boizu73 Membre Actif

Nombre de messages : 75 Localisation : VS Date d'inscription : 21/01/2011
 | Sujet: Le S.A.V, défi perpétuel des horlogers Mer 30 Mar 2011 - 11:25 | |
| Article que "j'ai trouvé intéressant" et dont je vous propose la lecture : - Citation :
- Pierre Chambonnet - Le Temps - Mercredi 23 mars 2011
Le service après-vente, défi perpétuel des horlogers
Comme toute mécanique que l’on veut durable voire éternelle, un garde-temps précieux requiert un entretien indispensable. C’est la raison d’être du service après-vente (SAV), le gage de la longévité d’une pièce et la pierre angulaire du sérieux, de la réputation et de la survie des marques. Tour d’horizon des pratiques, entre forces affichées et faiblesses cachées. Enquête Pas un seul conseil d’administration chez Audemars Piguet depuis un an et demi sans que cette question centrale y soit systématiquement évoquée. La toute nouvelle campagne de publicité de Patek Philippe lui est exclusivement consacrée. Le SAV (service après-vente) est au cœur de toutes les préoccupations. Les marques dans leur ensemble, quelques-unes avouent un certain laxisme sur la question jusqu’à récemment, insistent toutes sur les efforts considérables qu’elles consacrent à ce pari sur leur avenir, le gage même de leur réputation et de leur longévité. L’horlogerie est une science complexe qui n’échappe pas à une règle arithmétique simple. La croissance de la production entraîne une augmentation exponentielle du nombre de pièces en circulation dans le parc horloger, et donc du nombre de pièces susceptibles d’être réparées. Toute marque doit se projeter avec l’idée qu’à partir de cinq années d’existence, 10% de sa production lui revient pour de l’entretien et des réparations. Si l’on prend l’exemple d’une manufacture qui produit 1000 montres par an, au bout de dix ans, son parc horloger représentera 10 000 pièces en circulation sur le marché. Et donc 1000 pièces en retour au SAV chaque année. Soit autant que sa production annuelle. Pour faire face à de tels volumes, les marques doivent donc anticiper pour disposer d’une main-d’œuvre qualifiée et de stocks de pièces de rechange. Autant d’éléments structurels onéreux, dans un secteur qui ne rapporte rien, en dehors de faire durer une réputation. La production génère un profit immédiat, tandis que le SAV représente une charge comptable lourde. Chez Audemars Piguet, le personnel affecté au SAV représente un cinquième du personnel total de l’entreprise et traite 20 000 pièces en retour par an dans le monde. «Un effort extraordinaire a été fait depuis plusieurs années dans ce domaine», dit Saji Jabbour, le directeur financier de la marque. Il existe, à l’inverse, des entreprises qui choisissent la rentabilité immédiate au détriment de la durée.
Un stock de pièces colossal
Et les enjeux industriels du SAV sont capitaux. L’organisation, la planification et l’anticipation sont au cœur de toutes les stratégies: pour couvrir un éventail historique le plus large possible, une marque ancienne doit constituer un stock de pièces colossal. Et les technologies de pointe employées dans la branche aujourd’hui posent elles aussi des problèmes en termes de SAV: «La question des fournitures est primordiale, avertit Jean-Marc Wiederrecht, le patron de la manufacture genevoise indépendante Agenhor. Certaines pièces ne sont plus faisables que par des machines. Et le jour où une fourniture n’existe plus, il n’y a plus moyen de réparer la montre. Une roue d’ancre en silicium, par exemple, coûte tellement cher et demande tellement de savoir que pour la refaire…» «Quand on crée des pièces horlogères, on hérite de fait du SAV qui va avec, note un sous-traitant de l’industrie. On voit des marques qui oublient qu’elles vendent des produits dont elles restent responsables à vie.» Or tous n’ont pas forcément conscience de cette réalité, ou ont parfois tendance à l’ignorer. Au-delà de la maîtrise de son savoir-faire horloger, c’est pourtant à la qualité de son SAV que l’on reconnaît une grande marque. «On voit trop de jeunes entrepreneurs rêveurs et cupides qui vendent quelques pièces à des prix exorbitants, aveuglés par le profit et la science du marketing, résume Svend Andersen, l’horloger établi à Genève, cofondateur de l’Académie des horlogers créateurs indépendants (AHCI). Sans aucun souci de la fiabilité et du suivi dans le temps de leurs pièces. Ou encore, chez des marques plus sérieuses, des «masseurs de clavier» qui passent leur journée devant des écrans à manipuler des chiffres, loin des ateliers de fabrication. Et ce sont eux qui prennent les décisions stratégiques, au nom de la sacro-sainte rentabilité, à l’opposé même de la philosophie de base des vrais horlogers.» Et quelle est la philosophie des marques en la matière? «Le SAV est un axe de développement stratégique, résume Laurent Cantin, le responsable du Service Clients de Patek Philippe, qui traite chaque année 45 000 pièces dans le monde. Notre propre poinçon (le sceau de la qualité Patek Philippe, frappé sur ses mouvements, ndlr), qui existe depuis deux ans, intègre entre autres cette notion de SAV à son règlement.» Ce qui permet à la manufacture genevoise de garantir une intervention «respectueuse du caractère technique et esthétique», pour toutes ses montres, quelle que soit leur date de fabrication. Un souci de l’anticipation maximal pour garantir un SAV illimité dans le temps.
