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Sujet: La saga Zenith - La manufacture Zenith à travers le temps - 150 ans d'histoire 24/10/2011, 21:04
Ici, sur Forumamontres et nulle part ailleurs, retrouvez de novembre 2011 à janvier 2015, 150 sujets sur la manufacture Zenith. 150 thèmes qui ont fait l'histoire de Zenith, une histoire qui s'est écrite jour après jour, comme une saga historique avec des informations inédites sur les créations de la manufacture et des images jamais publiées.
Zenith a sur un siècle et demi noué avec plusieurs générations d'amateurs de belles montres un lien unique qui fait encore palpiter les coeurs.
Nous retrouverons ici ensemble les 150 événements, montres, publicités, faits historiques, inventions, concepts qui ont un a un construit l'histoire de la manufacture Zenith ... Une histoire tissée fil à fil pour une immense toile aussi technique qu'artistique faite de rebondissements et de sursauts.
Pour la première fois, une histoire complète présentée comme un puzzle dont chaque pièce viendra s'emboiter pour nous offrir une image complète de cette manufacture hors du temps.
Pour nous offrir une meilleure lisibilité et un attrait sans cesse renouvelé nous présenterons cette histoire sous forme de sujets sans respect chronologique des épisodes et nous rassemblerons in fine l'ensemble des thèmes en 2015 en respectant cette fois le déroulement chronologique des évènements. Chaque sujet sera précédé de l'année auquel il se rapporte...
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Dernière édition par ZEN le 31/10/2011, 09:37, édité 2 fois
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Sujet: Episode 1 La genèse de Zenith . L'avant création de la manufacture . 31/10/2011, 08:45
La genèse - L'avant création de la manufacture
Les Billodes en 1807, 58 ans avant l'implantation de la manufacture
Le terrain fertile de l'horlogerie
Le Locle est au début du dix-huitième siècle un village perché à 950 mètres d’altitude, peuplé de paysans qui subissent le climat sévère des hivers sans fin et profitent du temps radieux des étés trop courts. Au Locle, il ne pleut jamais un peu, il ne neige jamais quelques flocons et quand le beau temps arrive, le soleil a vite fait d’échauffer les âmes et les cœurs. Comme dans beaucoup de ces espaces au climat ingrat, les hommes ont pris l’habitude de tourner le dos à la terre quand le temps ne se prête pas à la travailler. Les hommes savent tailler le bois, les femmes excellent dans la dentelle et on maîtrise le travail des métaux précieux. Ces « montagnons » vivent de leurs cultures, de leurs élevages, de la vente du bétail mais aussi de la forge et de l’or qu’ils ont dans les mains. Très religieux, les Loclois du siècle des lumières sont aussi instruits et savent diversifier leurs activités. Leur sens de la famille les pousse à travailler ensemble. L’horlogerie, métier de l’intérieur par excellence et ne craignant pas les affres du climat ne leur pose aucune difficulté. Par intérêt sûrement, par passion aussi, par curiosité encore et parce que dans les montagnes du Jura l’homme ne peut rester inactif plusieurs mois dans l’année quand la terre se refuse à lui, l’horlogerie se développe. On fabrique au Locle comme dans tout l’Arc Jurassien des horloges, des pendules, des montres de poche et des automates. Les mécanismes complexes n’ont pas de secret et le savoir faire se partage de génération en génération du maître à l’élève, du père au fils et parfois de l’horloger au paysan. En 1760, le Locle ne recense pas moins de 303 horlogers. Ils sont 702 en 1800 et 3053 en 1860. Leur savoir faire est recherché et quand la fabrication des montres passe des maisons des paysans aux ateliers des manufactures naissantes, le savoir faire horloger est déjà entre les mains des ouvriers. Il reste toutefois à adapter le travail aux contraintes de la production en série et de persuader tout un chacun que l’aptitude à travailler dans une logique rationalisation des tâches est un atout et non une régression pour des gens habitués à être leur propre chef. Voir le jour dans ce berceau horloger conditionne sans nul doute l’avenir. Quand chacun a dans son entourage proche ou immédiat un horloger soit à domicile, soit quelqu’un qui a pris la tête d’un petit atelier de quelques ouvriers, il ne faut pas s’étonner que la passion le gagne et lui donne des ailes pour à son tour embrasser le métier d’horloger. 1843 - Les racines de la passion
Georges Favre est né le 12 décembre 1843, cinq ans avant son unique frère, James - Emile Favre - Fallet. Ils sont les fils de Jules-Louis Favre Bulle né au Locle en 1816, lui-même horloger et d'Albertine Matthey de l'Endroit née à Ponts-de-Martel. Georges n’est pas le premier chaînon d’une dynastie d’horlogers, il vécut dès ses plus jeunes années dans l’univers de l’horlogerie et entouré d’horlogers. Des deux voies qu’il aurait pu emprunter soit dans l’agriculture soit dans l’horlogerie, c’est celle de l’horlogerie qu’il poursuit. C’est sans aucun doute les premières années de son éducation et les pièces de qualité qu’il a vu naître autour de lui qui ont poussé Georges Favre à embrasser ce métier. Des montres fabriquées à cette époque dans la famille de Georges sont encore propriété des descendants. Elles datent du milieu du 19ème siècle et l’un des modèles à répétition des heures et des quarts porte comme inscription sur le cadran le nom de Jule -Louis Favre - Bulle. Si l’on peut établir que d’autres pièces du même niveau furent fabriquées par cet horloger, on en ignore la destinée. Vendues à l’étranger, emportées par les guerres, gisant au fond d’un tiroir, se communiquant de génération en génération au gré des successions ou blotties dans la collection d’un amateur éclairé, le sort des montres est, depuis qu’elles existent, ainsi fait d’histoires intimes tant l’objet fusionne avec son propriétaire qui n’en est qu’un gardien temporaire.
On connaît une autre pièce signée du nom de James Favre–Bulle, plus tardive et postérieure à la création de la manufacture par Georges Favre. On retrouve dans la généalogie de Georges Favre d’autres horlogers illustres et notamment son grand oncle né aux alentours de 1770, Frédéric Louis Favre. Ce dernier inventeur d’instruments de précision fut Horloger de la Marine et illustra son talent par des pièces de qualité et notamment des chronomètres de marine, des spiraux et entre autres, une montre minuscule de 5 lignes de diamètre livrée en 1842 à la Reine de Prusse. Cet horloger ne limita pas son art à l’horlogerie et s’ingénia également dans celui des télescopes. L’un de ceux-ci lui valut d’ailleurs une bague en récompense du Roi de Prusse, Frédéric Guillaume III et comme l’homme n’hésitait pas à enseigner son art, on lui doit la formation d’autres horlogers célèbres dont Sylvain Mairet Abraham -Louis JeanRichard (descendant de Daniel JeanRichard).
Assurément doté d’un esprit indépendant et autoritaire, le très jeune Georges Favre entre en apprentissage de pivoteur et de planteur d'échappements à l’âge de 9 ans. Il quitte alors l’école en ayant à peine eu le temps d’apprendre à lire et écrire. Le jeune homme, stimulé par un milieu familial où l’horlogerie était omniprésente, brûle d’envie dès l’adolescence d’être son propre patron. Après son apprentissage et dit-on suite à un différend avec son maître de stage, il s’installe à 13 ans dans ce métier en indépendant. En 1863, il épouse à 20 ans alors qu’il n’est pas encore majeur, Louise-Philippine Jacot-Descombe, horlogère et fille de Frédéric lui-même horloger. Déjà Georges Favre Jacot se démarque par son sens de l’encadrement d’une équipe en formant lui-même des apprentis à peine plus jeunes que lui. Cinq filles et un garçon naîtront de cette union. Les registres d’état civil de Pont-de-Martel ne mentionnent que 3 enfants issus de ce mariage mais peut-être deux des naissances sont-elles intervenues sur un autre lieu. Leur premier enfant Berthe - Alice, naît en 1865 et la seconde fille, Fernande - Amélie, voit le jour en 1870. Elle épouse par amour en 1904, James - Albert Favre - Bulle, c'est-à-dire son cousin germain qui succédera en 1911 à Georges Favre Jacot à la tête de ZENITH. Ils auront eux même deux enfants, Georges - James, en 1905 et Marcelle en 1908. Le troisième enfant du couple Georges - Adrien né en 1872 mourra en 1916. On crût longtemps ce mariage arrangé entre cousins pour préserver les caractéristiques familiales de l’entreprise. Il n’en était rien. De petits signes telles cette photo dissimulée dans le double fond de la montre de Fernande - Amélie et retrouvée il y a peu, démontrent autant que des courriers échangés par celle-ci avec son fiancé, qu’elle a voulu plus que tout partager ses jours avec lui et qu’elle l’a défendu auprès de son père y compris dans les moments où la famille aurait pu se disloquer. On sait que si Georges n’avait pas approuvé ce mariage, il avait fini par l’accepter pour le bonheur de sa fille faisant mentir sa réputation de dureté extrême. Georges Favre Jacot le patriarche, avait un cœur et portait lui-même une énorme affection à sa femme et sa famille.
La manufacture Georges Favre Jacot à la toute fin du 19ème siècle
1865 – Une étoile est née
Grâce à la dot de la jeune Louise-Philippine Jacot-Descombe qu’il épouse, Georges Favre Jacot réalise son rêve en fondant en 1865, rue des Billodes à l’ouest de la petite cité du Locle à quelques enjambées de la frontière avec la France, déjà réputée pour ses horlogers, un atelier de fabrication d’ébauches à son nom.
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Sujet: Episode 2 : Les premiers pas et la naissance du concept de manufacture 8/11/2011, 13:19
1865 – Episode 2 : Les premiers pas et la naissance du concept de manufacture
Une étoile est née
Grâce à la dot de la jeune Louise-Philippine Jacot-Descombe qu’il épouse, Georges Favre Jacot réalise son rêve en fondant en 1865, rue des Billodes à l’ouest de la petite cité du Locle à quelques enjambées de la frontière avec la France, déjà réputée pour ses horlogers, un atelier de fabrication d’ébauches à son nom. Georges Favre Jacot n’imagine probablement pas, à ce moment, l’extraordinaire devenir de son idée. Le jeune créateur d’entreprise n’a alors que 22 ans mais dispose de toute la maturité et de l’enthousiasme indispensables pour faire la promotion de ses montres bien au-delà des frontières suisses. L’histoire a déjà bâti au Locle une certaine notoriété horlogère notamment depuis qu’Abraham Louis Breguet y est passé et y aurait même, dit-on, créé un atelier avant de rejoindre Neuchâtel pendant ce qu’on appelle en France « la terreur » révolutionnaire. Le terrain y est fertile en talents horlogers et les jalons d’un grand centre horloger sont déjà posés au regard du nombre sur place de praticiens de ce métier qui ne cesse de croître. Dès 1869, la petite fabrique évolue vers une ébauche de complexe industriel qui se rapproche davantage de l’ambition du créateur de la manufacture. Toutes les pièces qu’elles produit ne sont pas encore d’une grande qualité et certaines sont fabriquées sur des bases achetées à l’extérieur et que la fabrique assemble. Déjà Georges Favre Jacot est très inspiré par le modèle américain des manufactures d’horlogerie fondé sur l'interchangeabilité des pièces et l’abaissement des coûts de production. Il a donc hâte de voir constuire la première usine modélisée à son idée. Il faudra toutefois attendre 1881 pour que le premier bâtiment important sorte de terre. Cette première bâtisse s’entourera de nouvelles constructions au gré des extensions dues aux besoins et ambitions de la manufacture et de son créateur. Bâtisseur dans l’âme, le créateur de la manufacture construira plus de 20 bâtiments périphériques rue des Billodes.
En 1882, Georges Favre Jacot embauche James Favre son neveu, pour travailler à ses côtés dans la partie commerciale de l’entreprise. Personnage autoritaire, Georges Favre Jacot est aussi paradoxalement un homme de dialogue social qui s’affranchit de l’opposition de ceux qui l’entourent et n’hésitera pas par exemple à reconnaître l’existence des syndicats ouvriers qui sont la bête noire des patrons de manufactures dans le début du 20ème siècle. Malgré son adhésion personnelle au syndicat patronal, cet esprit d’ouverture le protégera des crises rencontrées au sein d’autres marques qui n’ont pas eu la même habileté pour gérer les relations sociales dans l’entreprise.
Atypique à un moment où les banques s’imposent partout, Georges Favre Jacot est encore convaincu des avantages de l’autofinancement de son entreprise et en préserve une part non négligeable tant qu’il le peut. Il comprend très tôt les préceptes qui peuvent conduire sa manufacture au succès international. Il se fixe un objectif que d’autres maisons adoptent à la même époque qui est de faire des montres de gousset avec des techniques élaborées de rationalisation des tâches afin de proposer les prix les plus bas pour des gardes temps précis. Il abandonne donc très vite le simple assemblage de pièces achetées à l’extérieur et opte pour la voie de la manufacture avec des mouvements entièrement fabriqués dans ses ateliers. Cette orientation stratégique est fondamentale non seulement au plan technique mais aussi au plan économique au regard de la concurrence effrénée que se livrent les marques pour la plupart naissantes.
La manufacture des Billodes en 1890
Pour Georges Favre Jacot, il n’est pas envisageable de ne pas tout maîtriser. C’est pourquoi au delà de la fabrication des mouvements de montres et pendules, les ateliers du Locle fabriqueront plus tard les cadrans en émail ou peints dans la partie basse du bâtiment où sont installés les fours. Les boîtiers de montres feront également très vite partie du savoir faire développé en interne et les coulées d’or et d’argent, les étampages de boites n’auront aucun secret pour la manufacture. L’idée est de réunir en un même lieu tous les artisans horlogers qui contribuent au produit final en leur offrant le même confort de travail de lieux chauffés, bien éclairés et exempts de poussières.
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Sujet: Episode 3 - 1865 De la manufacture à la diversification 15/11/2011, 11:53
Episode 3 - De la manufacture à la diversification
1865 – Une étoile est née
Grâce à la dot de la jeune Louise-Philippine Jacot-Descombe qu’il épouse, Georges Favre Jacot réalise son rêve en fondant en 1865, rue des Billodes à l’ouest de la petite cité du Locle à quelques enjambées de la frontière avec la France, déjà réputée pour ses horlogers, un atelier de fabrication d’ébauches à son nom. Georges Favre Jacot n’imagine probablement pas à ce moment, l’extraordinaire devenir de son idée. Le jeune créateur d’entreprise n’a alors que 22 ans mais dispose de toute la maturité et de l’enthousiasme indispensables pour faire la promotion de ses montres bien au-delà des frontières Suisses. L’histoire a déjà bâti au Locle une certaine notoriété horlogère notamment depuis qu’Abraham Louis Breguet y est passé et y aurait même, dit-on, créé un atelier avant de rejoindre Neuchâtel pendant ce qu’on appelle en France « la terreur » révolutionnaire. Le terrain y est fertile en talents horlogers et les jalons d’un grand centre horlogers sont déjà posés au regard du nombre sur place de praticiens de ce métier qui ne cesse de croître. Dès 1869, la petite fabrique évolue vers une ébauche de complexe industriel qui se rapproche davantage de l’ambition du créateur de la manufacture. Toutes les pièces qu’elles produit ne sont pas encore d’une grande qualité et certaines sont fabriquées sur des bases achetées à l’extérieur et que la fabrique assemble. Déjà Georges Favre Jacot est très inspiré par le modèle américain des manufactures d’horlogerie fondé interchangeabilité des pièces et l’abaissement des coûts de production. Il a donc hâte de voir constuire la première usine modélisée à son idée. Il faudra toutefois attendre 1881 pour que le premier bâtiment important sorte de terre. Cette première bâtisse s’entourera de nouvelles constructions au gré des extensions dues aux besoins et ambitions de la manufacture et de son créateur. Bâtisseur dans l’âme le créateur de la manufacture construira plus de 20 bâtiments périphériques rue des Billodes.
En 1882, Georges Favre Jacot embauche James Favre son neveu, pour travailler à ses coté dans la partie commerciale de l’entreprise. Personnage autoritaire, Georges Favre Jacot est aussi paradoxalement un homme de dialogue social qui s’affranchit de l’opposition de ceux qui l’entourent et n’hésitera pas par exemple à reconnaître l’existence des syndicats ouvriers qui sont la bête noire des patrons de manufactures dans le début du 20ème siècle. Malgré son adhésion personnelle au syndicat patronal, cet esprit d’ouverture le protégera des crises rencontrées au sein d’autres marques qui n’ont pas eu la même habileté pour gérer les relations sociales dans l’entreprise.
