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 L'histoire étonnante d'une montre qui cachait une vérité difficile

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ZEN
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ZEN


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L'histoire étonnante d'une montre qui cachait une vérité difficile Empty
MessageSujet: L'histoire étonnante d'une montre qui cachait une vérité difficile   L'histoire étonnante d'une montre qui cachait une vérité difficile EmptyJeu 31 Aoû - 3:21

On est en 1910 pas loin de la frontière belge. Un horloger-bijoutier est installé dans une petite bourgade côté français. Il vend un peu de tout, des marques suisses Omega, Zenith, Longines, Cyma, entre autres et il vend beaucoup de LIP. Il explique qu'il préfère vendre des marques fiables car ça lui évite d'être débordé côté atelier.  Il faut dire qu'à l'époque, il est très rare qu'une montre reparte chez le fabricant y compris dans la période de garantie. Cet horloger prénommé Josephin travaille avec sa femme qui vend et tient la caisse.  Sa spécialité à elle, ce sont les bijoux, les couverts, les cadeaux de baptême mais pas les montres. A part pour vendre des montres de dames, elle appelle son mari. Ce n'est pas qu'il se saurait pas s'occuper des montres de dames mais elle trouve qu'il passe un peu trop de temps à passer les bracelets aux poignets des femmes et madame est un peu jalouse. D'ailleurs, la femme de ménage qui venait nettoyer la boutique a du être renvoyée depuis qu'elle a crû surprendre Josephin enfermé avec celle-ci dans l'arrière boutique dans une pièce sans fenêtre qui sert de remise.  

Ce matin d'un mardi de mai 1910, il fait beau, enfin beau comme il peut faire beau dans les Ardennes au mois de mai. Il est 11 heures du matin et c'est jour de marché. La femme du notaire vient rechercher la montre de son mari. Elle avait confié celle-ci pour une réparation, un changement de ressort. C'est une savonnette de marque (peu importe laquelle) en argent. On la reconnaîtrait entre mille car elle a un cadran crème, caractéristique assez rare et optionnelle dans les catalogues des marques. Le notaire a acheté cette montre en Suisse, il y tient beaucoup et la considère comme un porte bonheur.

La femme du notaire est une cliente habituelle de la boutique et devise volontiers avec Josephin et son épouse. Cette dernière après quelques échanges d'amabilité se dirige vers l'atelier pour récupérer la montre que Josephin confirme avoir réparée. Les montres qui entrent en réparation sont classées dans des boites en carton et équipées d'une étiquette avec le nom du propriétaire et un numéro, recopié sur un ticket donné à la personne qui dépose la montre.  Une fois réparées, les montres sont glissées dans une enveloppe en papier où le numéro est reporté. Tout est classé dans l'ordre et les erreurs sont impossibles. Le ticket de la femme du notaire indique 148. Il y a bien l'enveloppe 146 dans la grande boite à enveloppes, le 147 était la montre de monsieur Camus qui est venu la chercher mais on passe directement à 149. Alerté, Josephin s'agace, "Tu n'as pas su chercher" dit-il sèchement à sa femme mais lorsqu'il fait lui-même la recherche, force est de constater que la montre n'est pas là. Josephin regarde dans chaque enveloppe, puis reprend les cartons des montres déposées. Sur l'établi il n'y a qu'un réveil démonté...

Blême, Josephin après un quart d'heure de recherche vient expliquer qu'il ne comprend pas car personne ne peut entrer dans l'atelier. Il y a toujours quelqu'un et pourquoi cela-tombe-t-il sur cette montre. Josephin promet d'aller voir monsieur Camus qui avait peut-être deux montres dans son enveloppe ou a subi une inversion de pièce mais où serait sa montre de poche, alors?  Ce dernier n'habite pas loin, c'est le pharmacien. Une personnalité originale mais sympathique. Il n'a pas encore déballé la montre et l'a posée sous son comptoir. Il sort son enveloppe portant la référence 147 et à l'intérieur, c'est bien sa seule montre qui est présente.

