cheminal67 Puits de connaissances
Nombre de messages : 4856 Age : 67 Localisation : tout au bord du RHIN Date d'inscription : 27/06/2007
| Sujet: Voyage à l'intérieur d'une montre. Sam Juin 09 2012, 16:59 | |
| Texte découvert lors de la lecture des premiers numéros du journal de « LA FÉDÉRATION HORLOGÈRE SUISSE », datant du début de l’année 1887. - Citation :
Voyage à l'intérieur d'une montre.
Voulez-vous faire un petit voyage ? Pourquoi pas, c'est fort à la mode très bécarre dirait un parisien. En route donc, nous allons explorer à défaut de contrées inconnues, se faisant par trop rares et nécessitant de grosses dépenses, une simple montre de poche, (elles ne sont pas rares celles-là et ne représentent pas une fortune). Ce sera nécessairement un voyage à toute vapeur, une excursion en train express, négligeant les menus détails du paysage pour ne tenir compte que des points les plus remarquables du mécanisme. Jetez rapidement un coup d'oeil sur l'enveloppe, sur ce qu'on nomme la boîte ou boîtier de la montre, car nous avons hâte d'être au coeur de la place. Pénétrons hardiment, quoique sans effraction, en faisant jouer la charnière. Bien, nous y voilà. Il s'agit maintenant de se glisser avec précaution à travers ce dédale de roues et de pignons, représentant par leur mutuelle dépendance et la coordination de leurs fonctions, une image assez bien réussie de notre machine sociale. Quelques pas et nous nous heurtons à un gros objet ; affectant la forme d'un cylindre plat, crénelé d'une solide denture. Son apparence aristocratique, le faux air de donjon Moyen-Âge qu'il a su se donner, ce• « je ne sais quoi » des gens satisfaits d'eux-mêmes, tout nous annonce un haut et puissant personnage. Et c'en est un ! Présentez vos respects à Monseigneur le barillet « dépositaire exclusif » (titre ambitionné par beaucoup) de la force motrice engendrée par le ressort, qu'il retient prisonnier entre ses bonnes murailles. Le ressort, longue lame d'acier flexible, sous l'action du remontoir, vient s'enrouler autour d'un arbre qui forme l'axe du barillet et emmagasine ainsi la force nécessaire à faire marcher la montre. Cette force est transmise aux rouages par le barillet que la tension du ressort force à tourner sur son axe. Un pas encore. Nous sommes mis en présence d'une roue d'apparence modeste engrenant avec le barillet. L'habit ne fait pas le moine, et en horlogerie le proverbe peut être appliqué bien souvent. La roue que nous considérons, appelée la grande moyenne, occupe le centre du système de la montre, et remplit les importantes et délicates fonctions de chef de file du rouage. Le rouage que vous voyez devant vous, travaillant méthodiquement, est l'intermédiaire entre le barillet et l'échappement. Il force le premier à marcher pas à pas et à ne dépenser qu'utilement et pour le bien général, la force motrice dont le barillet est le dispensateur. Humble et ignorée roue de grande moyenne, t'es-tu jamais rendu compte de la grandeur de ton rôle? As-tu jamais songé que tu faisais de l'économie politique au premier chef, que tu représentais le ministre des finances d'un état bien administré? O roue de grande moyenne, obscure héroïne du devoir, tu fais tout cela, comme M. Jourdain faisait de la prose sans le savoir et ta dent gauche ignore toujours ce que fait ta dent droite. Pour peu que vous soyez observateur, vous aurez remarqué, en examinant le rouage, que toutes les roues sont montées et rivées sur pignons et que les tiges de ces derniers ont les extrémités amincies. Ces extrémités ou pivots, tournent dans un rubis percé et le tout est combiné et agencé de manière à réduire les frottements au minimum possible. Si nous avions le temps de faire quelques études de philosophie comparée, il serait loisible d'expliquer et démontrer la justesse de la locution populaire qui qualifie un cerveau mal équilibré d'engrenage faible et dit de l'homme affligé d'une fêlure intellectuelle qu'il a vu une roue de trop ou une roue manquante au rouage. Les nécessités du voyage s'opposant à une trop longue halte sur un terrain d'ailleurs dangereux, nous mettrons au fourgon tout ce bagage philosophique et nous nous dirigerons vers la roue d'échappement. Vous riez à gorge déployée ! Que vous prend-t-il donc? Ah, j'y suis, c'est ce mot d'échappement qui ne vous parait pas classique. Cela provient uniquement de ce que le sens vous en échappe, retenez au contraire soigneusement cette dénomination, vous allez voir qu'elle est caractéristique et mérite mieux que votre hilarité. Vous êtes raisonnable et j'en conviens en vous voyant