Atypique à un moment où les banques s’imposent partout, Georges Favre Jacot est encore convaincu des avantages de l’autofinancement de son entreprise et en préserve une part non négligeable tant qu’il le peut. Il comprend très tôt les précepts qui peuvent conduire sa manufacture au succès international. Il se fixe un objectif que d’autres maisons adoptent à la même époque qui est de faire des montres de gousset avec des techniques élaborées de rationalisation des tâches afin de proposer les prix les plus bas pour des gardes temps précis. Il abandonne donc très vite le simple assemblage de pièces achetées à l’extérieur et opte pour la voie de la manufacture avec des mouvements entièrement fabriqués dans ses ateliers. Cette orientation stratégique est fondamentale non seulement au plan technique mais aussi au plan économique au regard de la concurrence effrénée que se livrent les marques pour la plupart naissantes.
Pour Georges Favre Jacot, il n’est pas envisageable de ne pas tout maîtriser. C’est pourquoi au delà de la fabrication des mouvements de montres et pendules, les ateliers du Locle fabriqueront plus tard les cadrans en émail ou peint dans la partie basse du bâtiment où sont installés les fours. Les boîtiers de montres feront également très vite partie du savoir faire développé en interne et les coulées d’or et d’argent, les étampages de boites n’auront aucun secret pour la manufacture. L’idée est de réunir en un même lieu tous les artisans horlogers qui contribuent au produit final en leur offrant le même confort de travail de lieux chauffés, bien éclairés et exempts de poussières.
La fille de Georges Favre Jacot et James Favre son neveu qui deviendra son gendre
Cette diversification calculée touchera aussi bien les réveils que les montres de bord, les chronomètres à usages divers ou encore plus tard des accessoires comme les cadrans de téléphone, les baromètres, les tachymètres pour automobiles, les instruments de précision à usage militaire, les lampes à huile et plus tard dans les années 20 on verra même le nom de la marque de l’entreprise sur des projecteurs de cinéma et des machines à coudre. Pour être toujours davantage performant et réactif, c’est le personnel de la manufacture qui fabrique les outillages servant à fabriquer les pièces des montres et pendules. Georges Favre Jacot oeuvre pour rester en pointe de la technologie n’hésitant pas à renouveler ses machines et à moderniser ses installations. Il impose au personnel des cadences précises de travail et veille à la productivité des ouvriers.
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Sujet: Saga Zenith - Episode 4 - Qui est Georges Favre Jacot 22/11/2011, 18:16
Episode 4 - Georges Favre Jacot : L’homme qui faisait briller son étoile
Georges Favre Jacot est un vrai « patron », un homme solide un peu rustique, autodidacte, décrit comme une force de la nature à l’esprit volontaire qui au-delà d’être un entrepreneur prospère, est un homme d’affaires avisé qui connaît bien ce qu’on appelle à l’époque le « monde de la finance ». C’est probablement son souci quasi obsessionnel permanent d’assurer la distribution de ses produits qui contribuera à son succès car il a assurément un sens du commerce hors du commun. Il n’est pas seulement un brasseur d’affaires, il est aussi celui qui a créé de nouvelles relations sociales avec le personnel qu’il emploie et n’a pas hésité à faire construire des logements locatifs pour les ouvriers dans le quartier des Eroges et de la Molière. Le Locle ne peut accueillir les personnalités qu’il fait venir pour visiter ses ateliers et négocier ses contrats ? Alors, il fait construire un hôtel restaurant dans la cité sur la route du Col des Roches lieu où il exerce également le métier de l’extraction de pierres dans une carrière qu’il achète sur le site. De même, il investira dans un grand centre hôtelier de qualité au Grand-Sommartel.
Les constructions de Georges Favre Jacot ne sont pas toujours en rapport direct avec l’horlogerie. On voit ainsi ses activités de constructeur porter sur des scieries, des forges aux Billodes, une fabrique de plots de ciment, un moulin à sable parfois sur la base de plans qu’il dessine lui-même. Il deviendra également propriétaire d’une imprimerie qui fabrique les brochures ou dépliants publicitaires de la marque. Georges Favre Jacot s’assure par ailleurs une réserve foncière importante au sein du canton en achetant par exemple les domaines du Petit et du Grand Sommartel et des Grandes-Coeuries qui couvrent des centaines d’hectares qu’il aimait à parcourir dans son tilbury. Il est en 1900, à l’âge de 57 ans à la fois l’homme le plus éminent du Locle et aussi le plus riche en étant parti de rien. La société du début du siècle est une société de mutation. La technologie évolue grâce à la fée électricité qui en une dizaine d’années renvoie à la casse les machines à vapeur consommatrices d’énergie coûteuse et importée, les moyens de transport se développent et le train qui s’arrête au Locle depuis 1857 réduit les distances en facilitant les échanges avec le reste de l’Europe de mieux en mieux desservie. Ce début de siècle amène certaines formes de confort aux peuples et génère la contrainte de nouvelles organisations de travail induites par l’économie libérale et basées sur la rentabilité. Comme bon nombre d’industriels de cette époque, le créateur de la manufacture est curieux de tout et avisé en de nombreux domaines. Homme de son temps, il s’adapte, anticipe les marchés, va vers les affaires qu’il développe hanté par la crainte de la crise et des conséquences impitoyables et irréversible de la chute du chiffre d’affaires.
L’industrie suisse, faute de ressources propres en matière première, est d’une manière générale une industrie de transformation. L’évolution de la société l’oblige à s’adapter rapidement au contexte et aux demandes nouvelles. Cette réactivité oblige dans certains secteurs à des reconversions difficiles. Par la diversité des productions des ateliers du Locle, Georges Favre Jacot s’est quelque peu protégé des affres qui du jour au lendemain frappent certaines industries. Le textile très développé en Suisse subit ainsi les conséquences des crises qui commencent à frapper l’économie. Pourtant l’offre d’emploi reste supérieure à la demande tant et si bien que les prix de revient augmentent obligeant encore et toujours à davantage de rationalisation pour tenter de tirer les coûts de production vers le bas tout en faisant preuve d’excellence, seule issue pour se démarquer sur des marchés concurrentiels. L’industrie mécanique qui fait appel aux technologies de pointe et à une main d’œuvre qualifiée est donc au premier rang des secteurs en danger en cas de crise, Georges Favre-Jacot et ses actionnaires le savent, l’erreur de gestion n’est pas permise, qu’elle se situe du coté du risque non calculé ou de celui de l’inertie qui dans ce domaine se confond rapidement avec le naufrage.
1889 - L’ouverture des premiers marchés internationaux
Georges Favre Jacot engage au milieu des années 1880 un programme de développement qui passe par des créations d’ateliers et d’unités de production à l’extérieur de la manufacture. Lui qui a développé l’idée de regrouper toutes les activités de l’horlogerie en un même lieu caresse aussi l’idée d’une expansion que les murs de la manufacture limitent nécessairement. Bien au-delà des limites territoriales du Locle, il faut à la manufacture des développements mondiaux pour élargir sa distribution et de vrais professionnels pour relayer le dynamisme de Georges Favre-Jacot. Une équipe doit donc se constituer autour de lui et le patron du Locle va devoir rechercher des collaborateurs et des alliés extérieurs susceptibles d’appuyer ses objectifs conquérants. Parmi les marchés les plus ouverts de l’époque, il y a déjà la Chine pour laquelle ZENITH créera des publicités mémorables mais il y a bien entendu aussi la Russie où une clientèle très riche n’hésite pas à investir dans les bijoux et l’horlogerie. Le rayonnement international de Zenith ne va dès lors plus jamais s'arrêter ...
A suivre
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Sujet: Saga Zenith épisode 5 Zenith de l'indépendance à la soumission aux actionnaires 2/12/2011, 12:04
Saga Zenith Episode 5 - Georges Favre Jacot : de l'indépendance à la soumission
Parmi les marchés les plus ouverts de l’époque, il y a déjà la Chine pour laquelle ZENITH créera des publicités mémorables mais il y a bien entendu aussi la Russie où une clientèle très riche n’hésite pas à investir dans les bijoux et l’horlogerie. Georges Favre-Jacot sera associé un temps à Heinrich Moser qui avait fondé en 1829 une horlogerie au Locle pour fabriquer des montres exclusivement dédiées au marché européen et surtout russe. Moser connaît très bien ce marché pour avoir ouvert en 1828 « Heinrich Moser & Co ». à Saint-Pétersbourg où il a misé sur la qualité des produits, sélectionnant les meilleures marques et les meilleures montres et n’hésitant pas à opérer un ultime contrôle sur place avant la vente, afin d’assurer à ses clients la qualité optimale de ses produits. Heinrich Moser fera fortune et doublera son activité de fabricant de montre par celle de négociant de gros et une activité d’import/export pour l’horlogerie. Il est, en 1848, l’un des plus gros exportateurs et lorsque Georges Favre Jacot le rencontre après avoir créé la manufacture à son nom. Ce dernier entrevoit les perspectives que peut lui ouvrir Heinrich Moser. Faire distribuer ses montres par quelqu’un qui est déjà implanté de longue date, jouit d’une excellente réputation et est un brasseur d’affaires patenté est un avantage certain. Moser fournisseur de la cour du Tsar distribue donc les montres de Georges Favre Jacot au même titre que les meilleures marques suisses dont les montres LeCoultre.
Un calibre Moser vendu sous la marqe Zenith
Moser contribue à porter la marque du Locle en Russie et à asseoir sa réputation. Sans qu’il puisse être établi comment, il n’est pas exceptionnel encore aujourd’hui, de retrouver des montres de goussets avec des cadrans signés ZENITH et des mouvements faits par Moser. Est-ce le fruit d’un accord particulier, d’assemblages sauvages par des personnels de l’époque, des montres révisées qui ont eu leurs mouvements échangés ? Il semble en tous les cas que certains de ces montages soient d’origine et en tous les cas aussi courants qu’anciens. Georges Favre Jacot et son neveu s’associeront avec d’autres distributeurs par la suite pour une expansion de la distribution en Russie, marché en expansion permanente même s’il connaît des progressions irrégulières. Le marché turc est également très ciblé par les marques suisses d’horlogerie. Réputée pour une consommation sans cesse renouvelée d’objet de luxe justifiant pleinement l’exportation massive de pièces en or ou en argent, la Turquie nécessite malgré tout une certaine prudence et la connaissance du terrain. Pour la conquête de ce marché, ZENITH s’attache le concours de la maison Serkisoff, à laquelle la marque concède en 1889 la distribution de ses montres sur tout le pays. Serkissoff sera particulièrement important pour ZENITH dans cette période puisque la marque ne lui livrera pas moins de 90 580 pièces soit plus de 1 907 993 francs suisses (francs courants) dès la première année de collaboration.
Serkissof signait les boites des montres Zenith soit sur le cadran soit sur le fond.
Même si les dernières années connaissent une certaine décroissance, le marché russe conserve également un fort potentiel pour la manufacture qui y recherche des implantations solides. Celles-ci impliquent une plus grande capacité de production et des investissements que Georges Favre Jacot ne pourra trouver qu’au prix du sacrifice de ses prérogatives dans l’entreprise et d’un changement de statuts laissant aux banques et aux financiers les arbitrages stratégiques. Cette expansion des marchés étrangers salutaires pour toutes les entreprises horlogères de l’époque n’est en effet pas gérable sans des apports de capitaux auxquels les actionnaires ne consentent que si de solides banques s’engagent elles-mêmes auprès des entreprises.
Pour conquérir ces marchés, il faut des volumes de montres importants, des prix attractifs et une précision des instruments qui justifie que les clients ne s’orientent pas vers les montres à remontage à clé, à cylindres et anonymes assemblées par des ouvriers à domicile pendant les hivers rigoureux de la vallée du Joux. La capacité exceptionnelle de Georges Favre Jacot à assurer le développement de la distribution de ses montres l’oblige dès la fin des années 1880 à entreprendre d’accroitre la capacité de production de son entreprise. Disposant de peu de fonds propres à force de tout investir immédiatement, l’entrepreneur du Locle comprend rapidement que l’expansion de la manufacture va passer par des concessions faites aux banques afin de lui consentir des prêts. Il doit investir davantage pour faire évoluer son outil de production et l’autonomie de décision à laquelle il est attaché plus que tout va immanquablement souffrir de la relation que la réalité économique du terrain lui impose d’avoir avec les banquiers. Les besoins financiers deviennent d’autant plus importants que l’entreprise grossit jusqu’à ce qu’en 1892, sa banque du Locle ne lui offre pas les prêts qui sont nécessaires à son expansion. Il transfère alors ses intérêts dans une banque de Neuchatel, la « Banque Cantonale Neuchâteloise ».
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Sujet: Saga Zenith Episode 6 - De Georges Favre-Jacot à Zenith 8/12/2011, 12:57
Saga Zenith Episode 6 - De Georges Favre Jacot à Zenith
1898 Le Calibre ZENITH et l’ouverture sur le monde
La concurrence entre les grandes manufactures est dans le dernier tiers du 19ème siècle extrêment sévère. Omega est sur tous les marchés avec une force de frappe commerciale très bien rodée. Longines, davantage sur les marchés d'Amérique du Sud, connait aussi une progression qui impose à Zenith d'avancer dans la qualité de ses produits et le positionnement des prix sur les marchés. La manufacture de Georges Favre Jacot présente enfin en 1898 un nouveau calibre qui va pouvoir rivaliser avec les produits phares de la concurrence. Ce dernier, de conception plus moderne s’avère être d’un meilleur rapport car sa fabrication plus économique n’a pas nui à sa fiabilité loin s’en faut et sa conception moderne le rend très compétitif. Il supplante dès les deux dernières années du siècle ses deux rivaux et frères. La production du mouvement est très vite insuffisante pour faire face à la demande du marché.
Le calibre Zenith d'origine modifié en 1904 avec une raquette à disque excentrique
Georges Favre Jacot veut privilégier la livraison de ce mouvement qui n’est produit qu’à un volume de 8 à 10 cartons par jour (un carton comprend six montres) quand il en faudrait au moins 24 cartons soit un peu plus de 150 montres. La manufacture produit à cette époque, toutes pièces confondues, près de 800 unités quotidiennes. Le mouvement, dans le droit fil des noms de baptême superlatifs Diogène et Terminus, reçoit le nom de ZENITH. La légende voudra que ce soit en regardant les constellations d’étoiles, un soir, que Georges Favre Jacot ait eu cette idée. On retiendra que toutes les marques ou presque donnent à l’époque un nom à leurs mouvements et que la surenchère emporte les imaginations. En 1898, c’est d’abord vers le marché de la France et de ses colonies ainsi que vers la Belgique que l’attention se porte grâce à un représentant qui devra y garantir le développement des ventes. La France avec ses colonies représente un marché à fort potentiel. Georges Favre Jacot nomme un représentant à Paris. Il est chargé des ventes pour la France, la Belgique, l’Algérie et toutes les exportations partant de France à destination de l’Outre-Mer. La désignation de ce représentant est complétée en 1899 par l’ouverture d’une agence dont la mission est d’élargir la vente des produits aux horlogers français qui seront systématiquement démarchés sans que d’ailleurs on se soucie de savoir s’il faut implanter un ou plusieurs détaillants de la marque dans une même ville de province. L’agence Parisienne a pour mission d’être l’interlocuteur des détaillants et de faciliter les transactions.
Zenith a beaucoup participé aux expositions universelles
L’Exposition Universelle de 1900 sera l’évènement populaire et retentissant au plan mondial qui marquera l’entrée dans le siècle et bien évidemment, cette perspective n’est pas indifférente à la décision prise de fixer à Paris une implantation stratégique. La ville sera en effet pendant le temps de cette exposition la ville phare vers laquelle les regards du monde entier se tourneront. L’agence Parisienne doit contribuer au succès très préparé de la marque à cette occasion. La manufacture y obtient un grand prix qui sera rappelé sur des dizaines de milliers de fonds de boîtiers de montres de goussets. Cette inscription, même si d’autres marques en font également usage au regards du saupoudrage de prix distribués lors de l’exposition, atteste de l’importance donnée par le fabricant de « la Zenith » à cette manifestation et à la publicité qui en découle au travers des articles des gazettes et journaux sur lesquels tout le monde se précipite à l’époque.
Georges Favre Jacot accorde une extrême importance à ces manifestions dont le rayonnement exceptionnel permet de gagner en notoriété internationale et de nouer des contacts en vue d’exportations ultérieures et d’implantations à l’étranger. Les Expositions Universelles constituent des occasions uniques pour les industriels d’exposer leur production au plus grand nombre et leur écho médiatique très important auprès du public, des industriels et des marchands ouvre des perspectives parfois inespérées de transactions vers des contrées lointaines. C’est donc en toute logique que les exposants mettent un soin tout particulier à sélectionner leurs plus belles réalisations et enregistrent durant ces expositions des commandes quand ils n’écoulent pas sur place une bonne partie de leurs produits. Les montres de Georges Favre Jacot sont très remarquées lors de l’Exposition Universelle de 1900 d’abord parce qu’elles reçoivent le premier prix de précision au concours ouvert pendant l’exposition mais aussi en raison des dessins très plats des boîtes de ses montres. Georges Favre Jacot profite de la manifestation pour écouler une partie des anciens stocks et de récupérer de la trésorerie. Il présente, en outre, des modèles précieux. Son modèle ZENITH décliné en quatre décorations correspondant aux saisons représentées et gravées par Mucha sur des boîtiers en argent niellé ou en taille douce contribue tout particulièrement à la notoriété de ses modèles.
