Régler une montre de poche qui prend 1 minute 30 par jour avec sa raquette bien au centre, ce n'est pas compliqué... C'est à dire que ça dépend à qui on le demande. J'avais donc une montre qui réglait mal, une bonne vieille Zenith avec un calibre de 20,5 lignes, un de ceux que Zenith sortait en qualité chronomètre les bras dans le dos et les yeux bandés dans les années 10. Simple, sans réglage particulier à chaque montre, la série était recevable à la certification chronomètrique directement.
Les raquettes à disque excentrique sont simplissimes à régler et pire, je dis pire car leur concepteur voulait que les utilisateurs puissent tourner le disque avec la pointe de l'ongle ... Vous imaginez le nombre de doigts glissant sur le spiral ! Bref, là impossible de faire tourner ce disque et de déplacer cette raquette.
Nom d'un Mosbilo, me voilà en quète auprès d'un homme de l'art qui n'est pas mon horloger favori mais pourquoi le déranger pour si peu ? Une burette d'huile devrait suffire à dégager ce disque sur lequel mon ongle se coupe directement.
L'horloger extirpe un tournevis disproportionné façon électricien de centrale nucléaire et là, avant l'acte fatal , je hurle "Stop "... "Je vais la garder comme ça."
Je voulais la perfection, le réglage à la seconde, transformer cette montre en argent en chronomètre pas faire sabrer son calibre... S'engage alors le combat du siècle, la guerre avec moi-même. Plein de force et sûr de moi, je rentre chez moi, vire le chat de la table de la cuisine, installe une lampe de bureau et une loupe et enfin, je saisis l'outil ultime de l'horlogerie ! Le coupe ongles ... D'un geste ferme je coupe, j'élague, je biseaute l'ongle de mon index. Le chat témoin de la scène se plaque au sol et se cache sous une chaise, l'ongle est parfait, dégagé à souhait, limé, taillé fin ... Me voilà prêt.
Là , je range tout ce qui ne sert à rien , tournevis, lumière, loupe et j'ouvre avec l'ongle du pouce, le couvercle, puis le cache poussières et enfin j'accéde d'un doigt pointé au disque de raquette ... Il résite, oui il résiste mais la force de mon ongle terrasse l'instrument, elle tourne ! Oui ! Elle tourne et déplace la fléche de raquette vers la droite . Ca y est, elle va avancer moins vite et peut-être même retarder ...
Que Nenni ! en 24 heures la gueuse a pris 3 secondes dérisoires et ceci grâce à l'outil le plus convoité de France et d'Europe ! Mon doigt ! Oui, mon doigt ! J'en connais des jalouses qui pour lui se plieraient en deux, vireraient à l'extase mais mon doigt sait donc tout faire ! Je viens de lui donner son indépendance... Un doigt bien né doit être anobli. C'est fait ! Mon doigt est indépendant Martine, oui... Ah ceux qui pourraient en douter, je dis attention vous risquez d'avoir à faire avec mon doigt. J'en entends déjà qui demandent, des oiselles qui attendent le doigt vengeur mais ce doigt là mesdames, je le souligne sait aussi régler une raquette de montre alors vous pensez si l'usage auquel vous voudriez le réserver lui semble bien anodin... Non, vous voyez Monique, mon doigt indépendant me dit qu'il ne va pas régler toutes les raquettes mais qu'il est prêt à offrir tout ce qu'un doigt peut offrir. C'est beau, c'est grand et généreux un doigt ...