inscrire tout cela sur votre carnet de voyage, notez encore, pendant que vous y êtes, que nous explorons une montre suisse échappement à ancre. Lorsqu'il s'agit de baptiser une montre, il est d'usage de prendre pour parrain le système d'échappement et le filleul se nomme d'après le parrain. Dans la montre que nous explorons avec la conscience de gens désireux d'en pénétrer tous les mystères, le nom de famille est donc : «Ancre», et la roue d'échappement répondra à la dénomination de roue d'ancre. Vous savez du reste comme moi, que pour se mettre vite sur un pied d'intimité avec quelqu'un, il n'est rien de tel que de l'appeler par son petit nom. L'intimité, c'est bien bon à dire, mais pratiquement sera-ce aussi facile à faire qu'à désirer? Notre roue d'ancre ne paraît guère d'humeur douce ni accommodante. Elle se hérisse de dents anguleuses, qui n'ont rien de rassurant. Un vrai porc-épic ou tout au moins un hérisson. Mais encore une fois, mortels, mes frères, ne vous fiez pas aux apparences et avant que de porter un jugement, voyons plutôt si le caractère ne vaut pas mieux que cet extérieur rébarbatif. Croyez-moi, lorsque vous connaîtrez bien les membres de la famille échappement, vous en aurez une toute autre impression. Observez les dents de la roue d'ancre ; elles viennent en contact régulier avec les extrémités de l'ancre (le second membre de la famille) et glissant gracieusement par les plans inclinés, font décrire à l'ancre (petite pièce d'acier en forme de levier, montée sur pivot) un léger arc de cercle. Vous remarquez, dans la forme de ce levier, une ressemblance lointaine avec la partie inférieure d’une ancre de navire, cette parenté à la mode de Bretagne a valu à l'ancre d'horlogerie le nom qu'elle porte. Peut-être y a-t-il quelque présomption de sa part à revendiquer une origine remontant, pour le moins aux Croisades? Hélas, qui n'a pas ses défauts et parmi ceux qui portent des montres, combien font de même, dont les Ancêtres n'ont jamais vu la Palestine ! Il résulte des mouvements combinés de la roue et de l'ancre, que la première transmet la force à la seconde par intermittences, par saccades ; en d'autres termes qu'elle laisse échapper cette force. Voilà le mot de l'énigme et l'étymologie de ce nom bizarre d'échappement, appliqué à toute une partie du système de la montre. L'ancre possède une amie dont l'amitié est à toute épreuve, qui est son bras droit dans les relations motrices que l'ancre entretient avec le balancier. Cette amie fidèle et dévouée, marche en si parfait accord avec l'ancre, qu'on peut dire de ces deux personnages sans exagération aucune : ils sont intimement rivés l'un à l'autre. L'amie répond au nom peu poétique de fourchette, ce qui est fâcheux pour l'esthétique. Pourquoi l'avoir affublée de cette dénomination par trop réaliste? La forme ne rappelle que vaguement l'instrument de ménage, dont les Chinois seuls parmi les peuples civilisés ont su se passer. Aurait-on voulu consacrer par une image la touchante amitié de l'ancre et de la fourchette, en s'inspirant du dicton de mauvais plaisant, lequel prétend que la fourchette est la meilleure amie de l'homme ? Tout cela est le secret des dieux, non le nôtre. D'ailleurs et en personne sage, la fourchette, s'inquiétant peu de notre digression, ne songe qu'à poursuivre son travail. Voyez-la, entraînée par chacun des mouvements de l'ancre, donner, avec la plus complet désinvolture, des chiquenaudes répétées à une cheville portée par un disque ajusté lui-même à l'axe du balancier. La partie de la fourchette qui se permet ainsi ce petit exercice de chiquenaudes, en dehors de toutes les lois de la civilité puérile et honnête, est la tige de la dite, tige terminée en une sorte de dard ou de fourche, d'où peut-être provient le nom de fourchette. Avant de quitter les membres, intéressants à divers titres, de la famille échappement, payons un tribut mérité à leurs qualités hors pair. Gens modestes, autant qu'utiles, travaillant avec une rare précision, c'est à leur bonne entente et à leur solidarité qu'est due, pour la plus grande part, la marche supérieure des chronomètres à ancre, dont les observatoires de Neuchâtel et de Genève enregistrent journellement les hauts faits. Cette famille d'employés à l'extérieur peu brillant, est pourvue de qualités solides, elle accomplit ses fonctions avec une régularité exemplaire, donnant en cela un bon exemple à ses cousins germains, les échappements à cylindre. Malgré quelques allures un peu libres, en apparence désordonnées, ce sont des employés consciencieux et capables, assurant la bonne