meccano industriel, LVMH, propriétaire de Montblanc, a racheté Minerva et l’a rattaché à Montblanc afin qu’il produise des calibres pour cette marque. Cela fait-il de Montblanc une manufacture ?
Hublot, avec l'investissement massif en machine, le recrutement d'horlogers, et en 2010 la reprise de personnels et outillage venant de l'ex-BNB, ambitionne aussi d'être indépendant.
Moser travaille en collaboration avec des fabricants de mouvements pour concevoir et produire des calibres exclusifs.
A côté, on peut signaler des constructeur qui retravaillent sérieusement les mouvement, tel Dornbluth qui ne garde pas grand chose de l'Unitas de base.
Enfin, chez les artisans horlogers créateurs indépendants (AHCI), on retrouve les même démarches, entre ceux créant de toute pièce un mouvement (Dufour, Gauthier) et d'autres retravaillant des bases sérieuses (Voutilainen)... Et des concepteurs indépendant, sous traitants de grande marques, font eux-même appel à tel ou tel horloger constructeur qui travaille en "free-lance" pour les assister.
La sous-traitance, la division des compétences et du travail, a semblé plus réduite à la grande époque (1890-1970 ?) des manufactures - essentiellement parce que les ouvrages "grand publics" se focalisent sur les objets et sur des process de production et capitalistiques faciles à décrire.
Pourtant, ces "manufs", outre qu'elle ne représentaient pas la majorité de la production suisse, loin de là, se fournissaient en assortiments chez les société de l'ASUAG, en ébauches pour la plupart des chronos, en boites, cadrans, aiguilles, à) l'extérieur, fait partie de l'horlogerie suisse, et en est même resté une caractéristique essentielle, expliquant le succès (souplesse de l'appareil productif et rapidité d'adaptation des "commerçants" - les établisseurs).
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