Bonjour
Les fleurs de tournesol ont ceci de particulier qu'elles se tournent vers le soleil pour en capter la chaleur et la lumière laissant à l'ombre la partie inférieure de leur anatomie. Telle une armée bien en rang, chaque fleur engage chaque jour ce cycle perpétuel jusqu'à ce que la saison en ait raison.
Parfois, une graine s'échappe du champ, portée par un oiseau qui la laissera tomber sous son nid et ici et là, des tournesols isolés et sortis du rang engagent leur cycle solaire, guidés par l'instinct végétal inscrit dans la graine qui les a fait naître.
Rien ni personne n'y peut quoi que ce soit sauf à arracher la plante et à stopper un cycle naturel qui semble être le fruit d'une âme et d'une mémoire.
Comme toutes les fleurs, le tournesol séduit les papillons qui y trouvent espace, chaleur et ombre. Quand un papillon de nuit y marque une pause en général sous la fleur, rien ne présume qu'un papillon de jour ne viendra pas de l'autre coté butiner ou se réchauffer les ailes.
Ces deux éphémères, appelons les ainsi au regard de leurs courtes vies, ont peu de chance de se rencontrer car le papillon de nuit ne se déplace jamais du coté exposé tandis que le papillon de jour fuit l'ombre qui lui refroidit les ailes.
De dialogues improbables en rencontres fatales, il arrive que le papillon de la nuit rencontre celui du jour en lisière de fleur. Celui de la nuit, les ailes collées au corps est toujours touché par les ailes de celui du jour qui les dressent vers le soleil et se confond avec les fleurs dont il recherche la ressemblance.
Admis comme nuisible le papillon de la nuit n'est jamais regardé pour sa beauté, mais ça il y longtemps qu'il l'a compris et on se demande même si ce n'est pas inscrit dans la chenille qui lui a donné naissance.
Le papillon de jour admiré pour ses couleurs semble génétiquement programmé pour séduire et ses battements d'ailes sont autant d'appels à se faire remarquer.
Le dialogue du papillon de nuit et de celui de jour semble improbable mais les papillons ont parfois cet instinct marginal qui leur fait explorer de la fleur, l'espace qui ne leur est pas réservé. Le moment venu, chacun des papillons reprend d'un battement d'ailes, le chemin de sa liberté qu'il croit être ailleurs que sur la fleur.
De la rencontre et du dialogue des deux papillons, il ne reste jamais rien d'autre que le souvenir ancré dans leurs têtes des moments chaleureux qu'ils ont partagés d'un coté ou l'autre de la fleur. Mais on ne sait jamais ce que pense un papillon. Parfois, des jours et des jours après leur passage, une chrysalide rappellera que la fleur n'a pas été un terrain inexploré.
Souvent, le papillon de nuit revient sur cette fleur dont il refuse qu'elle ne devienne qu'un souvenir furtif . Le papillon de jour lui aussi fait quelques passages avec la même nostalgie. Ni l'un ni l'autre n'ont d'autre sens du temps que leur propre référence qui les fait appartenir à ceux de jour ou à ceux de nuit. Ils ne repassent qu'exceptionnellement aux mêmes heures. Lorsqu'ils se retrouvent, ils ne se quittent plus.
Vous savez pourquoi maintenant certains papillons de nuit ont les ailes aussi colorées que certains papillons de jour et font le tour des fleurs sans distinguer la partie illuminée de celle ombragée.
Les papillons marquent plus que les saisons, ils sont les témoins du cycle du temps et de la lumière. Il fait parfois jour la nuit.