Pour certain d’entre nous, la passion horlogère n’a de légitimité que dans la technique. Les accros du tourbillons trouvent alors face à eux une armée de Dr. Finition, pour qui la montre se doit d'être un bijou avant tout. Et puis, au fond de la classe, il y a les gens comme moi. Les prolos de la trotteuse, les naïfs du barillet, les sans-loupes… Bref, les amoureux de voyages qui cherche avant tout à accrocher un peu d’histoire à leur poignet. Pour ceux là, bienvenu dans cette revue !
Ruhla, mais tu sors ça d’où ?C’est une page d’histoire, c’est une étape, que dis-je, c’est une étape, c’est un héritage ! Ruhla est sans doute la marque de montre à l’histoire la plus singulière que j’ai pu trouver. Son destin fait valeur d’exemple et résume à lui seul tous les bouleversement qu’ont pu connaitre nos voisins allemands durant le XXieme siècle.
J’ai publié un petit sujet sur l’histoire de cette marque il y a quelques semaines. Pour résumer, Ruhla est née à la fin du XIXieme dans une Allemagne en plein essor, au sommet de sa gloire. Cette manufacture horlogère brille par ces innovations techniques et sa qualité de fabrication jusqu’au début des années 30. Malheureusement pour elle, à la fin de la guerre, la société se retrouve du coté est du rideau de fer. S’en suit une production de montre bien différente de ce qu’elle fût avant la guerre. Pendant près de 50 ans de communisme, Ruhla produira des tocantes plus ou moins originales et de plus ou moins bonne qualité. Alors qu'elle emploie plus de 8000 ouvriers en 1980, la marque disparait peu après la chute du mur. Il est à noter toutefois que des passionnés ont relancé la production d’horloges sous le nom “TWU RUHLA” récemment.
Mon achatAprès avoir lu quelques une de mes revues, vous avez du vous faire une idée du style de montres que je recherche. Pas chères, si possible de qualité et surtout sur lesquelles ont peut discuter. C’est l’essence même d’un forum après tout. Il est cependant toujours difficile de chercher quelque chose que l’on ne connais pas, et Ruhla m’était jusqu’alors totalement inconnue. Mais grâce à la baie et ses 33.698 annonces répondant à l’appel du critère de recherche “NOS”, j’ai pu, un long soir d’hiver, découvrir mon Graal ! Une petite annonce, en provenance d’Athènes, présentait une montre Ruhla identique à celle-ci
Ni une, ni deux, j’explore toutes les annonces mises en ligne par ce vendeur grecque nommé Aristote_du_94… Non je déconne… Nommé “gk2344”
. Et là, c’est le drame. Je suis emporté par une CHI digne d’un prince saoudien Faubourg Saint Honoré. Mais, comme mes moyens ne lui en sont en aucun points comparables, je décide d’acheté l’une des moins chères, pour voir.
Une semaine pile et 27€ (frais de port inclus), plus tard, je reçois cette Ruhla Round.
Après 4 jours au poingnet, voici mon histoire !
PrésentationArrivée dans une enveloppe, je trouve l’emballage un peu léger pour bien protéger une montre. Le vendeur aurait pu mieux faire
. Sauf que… Ce n’est pas une montre. C’est un Panzer. Non pas que la taille de la montre soit déraisonnable, mais regardez un peu cette pièce d’acier allemand. Pas de doute, les designers de cette Ruhla Round sont bien les dignes descendants de Krupp.
Dès le premier coup d’oeil, on est tout de suite plongé au coeur de Good Bye Lenin. La musique de Yann Tiersen me monte à la tête, et me voilà tout ému
.
D’un diamètre de 41mm, la montre est épaisse de 12. La vitre, en véritable plastique, est très bombée. Equipé d’un rare mouvement Iliouchine Russe, elle n’a aucun rubis. Je n’ai aucune infos à vous présenter sur ce moteur… Sa fréquence semble être, à l’oreille de 18.000 btm/heure.
Le vendeur fourni cette Ruhla avec un bracelet NATO assez qualitatif.
Le BoitierC’est LE morceau de choix de cette montre. Mais quel style ! Certain d’entre vous ne vont pas aimer, mais je vous mets au défi de trouver une tocante du même genre.
Pour commencer, on remarque d’abord la très large lunette de plus de 4mm
. Elle est brossée, grossièrement certes, mais c’est justement ces stries épaisses qui lui donne du style. En fait, le brossage est même plutôt bien réalisé. Il n’y a pas de bavures, toutes les saillies sont bien parallèles. Je vous explique pas le kif de faire tourner le bout du doit autour du cadran ! Une expérience au touché unique dans ma collection. J’ai aussi beaucoup aimé ce petit détail de finition : la lunette présente un chanfrein poli au bord de la vitre de protection .
Le coté du boitier est polis. Il est en parfait état, la montre semble neuve. Encore une fois, le traitement de surface est bien réalisé. Tout est lisse, tout est uniforme. Entre la lunette et cette partie polie, l’arrête est vive mais pas coupante. La finition des”cornes”, si l’on peut dire, est bien réalisée. La découpe est droite, sans bavure.
En retournant la montre, on peut constater que le dos de la boite est brossé circulairement. Cette fois par contre, tout n’est pas parfaitement concentrique. Dommage. Pour ce qui est du fond vissé, il est assez bombé. Détail très intéressant, il semble être la symétrie de la vitre de protection.