Il s’avère, dans la foulée de l’exposition, que l’agence parisienne, probablement mal gérée, ne génère pas de bons résultats commerciaux malgré des perspectives prometteuses. Son maintien dès lors semble difficile et malgré des recherches de solution pour mieux installer la marque en France, l’agence est finalement fermée en 1904 et transformée en société en commandite pour cause de non rentabilité. Ce demi-succès ne décourage pas Georges Favre Jacot qui continue d’accentuer ses efforts pour conquérir de nouveaux marchés. Novateur et visionnaire, il n’a en tête que d’élargir la diffusion des montres pour financer des nouveaux parcs de machines, moderniser la production et agrandir les locaux de la manufacture.
La montre du grand prix 1900 avec son coq gravé sur le couvercle
En cette même année 1900, le journal suisse d’horlogerie présente le concours de chronométrie de Neuchâtel et relate les pièces présentées lors d’une exposition locale par la manufacture qui y expose des pièces et explicite son savoir faire. L’article rapporte que la manufacture installée sur 4000 mètres carrés occupe plus de 600 ouvriers, outre les saisons d’après Mucha a présenté un modèle de montre décoré d’un Christ, reproduction de la célèbre médaille « Campo dei fiori », d’une série portant sur les mois de l’année, et d’un autre modèle orné d’un coq « jetant fièrement au soleil son chant matinal » d’une belle exécution. L’auteur précise que « le coté artistique » a retenu autant l’attention que la technique du mouvement attestée par de nombreux bulletins de l’observatoire. Précision intéressante, l’article fait état d’une vitrine sériant par pays destinataires les modèles décorés spécifiquement notamment pour les marchés français, russe, anglais et turc. Une autre vitrine est consacrée aux méthodes de fabrication, signe du souci sous-jacent de communiquer auprès du public et de la population locale. Chaque pièce détachée est présentée aux différentes étapes de sa fabrication et un grand dessin de coupe du mouvement « Zénith » en fait apprécier l’ingéniosité. Cet esprit de communication sur le savoir-faire accompagnera les implantations de la manufacture à travers le monde.
Avant 1900, Georges Favre Jacot aura réussi à implanter la diffusion de ses montres à l’étranger de manière significative en France, au Bénélux, en Allemagne et en Russie. ZENITH est un nom qui connaît une notoriété grandissante et grâce notamment au Grand Prix de l’exposition, la position de la manufacture de la rue des Billodes se trouve confortée et le conseil de surveillance doit reconnaître à Georges Favre Jacot la qualité de sa vision prospective. Ce dernier, stimulé par son succès, veut augmenter encore les exportations vers la Russie où la concurrence s’installe comme si ce marché était un nouvel Eldorado. Le conseil de surveillance freine son engouement en analysant ce marché comme incertain au regard de la dette qui pèse sur la Russie. Cette prudence sera payante puisqu’en 1900, les ventes chutent rapidement et les créances, bien vite impayées, déstabilisent les exportateurs les moins prudents qui avaient tout misé sur le marché russe en y opérant des livraisons massives et en y ouvrant des crédits qui resteront impayés. La manufacture évite la crise mais les exportations tombent à quasiment rien sur le mois de février sur ce secteur et il faut rechercher d’autres débouchés, d’autant que l’outil de production tourne à plein rendement et qu’il ne semble pas y avoir de cohérence trouvée entre la production qui demeure constante ou évolue et la diffusion commerciale soumise aux aléas économiques et politiques des marchés.
Georges Favre Jacot est né le 12 décembre 1843 dans une famille sans fortune peuplée d'horlogers. Très tôt à l'âge de 9 ans, on lui fait quitter l'école et affronter la vie par l'apprentissage du métier de tourneur pivoteur. De l'enfant élevé avec dureté, naitra un adolescent indépendant au caractère trempé quand à l'âge de 13 ans, il commande déjà d'autres apprentis et impose ses vues à un patron dont il claque la porte pour cause de désaccord. Sa décision est prise, il travaillera "en indépendant".
Sa force de caractère, son tempérament d'entrepreneur et son charisme séduisent une jeune horlogère, fille elle-même d'horloger qu'il épouse à 20 ans en 1863 alors qu'il n'est pas encore majeur. De cette union, naîtront 5 filles et un garçon, Adrien, qui disparaîtra très jeune en 1916.
Fernande, la seconde fille du couple voit le jour en 1870. Son caractère est tout à l'opposé de celui de son père. Ce dernier a créé en 1865 une fabrique horlogère sur le lieu-dit des Billodes. D'abord assembleur de mouvements achetés à des sous-traitants, il conceptualise rapidement ce que sa manufacture doit devenir et met au point des calibres qu'il fabrique de manière autonome.
Le concept même de manufacture, il le tient d'expériences naissantes en Suisse et de l'exemple américain qui occupe les conversations des horlogers suisses qui découvrent des montres très bien finies par des manufactures qui maîtrisent l'interchangeabilité des pièces.
Georges Favre Jacot n'est pas un gestionnaire d'entreprise, c'est en fonceur qui avance, jouant de son instinct pour orienter son entreprise vers le succès. Le patriarche qu'il est, régne sur le canton de Neuchatel où il accumule les propriétés foncières et aime à réunir toute la famille le dimanche, unique jour de repos de la semaine.
Des enfants qui jouent, il ne voit pas grand chose, pas plus qu'il ne s'aperçoit que sa fille adolescente a l'oeil qui s'illumine quand elle retrouve son cousin germain James Favre à l'occasion des rencontres familiales. Les deux adolescents s'ouvrent en même temps à la vie et du tendre sentiment qui les unit naît un amour profond qui en fait fusionner les âmes.
Georges Favre Jacot embauche en 1882 son jeune neveu au sein de la manufacture. Il est à l'époque d'usage de faire travailler toute la famille auprès de soi. Georges Favre Jacot ignore tout de ce qui relie James et Fernande et quand il l'apprend de la bouche même de sa fille, c'est la fureur qui l'envahit. Il n'est pas question que sa propre fille, celle qu'il chérit par dessus tout, épouse son cousin. On est dans les dernières années du siècle et les mariages entre cousins sont déjà des choses que la société tend à refuser. On ne sait pas grand chose des échanges entre James et Georges sinon que la colère a dominé leurs rapports et que James a contenu beaucoup de sa personnalité elle aussi trempée pour éviter la rupture avec son oncle dont il craignait qu'elle ne l'éloigne de Fernande.
Le couple se voit en secret et échange de tendres lettres dans lesquelles Fernande déclare inlassablement sa flamme à James qui supporte de plus en plus difficilement l'autoritarisme de son oncle.
« Mon attachement devient si grand pour vous que la séparation sera toujours plus pénible, ma seule consolation est de penser qu’un jour je vous appartiendrai…./ …Vous connaissez maintenant mes sentiments, que mon seul but est de vous rendre heureux, je serai pour vous la femme aimante et dévouée, je supporterai toutes les peines et me sacrifierai entièrement pour vous, ayez confiance en l’avenir, toute votre affection vous sera rendue. Je suis à vous pour la vie et vous donne ma parole la plus sacrée !! » (C’est Fernande qui souligne elle-même ses propos). Le 6 février, soit 5 jours plus tard, elle laisse sur un carton ces quelques mots «N’abandonnez jamais celle qui vous aime et qui n’attend plus le moment de pouvoir créer une nouvelle vie à son bien aimé ! Votre fidèle Fernande. »
Georges Favre Jacot refuse de partager un quelconque pouvoir sur la manufacture avec son neveu. Malgré tout, il se préoccupe davantage de la production et délègue à son neveu la charge de développer la diffusion commerciale des montres de la manufacture.
Il est plus que probable que le souci de Georges fut d'éloigner James de Fernande. En envoyant son neveu parcourir le monde à une époque où les voyages sont longs et où les délais d'acheminement du courrier rendent impossibles d'épistolaires échanges romantiques, Georges a la certitude que sa fille oubliera cet amour et que son neveu à l'autre bout du monde aura en tête d'autres idées que l'amour de sa cousine.
Le couple a pourtant décidé de se rapprocher et, dans une fronde amoureuse, de s'aimer malgré tout, malgré un contexte familial hostile, malgré un environnement sociétal défavorable et un lien de sang réputé, rendre cette union insurmontable.
Ni le silence imposé par la séparation organisée par Georges, ni la distance due aux voyages qu'entreprend James ne vont séparer le couple. On croit souvent à tort que le silence et la distance éloignent les êtres alors qu'il n'en est rien, bien au contraire, ils les rapprochent jusqu'à la fusion des esprits.
En 1904, c'est à Francfort puis aux Etats-Unis que Georges expédie son neveu pour y explorer et développer le marché allemand puis américain et y observer les techniques de travail des manufactures d'outre Atlantique. Ce voyage marquera un tournant dans l'histoire de Zenith car James en raménera des techniques de fabrication et un agencement des ateliers améliorant sensiblement la rationalisation des tâches et donc la rentabilité de l'outil industriel développé par Georges.
Ces voyages sont durement vécus par le couple que la longue séparation affecte. Fernande écrit à James ...
« Billodes 21 mars 1904, Lundi soir
Mon James !! Mon seul amour !! Les heureux moments passés ensemble avant votre départ restent gravés dans mon cœur, le tendre souvenir de votre premier baiser est ineffaçable… Je vis heureuse du doux sentiment de votre amour lequel me soutient et me donne du courage. De plus en plus, je sens combien je dois apprécier votre âme noble, votre bon coeur ; vous êtes toute ma joie et mon bonheur ! je vous dois toute ma reconnaissance de posséder votre amour ! Votre dernière parole en me quittant était : nous nous aimons bien. James !! mon cœur, je ne pourrai plus vivre sans vous. La mort seule peut nous séparer, votre vie est la mienne… je veux vous aimer comme votre tendre mère désirait que son cher fils soit aimé !! vous pouvez compter sur moi, je vous donne ma parole la plus sacrée. Je ne puis me faire à l’idée que vous êtes loin de moi ; je sens que j’en souffrirai beaucoup, ma seule consolation est de toujours penser à vous, à vous amour. Je n’attends plus le moment de pouvoir causer à papa, quel soulagement ce sera pour moi de lui faire connaître nos sentiments ; dieu veuille que papa consente à notre union, je veux lui parler très ouvertement ; je veux que papa reconnaisse tous les torts qu’il a eus vis-à-vis de vous ; par moi il entendra tout [sic] l’estime que vous devez mériter, enfin comptez sur moi, je veux tout sacrifier pour vous...
Dans l’espoir que vous recevrez ma lettre à temps et que vous aurez fait bon voyage jusqu’à Francfort, votre pauvre isolée vous envoie le plus doux, le plus tendre baiser. Votre fidèle Fernande. »
L’idée du mariage de James avec sa plus jeune fille Fernande vient très vite après 1904 et provoque la colère de Georges Favre Jacot non seulement parce qu'il a échoué dans la tentative de séparation des jeunes amoureux mais encore parce qu'il sait qu'il ne refusera pas à sa fille le bonheur qu'elle trouve avec James qu'il voit prendre du poids dans la gestion de la manufacture face à un conseil d'administration qui entend de plus en plus les recommandations du jeune homme et de moins en moins les colères du fondateur de la maison horlogère.
De refus en tergiversations, Georges finira par accepter cette union pour le bonheur de sa fille sans nul doute et aussi probablement avec la perspective de mieux cerner au sein de la famille les intérêts de la manufacture.
En 1911, James succédera à son oncle à la tête de Zenith dans un tonnerre de déchirements d'intérêts divergents et dans une dispute familiale que seule cette belle et exceptionnelle histoire d'amour permet d'effacer.
Cette histoire totalement tirée des faits de l'époque permet de constater que l'amour triomphe de tout et même de la raison des autres quand le coeur prend les commandes et laisse à leur juste place ce que les sentiments doivent ignorer.
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Sujet: Zenith à la conquète de l'Amérique 17/12/2011, 18:24
Saga Zenith - Episode 8 - Zenith à la conquête de l'Amérique
En 1904, James Favre, neveu de Georges Favre Jacot, en voyage aux Etats-Unis, est chargé de lancer la marque sur le territoire américain. Le marché y est difficile d’une part, en raison des mesures protectionnistes et des taxations qui en découlent pour les importations d’horlogerie et d’autre part, en raison de la vive concurrence que représentent des marques comme Hamilton, Elgin ou Waltham qui sont en plein essor. Cela n’arrête pas la dynamique expansionniste de la manufacture. Les montres ZENITH sont distribuées sur le marché américain dès 1905. Leurs mouvements sont améliorés spécialement pour ce marché et les finitions en sont adaptées.
Les marques américaines fondent pour beaucoup leur communication sur la présentation des mouvements qui tranchent visuellement avec le laiton des calibres suisses. La clientèle américaine a été habituée par les marques traditionnelles américaines comme Waltham, Hamilton ou Elgin à des calibres rhodiés très décorés, damassés ou finement gravés et guillochés et bien empierrés. Si la production de la manufacture du Locle est d’un niveau de qualité incontestable pour la précision de ses montres, il lui faut se placer au « niveau visuel » de la concurrence.
Les mouvements livrés sur place sont donc « décorés à l’américaine » avec des motifs décoratifs aussi variés que divers et des pièces d’une qualité supérieure pour « tirer » les collections. Les mouvements les plus haut de gamme dits de type prima, bénéficient d’un large empierrement barillet compris et de pas moins de 8 « adjustments » dont deux opérés en fonction de la température. Une raquetterie plus « tape à l’œil » et parfaitement efficace fait la même année, l’objet d’un dépôt de brevet. Elle restera très longtemps inscrite dans la fabrication des montres et sera même adoptée pour les montres bracelets jusqu’aux années 60.
La conquête de l’Amérique passe par la qualité, des prix d’attaque et une distribution auprès de revendeurs ayant pignon sur rue. Edmond E Robert « a Maiden Lane » sera à New York l’un des détaillants les plus actifs de la marque multipliant les publicités dans la presse pour vanter ZENITH notamment en 1909 après que la marque eut reçu le plus grand palmarès de récompenses dans les concours de l’observatoire de Neuchâtel.
James Favre bien entendu ne s’arrêtera pas à l’aspect esthétique des calibres et aux améliorations techniques. S’il revient notamment impressionné par la qualité des montres fabriquées outre Atlantique, il l’est aussi par leurs prix et le niveau élevé d’implantation des firmes horlogères américaines. Fasciné par l’organisation qu’il a constatée, il en déduit que les locaux du Locle ne sont pas adaptés à une distribution rationnelle des tâches et qu’il faut donc construire de nouveaux bâtiments, il souhaite ensuite se pencher sur le rendement. Les Américains chronomètrent les tâches des ouvriers et des ouvrières et les obligent à des volumes de travail en un temps donné. La méthode permet des gains de productivité et une baisse des coûts indispensable pour conserver sa position sur les marchés.
Il y voit une concurrence sérieuse et un frein potentiel au développement de l’entreprise. Il propose de réagir au plus vite et repart aux Etats-Unis avec le directeur technique de la manufacture pour visiter les usines des grandes marques.
Le calibre Zenith manifestement bien conçu, moderne et fiable permet de conquérir des marchés et d’affronter la concurrence tant suisse qu’américaine qui à travers le monde a entamé et parfois conforté une implantation massive. La manufacture doit s’adapter à ces marchés et démontre une capacité d’innovation qui lui assure une présence mondiale et une stature de grande manufacture. Elle n’hésite pas à faire évoluer son mouvement fétiche et à le protéger par des brevets qui viennent d’ailleurs s’afficher sur les ponts du mouvement. Ce mouvement d'exception va transformer l'histoire de la manufacture ...
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Sujet: Saga Zenith - Episode 9 - La manufacture change de siècle - 1900 25/12/2011, 11:16
Saga Zenith - Episode 9 - L'étoile de Zenith éclaire le monde
Grâce à la première ligne de chemin de fer inaugurée au Locle le 1er juillet 1857, la commune est « rattachée au reste du monde » et tel Michel Strogoff, le voyageur impénitent rallie les capitales de la planète pour promouvoir cet instrument qu’est la montre et que le siècle va banaliser. Il fait ainsi plusieurs voyages dans les toutes dernières années du siècle et les premières années du 20ème dans des pays encore peu connus. Il parcourt l’Europe, la Chine, la Mandchourie, le Japon, les deux Amériques, les Iles Philippines, et même les Indes Anglaises et Néerlandaises.