La meilleure publicité
Même si certaines réparations sont impossibles en raison de l’état de dégradation d’une pièce, toutes les autres marques établies affichent la même éthique: «Le SAV est le fil rouge de notre histoire et le vecteur de nos valeurs; il est aussi la concrétisation de la qualité de la relation de Jaeger-LeCoultre avec ses clients, explique Jérôme Lambert, le président de la manufacture. Il fait partie intégrante du savoir-faire et est à améliorer en permanence. Exercer son métier au SAV est un aboutissement dans le parcours d’un horloger.» «Les marques qui ont pignon sur rue comme Rolex, pour ne citer que celle-ci, ont la réputation d’avoir compris que le SAV est leur carte de visite et leur meilleure publicité», résume Svend Andersen, le créateur indépendant. «Le SAV est une force, insiste Laurent Cantin. Beaucoup pensent que c’est une faiblesse, mais c’est une erreur stratégique. Un client mécontent, c’est dix clients qu’on risque de perdre.» Avec le souci obsessionnel de se rapprocher au maximum des acheteurs, les marques ne tirent aucun profit de leur activité liée au SAV. «Le bénéfice que tire Jaeger-LeCoultre de son SAV est celui de la fidélité et de l’affection de ses clients», indique de son côté Jérôme Lambert. Si les marques font des efforts, les clients, eux, ne comprennent pas toujours qu’une montre mécanique est comme une voiture, et qu’il faut l’entretenir. «Les gens attendent presque toujours que leur montre ne marche plus pour nous la rapporter, indique Sylvain Auroux, directeur de Piaget Suisse et Italie. On leur explique pourtant à l’achat qu’ils doivent la faire entretenir.» L’écrasante majorité des clients attend en effet qu’il y ait un problème pour renvoyer une montre en réparation, sans passer par la case révision – théoriquement tous les trois à cinq ans –, malgré les mises en garde (lire l’encadré). Et la connaissance de la nécessité d’entretenir une montre est fortement liée à la nationalité. En Suisse, seuls les passionnés ont conscience de la nécessité de faire un service, au moins partiel. Mais tous ne sont pas suffisamment connaisseurs. Encore moins en Asie – particulièrement en Chine – où un gros effort d’«éducation» doit être fait pour sensibiliser des acheteurs, dont le rapport à l’horlogerie est jugé parfois catastrophique. Mais, de manière générale, «les efforts commencent à payer, tempère Sylvain Auroux. Même si l’un des réflexes consiste encore à laisser la montre défectueuse de côté, parfois pendant un an, les gens comprennent de plus en plus la nécessité de l’entretien.»
Informer les clients
Comme la plupart des marques, TAG Heuer multiplie les efforts de communication à ce sujet, un effort relativement nouveau. La société met systématiquement à la disposition de ses clients depuis deux ans un livret explicatif sur les services de maintenance, pour tous ses mouvements. Un effort qui permet aussi de limiter le travail de réparation en aval, qui devient trop important en cas d’absence d’entretien. Car même un changement de pile induit une vérification de l’étanchéité, ce dont les clients n’ont pas forcément conscience. Le livret explicatif a permis de faire baisser de plus de 10% les refus de devis. Autre vecteur de sensibilisation: Internet. Développée aux Etats-Unis il y a deux ans, une plateforme de SAV en ligne mise en place par TAG Heuer permet un suivi de l’état d’avancement d’une réparation. Un vecteur de communication qui sera développé sur d’autres marchés tout au long de cette année. Avec l’explosion du marché asiatique notamment, l’horlogerie en général est-elle prête à faire face au défi du SAV? Le plus souvent, la réponse n’incite pas à l’optimisme. Pour certains, le ratio SAV/production est encore très insuffisant. «On trouve en général un réviseur pour 10 producteurs, ce qui génère des problèmes de délais et rend les clients fous», note un connaisseur de l’industrie. L’industrie horlogère risque donc de faire face à des volumes colossaux de pièces à traiter en réparation. Et la multiplication des sources de production des mouvements de base ne facilite pas les choses pour les ateliers de réparation. La solution? Une grande partie des enjeux repose sur l’idée qu’en amont il faut faire en sorte de limiter au maximum le recours au SAV. «Tout faire pour revoir le moins possible ses pièces et donc fiabiliser la production au maximum», résume un horloger. Avec une production annuelle très importante, Rolex serait par exemple très avancé dans le domaine et disposerait de nombreux ingénieurs à plein-temps chargés de rendre les mouvements le plus résistants possible. Partout, les interactions entre SAV et production sont encouragées: «On essaie dès la production de rendre nos mouvements plus fiables, indique Sylvain Auroux. Avec une huile qui sèche moins vite par exemple. Avant la création d’une montre, nous prenons en compte les recommandations du service clients.» Avec base de données et forum interne à l’appui, pour assurer des échanges optimums. Tous les calibres d’une manufacture sont suivis en permanence à travers leur évolution dans le temps. Le souci du détail va par exemple jusqu’à déterminer précisément le mode de vissage de telle ou telle vis, pour prolonger sa longévité. «Les roulements à bille des montres automatiques Jaeger-LeCoultre sont désormais en céramique pour améliorer leur résistance, explique Jérôme Lambert. Et nous travaillons à de nouveaux matériaux pour réduire les effets négatifs du magnétisme. Il y a cinq ans, nous avons créé l’Extreme LAB 1, une montre sans huile et sans lubrifiant, avec l’idée de réduire le SAV.»
