Une page d'histoire dans la poche ...
Au cours de la seconde guerre mondiale, l’armée anglaise qui en matière d'horlogerie avait privilégié les achats pour son armée coloniale fut confrontée à un énorme besoin en montres pour les hommes du rang. Elle fit donc appel à plusieurs manufactures suisses et américaines pour la dotation de ses hommes en pièces d’horlogerie fiables, précises et de bonne qualité de finition. Ces montres connues des amateurs sous le nom de G.S.T.P. ou G.S/T.P. abréviation de « General Service - Trade Pattern » ce qu’on peut traduire par « Usage Général Modèle Temporaire » furent livrées par de très nombreuses manufactures suisses.
Les besoins de l’armée anglaise étaient immenses et il fallut solliciter de nombreux fournisseurs pour y satisfaire. Malgré un saupoudrage des commandes auprès d’un nombre assez large de fournisseurs, certaines manufactures n’étaient pas en mesure de livrer autant de mouvements qu'il en était commandés et firent appel à des sous-traitants fournisseurs d’ébauches tandis que des rhabilleurs livrèrent également des montres avec des cadrans anonymes et simplement la mention « Swiss made » à 6 heures. Qu’elles fussent d’origine suisse ou américaine, les montres répondaient strictement au cahier des charges de l’armée britannique. Noirs avec des chiffres blancs ou blancs avec des chiffres noirs et parfois un compteur de seconde blanc sur fond noir ou tous noirs, les cadrans comportaient en général un marquage avec une peinture luminescente au radium. L’application de cette peinture semble souvent très artisanale avec des débordements des chiffres dessinés sur les cadrans. Cela encourage à imaginer l’urgence dans laquelle ces montres durent être produites et le fait que les cadrans durent être peints directement à domicile par les assembleurs de ces montres. Caractéristique notable, les aiguilles de trotteuses sont sur la plupart des modèles de type tout à fait classique, c'est-à-dire sans peinture luminescente à la différence de certains modèles fait pour l’armée américaine notamment celles des Corps of Engineers. Il est difficile d’établir si cette particularité est due à un plus faible prix de revient, à un désintérêt pour la lecture de la seconde dans les conditions nocturnes.
Une haute qualité de calibres « standard »
La majorité de ces pièces furent dotées de mouvements de 18,25 lignes à 19 lignes, 15 rubis et donc sans empierrement au centre et malgré tout de mouvements de qualité. Certains sont dorés, d’autres rhodiés et, au mieux, rhodiés avec une décoration des ponts de type « côtes de Genève ». Le fond peut être vissé mais il est plus fréquemment clipsé sur les modèles les plus courants. Chaque pièce est gravée de la Broad Arrow au moins sur le dos et parfois également sur le cadran. La mention GSTP est suivie d’une référence d’inventaire distribuée chronologiquement. Certaines montres furent livrées avant la guerre et d’autres, dans une bien moindre mesure, après la guerre. En effet dès 1946, l’armée anglaise a commencé à revendre ses surplus de montres tout en stockant certaines qui furent par la suite recyclées notamment pour les services hydrographiques de la Navy. Pour autant, ces pièces seront utilisées jusqu’à la seconde moitié des années 50.
Les boîtes de type anglais d'époque avec une grosse couronne ronde, sont souvent nickelées, de petite qualité et de taille classique aux alentours de 52 mm pour les 19 lignes et 50 mm ou un peu moins pour les pièces dotées de plus petits mouvements.
Le cahier des charges de l’armée anglaise était exigeant sur le prix des montres facturées et quant à la qualité des mouvements, des aiguilles et des cadrans, un peu moins strict sur les boîtes. Le choix du radium comme matière luminescente s’avère tardif et dans cette période de livraison, si l’on sait déjà les effets négatifs du radium sur la santé, peu de fabricants prennent encore de réelles précautions dans son application. Les montres de grandes marques ont donc sur les cadrans et les aiguilles de moindres quantités de cette matière alors que sur les pièces anonymes, les épaisseurs de peinture au radium sont plus généreuses et davantage dangereuses.
Armée de terre et Marine
Les pièces de poche furent utilisées aussi bien par l’armée de terre que la Navy. La Marine fut chronologiquement le dernier des corps militaires à utiliser des pièces de poche. L’armée de terre s’équipa en effet, plutôt de montres bracelets davantage pratiques pour les hommes du génie notamment. Même si dès la première guerre, les montres bracelets font leur apparition au poignet de certains militaires, elles ne sont pas encore généralisées au début de la seconde guerre mondiale. Il est rare que l’équipement en pièces horlogères soit une priorité militaire en dehors des périodes de conflits. Les pièces de poche sont donc largement répandues dans tous les corps de l’armée anglaise y compris bien avant la seconde guerre, dans les espaces coloniaux où l’on retrouve des pièces de moindre qualité notamment des montres à non plus 15 mais simplement 7 rubis, qui pèsent beaucoup moins dans le budget militaire. Ces pièces réglementaires sont d’ailleurs millésimées sur les cadrans.
Bonnes pour le service
Si les cadrans de certaines montres ont tous leurs chiffres recouverts de peinture luminescente, la plupart ont reçu simplement cette application sur les chiffres 9, 12 et 3 avec un point ou trait sous le 6 couvert par le cadran secondaire de trotteuse.
La qualité de précision de ces montres reste plus de 60 ans après leur réforme tout à fait bluffante et les pièces restent virtuellement « bonnes pour le service ».
Et maintenant ?
Porter ces pièces anciennes est évidemment plaisant mais il faut leur reconnaitre leur âge et surtout la présence de radium qui les rend plus à leur place dans une vitrine que dans la poche de l'amateur d'aujourd'hui. En effet ces montres de poche anciennes sont peu étanches et la lunette comme le font ont souvent souffert des affres du temps. Comment alors prolonger ce plaisir avec des pièces qui sont adaptées à la vie d'aujourd'hui et ne font courir aucun risque en raison d'une présence de matières luminescentes réputées dangereuses. Bell & Ross a sans nul doute ressenti ce besoin et a réussi avec brio à traduire le rêve des amateurs de montres militaires en leur donnant dans des boites étanches d'aujourd'hui le plaisir de retrouver au poignet l'esprit qui animait ceux qui recevaient ces pièces en dotation dans les années 30/40.
BR PW1 - Montre de Poche - Acier Poli - Bell & Ross De la poche au poignet le chemin fut court et s'il était déjà franchi au commencement de la seconde guerre mondiale, les montres de poches eurent encore de belles heures dans tous les corps d'armée : aviation, marine ou terre. Fiables à l'excès, ces montres apportaient une sécurité dans la lecture de l'heure et une régularité de marche éprouvées à des militaires qui ne pouvaient tolérer quelques secondes de désynchronisation entre différents bataillons.
Bell & Ross a réellement restitué ce climat, cette ambiance avec des pièces qui au delà de l'inspiration militaire transmettent la passion, le goût des pièces chargées d'histoire et l'envie d'en savoir davantage sur ce que vivaient les armées qui ont affronté la guerre avec des instruments de précision qui devinrent leur seul lien avec le temps.