Georges Favre Jacot recherche des partenaires Suisses avec lesquels il est plus facile de négocier compte tenu de leur proximité géographique. En outre, la prospection de marchés inconnus implique une certaine prudence dans le choix de ses associés. En 1901, il collabore pour ces nouveaux marchés avec Favre-Leuba S.A. La collaboration est d’autant plus facile que le fondateur de la manufacture est parent d’Henry Favre. Il se chargera de vendre les pièces ZENITH en Indes et Birmanie, en particulier à Bombay, Rangoon et Karachi. Les cadrans des montres comporteront soit la double signature de ZENITH et Favre Leuba soit la seule signature de Favre Leuba. On voit dans le même temps des montres sous la marque « Reform Watch »distribuées sur le marché avec des mouvements en tous points identiques à certains modèles ZENITH. La marque d’Alfred Schild et Cie semble bien avoir distribué des produits manufacturés au Locle rue des Billodes. Etait-ce le fruit d’un accord ponctuel pour écouler des stocks ou un accord de plus grande portée, cela semble difficile à établir car parfois ces accords reposaient sur de simples ententes verbales.
Le marché russe reste pour les mauvais mois à un niveau supérieur à 30% du chiffre d’affaires et pour la manufacture locloise, il n’est pas question d’être absente lors de la reprise des affaires sur ce marché. En fin commerçant, Georges Favre-Jacot imagine de donner à un représentant installé en Russie, le monopole de la diffusion de ses montres sur le marché Russe moyennant constitution par celui-ci d’une caution de garantie déposée au Locle au profit de la manufacture, en cas d’impayés. Ce représentant dans le schéma imaginé serait intéressé aux quantités vendues. Le conseil de surveillance retient cette idée mais veut absolument que des débouchés soient trouvés pour les vieux stocks dépréciés et charge Georges Favre-Jacot d’aller prospecter sur place tant pour délester les stocks que pour mettre en place la diffusion des nouveaux produits.
Les perspectives du marché russe retrouvées quelques mois après la crise, les autres marchés ne doivent pas être oubliés et beaucoup de marques déçues par leur déconvenues en Russie se sont repliées sur le marché allemand plus stable et en plein essor. Il faut à la manufacture combler son retard sur ce secteur ce qui, la proximité géographique aidant, semble d’autant plus facile. Longtemps, le marché allemand restera toutefois pour la marque du Locle, un marché difficile.
1902 L’étoile éclaire le monde
Nous sommes en 1902 et le calibre Zenith fiable et performant supplante les autres mouvements fabriqués par la manufacture qui veut privilégier sa diffusion. La manufacture de Georges Favre Jacot édite un livret destiné à ses distributeurs afin d’expliquer simultanément en russe, en français, en allemand, en anglais et en espagnol, ce qu’est la montre « ZENITH ». Celle-ci est présentée comme étant « par excellence la montre de l’heure exacte » et comme se situant à la pointe du « progrès de la mécanique moderne ». Sont mis en avant « le prix raisonnable, la précision et solidité de la construction, le réglage parfait et l’élégance des formes et de la décoration ». Le livret conclut « Nous n’aurions pas baptisé notre nouvelle montre du mot « ZENITH » (point culminant) si nous n’étions certains de la voir mériter ce nom et être placée par tous les connaisseurs au ZENITH de la construction technique et du goût artistique. » Ce mouvement présenté en 1898 et très concurrentiel, notamment face à ceux d’OMEGA, sera parfaitement adapté au marché germanique qui suppose le déploiement de pas moins de sept représentants. Le marché anglais est dans le même temps prospecté après avoir trop longtemps été oublié afin de couvrir au final, la majeure partie de l’Europe. L’année 1902 fait à nouveau traverser une crise au marché russe décidément instable. Il faut donc conforter la position de la manufacture par le développement d’autres marchés. Les marchés de la Chine, de la Mandchourie et du Japon sont de plus en plus explorés par les marques suisses et James Favre est envoyé sur place pour y installer et rechercher des partenaires.
Cette année est une année charnière dans la recherche de partenaires et dans la diversification des marchés. L’expérience russe a démontré que l’on ne pouvait faire reposer une trop grand part des exportations sur un seul marché sans fragiliser toute l’entreprise en cas de crise sur celui-ci. La montre Zénith rencontre un franc succès partout où elle passe et l’Amérique du Sud semble offrir des perspectives intéressantes. Les manufactures américaines y sont déjà très présentes et les fabricants suisses y ont pris l’habitude de diffuser leurs produits à bas prix sous des noms de marques « de circonstance » propres à ces marchés émergents. Omega par exemple s’y diffuse sous la marque notamment « Régina » ou Juvénia sous la marque « Priorita ».
De son coté, le marché turc animé par Serkissoff qui écoule régulièrement les produits de la manufacture du Locle semble malgré tout devoir être stimulé et devient avec le marché russe une source de préoccupations par les incertitudes qu’il véhicule. Grâce à James Favre, la manufacture va bientôt partir à la conquète de l'Amérique...
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Sujet: Saga Zenith - Episode 10 - Zenith à la conquête des USA 2/1/2012, 19:50
Saga Zenith - Episode 10 - Zenith à la conquête des Etats-Unis
Les relations se pacifient
Un mode de relations relativement « pacifié » a pu se mettre en place entre Georges Favre-Jacot et les actionnaires. Il en sera ainsi jusqu’en 1904 et pendant ces années, le gérant/actionnaire, d’abord assez « docile », semble se soumettre de bonne grâce aux décisions du conseil de surveillance. Celui-ci veut limiter les risques notamment de voir passer les actions de Georges Favres Jacot entre des mains extérieures. Toutefois la confiance reste limitée entre le gérant et le conseil de surveillance. Petit à petit, chez ce dernier, mûrit le projet d’une cogérance accentuant la tutelle qui semble ne pas avoir freiné les velléités d’autonomie de son propriétaire qui se joue de plus en plus de toute autorité et de tout contrôle.
Pendant cette période de cohabitation, la manufacture mène de fructueux projets couronnés de succès et d’autres, moins florissants, sous la coupe de Georges Favre Jacot. Celui-ci réussit des « coups » par des exportations négociées à l’emporte pièces avec des distributeurs d’ici ou là. Les montres sont parfois payées en nature avec des denrées ou produits revendus par des intermédiaires. Si la méthode de vente n’est pas d’une orthodoxie toujours exemplaire, il n’en reste pas moins qu’elle assure des entrées de trésorerie et des ventes pour la fabrique. Avec le temps, il apparaît de plus en plus ouvertement au gérant de la manufacture que les statuts de la société sont un handicap aux projets expansionnistes.
Son neveu et beau-fils James Favre formé par son oncle à favoriser l’expansion de l’entreprise en parcourant le monde pour assurer la prospérité de la marque est de plus en plus omniprésent dans la gestion de l’entreprise. Plus pondéré que son mentor, il séduit de plus en plus les membres du conseil de surveillance qui décèle en lui un gérant alternatif au créateur de la manufacture desservi par son impulsivité. Il n’est pas certain que Georges Favre-Jacot ait vu avant cette époque la rivalité de pouvoir qui va s’installer avec son gendre mais il ne fait aucun doute que dans l’esprit des actionnaires ce dernier prenne une place de plus en plus importante. Pourtant Georges Favre-Jacot obtient de bons résultats même si la création de certaines agences et notamment celle de Paris en 1900 n’est pas d’un grand rapport, au moins peut-il se targuer de son omniprésence dans le monde et en particulier à Moscou après une période difficile en 1900 époque de baisse sensible de la demande sur le marché russe et surtout d’incertitude quant à la fiabilité financière à l’égard de ce pays. On note à compter de 1904, de la part du conseil de surveillance qui souhaite de plus en plus contrôler la gestion de l’entreprise au plus près, des demandes ressenties par le créateur de la manufacture comme autant d’humiliations à son égard.
Il est ainsi demandé à Georges Favre Jacot de réduire les volumes de production et de rompre ainsi avec les années de pleine production quel que soit l’état du marché. Une telle demande induit pour réduire les charges, de se séparer d’une partie du personnel. Cette exigence du conseil de surveillance se voit opposer un refus catégorique par le créateur de la manufacture qui sait que ses ouvriers seront immédiatement embauchés par la concurrence locale, notamment celle de Tissot et que la pénurie d’horlogers qualifiés ne lui laissera, s’il les laissent partir, plus aucune chance ultérieure de retrouver les personnels qu’il a formés dans son entreprise. Georges Favre-Jacot sait toutefois qu’il ne peut se contenter de formuler un refus de cette nature sans offrir de solution alternative à ses interlocuteurs. Il faut donc repartir à la conquête du marché russe et non réduire la production car le potentiel de diffusion y demeure sous réserve que la consommation y soit stimulée. La crise sur le marché russe est passagère, comme les précédentes, et, en quelques mois, celui-ci retrouve le niveau élevé antérieur absorbant ainsi une partie des stocks accumulés au Locle. Les affaires progresseront en Russie par la suite de manière assez régulière, ce qui confortera la position de Georges Favre-Jacot. Cette évolution rassure les actionnaires qui finalement cèdent aux pressions du gérant de la société et acceptent les projets d’agrandissements qui vont permettre de développer de nouveaux calibres. La prospérité garantie permet aux actionnaires de céder à une augmentation de capital qui passe de 1 250 000 francs à 1 600 000 francs.
La conquête de l'ouest
C’est en 1904 que James Favre, en voyage aux Etats-Unis, a décidé de lancer la marque sur le territoire américain. Le marché y est difficile d’une part, en raison des mesures protectionnistes et des taxations qui en découlent pour les importations d’horlogerie et d’autre part, en raison de la vive concurrence que représentent des marques comme Hamilton, Elgin ou Waltham qui sont en plein essor. Cela n’arrête pas la dynamique expansionniste de la manufacture. Les montres ZENITH sont distribuées sur le marché américain dès 1905. Leurs mouvements sont améliorés spécialement pour ce marché et les finitions en sont adaptées.
New-York Wall Street en 1904
Les marques américaines fondent pour beaucoup leur communication sur la présentation des mouvements qui tranchent visuellement avec le laiton des calibres suisses. La clientèle américaine a été habituée par les marques traditionnelles américaines comme Waltham, Hamilton ou Elgin à des calibres rhodiés très décorés, damassés ou finement gravés et guillochés et bien empierrés. Si la production de la manufacture du Locle est d’un niveau de qualité incontestable pour la précision de ses montres, il lui faut se placer au « niveau visuel » de la concurrence. Les mouvements livrés sur place sont donc « décorés à l’américaine » avec des motifs décoratifs aussi variés que divers et des pièces d’une qualité supérieure pour « tirer » les collections. Les mouvements les plus haut de gamme dits de type prima, bénéficient d’un large empierrement barillet compris et de pas moins de 8 « adjustments » dont deux opérés en fonction de la température. Une raquetterie plus « tape à l’œil » et parfaitement efficace fait la même année, l’objet d’un dépôt de brevet. Elle restera très longtemps inscrite dans la fabrication des montres et sera même adoptée pour les montres bracelets jusqu’aux années 60.
La conquête de l’Amérique passe par la qualité, des prix d’attaque et une distribution auprès de revendeurs ayant pignon sur rue. Edmond E Robert « à Maiden Lane » sera à New York l’un des détaillants les plus actifs de la marque multipliant les publicités dans la presse pour vanter ZENITH notamment en 1909 après que la marque eut reçu le plus grand palmarès de récompenses dans les concours de l’Observatoire de Neuchâtel.
Affiche de l'Exposition Universelle & Internationale de St. Louis (États-Unis) du 30 Avril au 30 Novembre 1904
James Favre bien entendu ne s’arrêtera pas à l’aspect esthétique des calibres et aux améliorations techniques. S’il revient notamment impressionné par la qualité des montres fabriquées outre Atlantique, il l’est aussi par leurs prix et le niveau élevé d’implantation des firmes horlogères américaines. Fasciné par l’organisation qu’il a constatée, il en déduit que les locaux du Locle ne sont pas adaptés à une distribution rationnelle des tâches et qu’il faut donc construire de nouveaux bâtiments, il souhaite ensuite se pencher sur le rendement. Les Américains chronomètrent les tâches des ouvriers et des ouvrières et les obligent à des volumes de travail en un temps donné. La méthode permet des gains de productivité et une baisse des coûts indispensable pour conserver sa position sur les marchés. Il y voit une concurrence sérieuse et un frein potentiel au développement de l’entreprise. Il propose de réagir au plus vite et repart aux Etats-Unis avec directeur technique de la manufacture pour visiter les usines des grandes marques.
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Sujet: Saga Zenith Episode 11 : La fin du règne de Georges Favre Jacot 8/1/2012, 13:23
Saga Zenith - Episode 11- La fin du règne de Georges Favre Jacot
Une évolution qui souffle le chaud et le froid
De 1904 à 1911, Georges Favre Jacot développe avec son neveu les marchés internationaux. Il implante des filiales et des succursales dans de nombreux pays et scelle des accords commerciaux qui vont durablement protéger Zenith des crises quand certains concurrents n'auront développé que le marché russe.
Pour autant, la gestion de la manufacture inquiète les actionnaires. La manufacture a pris l’habitude de produire plus qu’elle ne vend et l’écoulement de la production à prix « sacrifiés » est une condition posée par les nouveaux associés. Pendant les dernières années précédant 1911 et jusqu’à la décision d’un nouveau changement de statuts, les relations vont être particulièrement tendues entre le conseil de surveillance et le gérant de la manufacture qu'est Georges Favre Jacot. Les réunions du conseil retracent des discussions enflammées dont il ne fait pas de doutes qu’elles édulcorent des échanges sensiblement plus directs. Georges Favre-Jacot n’avait pas la réputation de « mâcher » ses mots. Là où le conseil de surveillance attend des amortissements, Georges Favre Jacot répond par des investissements tant immobiliers que consacrés aux machines. Agacé par la lourdeur de la prise de décisions par le conseil de surveillance et par l’enthousiasme mesuré à l’égard de ses idées, Georges Favre Jacot passe outre les orientations données par celui-ci jusqu’à ce que la cohabitation deviennent impossible et que les statuts soient remis en cause en 1911. Cette situation cesse de le lasser pour le fâcher et petit à petit, le divorce se consomme. Les deux parties finissent par ne plus pouvoir dialoguer et le changement de statuts devient inéluctable.
Le Corbusier, muse de Georges Favre Jacot avant l'heure
Georges Favre Jacot est attaché au Locle plus que jamais et toujours animé par un esprit d’entreprise que ni les années ni les luttes intestines au sein de l’entreprise n’ont altéré, fait réaliser pour y habiter une superbe villa par un jeune architecte Charles-Edouard Jeanneret qui deviendra célèbre dans les années 20 sous le pseudonyme de Le Corbusier. Les plans d’origine de la villa conservés à la bibliothèque de la Ville de La Chaux de Fonds comportent un atelier et on sait que les projets furent élaborés en 8 jours. Les travaux sont engagés en 1911, moins de 12 jours après la première entrevue entre l’architecte et Georges Favre-Jacot ébloui par le talent de ce jeune architecte dont il voulait s’attacher les services. La villa dans laquelle son propriétaire s’installera en 1913, comporte des colonnades parées de statues de Léon Perrin. C’est probablement peu après cette période que la manufacture fera appel à Laverrière, célèbre architecte romand, pour dessiner ses usines, boutiques, emballages et produits. Ainsi est né le principe du concept global que nos designers modernes défendent parfois.
Depuis 1896, le statut de l’entreprise est celui d’une société en commandites et ce statut demeure jusqu’en 1911. Dans la douleur de conflits internes, la manufacture devient une société anonyme et le restera jusqu’en 1925. La période de 1911 reste une période charnière dans une Europe qui se transforme, dont l’industrie se renouvelle et dans une économie qui, personne ne le sait encore, aura à affronter la guerre, 4 ans plus tard.