Josephin imagine déjà qu'il va devoir offrir une montre en compensation au notaire. C'est un homme pas facile, il faudra qu'il propose une pièce en or. Dans sa boutique, la femme du notaire est très ennuyée, son mari va être furieux dit-elle. La femme de Josephin est en larmes, Josephin est tremblant. Ils n'ont jamais eu le moindre souci en 20 ans de commerce. Il aura fallu qu'on leur vole la montre mais comment ?  Qui est entré dans la boutique depuis la veille ? Le facteur, non, surement pas. Monsieur Camus, non pas de doute, madame Martin, non c'est une vieille fille qui n'a que faire des montres, monsieur Bertrand, le coiffeur, encore moins. Madame Sevenac, non sûrement pas, ses deux enfants lui prennent tout son temps. Josephin reconstitue chaque minute avec sa femme de ce qui s'est passé dans la boutique mais non, rien ne laisse entrevoir la moindre solution ou le moindre coupable.

Le notaire passe dans l'après-midi, il exige que la montre soit retrouvée, il n'est pas question qu'il accepte le moindre échange.  Il hurle dans la boutique. La femme de Josephin a les joues rouges écarlates et a pleuré toutes les larmes de son corps. Deux jours passent, Josephin a retourné tout l'atelier mais rien, il n'a désespérément rien retrouvé, pas une trace. Le lundi de la semaine suivante, madame Plivot, une femme qui lave du linge à domicile vient comme chaque lundi chercher le linge à laver et repasser. Elle pose le panier de linge propre de la semaine passée et sort de sa poche une petite enveloppe avec une inscription à l'encre délavée. Dans l'enveloppe la montre du notaire. Elle l'a retrouvée dans la poche de la blouse mais elle a trempé avec la blouse pendant une nuit car "elle fait toujours tremper le linge."  

Josephin se saisit de l'enveloppe et sans un mot, file dans l'atelier pour ouvrir la montre. Elle est encore pleine d'eau. Il trempe tout dans l'essence. Son épouse ferme la boutique exceptionnellement. Josephin ne veut pas être dérangé et il veut que personne ne puisse seulement entrevoir la montre qu'il répare. Dans l'après-midi, la montre est remontée. Il faut la tester. Par miracle, elle n'a pas subi de dommage visible, le cadran est parfait et Josephin a même poli même les vis à titre préventif. Elle semble fonctionner parfaitement. Après 24 heures, elle n'a même pas besoin d'un réglage. Le rhodiage du mouvement est lui aussi parfait. La montre va pouvoir être restituée au notaire. Josephin se rend à l'étude très soulagé.

Le notaire est satisfait et demande pourquoi sa montre avait disparu. "J'avais oublié que je l'avais mise en surveillance dans mon second atelier, je fais cela très rarement mais je voulais être certain que vous seriez satisfait. Je n'y ai plus pensé, je suis désolé mais elle est à la seconde !" Le notaire explique alors qu'il a acheté cette montre avec ses premiers sous et qu'il y est naturellement très attaché ce qui a motivé sa colère. Josephin lui demande combien il l'avait payée mais le notaire a curieusement oublié.

15 ans plus tard, la guerre est passée par là. Les hommes de la bourgade ont payé un lourd tribu. L'horloger-bijoutier de la commune la plus proche est mort et sa femme a dû fermer boutique. Les clients se sont reportés naturellement vers la boutique de Josephin depuis 1919. Une femme d'un âge avancée vient apporter une montre en réparation. C'était la montre de son fils parti en 1916 et jamais revenu. Cette femme raconte l'histoire de la montre de son fils. "Mon mari est mort en 1909, le pauvre Gaston fut emporté par une infection pulmonaire. Il a souffert plus d'un mois et il est mort dans les bras de notre fils qui n'avait pas 17 ans. Gaston lui avait donné sa montre, une savonnette en argent qu'il tenait d'un client et avait échangé contre la réparation de sa voiture tout un dimanche. C'était un Suisse qui avait une grosse voiture. Il voulait pouvoir repartir au plus vite. Il avait donné sa montre et avait payé la réparation en plus ! Il avait dit à Gaston qu'il ne trouverait jamais une meilleure montre.  