L’alternance entre différents types de traitements de surfaces, réalisés avec ce niveau de qualité, est inédit dans ma collection. Pour une montre de ce tarif j’entends. Si je ne peux pas le prouver, il est fort probable que le boitier soit en acier inoxydable brut.
Enfin, terminons par la couronne. De taille idéale, elle est tout à fait banale dans son design. Je note malheureusement un jeu énorme, même en position 0. Amateurs de Vostok, vous ne serez pas dépaysés ici. De même, le remontage est rugueux et bien peu qualitatif.
Le CadranLe cadran, c'est la vie. Où du moins, c'est la vision que vous avez de la montre 95% du temps. C'est la partie sur laquelle le moindre défaut, la moindre imperfection, peut vous pourrir votre CHI. Et bonne nouvelle, le cadran de cet exemplaire de Ruhla, à l'oeil nu, est en bon état. Ouf
. Bon, bon état ne veut pas dire parfait.
Le cadran, donc, se présente sous la forme d'un disque plat en métal soléillé de ton gris-champagne. Il n'y a pas de rehaut, seul le verre de protection vient recouvrir l'ensemble. D’ailleurs, si la matière de cette vitre n’inspire pas confiance, son ajustement au boitier et très bien réalisé. Il n’y a aucun jeu. Le verre bombé associé à la brillance du fond vous assureront de jolis effets de lumières en jouant avec les reflets.
Les index des heures, en chiffres arabes, sont peints en vert. La typographie utilisée est très originale. Les caractères gras collent parfaitement à l'esprit massif du boîtier, en plus d'assurer une lecture très rapide de l'heure. Un examen à la loupe révèle malheureusement une applique peu soignée. Les bords souffrent d'un effet "vaguelettes", tandis que la couche de peinture ne semble pas avoir la même épaisseur de part et d'autres d’un même index.
En dessous des index des heures, le chemin de fer des minutes est peint en noir, avec un index plus épais toutes les 5 minutes. Si l'on observe cette partie du cadran à la loupe, on ne peut qu'une fois encore regretter le manque de soin appliqué aux finitions, avec les mêmes défauts que sur les index des heures.
Du côté des aiguilles, celles des heures et des minutes semblent être polies. De forme rectangulaire, elles sont trop épaisses pour avoir une lecture précise de la minute. On ne sait jamais trop s'il est 13 ou 14 par exemple.
En leur centre, pour donner un peu de contraste à la lecture de l'heure, de la peinture noir à été déposée dans un évidemment rectangulaire. Un examen à la bino ternira le tableau. En fait, les aiguilles ne sont pas polies, mais chromées. Et là ou le bât blesse, c’est que le traitement s’est légèrement oxydé, rendant par la même les aiguilles plus mates.
Pour résumer cette partie, j’apprécie le design. Si la finition est correcte à l’oeil nu, on remarque rapidement, à la loupe, que la réalisation a été faite à l’économie. Néanmoins, l’absence de salissures, malheureusement bien trop présentes sur les NOS à moins de 30€, me fait conclure positivement sur l’aspect du cadran.
Le MouvementC’est le défaut de cette montre. Déjà, je n’ai pu trouver aucune information viable sur ce mécanisme. Ensuite, j’ai relevé une précision aléatoire de +90 s/j. C’est pour ça que les aiguilles sont larges ! Elles camouflent le mauvais réglage du mouvement. Enfin, la RDM n’excède pas 35h.
Visuellement, je pense que la fréquence du mouvement est de 18000 btm/heure. C'est faible. La rotation de la trotteuse manque alors de fluidité à mon gout. Pour ce qui est du bruit, la montre se fait entendre. Si à l'oreille les tic-tac sont plutôt secs et rassurant, l'omniprésence de cliquetis et de sons non identifiables n'inspirent pas grande confiance.
Mais le pire dans tout ça, c’est la qualité de finition… Vous voyez une HMT ? Et bien c’est une Audi à coté de ma Ruhla. Ici point de rubis, point de réglages. Des pièces de l’engrenage sont en plastique. En fait, porter cette montre, c’est un peu comme avoir une Traban au poignet
…
Un FAMeur technicien avait démonté cette hérésie horlogère. Je vous laisse admirer les dégâts !
Démontage Mouvement RUHLALe confortMalgré sa taille et son épaisseur assez importantes pour une vintage, cette montre est très confortable. Si son design est massif, elle n’est pas si lourde. La lisibilité est excellente grâce aux grosses aiguilles et à la police d’écriture des index. Chose rare, le bracelet fourni est tout à fait standard. Il vaut parfaitement un NATO à 10€.
Pour conclureC’est de loin la montre la plus atypique de ma petite collection. Son style industriel associé à une bonne qualité globale de construction lui permettent d’accéder aux recommandations sérieuses que je peu vous faire. Nonobstant la piètre qualité du mouvement, cette Ruhla est la montre du Samedi en famille.
Je vous remercie d’avoir pris le temps de lire cette petit revue. N’hésitez pas à me poser vos questions et à faire une critique de cet essai. J’espère vous avoir fait découvrir une marque qui, pour moi, mérite largement de sortir de l’ombre. Entre 25 et 80€, vous ne risquez pas grand chose
!
Photos : Au smartphone, dsl... (Huawei P9)