Si la production a pu être privilégiée sous l’impulsion de Georges Favre-Jacot, c’est la position de son neveu, second gérant qui reçoit l’assentiment général pour faire face à l’avenir : il faut pousser les ventes et s’attacher au développement de la partie commerciale. James Favre démontre avoir des idées rassurantes pour les actionnaires et ne rate pas une occasion de se démarquer de son oncle. Le point de désaccord sur l’élargissement du dispositif commercial voulu par James quand Georges préconise de renforcer l’outil de production n’est certainement pas le seul à pouvoir justifier d’une mésentente qui s’est transformée en intolérance réciproque entre les deux hommes. James Favre alors âgé de quarante ans n’hésite pas à arguer auprès du conseil de son départ potentiel de l’entreprise et à soulever le climat de discorde qui s’est installé avec son oncle. Ce chantage au départ sera pour lui payant car il obligera le conseil à prendre une position non équivoque à son égard dans une période qui est très défavorable à son oncle. Le peu d’estime du patriarche envers son gendre a valu a ce dernier les humiliations d’une mise en sommeil de ses idées et l’attribution d’une position sous contrôle permanent de son beau-père. Georges Favre-Jacot supporte peu la contradiction et fort de ses succès en partage la gloire avec ses ouvriers plus qu’avec ses associés et son neveu. Il n’a jamais toléré un quelconque contre pouvoir et de fait a soumis son beau-fils à un dispositif d’organisation qui l’a réduit au rang de subordonné ce qui a, depuis 1904 date à laquelle il fut nommé cogérant, réduit à peu de choses la promotion que le conseil a entendu lui accorder. Les tentatives du conseil pour segmenter les domaines respectifs de compétences des deux hommes, l’un à la production et l’autre à la commercialisation, sont restées sans effet. Dans ces conditions, le ton et les conflits latents n’ont cessé de monter jusqu’à l’explosion du conflit qui ne peut se solder que par le départ de l’un des deux hommes...
A suivre
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Sujet: Saga Zenith - Episode 12 - La manufacture prend le nom de Zenith 20/1/2012, 18:44
Saga Zenith - Episode 12 - La manufacture prend le nom de Zenith
Lors de sa réunion du 30 octobre 1911, l’assemblée générale des actionnaires décide la dissolution de la société en commandites, dissolution dont la banque Cantonale Neuchâteloise sera l’opérateur. L’affaire est tout à fait dans la stratégie générale de la banque qui multiplie, depuis le début du siècle, les opérations de prises de participations dans des affaires familiales qu’elle transforme en sociétés anonymes où elle siège au sein du conseil d’administration.
La nouvelle société anonyme créée au Locle n’oublie pas Georges Favre Jacot et lui demande des indemnités pour des constructions mal faites et placées sous sa responsabilité. L’ampleur des malfaçons est parfois telle que les immeubles devront être rasés.
Mais ce 30 octobre 1911 est avant tout le jour de la fondation de la « Fabrique de Montres Zénith SA succ. de Georges Favre-Jacot et Cie » au capital de 1 500 000 francs. La nouvelle société passe de 83 à 92 actionnaires. La marque qui devient l’emblème de la société est déjà connue puisque le nom de ZENITH figure depuis plusieurs années aux cotés de celui de Georges Favre Jacot qui avait déjà tout compris de l’importance de la communication préalable à tout changement de marque commerciale. On retrouve la trace du nom dès 1896. Ce changement sera le point de départ d’une véritable politique de marque et d’une communication fondée sur la valeur du nom ZENITH et des caractéristiques de qualité que cette marque véhicule.
L’expansion de la manufacture est passée par la conquête des capitales et les dix premières années du siècle sont marquées par un déploiement mondial de la marque. Le talents des ingénieurs et horlogers qui ont su donner au mouvement Zénith les qualités indispensables pour s’affirmer au plan international face à une concurrence féroce des Américains mais aussi des marques suisses dont en particulier Omega et Tissot.
Les lourds investissements pas toujours mis en oeuvre dans une logique consensuelle mais rigoureusement indispensables à la compétitivité des produits fabriqués, la pondération du conseil d’administration, le déploiement de la distribution menée sur tous les fronts géographiques, la pugnacité de Georges Favre Jacot et le savoir faire commercial de James Favre auront été salutaires à la survie de la marque dont il est probable qu’ elle n’aurait pas résisté sans ces efforts aux crises internes et externes que la manufacture a dû affronter. Si le départ de Georges Favre Jacot s’est opéré dans un contexte conflictuel, nul ne peut lui contester le génie d’avoir su porter son rêve de grande manufacture et d’avoir hissé ZENITH au premier rang des firmes horlogères suisses prêtes à affronter le siècle et les embûches d’une économie en mutation. Bien sûr ZENITH n’est pas orphelin d’avoir perdu Georges Favre Jacot mais au sein du personnel de la manufacture, l’homme a laissé des amitiés et les conditions de son départ affectent l’esprit de l’entreprise.
Grâce à une stratégie commerciale fondée sur l’omniprésence de la marque sur tous les continents, ZENTH connaît à partir de 1912 une période prospère. La stabilité politique internationale aidant, les carnets de commandes sont pleins et la manufacture peine à livrer les commandes. Son outil de production n’a pas suivi l’expansion de la marque et il apparaît clair que les recommandations d’enrichissement de l’outil de production prônées par Georges Favre-Jacot jusqu’au moment de son départ sont une obligation incontournable.
Les filiales installent une bonne diffusion des produits de la manufacture et dès 1913, il faut consolider leur capital et renforcer le stock disponible notamment à Vienne. En outre, fort des bons résultats enregistrés au sein des trois premières filiales, il est décidé d’en installer une du même type à Londres. La notoriété internationale de ZENITH fait désormais partie des acquis. Une fois le changement de nom opéré, la manufacture présidée par James Favre décide que c’est vers l’Allemagne que l’effort de communication doit être accentué. Des campagnes de réclame dans les revues et magazines allemands avec l’appui des distributeurs locaux sont lancées en 1912 sur tout le pays et marquent le début de la généralisation de la distribution dans ce pays. Le marché turc, l’un des premiers conquis par Georges Favre-Jacot reste très actif et Serkissoff y multiplie en 1913 les campagnes de promotion à travers la presse.
ZENITH, par une omniprésence dans les journaux, élargit ses parts de marchés et donc son implantation. En cela la manufacture rattrape son retard vis-à-vis de la concurrence suisse qui a multiplié les messages publicitaires dans les magazines et revues depuis 1907/1908. Les encarts publicitaires sont ludiques et font largement appel à la couleur en fondant les slogans sur la précision et la fiabilité.
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Sujet: Saga Zenith Episode 13 - Les plus belles réussites de Georges Favre Jacot 26/1/2012, 09:41
Saga Zenith Episode 13 - Les plus belles réussites de Georges Favre Jacot - Alfons Mucha Inspirateur Horloger ...
Vers 1890 naît un nouveau concept, une tendance, un mouvement artistique qui va faire fureur pendant un quart de siècle jusqu’à ce que la guerre occupe les esprits à d’autres sujets et que la période qui suivra oriente les esprits sur l’Art Déco. A cette époque, tous les secteurs industriels préparent la grande exposition universelle de Paris et la recherche de modèles phares est plus qu’une préoccupation, une nécessité pour se faire remarquer dans un monde dont l’industrie commence à banaliser les objets manufacturés. L’Art Nouveau est partout de la peinture à l’architecture, de la sculpture à la gravure et il envahit même la publicité tant la passion positive ou négative qu’il déchaîne attire les regards. Georges Favre Jacot comme nombre d’industriels se passionne pour la mode de l’Art Nouveau et ira même jusqu’à faire réaliser en 1911, une superbe villa par un jeune architecte, Charles-Edouard Jeanneret, qui deviendra célèbre dans les années 20 sous le pseudonyme de Le Corbusier.
En cette fin de siècle, les regards des publicitaires, des journaux et des affichistes se tournent vers un jeune talent qui fait une belle unanimité. Alphonse Mucha porté au pinacle par les affiches faites en 1894 pour «Gismonda», une pièce de théâtre jouée par Sarah Bernhardt, illustre les affiches de nombres de marques de produits de toutes natures. Nombreuses sont les marques et les industriels qui font appel à Alphonse Mucha pour dessiner ici leurs affiches, leurs publicités, ou bien encore leurs étiquettes. On demande même à l’artiste des pièces de joaillerie, des couverts, des meubles et bien entendu des prestations de décoration et d’architecture. Le biscuitier Lefèvre Utile, Job, Perfecta, font notamment partie des entreprises que Mucha séduira par son talent. Les états vont jusqu’à lui demander de dessiner des timbres et des billets de banque.
Alfons Mucha vers 1897
A la veille de l’exposition universelle de 1900, Georges Favre Jacot rêve de faire dessiner les boîtiers de ses montres de poche par Mucha. La participation de l’artiste n’est pas acquise et le créateur de la manufacture doit négocier lui-même le droit d’utiliser les oeuvres. Georges Favre Jacot aurait certainement voulu pour ses montres des dessins originaux mais quand en 1896, Alphonse Mucha a signé une série de 4 lithographies en couleurs intitulées "Les Saisons" et comprenant : Printemps, Eté, Automne et Hiver, c’est pratiquement un concept de collection qu’a mis au point l’artiste, concept que l’horloger va décliner pour ses montres.
Mucha vient d'ariver à Paris depuis une dizaine d'année afin de poursuivre ses études à l'Académie Julian et à l'Académie Colarossi. Parallélement, il réalise des revues et des affiches souvent à vocation publicitaire. La "Réclame" est en pleine expansion. Mucha impose son style et devient ainsi célébre. Il se met en place une boulimie de ses oeuvres pour faire vendre. Plus qu'un style, Mucha apporte un concept et après plusieurs oeuvres très parisiennes, il participe à l'Exposition du Cirque de Reims et réalise l'affiche du Salon des Cent à Paris. Il produit en série des peintures, aquarelles, posters et des affiches publicitaires de style Art nouveau. Reims adopte Mucha pour son champagne et Mucha devient l'illustrateur des affiches de Ruinart et Moët et Chandon mais aussi Heidsieck et Mercier. Dans ses dessins, devient récurrente une jeune femme en robes néoclassiques dotées de drapés flottants, couronnée de fleurs. Mucha devient un symbole du bon goût et de la mode...Il se rendra ensuite aux États-Unis de 1906 à 1910.
Georges Favre Jacot est très sensible à l'art nouveau et il passe contrat avec Mucha au terme duquel Georges Favre Jacot peut en 1900, présenter à Paris lors de l’exposition universelle, une collection précieuse et originale à la hauteur de ses ambitions. Les modèles de la collection admirée à l’exposition de 1900 seront proposés en argent en trois versions avec une gravure en taille douce oxydée, niellés mats ou lisses et en émaux demi-tons. La publicité de 1900 insiste sur le caractère unique de l'autorisation.
Les exemplaires de ces montres dont les cadrans sont signés ZENITH sont rares et la série complète est inespérée des collectionneurs. Il ne furent jamais réédités et pour cause, le contrat passé avec Mucha semble avoir été d’une portée limitée dans le temps. C'est Huguenin, médailler et fabricant de boites qui réalisa les 4 boites des saisons...
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Sujet: Saga Zenith - Episode 14 - Zenith à la conquête de l'aviation 29/1/2012, 08:42
Saga Zenith - Episode 14 - Zenith à la conquête de l'aviation
Zenith Royal Flying Corps, 30 Hours, Non Luminous, Mark V
Les avions biplans et biplaces Avro 504 furent parmi les premiers avions équipés par des altimètres Zenith à être largement utilisés par les Flying corps de la Royal Navy
En moins de 10 ans, l'aviation balbutiante dans la première décennie du 20ième siècle fait une avancée immense lorsqu’éclatent les premiers combats de la première guerre mondiale. De sport d’hurluberlus en mal de sensations fortes, l’aviation devient l’outil de héros d’un nouveau genre projetés dans une guerre sanglante d’une forme qui est à la croisée des guerres des deux siècles antérieurs et de la seconde guerre mondiale à venir.
A partir de 1916, Zenith devient fournisseur de la Royal Air Force pour des montres de bord qui vont s’intégrer aux tableaux de bord rudimentaires des avions et en particulier des biplans Avro 504 qui équipent beaucoup d'armées européennes. Dotées de cadrans noirs non luminescents, les montres « Royal Flying Corps, 30 Hours, Non Luminous » sont fabriquées pour être lues facilement par les pilotes dans des laps de temps très courts à une époque où le pilotage se fait au vu. La mention de la réserve de marche de 30 heures est là pour rappeler aux pilotes que l’heure précise dont ils disposent dépend du remontage de la montre dans des espaces temps qui ne doivent pas excéder 30 heures entre chaque armage complet du barillet.
Si les premières livraisons comportent des cadrans noirs mats avec des chiffres arabes non luminescents et des aiguilles épaisses peintes en blanc, c’est parce que ces montres sont de véritables instruments de navigation dont la destination est de s’intégrer pleinement dans les tableaux de bord des aéronefs. Cette intégration s’opère selon les modèles d’avions de plusieurs manières : -par une sorte de griffe fixée au tableau de bord -soit par un support en cuir qui protège la montre -soit par un support en bois -soit encore par un procédé de bague d’adaptation qui se superpose à la montre et est vissé sur le tableau de bord -soit par intégration dans un boitier en laiton rhodié qui s’ouvre par l’arrière et laisse découvrir le cadran par une ouverture de la dimension de ce dernier
Ce dernier type de support et le système en bois ont également une autre utilité pour l'heurage des photographies des avions de reconnaissance.
La plupart du temps selon les premiers modes d'intégration aux tableaux de bord, la montre ne comporte pas de bélière. Elle est dotée d’un pendant plus haut que sur les montres classiques pour une préhension plus aisée avec des gants lors du remontage où de la mise à l'heure. Les montres comportent également sur le cadran une référence d’inventaire commençant par deux lettres qui identifient la manufacture dont la montre est issue puis 4 chiffres. Les lettres CB correspondent par exemple à Zenith.
L’aviation évolue de manière fulgurante dans les années de guerre et très rapidement la Royal Air Force met en place des vols nocturnes pour surprendre davantage l’ennemi dont les modes de repérages des avions sont essentiellement visuels et ainsi mieux protéger ses pilotes. Les bombardiers ainsi engagés dans les combats doivent disposer de montres luminescentes, lisibles pendant les vols de nuit. Les instruments de bord sont alors adaptés en appliquant dans un premier temps sur les cadrans des montres des points de peinture luminescente à base de radium et en peignant avec cette matière les aiguilles. Ce sont directement les services responsables de la maintenance des montres de l’armée de l’air qui se chargent de ces adaptations sur les premières versions luminescentes. Ils le font parfois de manière rustique, simplement en ajoutant cette peinture et en dissimulant d’un trait de peinture noire la mention « Non Luminous » et la référence de la montre.
Ces montres dotées de calibres de type 19 lignes et 15 rubis étaient remarquables pour leur précision et pour leur résistance tant aux vibrations dues aux décollages et aux atterrissages des avions sur des pistes herbeuses qu’aux chocs consécutifs aux atterrissages souvent assez brutaux. A l’époque, les antichocs qui ne verront le jour qu’à la fin des années 30, ne peuvent équiper ces pièces et donc en protéger l'axe de balancier. Malgré tout peu de montres ont montré des signes de faiblesse dans des conditions d’utilisation pourtant extrêmes qui ne ménageaient pas non plus les mouvements soumis à l’humidité et au froid de l’altitude.
Les montres de la Royal Flying Corps avaient parfois un usage particulier en ce qu'elles servaient de mode d'identification de l'heure sur les clichés pris par les appareils de repérage photographiques des avions de reconnaissance. Ce fut le cas en 1918 pour certaines pièces faites par Zenith dotées d'aiguilles épaisses y compris la trotteuse pour mieux marquer les négatifs des plaques argentiques des appareils photo. La photo de la montre appraissait ainsi en bas à droite des clichés. La trotteuse épaisse assurait une visibilité sur la photo parfois un peu floue à cause du "bougé" imposé par les vibrations de l'avion. Il était en effet essentiel de disposer d'une heure précise pour évaluer les distances parcourues par l'ennemi et calculer ses vitesses de déplacement.
Ces pièces horlogères pouvaient aussi côtoyer sur les tableaux de bord des avions Avro 504s de la Royal Air Force d’autres instruments de navigation dont Zenith avait fait sa spécialité. Zenith équipera également des Sopwith Camels, Sopwith Pups, SE5As et des Bristol Fighters...
La manufacture, en effet, fabriqua dès le début des années 10 des altimètres très réputés dans l’univers de l’aviation. Un atelier complet de la manufacture fut dédié jusqu’à la seconde guerre mondiale à la fabrication de ces pièces très particulières qui étaient livrées avec des disques en pieds ou en hecto-mètres selon les pays destinataires et selon leur adoption ou non du système métrique. Les premières versions des altimètres Zenith ne comportent évidemment aucun marquage militaire.
En effet, les premiers avions des armées étaient souvent des appareils civils recyclés et en tous les cas mal préparés à la guerre. La vocation militaire des instruments de bord suivit celle des avions eux-mêmes. Par la suite la Broad Arrow fait son apparition sur des pièces qui, comme les montres, passent de l’absence de luminescence à la luminescence de l’aiguille et de quelques chiffres. Les cadrans des altimètres des Flying Corps anglais sont en outre marqués d'une mention "Mark V" et d'un numéro d'inventaire. Ainsi, lors des vols de nuit, les pilotes continuent à lire leurs instruments qui deviennent leurs références ultimes. Ces altimètres sont dotés d'une aiguille à tête rectangulaire qui n'est pas sans rappeler celle que les chronographes El Primero utiliseront en 1969.