marche de l'administration à laquelle ils sont attachés. Vous n'avez pas été sans remarquer que, dans notre petit voyage, nous avons suivi le cours de la force motrice de la montre, de la même manière qu'un touriste parti de la source d'une rivière, en côtoierait les bords. Nous n'avons jamais perdu de vue ce fil indicateur, qui trace notre itinéraire dans le labyrinthe où nous nous sommes engagés. Partout, nous avons rencontré cette force motrice initiale, parfois déguisée, comme dans l'échappement, mais toujours la même au fond, malgré ses transformations. Au moment où la politesse nous obligeait aux compliments que nous venons de faire à l'échappement, nous avions constaté la fonction de la fourchette, transmettant la force motrice de l'ancre au balancier, en frappant une cheville fixée sur un disque faisant corps avec l'axe même du balancier et imprimant à ce dernier un mouvement intermittent, se traduisant par des oscillations du balancier. Permettez-moi de vous présenter le balancier. N'a-t-il pas fort bon air, une tournure de gentleman élégant, correct et, diront les critiques, légèrement prétentieux? Ses bras sont reliés de cercles concentriques, légers et solides, ornés de vis brillantes. Son apparence est aristocratique au premier chef, le tempérament essentiellement remuant, on pressent à première vue que cet autocrate de la montre est pénétré de son importance et de son rôle de modérateur du mouvement, fonction qu'il exerce avec l'aide d'un premier ministre : le spiral. Comme nous ne voulons rien négliger de ce qui peut contribuer à notre instruction, consacrons quelques instants à l'étude de cette forme assez peu connue de gouvernement constitutionnel. Ne voulant pas toutefois émettre des théories subversives, nous garderons pour nous cette remarque que si le spiral est souvent appelé cheveu par les laïques en horlogerie, il y a presque toujours également un cheveu dans les rouages des gouvernements constitutionnels. Le spiral, vous l'avez déjà remarqué, lorsque le mot cheveu a été prononcé, car en effet ce ressort est mince comme un cheveu et nullement gêné par un embonpoint dont il n'aurait que faire, pour développer au-dessus du balancier, avec toute l'aisance d'un vieux courtisan, les gracieuses ondulations de ses spires. Examinons de plus près l'exercice auquel il se livre, nous ferons aussi plus ample connaissance et comme ses congénères, les pièces de la montre, le spiral gagne à être connu, c'est d'ailleurs en quoi les personnages que nous rencontrons dans notre voyage différent surtout de beaucoup de ceux que nous montre la vie sociale de tous les jours. Lors de chaque impulsion donnée par la fourchette au disque du balancier, ce dernier entraîne le spiral dans le mouvement de rotation qu'on lui imprime. Le spiral, en vertu de son élasticité, oppose une résistance à l'impulsion, la neutralise et finalement, ramène le balancier au point de départ. La fourchette le reprend, et d'une nouvelle chiquenaude, le lance derechef, mais cette fois-ci en sens contraire, pour ensuite être ramenée dans les même conditions parle spiral. Ainsi s'établit le mouvement de va et vient du balancier. Vous voyez que le balancier comme l'homme hélas est ondoyant et divers, sans cesse ballotté entre deux courants d'idées ; l'un personnifié par la fourchette, le lançant dans l'espace avec ce bel enthousiasme de la première jeunesse, qui ne connaît pas d'obstacles, l'autre, représenté par le spiral, le premier ministre sage et prudent, modérant cette exubérance de vie et ne laissant pas l'impulsion se continuer au-delà du point utile. Moins heureux que le balancier, tout homme n'a pas en lui cette pondération mathématique de l'action. Parfois les freins sont trop faibles pour résister à la force impulsive et au premier tournant, l'on se casse le cou ; ou la force est impuissante contre les freins trop serrés et la machine s'embourbe dans l'ornière. Amis lecteurs, quoique nous ne soyons plus dans la saison des souhaits, laissez-moi vous en faire un et me le faire à moi-même : Ayons dans nos actions, un bon réglage et varions le moins possible du plat au pendu. Je viens de parler de réglage, car il ne suffit pas que le balancier se démène ainsi que nous le voyons faire, encore est-il nécessaire que ses oscillations soient réglées d'une façon mathématique. Pour résoudre ce problème, il faut que le spiral développe un nombre déterminé de vibrations lesquelles précipiteront ou retarderont la marche de la montre, de telle sorte que la roue de grande moyenne fera rigoureusement un tour complet dans l'espace