Quand Gaston est mort, il avait laissé un testament mais il n'avait pas grand chose. Il avait des dettes. Je n'avais pas un sou. On a du vendre le garage, la voiture et mes bijoux. Mon pauvre gamin a dû laisser la montre de son père au notaire qui n'avait pas été payé de ses frais. Mon fils était mortifié d'avoir laissé cette montre pour très peu d'argent. Il l'a regrettée et est allé quelques mois plus tard proposer au notaire de la lui racheter. Elle avait un cadran de couleur crème, c'était si beau ! Mais il ne l'avait déjà plu, il l'avait revendue pour se payer. C'est normal, mon mari aurait dû lui donner ses gages. Du coup, il avait acheté cette montre bien moins belle mais ça lui rappelait son père. Vous vous rendez compte ! On ne peut plus la remonter !"  

Josephin regarde la montre la met dans une petite enveloppe. Une fois la cliente partie, sa femme lui dit qu'elle est certaine que la montre dont a parlé cette cliente est celle du notaire. "Tu te souviens, celle que tu avais laissée dans ta blouse !" Josephin se rappelle cet incident enfouis dans sa mémoire. Le notaire lui avait donc menti ! Il n'avait jamais acheté cette montre mais avait arnaqué ces pauvres gens. Quelle coïncidence !

Lorsque la femme revint chercher la montre, il lui demanda le nom du notaire qui avait exigé celle-ci de son fils. C'était bien le même. Il était mort entre temps. L'histoire s'est transmise sur trois générations de bijoutiers-horlogers. La quatrième a opté pour un autre métier. Ce notaire était exemplaire, connu de tous pour sa probité. Il avait juste sans doute jeté son dévolu sur cette montre pour des raisons que personne ne connaîtra jamais. Josephin ne refit jamais d'erreur dans son classement. En 1925, il y avait une femme de ménage qui nettoyait la boutique le lundi, jour de fermeture où Josephin allait toujours travailler à l'atelier pendant que son épouse tenait la maison. En 1927, la femme de ménage donna naissance à un petit garçon. On soupçonna longtemps le pharmacien d'en être le père. Le médecin de la commune savait que ce n'était pas le pharmacien et pour cause, il souffrait d'une difformité qui ne lui permettait pas de pouvoir être père. Lorsque l'enfant grandit, ses oreilles décollées et ses yeux bleus étaient strictement identiques à ceux de Josephin. Il reconnut l'enfant deux ans plus tard après la mort de sa femme des suites d'une grippe. Il se remaria même avec cette femme de ménage qui s'occupait d'une personne âgée de la commune, c'était la femme de l'ancien notaire. Alors, elle lui raconta l'histoire de la montre de feu son mari.

Deux ans plus tard, la vieille dame tomba malade et la nouvelle femme de Josephin continua à s'occuper d'elle. Il fallait lui faire à manger et faire ses courses. La vieille dame tint à remercier celle qui se dévouait pour elle et refusait d'être payée. Elle lui offrit la savonnette en argent de son mari simplement parce qu'elle lui avait raconté tout l'histoire. Elle est aujourd'hui encore dans la famille et n'a jamais eu besoin de réparation depuis 1952, l'année ou Josephin a rendu l'âme.

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Contraria contrariis curantur. (Les contraires se guérissent par les contraires).


Dernière édition par ZEN le Jeu 31 Aoû - 21:50, édité 2 fois
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bamboub
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bamboub


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MessageSujet: Re: L'histoire étonnante d'une montre qui cachait une vérité difficile   L'histoire étonnante d'une montre qui cachait une vérité difficile EmptyJeu 31 Aoû - 3:33

Toujours de belles histoires.

Merci. Chinois
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Arthaer
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Date d'inscription : 28/06/2016

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MessageSujet: Re: L'histoire étonnante d'une montre qui cachait une vérité difficile   L'histoire étonnante d'une montre qui cachait une vérité difficile EmptyJeu 31 Aoû - 5:52

Merci pour ces belles histoires.
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spnzOOO
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spnzOOO


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MessageSujet: Re: L'histoire étonnante d'une montre qui cachait une vérité difficile   L'histoire étonnante d'une montre qui cachait une vérité difficile EmptyJeu 31 Aoû - 6:11

Wow.
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