L'armée anglaise fit fabriquer pendant la seconde guerre mondiale 58 144 avions dont 35 973 avions furent abattus. Les pièces passaient parfoit d'un aéronef à l'autre. Malgré tout, les volumes requis par la Navy furent très importants. Pour cette raison, la Royal Air Force eut recours à plusieurs manufactures horlogères pour ses montres d'aviation : Zenith fut l'une des rares à fabriquer les pièces livrées à 100%. La plupart des autres maisons durent emboîter outre leurs cailbres, des mouvements divers disponibles sur le marché suisse.
On trouve aujourd’hui assez facilement des versions de montres en état moyen et plus rarement en parfait état et encore plus exceptionnellement avec des systèmes d'emboitage ayant servi sur les aéronefs de l'époque. Pour les altimètres, ceux fabriqués par Zenith ont connu une demande exponentielle et sont recherchés autant pour leur histoire que pour leur intérêt technique. Beaucoup furent détruits avec les avions dans lesquels ils volaient.
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Sujet: Saga Zenith - Episode 15 - La manufacture et ses activités horlogères en 1914 5/2/2012, 19:02
Saga Zenith - Episode 15 - La manufacture et ses activités horlogères pendant la guerre.
En 1915, ZENITH achève son implantation en Amérique du Sud et les pays scandinaves deviennent de solides marchés où, sous le nom de Billodes et ZENITH, les produits de la manufacture sont largement diffusés. La marque est en plein succès, ses bénéfices substantiels L’acquisition d’actions de Le Phare et le climat politique international pondèrent les attentes des actionnaires mais la manufacture continue son programme d’expansion à travers le monde et crée en 1914, une succursale à Londres, la « ZENITH Watch C° » et intensifie ses exportations à destination de la Grande-Bretagne.
Publicité de 1914 pour Zenith
Forts des bénéfices de ZENITH, les actionnaires ambitionnent pour assurer l’expansion de la marque, de procéder à des acquisitions de fabriques susceptibles d’élargir le potentiel de production ou d’enrichir le patrimoine et éventuellement le catalogue de la manufacture. Malgré la guerre, la production de pièces horlogères demeure et ZENITH lance la fabrication d’une boîte pour montre de poche conçue pour résister à la poussière et à l’humidité. C'est de ce type de boite que la manufacture équipe Amundsen, l'explorateur découvreur du pôle sud.
Le concept de boite étanche, exceptionnel pour une montre de poche est basé sur un système de boîtier monobloc et un démontage par dévissage de la lunette et basculement du bloc cadran/calibre. Ces modèles très protecteurs du mouvement auront un grand succès et seront ensuite déclinés en acier, en argent et en or. La manufacture Le Phare est créée au Locle en 1914. Spécialisée dans les mouvements de qualité et les complications, Le Phare apparaît rapidement comme un concurrent potentiel de ZENITH aux portes de la rue des Billodes, ceci d’autant que la nouvelle marque développe sa communication sur la précision de ses mouvements et son avance technologique. ZENITH s’intéresse immédiatement de très près à cette manufacture et achète en 1915 des actions pour la somme de 95 000 francs. Cette participation au capital lui permet d’être très présent dans la gestion de la nouvelle affaire et d’en prendre le contrôle se mettant ainsi à l’abri d’une concurrence sur le terrain qu’occupe la société dirigée par James Favre. Le Phare produira des catégories de mouvements que ZENITH ne produit pas directement et livrera sous la marque ZENITH et sa propre marque des montres à complications tels que des chronographes à rattrapante ou des répétitions minutes ainsi qu’un modèle de montre réveil qui connut un très grand succès. En absorbant « Le Phare » ZENITH s’offre un potentiel supplémentaire de pouvoir signer des montres à complications sans aller chercher à l’extérieur des mouvements aux livraisons aléatoires et élimine un concurrent potentiel dont le dynamisme et la créativité semblent affûtés au point de constituer un danger concurrentiel sur un marché ou l’agressivité commerciale des marques concurrentes est déjà très présente. En outre, Le Phare dispose déjà de moyens de production et d’horlogers formés ce qui dans la période considérée est un atout loin d’être négligeable. ZENITH produit à cette époque son propre calibre de chronographe. Le rapprochement avec le Phare aura finalement pour conséquence que la manufacture ne développe pas directement d’autres grandes complications difficiles à produire dans un processus ancré sur la parcellisation des tâches et le recours à de la main d’œuvre peu qualifiée. Les complications en effet, rendent nécessaires des niveaux plus élevés de qualification du personnel avec une rentabilité incertaine et le marché des montres compliquées demeure limité. La sous-traitance avec Le Phare permet donc de toucher le marché de la montre compliquée (on ne parle pas de haut de gamme à l’époque) sans encourir directement les risques économiques induits par la production de cette catégorie de produits.
Gousset Réveil produit par Le Phare pour Zenith dès 1915
La compagnie ZENITH est fondée à Paris, la société de construction du clos de Nods est installée au Locle. La manufacture s’installe par ailleurs dans les locaux de l’école d’horlogerie à Chez-Le-Maître avec une équipe de 40 personnes. L’année suivante, en 1917, à Paris est crée « la Compagnie des machines et magnétos Zénith ». C’est ensuite à Lausanne que l’entreprise complète son implantation commerciale avec une boutique dédiée « l'Horlogerie de Bourg SA ». Cette expérience de distribution intégrée avant l’heure sera un échec notamment parce que la marque est déjà largement diffusée par ailleurs.
A Genève voit le jour le « Comptoir des montres Zénith » et au Locle « La fonderie de l'Aurifère » ainsi qu’une fabrique de boîtes de montres. Les comptoirs Suisses seront durablement déficitaires. En effet, si ZENITH produit déjà à l’interne ses boites, l’expansion du marché rend nécessaire d’élargir l’outil de production en ce domaine pour rester indépendant. Une fonderie est créée au Col-des-Roches. Elle s’avérera utile lors du manque de laiton pour remplacer certaines pièces des pendules par des pièces en fonte.
La main d’œuvre du Locle n’est plus suffisante, une partie importante de la production est décentralisée à Boudry sous la direction de Charles Rosat. D’autres ateliers spéciaux sont installés à la Chaux-du-Milieu, à la Brévine, aux Ponts-de-Martel, à Saint-Aubin, au Sentier et aux Charbonnières.
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Dernière édition par ZEN le 14/2/2012, 18:59, édité 1 fois
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Sujet: Saga Zenith - Episode 16- Le travail secret de Charles Rosat sur les balanciers 6/2/2012, 09:32
Saga Zenith - Episode 16- Le travail secret de Charles Rosat sur les balanciers des montres Zenith
On est en 1913, Zenith vient de faire venir en son sein Charles Rosat qui deviendra Directeur des ateliers que Zenith détient à Boudry. Charles Rosat antérieurement régleur et chef d'atelier chez Jaeger LeCoultre est un horloger brillant qui fait des recherches sur la précision autant au plan des matérieux nouveaux qui peuvent la favoriser que sur des modes d'énergie nouveaux comme l'électricité pour les pendules. Créateur d'une raquette qu'il a brevetée et posera sur quelques pièces Zenith, Rosat s'illustre par des recherches sur l'Invar et l'Elinvar, alliages peu sensibles aux variations de température et donc peu déformables pour cette raison. Ces matériaux furent et sont toujours d'une grande utilité dans l'horlogerie. Ils permirent de concevoir des balanciers et des spiraux et donc intéressèrent directement la précision des pièces.
Charles Rosat
Rosat travaillait un peu en solitaire, à heures perdues tout en faisant profiter Zenith de ses découvertes. En 1915 et pour longtemps encore, le meilleur moyen de fabriquer un balancier précis est de recourir à un système bimétallique, coupé avec des vis de compensation et une raquette de qualité pour le réglage fin. Zenith a recours pour ses raquettes à un système breveté en 1903 dont la manufacture s'est garanti l'exclusivité. Le système repose sur un disque excentrique et une flèche courbe poussée par une vis micrométrique avec un ressort de contrefort.
Rosat qui excelle d'inventivité sur les raquettes se dit qu'il faudrait trouver le moyen de produire un balancier non coupé et donc plus facile à fabriquer de manière industrielle et dans un premier temps d'y maintenir des vis de compensation puis à terme de les supprimer purement et simplement. L'idée du balancier sans vis n'est pas nouvelle par elle-même puisque les montres à cylindre, très souvent, comportaient des balanciers en laiton non coupé sans vis. Toutefois, ces montres étaient aléatoirement précises et les montres à ancre ne pouvaient se satisfaire d'un composant aussi instable.
Les recherches de Charles Rosat sont donc de la plus grande importance car elles visent à faire évoluer une production industrielle dans le sens d'une qualité meilleure avec des garanties de fabrication en volume et donc de dupliquer la précision et la rendre accessible à tous en réduisant les coûts de fabrication. Selon Rosat, il faut réussir à supprimer le balancier coupé. Les coupures du balancier visent à en laisser "libre" la déformation due aux écarts de température. Grâce aux coupures, la variation en longueur des matériaux est mieux contrôlée ceci d'autant que le recours à deux métaux soudés l'un sur l'autre, métaux de composition différente, réduit cette variation de forme. Rosat voit dans l'Invar et l'Elinvar une solution onéreuse au plan du prix de revient du matériau mais économique au plan des interventions de main d'oeuvre si les balanciers sont monoblocs et d'un seul composant.
Après des mois d'essais et de tentatives, il aboutit en 1917 à une solution alternative au balancier coupé. Charles Rosat réussit en effet à fabriquer un balancier non coupé en Elinvar. Mieux, il réussit à le produire avec les outillages de la manufacture et à fiabiliser son invention en donnant aux pièces qu'il équipe une précision chronométrique. Loin de se contenter de produire une montre tenant l'heure dans de bonnes conditions, il lui faut, perfectionniste dans l'âme, démontrer que les résultats obtenus sont performants. Sans doute équipe-t-il quelques montres de poches mais à ce jour aucune n'est connue. En revanche, il va équiper de son invention une douzaine de chronographes (deux boites de six pièces). Ces pièces sont marquées, au sein des cahiers de la manufacture, de la mention "chronomètre spécial". A Boudry, en 1917, les ateliers fabriquent des chronographes de poche, pièces un peu plus complexes que les classiques montres et les ateliers de Boudry sont réputés pour avoir en leur sein d'excellents horlogers et techniciens. Le choix de faire des chronographes ayant la qualité de chronomètres est à l'époque assez osé car peu de chronographes réussissent cette performance que Zenith dépasse pourtant. Son calibre de chronographe 19 CHRO est sans conteste l'un des meilleurs de l'époque avec celui de Longines.
Rosat réussit son pari. Pourtant la manufacture ne va pas réserver une suite industrielle immédiate à cette invention qui reviendra bien plus tard révolutionner l'horlogerie dans les mouvements de montres bracelets. Zenith oppose à l'industrialisation de ce balancier son coût de revient élevé lié aux finitions qui restent nécessaires. En outre, l'Elinvar est cher et comme toute l'industrie en "consomme", ses cours sont incertains er variables tout comme les livraisons. La manufacture, dont le concept de Georges Favre Jacot était bâti sur l'indépendance d'approvisionnement, ne pouvait se satisfaire de cette dépendance. En outre, Rosat doit admettre le temps qui a été nécessaire pour terminer de manière satisfaisante ces balanciers. Les heures cumulées sont infiniment plus lourdes que ce que requiert un balancier classique.
Dans les 12 pièces produites, il y eut trois savonnettes. Le temps a dispersé ces pièces dont la probabilité d'en retrouver une seule est infime. Par chance et fruit d'un hasard absolu, celle-ci fut retrouvée près de Paris chez un Horloger qui la tenait de son père lui-même horloger qui enseigna son art en Suisse. Rosat ayant lui-même eu des activités d'enseignement, il est difficile d'établir si cette pièce lui fut transmise par hasard.
L'unique exemplaire retrouvé de chronographe travaillé par Charles Rosat
Un balancier Classique de chrono Zenith
Le balancier de Rosat
On remarque bien entendu la structure différente du balancier mais aussi plus accessoirement de la raquette dont le contre ressort évolua dans le temps. La forme arrondie de ce contre ressort est plus ancienne et cela témoigne en fait du temps pendant lequel Rosat travailla directement sur ce type de pièce avant de les laisser quitter ses ateliers de Boudry. Cette pièce est évidemment devenue unique avec le temps et elle constitue un ultime témoignage de l'immense travail de recherches menées par la manufacture sur les tout premiers chronographes qui en ont construit la réputation et l'histoire.
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th - Episode 16
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Sujet: Saga Zenith - Episode 17 - Les calibres de chronographes de poche de la manufact 6/2/2012, 09:37
Saga Zenith - Episode 17 - Les calibres de chronographes de poche de la manufacture ZENITH
Avant la seconde guerre mondiale, les manufactures ont une offre diversifiée de chronographes qui ne sont pas toujours issus d'une conception ou d'une fabrication interne. Omega qui s'est lancé très tôt, dès la fin du 19ème siècle dans la fabrication de chronographes "in house" réfléchit déjà à l'aube de la guerre à confier à Lémania la fabrication de ses mouvements de chronographes. La demande de ces pièces reste en effet marginale, conditionnée essentiellement par l'expansion du marché naissant de l'automobile. Longines qui s'est engagé dans la conception et la fabrication d'un calibre de chronographe de 19 lignes très astucieux et très performant connait un franc succès essentiellement en Amérique Latine. Omega partage le marché encore assez peu florissant et nombre d'autres manufactures telles Ulysse Nardin ou Vacheron et Constantin se focalisent sur d'autres catégories de mouvements.
Avant 1914, la manufacture Zenith ne dispose pas encore de ses propres mouvements. Les chronographes de poche et les versions bracelets qu’elle distribue déjà renferment donc des calibres achetés à l’extérieur, le plus souvent des Valjoux de 17 rubis de 15 lignes dans les modèles bracelet et de 18 ou 19 lignes dans les chronographes de poche. La demande n’est pas assez importante avant 1910 pour que ZENITH s’engage dans la conception d’un mouvement de chronographe. Les marchés sensibles aux équilibres politiques internationaux débouchent sur une économie en dents de scie qui n’incite pas les actionnaires de la manufacture à laisser Georges Favre Jacot développer un mouvement dont les ventes resteraient limitées. De fait, les chronographes ne sont pas des pièces de grande diffusion et ZENITH répond aux commandes avec des mouvements dont la fiabilité peut d’autant moins être mise en cause que de nombreuses autres manufactures font également appel à Valjoux pour équiper leurs propres chronographes.
Omega et Longines commencent à exploiter l’image du sport et des chronométrages sportifs pour fonder leur communication vers le grand public sur la qualité et la précision de leurs mouvements. Les messages mettent l’accent sur le savoir faire des manufactures. Il n’en faut pas davantage pour qu’au Locle, sur les directives de James Favre, qui a succédé à Georges Favre-Jacot en 1911, soit engagée par le bureau d’étude la conception d’un mouvement de chronographe. Celui-ci voit le jour en 1915 tandis que la même année Zenith prend le contrôle de la manufacture Le Phare installée également au Locle et qui est spécialisée dans les complications dont notamment les chronographes.. Le mouvement Zenith est un calibre de 19 lignes de 19 rubis, une pièce de grande qualité précise et fiable qui passe pour être une référence dans le foisonnement des chronographes présentés ici et là, à l’époque parfois sur des bases identiques et retravaillées juste pour dissimuler leur provenance. Le balancier coupé bimétallique à vis est assorti d’un spiral Breguet et la raquetterie est celle brevetée en 1903 à disque excentrique. ZENITH a quasiment universalisé ce type de raquette dans tous ses modèles et cet ensemble d’éléments réglants depuis plus de 10 ans est la clé de voûte de tous les mouvements de la manufacture.
Livré en version Lépine ou savonnette, le cadran peut intégrer un pulsomètre, un tachymètre, un télémètre ou simplement un disque de mesure décimal. On en trouve avec plusieurs combinaisons de ces différentes échelles de lecture. Les boites sont en or parfois assorti d’émail peint, argent, acier bruni, acier nickelé ou métal blanc. C’est la manufacture qui réalisait elle-même les boites des mouvements qu’elle manufacturait. Le poinçon d’orfèvre pour les versions en métaux précieux intègre les lettres ZB pour « Zenith Billodes » et témoigne de cette paternité de fabrication.
Certaines productions de ces montres furent luxueuses. Les boîtiers rivalisent alors d’élégance et de finesse. Certains modèles furent enrichis de décorations émaillées représentant des scènes romantiques ou art déco. D’autres furent ornés de fines gravures ou de reliefs faisant l’apologie de la voiture et des modes de transport. Les automobilistes aimaient à mesurer leurs performances autant que celle des voitures et le calcul des vitesses et des moyennes n’était pas encore intégré dans les tableaux de bord.