Le vieillissement des pièces
Lorsque l’industrie utilise des technologies très avancées et qu’une pièce est facilement cassable, il est indispensable d’avoir du stock, ce qui implique de connaître le vieillissement des pièces. «Et il faut surtout une nomenclature pérenne, précise Jean-Marc Wiederrecht. C’est bien d’avoir des fournitures de rechange, mais il est important de pouvoir les retrouver. Or, il est de plus en plus difficile de communiquer car il devient impossible de connaître le nom d’une fourniture.» De nombreuses voix dénoncent une gestion informatique des stocks censée simplifier les choses mais qui au contraire les complique, dans la production comme dans le SAV. Chaque manufacture a son propre système de nomenclature et les marques rebaptisent les pièces des fournisseurs. Une même vis peut exister sous cinq ou six appellations différentes. Or, le parc horloger a un besoin de traçabilité des pièces, devenues pléthoriques. «Des tonnes de fournitures ont été jetées car il était trop long et trop coûteux de les inventorier et de les répertorier, y compris par des marques prestigieuses, ajoute un sous-traitant. Ce sont des gestes inconscients. Il est capital de ¬conserver et d’archiver, sans quoi il devient impossible de réparer.
L’enjeu de la formation
«Le plus cher en SAV n’est pas le stock de pièces détachées, même s’il représente des volumes très importants, note Jean-Frédéric Dufour, président de Zenith, une autre manufacture qui a la réputation d’être à l’avant-garde en matière de SAV. Le plus coûteux est de maintenir des équipes performantes pour conserver une main-d’œuvre qualifiée et donc notre savoir-faire. C’est un effort colossal pour une marque, si tant est qu’elle veut perdurer…» Et pour assurer le SAV à l’étranger, il est parfois difficile de trouver de bons horlogers, en Chine, au Moyen-Orient et en Russie. «Monter un centre n’est pas difficile, affirme Laurent Cantin, responsable du service clients de Patek Philippe. Le plus gros problème est celui des compétences. C’est pourquoi il faut de grosses infrastructures de formation.» Face à un défi aussi déterminant, c’est la réputation mondiale de l’horlogerie suisse qui est en jeu. En cours de refonte, le Poinçon de Genève ne devrait-il pas intégrer d’urgence la question du SAV à sa réglementation? Une telle avancée rendrait ce sceau de qualité encore plus intéressant et efficace, pour les marques et pour le client final. La qualité et la longévité à garantir sur les montres ne sont rien de moins que celles de l’horlogerie tout entière. [i] |
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bobrobert31 Animateur Chevronné

Nombre de messages : 1356 Age : 36 Localisation : Aveyron Date d'inscription : 02/09/2010
 | Sujet: Re: Le S.A.V, défi perpétuel des horlogers Mer 30 Mar 2011 - 15:51 | |
| Super pour l'article très intéressant.
Et je suis tout à fait d'accord sur la conclusion quand au poinçon de genève. |
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fitz Membre très actif

Nombre de messages : 287 Age : 50 Localisation : la manche Date d'inscription : 25/12/2008
 | Sujet: Re: Le S.A.V, défi perpétuel des horlogers Mer 30 Mar 2011 - 18:05 | |
| Merci très bon article, comme beaucoup de marques sont des emboiteurs ça réduit les problèmes quand même |
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Fokker III Membre éminent.

Nombre de messages : 22324 Age : 60 Localisation : Le contenu de mes messages a été modifié, anonymement et sans mon consentement. Merci d'en tenir compte lors de votre lecture. Date d'inscription : 24/08/2008
 | Sujet: Re: Le S.A.V, défi perpétuel des horlogers Dim 3 Avr 2011 - 18:33 | |
| La gestion de configuration, voilà l'avenir ! |
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