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 L'histoire de deux chronographes Omega ou celle de deux frères...

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ZEN
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ZEN


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L'histoire de deux chronographes Omega ou celle de deux frères...   Empty
MessageSujet: L'histoire de deux chronographes Omega ou celle de deux frères...    L'histoire de deux chronographes Omega ou celle de deux frères...   EmptyDim 8 Juil 2018 - 18:41

En 1905, deux frères, Alfred et Lucien, qui exploitent un garage près de Roubaix sont sollicités pour contribuer à l'organisation d'une course cycliste entre Bruxelles et Roubaix, un parcours de 132 kilomètres à vélo le 1er octobre. Les deux frères sont chargés d'escorter la course en automobile et de transporter de quoi soigner les cyclistes qui pourraient chuter voire de les embarquer à bord de leur voiture s'ils ne peuvent remonter sur leur vélo.
Ce sont d'habiles commerçants et en contrepartie de ce service, ils demandent à pouvoir afficher une banderole sur leur voiture pour se faire de la réclame. Le départ est donné à Kuregen en Belgique pour une arrivée à Roubaix après 132 kilomètres d'une route éprouvante où les pavés succèdent aux pavés.
Alfred et Lucien sont fascinés par les cyclistes qui suscitent l'admiration d'un public qui les encourage sur tout le parcours.  Dès leur retour chez eux, les frères n'ont qu'une idée : participer à la compétition en qualité de concurrents. Leur discussion débouche rapidement sur l'achat de deux vélos et la décision de s'entrainer quotidiennement au moins deux heures et 6 heures le dimanche.  

Ils se rendent donc chez un marchand de vélos à Lille, choisissent deux vélos de compétition sur lesquels ils repartent fièrement vers le garage. Se pose immédiatement la question du chronométrage et cette fois en voiture, les deux frères se rendent à Roubaix pour acheter non pas un mais deux chronographes identiques afin de se chronométrer. L'horloger bijoutier est désolé, il n'a pas deux modèles similaires mais 2 variables d'un même modèle dont l'un est à chiffres romains et l'autre à chiffres arabes. Ils les a pris ainsi car les clients ont toujours une préférence pour celui qui n'est pas disponible. Les modèles sont des chronographes dotés d'un calibre 19 chro, un mouvement de 19 lignes que le bijoutier garantit comme le meilleur du moment à égalité avec le mouvement Longines dont il ne possède qu'un seul exemplaire en or et dans une version savonnette. Le commerçant  fait l'éloge des boites en argent de ces deux chronographes et incite ses clients à ne pas retenir la version en acier qu'il a également dans sa vitrine mais qui dit-il, risque de s'oxyder lors d'une utilisation en extérieur.

Les frères visent une participation à la course de 1906 mais leur performances les font vite reporter à 1907 les objectifs puis à 1908 et enfin à 1910. Cette fois, ils sont prêts, entrainés et solidaires comme les doigts d'une seule main.  Les chronos utilisés quotidiennement leur donnent des temps qui laissent présager qu'au moins Alfred sera sur la ligne d'arrivée en tête. En effet, si Lucien s'avère moins performant, Alfred est endurant et pugnace. Les deux frères décident de dormir en Belgique la nuit d'avant la course et ils choisissent un petit hôtel où leurs épouses respectives apportent baumes et pommades pour un massage d'avant course afin d'éviter les crampes. Il sont à 15 kilomètres du point de départ et ont laissé la veille, leurs bicyclettes à proximité chez un fournisseur du garage qui habite là.

Par prudence, il partent 2 heures 30 avant le départ pour être fin prêt à l'heure dite. C'est Lucien qui conduit la voiture avec les dames à l'arrière pendant qu'Alfred avec les deux chronographes Omega s'amuse à les comparer et à chronométrer le temps entre deux bornes kilométriques. Il ne fait pas encore jour et le pauvre Lucien ne trouve rien de mieux que de se tromper de chemin. Au moment où les frères s'en rendent compte, il sont à plus de 20 kilomètres du point de départ. Non seulement ils ne sont pas dans le bon parcours mais en plus, ils se sont éloignés. Alfred est furieux et exige de reprendre le volant immédiatement. Lucien doit arrêter la voiture tout séance tenante. "Là, oui là ! ici sur le bord !" Lucien serre à droite, serre, serre encore et la voiture part dans le fossé, pique du nez et s'enfonce dans une sorte de ruisseau de boue jusqu'à ce que la roue arrière droite ne touche plus le sol.  