Selon les variantes, le compteur totalisateur des minutes est situé à midi en version Lépine ou savonnette. La version savonnette est plus généralement livrée avec un totalisateur des minutes à trois heures. Ce totalisateur cumule, jusqu’à trente minutes, la période chronométrée. Il existe une version rare du chronographe avec une variante de compteurs qui totalise jusqu’à dix minutes sur un arc de cadran situé à midi et revient à 0 au delà de ce délai. Une version du calibre fut présentée avec rattrapante. Il en fut fabriqué très peu d’exemplaires d’autant que Le Phare allait offrir une collection assez complète de chronographes à complications. Le mouvement classique de chronographe ZENITH a connu des variantes très particulières sans doutes dues aux recherches menées par Charles Rosat qui en 1915 dirigeait l’atelier que la manufacture possédait à Boudry. Dans sa quête de la précision ultime, Charles Rosat auquel on doit une raquette par ailleurs décrite, s’intéressait également à la composition des balanciers et des spiraux. Ses recherches qui lui avaient valu entre autre le prix Guillaume, avaient un degré d’avancement certain quand il mit au point un balancier monométallique assorti d’un spiral faisant une entorse au recours au balancier compensé bimétallique coupé à vis dit balancier Guillaume auquel la manufacture recourait généralement. Si les recherches sur le balancier monométallique n’était pas l’exclusivité de Charles Rosat, son emploi dans des pièces de précision était une première au moins chez ZENITH tant la fiabilité des balanciers bimétalliques était un acquis.
Avec des éléments réglant classiques, la variation de température qui déforme le spiral est compensée par la dilatation des métaux qui composent le balancier. Ce dernier est coupé pour mieux absorber les déformations induites par le changement de température. Le recours à l’Elinvar pour le spiral, en évite la déformation. Le balancier n’a plus alors d’effet de compensation utile et il devient possible de le fabriquer avec un seul métal ou alliage. Si ce composant est lui-même de l’Elinvar, la conjugaison du spiral et du balancier est théoriquement insensible aux variations de température, ce qui assure à la montre une régularité de marche optimale. Ces balanciers monocomposés étaient très controversés auprès des horlogers et ingénieurs et peu croyaient à la précision qu’ils étaient capables d’atteindre. Charles Rosat qui aimait les défis équipa deux cartons de six pièces de ce type de balancier. Si l’équilibrage est opéré avec des vis en or jaune, en revanche, c’est bien un élément réglant révolutionnaire qui anime ces douze pièces rarissimes sorties de la manufacture début avril 1916 et dont la fabrication des ébauches remonte à décembre 1915. Pour dissiper la perplexité probable des détracteurs de ce type de balanciers, ZENITH qui surfait sur le fil de la précision extrême livra ces douze modèles avec un bulletin de marche attestant de leur précision chronométrique.
Le très rare chronographe à balancier monométallique mis au point par Charles Rosat
Si cela ne suffit pas à généraliser ce type de balancier sur lesquels les concurrents de la manufacture n’ont pas recherché à développer des produits analogues pour les commercialiser. En revanche, la performance demeure le fruit d’une initiative qui illustre les recherches permanentes menées au Locle en matière de conception des mouvements et de chronométrie.
Zenith va donc commercialiser deux chronographes simultanément voire trois pendant un certain temps , celui avec le calibre Valjoux, celui avec le calibre interne et celui avec un mouvement Le Phare.
Le calibre "simple" de chronographe mis au point par Le Phare
Le succès du calibre Zenith sera d'autant plus grand que les armées d'Europe s'engagent dans un conflit armé sans précédent et que les armées sont demanderesses de chronographes de qualité.
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Sujet: Saga Zenith - Episode 18- La rencontre avec Pierre Frainier 7/2/2012, 18:21
Saga Zenith - Episode 18 - Témoignage : La rencontre en 1905 de deux passionnés d'art nouveau : G.F Jacot et Pierre Frainier
Pierre et Alfred Frainier : (Pierre 1840-1927 Alfred 1869-1937) Père et Fils, furent les pionniers de l’horlogerie à Morteau. Fondateurs de la « Manufacture de boites de montres » qui se situait rue de la Chaussée à Morteau, ils spécialisérent leur entreprise dans la fabrication de boîtiers de montres travaillés, les médailles notamment pour les prix et décorations et les clochettes en métal. En 1905, ils créérent au sein de leur entreprise une école de graveurs. Le bâtiment est occupé aujourd'hui par l’école Sainte Jeanne d’Arc de Morteau.
Les Frainier étaient originaires de Porrentruy en Suisse où le père avait créé une entreprise de fabrication de boites de montres. Rapidement, il sut créer un style en plein art nouveau avec des méthodes de fabrication très artisanales et de haute qualité. Les Frainier frappaient (c'est le terme donné à la gravure des médailles et boites) au balancier. Leur art s'exerça sur deux générations de 1864 à 1930.
Le musée de Morteau conserve aujourd'hui un atelier de production de boîtiers de montres qui n'est autre que celui de la fabrique Frainier & fils. L’atelier est doté d’une machine à guillocher et la collection de fonds de boîtes qui l’accompagne illustre le travail à l’époque de l’Art nouveau. Comme une montre n'est pas complète sans son calibre et qu'un mouvement ne serait rien sans sa boite, il fallait bien que la maison Frainier ait un jour rencontré la manufacture la plus imposante dans un rayon de 25 kilomètres. Cette manufacture, c'est évidemment Zenith.
Précisément l'année ou Frainier crée un atelier de gravure, la manufacture horlogère Zenith présente un nouveau calibre qui répond au nom fraichement déposé de "Défi" . Les années 60 feront réapparaitre ce nom en lui donnant une consonnance anglo-saxonne et en lui substituant "Defy" cette fois pour une montre bracelet. Le nom de Defy sera réactualisé avec une collection aujourd'hui disparue et crée en 2006. Mais revenons à 1905, année de cette rencontre de Zenith manufacture créatrice d'horlogerie avec à sa tête un grand amateur d'art nouveau en la personne de Georges Favre Jacot qui avait signé avec Mucha une collection rarissime de montres sur le thème des quatre saisons, et de Pierre Frainier amateur lui aussi d'art nouveau et qui se fait une réputation mondiale pour la qualité de ses boites.
Georges Favre Jacot passe donc commande de quelques boites pour habiller son calibre Defi ... Le résultat est à la hauteur des ambitions de ses créateurs ... Encore une fois, le nom de Zenith apparait en rouge, expression de l'importance que la manufacture du Locle place dans ces pièces. La montre est une savonnette avec le calibre Defi à ancre dans sa version de 18 lignes.
Le succès de Frainier fut immense et sa réputation mondiale. Sa publicité de l'époque justifie par son succès qu'il ne puisse livrer tout le monde. Il signe toutes ses fabrications et les boites de montres n'y échappent pas ...
Les montres très demandées étaient hélas fabriquées dans de toutes petites séries et Frainier n'avait pas la capacité de livrer davantage. Georges Favre Jacot partageat ses commandes de montres "art nouveau " avec d'autres graveurs mais l'exécution des boites par Frainier reste d'une immense qualité que le temps n'a pas altéré.
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Sujet: Saga Zenith - Episode 19 - Les prix des montres Zenith au début du 20ème siècle 10/2/2012, 21:31
Saga Zenith - Episode 19 - [Encadré] Les prix des montres Zenith au début du 20ème siècle
On parle aujourd'hui de montres de luxe et de fait, les prix des montres en font des produits haut de gamme dans une société de consommation qui depuis 20 ans a replacé la montre mécanique comme symbole de luxe. Au début du 20ème siècle, la montre n'était pas du tout perçue comme elle l'est aujourd'hui et nos ancètres y voyaient un instrument de mesure du temps qui donnait à son propriétaire la détention individuelle de l'heure. Il faut dire que cette approche était une véritable conquête sociale et que l'heure avant la création des montres à ancre, c'est à dire avant 1870 n'était donnée que par des montres à la précision aléatoire et les versions les plus précises étaient par leur prix réservées aux plus riches.
La fin du 19ème siècle démocratise l'heure et les manufactures pour répondre à toutes les demandes se mettent à proposer des montres sur mesure où le client définit tous les paramêtres ou presque de sa future montre. C'est un peu comme si tout était en option payante avec au final une totalisation des demandes du consommateur.
Le rôle de conseil du détaillant prend toute sa dimension lorsqu’on découvre dans le catalogue de 1902, les déclinaisons multiples de modèles proposées par la manufacture à ses clients et les combinaisons qui leurs sont ouvertes.
Une fois que le client a opté pour un modèle Lépine, savonnette ou demie savonnette, il choisit la finition désirée du mouvement (à moins qu’il ne termine par ce choix, ce qui l’obligerait à s’assurer que les options suivantes sont disponibles pour le mouvement retenu). Il doit ensuite sélectionner son cadran. Le catalogue ne propose pas moins de 37 modèles de l’émail blanc, éventuellement nuancé de couleur crème (supplément de 0,50 francs), sous fondant ou noir facturés un franc avec ou sans heures paillon qui vaudra un débours supplémentaire de 3 francs. Il peut encore opter pour une seconde rapportée qui lui coûtera éventuellement 75 centimes de francs.
Le client n’en a évidemment pas terminé puisqu’il va devoir procéder au choix important des aiguilles avant de passer au boîtier de la montre. Le matériau est alors la première sélection à opérer. Avant que dans les années 20, on ne lui propose l’agate, il doit en 1902, choisir entre l’or, l’argent, le plaqué or, l’acier et le nickel. On parlera plus tard de métal blanc éventuellement nickelé. Si après avoir choisi un mouvement de 19 lignes, il opte pour l’acier facturé 17,50 francs pour une montre Lépine et 19,50 francs pour une savonnette, un « oxydage » ardoise brillant lui coûtera 1 franc de plus. S’il a choisi une demie savonnette, le gravage du guichet optionnel est facturé 1,5 franc et un filet de glace en or de 9 carats 2,50 francs.
Le choix d’une montre en boite faite d’argent n’est pas une mince affaire. Le prix de base est de 21 francs pour une Lépine et 25 francs pour une savonnette. Il faut en choisir le titre de 800, 875, 900 ou 935 millièmes avec à nouveau une majoration de 1 à 1,50 francs selon l’option retenue. La boite en argent peut être niellée (+ 6 francs en Lépine et 7,50 francs en savonnette), comporter une incrustation (ajouter 2,50 francs) par exemple, pour graver ses initiales et bénéficier de charnières en or et d’olivette en or pour 3,50 francs. La couronne enfin, peut être en or pour un franc de plus.
Les options du plaqué or sont plus limitées puisqu’il suffit de choisir un plaqué garanti 5, 10 ou 20 ans. Le plaqué est vendu à l’époque de 30 francs (Lépine avec plaqué or garanti 5 ans) à 57,60 francs (savonnette au plaqué or garanti 20 ans), plus cher que l’argent.
L’or enfin, si le pays de l’acheteur autorise le bas titre peut être de 14 ou 18 carats, il sera proposé à 9 carats quelques années plus tard.
La différence de prix est sensible entre la version Lépine et la savonnette car le couvercle supplémentaire augmente le poids de métal précieux. Les prix sont fonction des cours et sont manuscrits dans le catalogue. L’or d’une boite Lépine pèse 18, 20 (la cuvette est en métal dans ces poids), 23, 30 ou 35 grammes quand une savonnette est lourde de 24, 25, 30 (avec cuvette métal), 35, 38, 40, 45 ou 50 grammes (ces 5 dernières valeurs sont offertes avec cuvette en or). Selon le modèle et le poids, la montre est facturée hors options, de 72 francs pour une Lépine en version 14 carats avec cuvette métal (et seulement 18 grammes d’or) à 182 francs pour une savonnette en or de 18 de carats avec une boite de 50 grammes.
La savonnette à guichet est majorée de 1 à 3 francs et la boite à goutte 5 francs. Ces modèles sont réellement conçus avec le souci de plaire au plus grand nombre mais ne sont pas accessibles à toutes les bourses dans toutes les versions. Sans chercher dans les options supplémentaires de choix liées aux modèles, une évaluation de la montre est extrêmement significative. A l’époque, le salaire mensuel moyen d’un ouvrier spécialisé dans l’horlogerie qui travaille entre 58,50 heures et 60 heures par semaine est vers 1905 de l’ordre de 150 francs et de 27 francs de plus s’il est graveur guillocheur, c'est-à-dire au sommet de l’échelle des salaires des ouvriers en horlogerie.
Faisons le calcul du prix de revient pour le client d’une montre avec une boite acier oxydée et un calibre 15 rubis de qualité C (la meilleure « standard » et la plus courante), avec un cadran blanc classique.
22 Frs (Boite, calibre et cadran de base) + 1 Frs (oxydage) = 23 francs
Second exemple, celui d’un client qui souhaite une montre de type Lépine, un mouvement de 17 3/4 lignes de qualité Prima avec ressort de raquette, un cadran crème, boite en argent 935 millièmes de type Lépine avec du niel et une incrustation d’or.
Passons enfin à une montre savonnette en or 18 carats de 45 grammes calibre extra (21 rubis) avec cadran sous-fondant à seconde rapportée, lunette et carrure galonnées, charnière or et couronne or.
179 Frs (base boite calibre et cadran) + 20 Frs (environ pour passer en qualité extra) + 1frs (cadran sous-fondant) + 2,50 Frs (carrure et lunette galonnées) + 0,75 Frs (seconde rapportée) + 1 Frs (couronne or) = 193,25 Frs
Les montres en or de haut de gamme sont évidemment d’un prix élevé au regard des salaires mais les prix d’accès sont très raisonnables dans ce que l’on peut appeler des « montres sociales » qui donnent aux humbles et aux riches, une même chance d’accès à la détention de l’heure exacte. Ces montres sont toutes très précises avec évidemment une qualité supérieure en faveur des mouvements de qualité « extra ». ZENITH ne néglige toutefois aucune clientèle, ni couche sociale et même si on ne parle pas de parts de marché, l’universalité de la clientèle est bien un objectif cultivé inconcevable un siècle plus tard quand la montre est avant tout un objet de luxe.
Il est évidemment possible pour chaque client d’obtenir des versions spécifiques avec des cadrans peints spécialement, des décorations en émail, des ciselures et gravures de toutes formes, des incrustations de pierres ou perles et au final. Les variantes sont tellement larges que le client peut quasiment disposer d’une montre sur mesure.
La recherche de diversité et le besoin de conquérir des marchés vont pousser la manufacture Georges Favre Jacot et C° à multiplier les collections et en particulier, les collections thématiques. C’est une véritable approche marketing emprunte de modernité qui fait ainsi proposer par la manufacture des collections comme celle par exemple destinées au marché russe sous les marques Billodes et Diogène et décorées de scènes de cavaliers du tsar livrant le combat. La montre moderne nait à cet instant quand les horlogers comprennent qu'il faut donner au client l'envie non pas d'avoir une seule montre mais plusieurs... La notion de collection s'amorce !
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Sujet: Saga zenith - Episode 20 - L'histoire d'une polisseuse de la manufacture 14/2/2012, 10:18
Saga Zenith - Episode 20 - Histoire du temps d'avant
On est en 1913. Certains croient encore que la guerre n'est qu'une rumeur et que le siècle apportera la paix. En Suisse, les manufactures d'horlogerie tournent à plein régime comme leurs concurrentes américaines qui vendent de mieux en mieux leurs productions en Europe et en particulier en Grande Bretagne.
Ce 21 janvier est en France une année de forte pluviométrie. Le Bassin Parisien et tout le Nord-Est sont encore gorgés d'eau et après les grandes inondations de 1910, la population s'angoisse à l'idée de devoir abandonner les maisons et nettoyer les dégâts. "On a de l'eau jusqu'au genoux" écrit un Auvergnat exilé près de Paris." Nous ferons notre affaire de toute cette eau..." Poincaré va céder la place à Aristide Briand. L'hiver est glacial et on n'arrive pas à réchauffer les maisons. Les ateliers d'horlogerie sont éparpillés sur le territoire suisse car, faute de moyens de transport, il faut les installer à proximité des zones où vivent les ouvriers. On a recours au travail à domicile et les manufactures regroupent les travaux les plus complexes ou nécessitant des machines coûteuses et indispersables.
Fanny travaille au Locle chez ZENITH, on y est bien avec des semaines à 58 heures rythmées par la siréne. Les Samedi sont travaillés mais quoi faire quand le sol est gelé ? C'est à pied que l'on vient parfois de plusieurs kilomètres prendre son travail. La neige, ici on connait alors on sait isoler ses pieds avec des chaussettes de laine ou du journal. Le froid ne fait pas peur. Fanny travaille au polissage des boites qu'elle termine et fréquente depuis quelques mois Philippe à l'atelier d'outillage. Ils se voient pendant les pauses et le soir il la raccompagne chez elle. Ils discutent et suprême récompense, elle l'embrasse tendrement sur la joue à l'arrivée. Ce moment délicieux vaut bien les 4 kilomètres à pieds du détour. Un 21 janvier 1913 finalement comme les autres jours se profile sauf que le contremaitre a dit aux filles de se faire belles car un photographe doit venir immortaliser leur travail. Le photographe fige les images et les oblige à se statufier le temps de charger la plaque de la chambre en bois de la lumière qui va l'impressionner.
