Hamilton Deck watch
Malgré le nombre élevé de manufactures horlogères américaines, la première guerre mondiale avait fait prendre conscience à l'armée américaine de son déficit de montres fiables. Si les manufactures Waltham, Elgin, Hampden ou
Hamilton ont concentré depuis 1891, leurs moyens sur la production de montres pour les chemins de fer, elles n'ont pas vraiment anticipé ce que la demande militaire pourrait leur apporter.
A la fin de la première guerre, lorsqu'en 1917/1918 les Américains envoient des troupes en Europe pour rétablir les communications et les infrastructures de transport, les besoins se chiffrent en dizaines de milliers d'unités. Les manufactures suisses deviendront ainsi les fournisseurs des Signal Corps en montres bracelets et modèles de poche et des Corps of Engineers.
Lorsque la seconde guerre mondiale éclate, l'armée américaine qui mobilise énormément d'hommes se doit de les doter en montres fiables afin d'assurer la synchronisation des actions. Des montres bracelet vont ainsi être distribuées avec chaque paquetage. Il faut aussi sur les navires, des pièces fiables qui serviront à donner une heure de référence. Ce sont autant des montres de bord dites "Deck Watch" que des chronomètres de marine. Avant 1941, les firmes horlogères américaines ne sont pas encore prêtes et la Navy va devoir se fournir en Suisse pour disposer de chronomètres de marine. C'est une compagnie de Chicago qui va servir d'intermédiaire à Zenith. Les suisses ne peuvent en effet livrer directement la Navy car seule une compagnie américaine est habilitée par la loi américaine à le faire.
Vail Watch C° fait upgrader des calibres de 7 rubis prévus pour des tableaux de bord d'automobiles afin d'équiper des chronomètres de marine disposant d'une réserve de marche de 8 jours. Redoutablement précis, ces petits chronomètres de marine seront jusqu'en 1941, quasiment les seuls à équiper les navires de l'US Navy.
L'armée américaine avait toutefois anticiper ses besoins et avait lancé un concours auprès des firmes nationales pour disposer d'instruments de mesure du temps fiables.
Aucune firme américaine ne s'était jamais intéressée à ce type de produits.
Hamilton dont les bureaux d'études étaient particulièrement performants mirent au point en quelques mois des mouvements aussi efficaces que leurs homologues suisses et supplanta la concurrence américaine. La manufacture de Lancaster se mit dès 1941 à livrer non seulement l'armée américaine mais aussi à répondre aux sollicitations de la marine anglaise. Ses calibres 21 et 22 allaient démontrer des qualités chronométriques exceptionnelles et ouvrir à
Hamilton un extraordinaire marché. La firme produit jusqu'à la fin de la guerre jusqu'à près de 500 chronomètres de marine par mois soit davantage que toutes les firmes suisses réunies pour une année.
Le calibre 22 va vite s'imposer comme le mouvement phare d'
Hamilton. Précis, solide, fiable, son grand diamètre "Size 35" en fait un calibre exceptionnel. Inadapté pour des montres de poche, il est en revanche parfait pour les montres de bord et
Hamilton va le livrer dans une double boite en bois pour le protéger. Son utilisation à plat recommandée pour optimiser la précision et le rembourrage de ses boitiers le rendent peu sensible à la houle qui peut parfois gêner la marche des instruments.
Cette montre au delà de tout équipement radio à bord donne la garantie à bord des navires de détenir une heure juste, celle-ci permettant de synchroniser les interventions et donc les montres de tous les militaires. En cas d'avarie électrique, cette heure juste permet aussi de repérer la longitude, condition essentielle de la navigation maritime.
Le boitier de la montre, taillé dans la masse, est travaillé par Keystone, grand fabricant de boite de l'époque, sur une Base métal. Le calibre comporte 21 rubis et comme il fut quasi-exclusivement livré aux armées, il mentionne son appartenance à L'US Navy BU. Il est ajusté en températures et 6 positions. Le fond de boite gravé précise " Bureau of Ships - US Navy , un numéro de référence et l'année de mise en service (ici 1943) Il comporte enfin la rare mention sur une montre américaine - Chronometer Watch". La réserve de marche est proche de 60 heures mais la précision n'est garantie que sur 56 heures. La montre est imposante et massive, évidemment sans bélière. La raquette à disque excentré est sophistiquée mais reste réglable avec la pointe de l'ongle même si cela est peu recommandé. Ces montres étaient de toutes façons vérifiées de manière draconienne. Elles sont restée en service jusqu'aux années 50.
Hamilton a réalisé un véritable tour de force en offrant aux armées des instruments de mesure du temps très précis. La manufacture durant la seconde guerre mondiale n'a quasiment plus produit que pour l'armée, sacrifiant sa clientèle civile. Elgin, Waltham eurent une logique industrielle approchante et personne ne se relèvera vraiment de la guerre. Sans Nicolas Hayek la marque aurait sans doute totalement disparu même si elle fut omniprésente au poignet des troupes américaines pendant la guerre du Vietnam.
Hamilton a scellé son histoire en démontrant une exceptionnelle aptitude à créer des pièces et des mouvements de qualité chronométrique dignes et parfois supérieures aux meilleures manufactures suisses.
Hamilton fut une réussite industrielle mais, avant Swatchgroup, un échec commercial.
Droits réservés - Forumamontres - Juin 2015