Les années 40, 50 et 60 sont faut-il le rappeler les années de pleine expansion des montres bracelets.
Lorsqu'on regarde les aspirations des familles mais aussi de leurs descendants spirituels ou naturels qui sont à la tête des marques avant ou après la seconde guerre mondiale, le raisonnement est avant l'heure celui de "faire" ou conquérir des parts de marchés et d"équiper en montres bracelets monsieur tout le monde.
Les publicités d'ailleurs sont très"grand public" et non ciblées comme aujourd'hui "objet de luxe".
Le paralléle entre certaines marques est d'ailleurs frappant et les méthodes pour y parvenir très différentes.
Le développement de calibres chez les unes sera plus marqué tandis que la recherche de designs chez les autres apparait comme majeur.
La multiplication de mouvements chez Omega, Zénith, Longines s'accompagne de recherches dans le design plus nombreuses chez Omega ou Lip que chez les autres.
Les marques avaient un souci commun, celui de la précision, argument implacable de vente totalement disparu aujourd'hui du marketing car la précision de "référence" est devenue l'heure absolue, l'heure atomique.
Les créateurs d'entreprises horlogères voulaient donc équiper les poches puis les poignets de monsieur tout le monde avec un évantail de modèles assez bon marché, précis et de fabrication soignée.
Les fabricants de ces montres "sociales" et accessibles à tous sont sans le savoir dans les années 60 fragilisés par un même risque, celui d'un produits encore plus précis, fiable et moins cher et donc encore plus "social" .
Le quartz sera le bourreau de nombre de marques, d'emplois et de cette approche où l'alignement des marques Européennes est impossible compte tenu d'une part des niveaux de salaires, du fort taux de main d'oeuvre nécessaire à la fabrication de ces montres et de la crise pétrolière qui frappe de plein fouet l'Europe et le monde en 1973.
Les marques n'en finissent plus de descendre aux enfers entre 1970 et 1990... Faut-il les citer, Breitling ferme, Ulysse Nardin se retrouve avec deux employés, Omega licencie par centaines de personnes, Zénith passe aux mains américaines et perd par rapport au début du siècle pas loin de 1100 personnes, LIP fait faillite ... les marques tombent par dizaines et les sous-traitants avec.
Le milieu et surtout la fin des années 90 conduisent à un éclairage nouveau , un économie nouvelle, mondialisée est née et la montre a changé de place.
Elle est ou bien bas de gamme et quartz japonais voire Chinois ou bien milieu de gamme et se débat pour faire revivre le mécanique ou bien haut de gamme et pas à l'abris de passer au milieu de gamme.
Deux types d'acteurs économiques regardent l'horlogerie avec deux intérrogations :
-Dans quel sens souffle le vent ?
-Existe-til une chance de rentabiliser des entreprises dont les outils de production sont obsolètes.
Les réponses sont assez évidentes :
Le vent souffle dans le sens d'une recherche du vrai , de l'authentique, du durable et le quartz ne rassure pas sur cet objet transitionnel et chargé d'affectif qu'est la montre.
L'outil de production est inadapté et les coûts de productions de mouvements tels qu'il est très hasardeux de repartir en ayant ses propres calibres dédiés.
Hayek père a compris le premier le parti qu'il tirerait d'un monopole de production mécanique à grande échelle. Il crée sont pôle de marques, et constitue son capital à moindre frais de savoir faire ceci dès les années 80.
Les autres lui mangeront dans la main.
C'est toujours vrai.
Hayek avec Swatch Group occupe le bas, le milieu et le haut de gamme.
Rolex imperturbable fabrique le même produit, haut de gamme quand tout est en bas et milieu de gamme aujourd'hui quand beaucoup ont visé le haut.
Si on peut comparer Omega, Zénith, LIP , Ulysse Nardin, Jaeger LeCoultre dans les années 60 chaque marque aujourd'hui s'est repositionnée pour survivre.
Omega dans le milieu de gamme, Lip dans le bas de gamme et la montre populaire, Ulysse Nardin et Jaeger LeCoultre dans le haut de gamme.
Zénith a dans cet environnement fait un retour en deux temps d'abord en ciblant le milieu de gamme paradoxalement en demeurant manufacture ce qui partout ailleurs avait conduit à cibler le haut de gamme.
LVMH a eu la subtilité de détecter cet anomalie et d'en tirer partie. D'autres marques avaient repéré ce filon et les candidats étaient finalement assez intéressés par Zénith y compris dans la concurrence.
Si la conjonture avait été meilleure et si l'endettement des marques en cours de réanimation économique n'avait pas été aussi fort Zénith serait probablement fournisseur de calibres dans un groupe qui exploiterait ses mouvements pour d'autres marques.
Rolex, Breitling et même Swatch group et quelques banques étaient très intéressée par Zénith.
Le début du 21 ème siècle a conduit à requalifier les marques et chacune s'est positionnée ou se positionne et des marques nouvelles profitent de l'élan créé par les autres( Bell & Ross par exemple) .
Omega tente de passer vers le haut du milieu de gamme, IWC, Jaeger, Blancpain ont choisi le haut dès le départ.
Breitling s'est affiché au milieu et Rolex n'a pas bougé, se retrouvant dans le haut du milieu .
Zénith après avoir erré dans le milieu est passé en force dans le haut tuant réseau de revendeurs, amateurs distancés par les tarifs, collectionneurs désorientés par les exigences du marketing.
Les produits se sont démarqués de l'avant et de l'à coté... et le catalogue contient des produits classiques ( nombreux) et quelques produits plus originaux devenus les produits phares de la marque et qui s'adressant à une clientéle qui n'est pas celle des sages et conservateurs collectionneurs suscite critiques et réactions d'incompréhension.
La marque maintenant replacée, repositionnée dans le paysage prépare des produits qui vont scotcher plus d'un amateur car son flirt avec le haut de gamme est finalement récent.
Les prix en ont pris un cout mais l'outil de production a été renouvelé avec les fonds de LVMH pour des centaines de millions d'euros. Rien d'étonnant dans une économie capitaliste, les actionnaires veulent rentabiliser leur investissement et en 5 ans l'entreprise est redevenue bénéficiaire.
Omega pour se repositionner a opté pour la solution soft du marketing sur une technologie qui n'apporte pas grand chose mais permet de communiquer et de marquer la différence avec les calibres de tout venant livrés aux autres clients d'ETA. La bonne idée est de revoir les prix à la hausse et de pouvoir le justifier techniquement sans retoucher au concept et en révisant à peine les modèles.
Une Seamaster a pris 80% en passant de la version initiale au coaxial.
Jaeger LeCoultre s'est relancé en tapant haut ses prix il y a dix ans , tout le monde a oublié...
Il n'est plus raisonnable pour une marque de faire de la montre sociale quand le prix moyen consenti par le client d'une montre est aujourd'hui de 35 euros ...
LIP s'est placé dans ce créneau.
Dans tous les cas , il ne suffit pas de fabriquer des montres, il faut les vendre, c'est la loi. La loi du marché.
_________________
Contraria contrariis curantur. (Les contraires se guérissent par les contraires).