Fanny est belle, elle rayonne à l'établi comme dans la vie et illumine la photo autant que le soleil qui éclaire la pièce. Coiffée avec une élégance folle d'un chapeau pour protéger ses jolis cheveux châtains des poussières d'argent. Son profil séduit le photographe qui fixe pour l'éternité la beauté de ses 24 ans sur la plaque. C'est aujourd'hui l'anniversaire de Fanny et ce soir, elle fera a Philippe la promesse de passer un peu plus de temps avec lui dimanche prochain.
L'insouciance des êtres, le romantisme de Fanny et son amour pour Philippe ne seront que très peu altérés par la guerre qui se prépare. Non leur combat à eux viendra juste à la fin de la guerre pendant laquelle ils uniront leurs destins. C'est d'Espagne que soufflera le rappel aux réalités du malheur. La grippe espagnole décime entre 1918 et 1919, 30 à 40 millions d'Européens officiellement et probablement plus de 100 millions de personnes dans le monde, chiffre qu'on dissimule aux populations pour cause de fin de guerre. On y perd Guillaume Apollinaire. Fanny et Philippe protégeront comme ils peuvent l'enfant né de leur union et voient disparaître leurs parents et un frère. Pas une famille n'échappe à une disparition. On se compte chaque semaine comme pour se rassurer et on se méfie de tout le monde car le virus est partout, ignorant le froid et le chaud.
La vie ensuite ne sera jamais plus pareille. L'insouciance d'avant a disparu cédant la place à la conscience que le bonheur est forcément furtif et provisoire. Fanny reste magnifique sur cette image qui finalement a figé plus que son reflet et a conservé la fraicheur et le bonheur de cette année 1913.
On est forcément toujours avant ou après quelque chose. C'est après que l'on sait si c'était mieux avant, un avant dont on n'est pas toujours maître. Fort heureusement, il arrive aussi que ce soit mieux après... Le temps ne joue pas nécessairement contre nous mais il joue avec nous en partenaire ou adversaire. Nos montres ne font que le mesurer en contribuant à nous convaincre de l'apprivoiser.
Merci à Fanny d'avoir partagé avec nous un siècle plus tard, l'image de son temps d'avant...
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Sujet: Saga Zenith - Episode 21 - L'US Signal Corps de Zenith 14/2/2012, 13:48
Saga Zenith - Episode 21 - L’«US Signal Corps»
Les Signal corps sont un corps militaire américain chargé de la gestion des communication notamment interarmées. Créé en 1860 par Albert J Myer, les Signal corps eurent un rôle fondamental pour aider l'Armée Française dès 1918 et établir des transmissions. Travaillant dans des conditions difficiles, les signal corps mirent au point des modes de diffusion des informations parfois complexes pour toujours garantir les interconnexions entre armées.
Pionniers de l'aviation militaire moderne en 1908, les frères Wright ont effectué des vols d'essai du premier avion de l'armée construit selon les spécifications des Signal Corps. L'aviation militaire américaine est d'ailleurs restée sous le contrôle des Signal Corps jusqu'en 1918, quand elle s'est rransformée en Armée de l'air américaine .
Les signal corps sont omniprésents dans tous les développements technologiques modernes des armées et des communications.
Les montres des signal corps furent commandées en Europe à plusieurs manufactures suisses. Le nombre de fournisseurs s'explique par l'amplitude des besoins en nombre. Omega, Zenith, Cyma, Moser, Tavanes, Ulysse Nardin, Tissot, Rode... Ces montres conformes à un cahier des charges de l'armée américaines se ressemblent toutes et diffèrent essentiellement par les calibres. Elles devaient être précises et disposer d'un double couvercle de fond comme les montres de poche, afin d'assurer une bonne étanchéité à la poussière. La plupart des calibres sont des 12 lignes.
Aux alentours de 1917, ZENITH équipe notamment l’armée américaine. Plusieurs marques américaines et suisses sont sollicitées pour doter la British Royal Flying Corps et l’« US Signal Corps ». La manufacture du Locle fournit à cette occasion des montres bracelet avec trotteuse à six heures sur cadran en émail blanc. Les cadrans de ces montres, rendus luminescents par une peinture au radium, permettaient une lecture nocturne de l’heure facilitée également par les aiguilles Mercedes également luminescentes. Les boites d’une taille d’environ 33 mm ou plus sont en «métal blanc» et les calibres, en général des 13 lignes de 15 rubis, sont dotés d’une raquette à disque excentrique. Leur construction et leur architecture sont très proches de celles des mouvements des montres de poche, dont ils sont la duplication sous diamètre réduit. D’une précision absolue, ces montres disposent d’un balancier Guillaume à vis, coupé et bimétallique, ainsi que d’un spiral Breguet. Près d’un siècle après leur fabrication, les montres des « Signal Corps » passent aisément l’épreuve de contrôle de réglage sur les vibrocomparateurs électroniques modernes.
Les aiguilles de type Mercedes au radium assuraient une luminescence milieu nocturne ou faiblement éclairé. Les cadrans toujours en émail pour les modèles antérieurs à 1925 sont également peints au radium et dotés de chiffres arabes en principe avec un marquage 24 heures. Les chiffres rouges étaient simplement imprimés ce qui parfois explique leur effacement. Les boites sont parfois "grillagées" pour en protéger la face antérieure des chocs tout en préservant la lisibilité de l’heure.
Elles furent portées par les soldats américains chargés des communications par radio, télégraphe ou téléphone et en particulier par des reporters propagandistes du corps expéditionnaire américain qui s’engagea à coté des Alliés dès 1918.
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Sujet: Saga Zenith - Episode 22 - Les montres des Corps of Engineers de Zenith 14/2/2012, 18:15
Saga Zenith - Episode 22 - L’«USA Corps of engineers»
Le corps des ingénieurs de l'armée Américaine est une institution dont l'objet est la gestion du génie civil rattaché au département de la défense américain et à l'armée de terre américaine. Cette institution fut créée en 1775 pendant la guerre d'indépendance lorsque le congrès continental a autorisé le premier chef des ingénieurs à bâtir des fortifications à Bunker Hill.
A l'époque, le corps était notamment composé de Français engagés par George Washington. Sept ans plus tard, le corps se fixe à West Point et devient la première académie militaire américaine. Ce corps allait rester lié à la France durablement et lors de la première guerre mondiale, il s'engagea le 6 avril 1917 aux côtés des alliés. Dès le mois de juillet 1917, les soldats américains étaient à Paris et sur le front dès octobre ils s'engageaient lourdement dans les combats contre l'Allemagne.
Au total, l'US Army a engagé plus de 1,2 million de combattants en Europe et essuyé 117 000 pertes humaines lors de la signature de l'armistice. L'europe fut un immense terrain de réorganisation des infrastructures pour le Corps of engineers. Il fallut reconstruire les infrastructures ferroviaires et routières, les ponts, les chaussées... Il fallut aussi installer des troupes dans les forêts pour exploiter le bois, réinstaller les zones portuaires et les voies fluviales, mettre en place des circuits de communications pour faire circuler les produits de première nécessité pour les populations et relancer les industries.
L’US signal Corp n’est pas la seule arme américaine à faire appel à ZENITH pendant la première guerre mondiale. L’USA Corps of engineers fut dépêchée en Europe pour une aide stratégique des armées anglaise puis française dès août 1917. La mission du génie américain qui composaient ces régiments était notamment de construire des infrastructures, des ponts, des routes et des voies de chemins de fer à l’arrière du front.
L’armée américaine sollicita également la manufacture afin de doter ce corps détaché avec des montres d’observation. Dotées de cadrans blancs en émail avec des chiffres arabes peints au radium et d’aiguilles Mercedes également luminescentes grâce au même procédé, les mouvements de ces montres, des 19 lignes, sont alternativement équipées, selon les livraisons, de calibres 15 ou 17 rubis et donc avec le cas échéant un empierrement de l’axe central pour les dernières versions, notamment celles livrées en 1918.
Sans aucun doute cette amélioration est un moyen pour ZENITH de livrer des mécanismes qui se placent au niveau de la concurrence américaine qui empierre généreusement les mouvements des montres vendues aux militaires. Tous les calibres sont également assortis d’un balancier autocompensé bimétallique à vis et d’un spiral Breguet.
La raquetterie est la classique version à disque excentrique brevetée en 1903. Ce modèle fit l’objet de plusieurs livraisons en 1917 et 1918. La boite de belle qualité, en argent à 900 millièmes, d’un diamètre de 52 millimètres, n’est pas construite sur les modèles courants américains à fond et lunette vissée de l’époque, mais sur la base des caractéristiques plus européennes, c'est-à-dire avec double couvercle de fond et lunette en argent montés sur charnière à six heures.
Le fond de ces montres est gravé de la mention en arc de cercle : "CORPS OF ENGINEERS", au centre "USA" et en dessous un numéro individuel d’affectation à cinq chiffres précédé de "N°".
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Sujet: Saga Zenith-Episode 23-Histoire d'une montre à complications la Répétion minutes 14/2/2012, 18:18
Saga Zenith - Episode 23 - La répétition des minutes en argent de Zenith
On est en 1918, la guerre enfin s'est arrêtée. Les troupes américaines continuent à aider les pays d'Europe à se reconstruire avec les Signal Corps et les Corps of Engineers tous dotés de montres suisses et en grande partie de montres Zenith. Le Phare est depuis 1915 sous le contrôle majoritaire de la manufacture Zenith qui porte ce nom depuis 1911. Le Phare offre plus de 200 variantes de ses calibres à répétition des minutes ou des quarts et en entrant dans la sphére de Zenith lui a apporté un superbe catalogue de complications. L'ex maison Barbezat-Baillot rebaptisée La Phare fournit à la manufacture Zenith ses calibres mythiques et permet ainsi à Zenith qui disposait d'un catalogue particulièrement riche de devenir la maison horlogère qui dispose sans doute du plus grand catalogue de ce premier quart de siècle.
Zenith comme Omega ou Longines référence des pièces qui vont de la petite montre à 7 rubis d'une précision de 5 minutes par semaine à des chronomètres défiant la précision et susceptibles de varier de moins d'une minute par semaine. Zenith fait à l'époque encore mieux puisque la manufacture est déjà présente dans les concours de chronométrie et titulaire de premiers prix des concours de chronométrie de l'observatoire de Neuchâtel.
A l'époque, les calibres à répétition des minutes sont en général réservés à des pièces en or. Pourtant la demande est forte et certaines marques proposent à des prix assez accessibles des montres à répétition des quarts dans des boites en acier bleui ou des boites en Nickel. Quelques marques offrent des pièces en argent mais dans les métaux précieux la plus grande production se porte sur des pièces en or.
Zenith présente pourtant en 1918 une montre à répétition des minutes dans une superbe boite en argent. La manufacture est si fière de cet exploit qui permet à un tarif abordable d'accéder à l'une des complications les plus recherchées qu'elle affiche le nom de sa marque en rouge. La manufacture a cette pratique des lettres rouges depuis la fin du siècle précédent pour des pièces souvent destinées aux marchés d'Amérique du sud et à la Russie.
Inutile de préciser que ces pièces à 3 aiguilles sans autre complication sont plutôt rares et que lorsque le détaillant a pu convaincre le client d'entrer dans la boutique en exposant en vitrine une répétition des minutes en argent, il ne lui reste qu'à lui présenter la pièce en or qui doit conduire l'amateur de belles pièces à franchir le pas vers la montre habillée du métal le plus précieux et d'une complication supplémentaire : le chronographe.
Voici donc l'une de ces exceptionnelles Zenith en argent à répétition des minutes et sans fonction chronographe.
Pièce magnifique d'un diamètre de 54 mm hors couronne dans une boite épaisse à 900 millième d'argent, cette Zenith permet de retrouver les aiguilles bleuies qui font la beauté de ces montres et ce cadran caractéritique des montres Zenith du premier quart de siècle avec ces chiffres arabes en noir et cette indication des 24 heures en rouge dans un chemin de fer qui présente les minutes.
Le calibre n'est pas la version la plus empierrée proposée à l'époque et pour cause puisque l'objectif poursuivi était de produire à un prix abordable une répétition en tous points aussi efficace que les versions les plus haut de gamme. Avec cette pièce, Zenith réussit son pari. Plus d'un siècle plus tard, la montre n'a rien perdu de son charme et de sa beauté. La marque en rouge est toujours aussi attractive et la montre donne cette irrésistible envie de presser sur le poussoir pour entendre l'heure. Il ne faut en effet pas oublier que la fonction sonore des montres visait au delà du gadget raffiné que nous y voyons aujourd'hui à pouvoir entendre les heures soit en faible éclairage soit parce que la vue du propriétaire de la montre ne permettait pas de la lire sur le cadran. La guerre a fait revenir au foyer plus d'un combattant aveugle à cause des gaz ou des éclats d'obus et ce type de montre était une manière de conserver la détention individuelle de l'heure. Les manufactures horlogères avec l'invention de la montre à ancre avait apporté cette conquête sociale aux travailleurs en les plaçant à égalité avec les plus fortunés et la complication des répétitions des minutes préservait cette conquête pour ceux qui ne pouvaient plus connaître l'heure par le regard.
Zenith avec ce modèle démontre son omniprésence et sa proximité des gens qui en firent plus qu'une simple marque industrielle, une marque chargée d'affectif pour plusieurs générations.
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Sujet: Saga Zenith - Episode 24 - La montre réveil VOX de Zenith, montre réveil 15/2/2012, 09:41
Saga Zenith - Episode 24 - La montre réveil VOX de Zenith
En 1915, Zenith prend le contrôle de la manufacture Le Phare antérieurement appelée manufacture Charles Barbezat-Baillot. la manufacture s'est installée au Locle et Georges Favre Jacot puis James Favre voient d'un mauvais oeil le fait que cette maison viennent concurrencer Zenith sur un terrain que la manufacture n'a pas encore réellement exploré qui est celui des hautes complications. Le Phare en effet, s'est spécialisé dans les répétitions des minutes et les chronographes à rattrapante, phase de lune etc ... La maison Le Phare se targue même de détenir le catalogue offrant le plus de complications...
James Favre qui pilote la manufacture depuis le départ de Georges Favre Jacot réussit à convaincre le conseil d'administration de contrôler Le Phare. Ainsi, la manufacture fait entrer dans son catalogue des complications qu'elle peut signer. Zenith à l'époque commence à produire en série son chronographe de poche et s'intéresse de très près à la réalisation d'un modèle de montre réveil. Le Phare va permettre à la manufacture de commercialiser son modèle dit "VOX", nom commercial que l'histoire a quelque peu oublié.
La manufacture dépose en 1918 un brevet pour une montre réveil qui sonnera avec un timbre et non une cloche comme beaucoup de produits concurrents et surtout sera réglable sans difficulté pour l'utilisateur.
La couronne de ces montres remonte normalement le mécanisme dans un sens et dans l'autre assure le remontage de la sonnerie. Le poussoir situé à droite de la montre permet le réglage de l'heure et celui de gauche assure le réglage de l'heure de sonnerie. La sonnerie est obtenue par un marteau qui frappe sur un timbre isolé de la carrure. Le son est donc net et musical.
La montre peut être posée verticalement en ouvrant par le bas le deuxième fond, ce qui assure une sonorité plus forte. Livrées en or, assez rares, en argent, argentan, acier ou plaqué or, ces montres ont conservé le charme d'objets facilement transportables pour les voyages qui, à l'époque de leur construction, étaient moins confortables qu'aujourd'hui.
Le modèle est assez cher mais il obtient très vite un succés qui le fait vendre dans le monde entier en particulier auprès des soldats et officiers qui ont ainsi une montre et un réveil efficace et fiable. Zenith en fait une publicité abondante d'Europe jusqu'en Indes.
Publicité pour le marché indien en 1926
La montre VOX sera commercialisée jusqu'à la fin des années 30. On trouve sur le marché des remboitages en version bracelet qui ne furent pas commercialisés par Zenith mais sont des assemblages exotiques faits en nombre malgré tout pour tenter d'adapter la pièce au poignet. Les poussoirs sont variables selon les assembleurs de ces pièces et leur nombre trompe souvent les amateurs qui pensent détenir une montre faite par Zenith. Le système de boite par lui-même condamne cette pièce à ne pouvoir provenir de la manufacture.
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La saga Zenith - La manufacture Zenith à travers le temps - 150 ans d'histoire