Le soleil n'est pas encore levé, les dames se mettent à crier, Lucien peste contre son frère et Alfred hors de lui s'extirpe de la voiture et tandis qu'il fait nuit s'enfonce dans le sol jusqu'à la poitrine lorsqu'il veut poser pose le pied par terre. De la vapeur qui s'échappe de la boue qui laisse imaginer l'état du moteur totalement immergé. Mais l'urgence n'est pas là, l'urgence devient très vite de sortir Alfred de ce mauvais pas car il continue à s'enfoncer et la boue est presque au niveau de son cou. La voiture quant à elle s'enfonce un peu plus de minute en minute et laisse échapper bruyamment de temps en temps une bulle de vapeur ou d'air dans une semi obscurité que seule la lune éclaire faiblement. Les dames s'extirpent comme elles peuvent et pleines de boues sur leurs robes élégantes réussissent en s'aidant mutuellement à escalader la voiture et à sauter dans une boue moins profonde et à atteindre la terre ferme. La femme de Lucien perd définitivement une chaussure dans l'action quant à Lucien, il sort par la vitre, remonte sur la voiture et agrippe son frère qui panique au fur et mesure qu'il descend. Il va falloir de l'aide car pour sortir Alfred, il faut du matériel. Les femmes partent appeler des secours dans une ferme aperçue un peu plus haut. Lucien reste près de son frère et s'équipe d'une branche pour la tendre à son frère qui ne s'enfonce dans la boue plus mais n'arrive pas à s'en dégager.

C'est avec l'aide d'un tracteur qu'Alfred pourra être sorti après s'être accroché à une corde reliée à celui-ci et en tirant doucement pour le dégager centimètre par centimètre. Il faut plus d'une heure et demie pour le sortir complètement sans chaussures ni pantalon, ni même son caleçon qui sont restés englués dans la boue. C'est donc à demi-nu qu'il aura passé 40 minutes sous les yeux d'une vingtaine de personnes à se débattre pour sortir de l'eau, le corps noirci par la terre. La course est partie depuis longtemps quand il est hors de danger. La peur a surpassé sa colère, son frère lui a sauvé la vie. Lucien est désolé mais est-ce vraiment de sa faute ? La voiture est fichue et l'espoir de remporter cette course s'est envolé d'autant que l'édition de 1910 fut la dernière.

La compétition ne sera jamais réorganisée. Les deux frères arrêtent le vélo et à force de persévérance, sauvent la voiture. Du coté belge, l'histoire de ces deux frères fut la risée des campagnes avec des détails scabreux sur l'anatomie d'Alfred. Un client lui raconta même qu'il se disait qu'il aurait perdu ses testicules dans la bataille. Quand les gens n'ont rien à dire, ils inventent des histoires.

Et les chronos dans tout cela ? Ils furent épargnés avec juste un verre fendu pour celui de Lucien. Il mit près de 10 ans avant de le faire échanger. Tous ceux qui ont vu les chronographes ont entendu à chaque fois l'histoire de cette matinée où la vie d'Alfred a failli chavirer, noyé dans la boue. Les deux frères sont mort à la fin des années 1960, presque en même temps. Leurs veuves les ont suivi à un et deux ans près. Dans les affaires de Lucien, il y avait une boite en carton dans la quelle il y avait une photo où lui et son frère habillés en cycliste avaient posé devant un photographe de Roubaix pour immortaliser leur envie de faire de la compétition. Il y avait une facture pour la révision de deux chronographes Omega et le changement d'une "vitre" sur l'un d'eux. Il y avait aussi dans une pochette en feutrine le chronographe de Lucien. La facture ne dit pas lequel des chronographes a eu le verre fendu et la facture est adressée à Lucien seul.

Celui d'Alfred a disparu, il n'en reste que cette facture. Les arrières petits enfants d'Alfred ont recherché auprès de collectionneurs le modèle qui aurait pu équiper leur arrière grand-père. Il fut facile de leur apporter une image en échange de cette histoire où deux frères sont passés à coté de la postérité sportive.

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