d'une heure. Je vous expliquerais bien volontiers la théorie des vibrations, du réglage, des courbes du spiral, etc., si je connaissais moi-même toutes ces choses par le menu, mais cela n'étant pas, je m'autorise de l'exemple de la plus belle fille du monde, ne donnant que ce qu'elle a. J'espère obtenir sur ce point comme sur les autres l'admission des circonstances très atténuantes, eu égard surtout à la fatigue considérable, qu'eût provoqué chez le lecteur un exposé des nombres de vibrations et au danger qu'il y a de soulever ces questions de courbes, car n'a-t-on pas vu, il y a quelques années, une de nos grandes cités horlogères divisée en courbistes et anti-courbistes ? Hâtons-nous de le dire, tout est redressé maintenant, mais jugez du danger et sachez moi bon gré de l'éviter dans la mesure du possible. A cette laborieuse et judicieuse explication, nous avons bien et les uns et les autres, acquis le droit de nous reposer quelques instants. Prenez des sièges, si d'aventure vous en trouvez dans notre montre, essuyons-nous le front et récapitulons quelque peu les incidents, observations et enseignements du voyage. Nous avons vu une bonne partie des organes de la montre et activité ; la force motrice développée par le ressort, transmise par le rouage, modifiée par l'échappement et réglée par les bons offices du balancier et de son coadjuteur le spiral, permet à notre vieille amie et bonne connaissance, la respectable roue de grande moyenne, de faire tranquillement son petit tour à l'heure, seulement, nous n'avons encore pu constater aucun résultat pratique de tout ce travail. Ayez un peu de patience, elle aura d'ailleurs sans plus tarder sa récompense. Nous allons nous introduire dans les dessous impénétrables et mystérieux du cadran. Toutefois, avant que de vous engager, vous ferez bien de jeter un coup d'oeil au cadran lui même. Vous avez, mille fois déjà, regardé un cadran de montre, vous savez, comme tout le monde, qu'il est parcouru par deux aiguilles, l'une plus grande que l'autre. Tout cela est fort bien, mais vous êtes-vous jamais demandés, comment il se peut faire, qu'étant ajustées l'une au-dessus de l'autre, ces aiguilles soient animées de vitesses de rotation inégales ? Vous n'avez jamais poussé aussi loin votre désir de savoir. Je m'en doutais d'ailleurs et épargnerai tout compliment à votre talent d'observation, puisqu'il suffit de voir souvent la chose la plus paradoxale du monde pour La trouver très naturelle et logique. Après tout, c'est précisément pour vous livrer la clé du mystère que vous êtes priés de passer sous le cadran. Baissez les têtes, il n'y a guère de place et je crains fort pour les coiffures des dames. Tout le monde y est-il ? C'est bien ! Aucun accident? C'est mieux encore ! Ne vous étonnez pas de retrouver la roue de grande moyenne. Oh ! C'est bien elle, mais vue de dessous cette fois. La roue de grande moyenne entraîne concentriquement, un pignon percé nommé la chaussée. La chaussée (sans être un disciple de St Crépin, patron des cordonniers), chausse une roue dite de canon qui s'ajuste sur la tige même de la chaussée, comme sur un gros pivot. La marche de cette roue de canon est réglée par un pignon rivé à une roue dite de minuterie entraînée elle-même par la chaussée. Toute cette théorie d'entraînement mutuel, vous paraît sans doute peu claire ? Pourtant il fallait bien décrire ce qui passait sous nos yeux, fût-ce même au risque d'être ennuyeux. Encore un petit effort de bonne volonté et vous vous rendrez compte de la marche des aiguilles. L'aiguille des minutes étant fixée sur une tige formant le prolongement du pignon de grande moyenne, axe de la roue de même nom, cette aiguille en suivra donc le mouvement et fera en une heure un tour complet de cadran, correspondant à une révolution complète de la roue de grande moyenne. Voilà donc le mouvement de la grande aiguille expliqué, elle n'est que le doigt indicateur de la roue de grande moyenne, laquelle comme nous l'avons constaté antérieurement reçoit par le réglage une impulsion lui faisant faire mathématiquement un tour à l'heure, ni plus, ni moins. Passons à la petite aiguille, celle qui marque les heures. C'est ici qu'entre en scène la roue de minuterie, qui a pour fonction d'imprimer à la roue de canon un mouvement douze fois plus lent, dès lors à ne faire parcourir à l'aiguille d'heure, commandée par la roue de canon, qu'un seul douzième de cadran, lorsque la grande aiguille fait tout le tour, soit dans l'espace d'une heure. Comme le cadran est divisé en douze heures, le chemin parcouru sera celui d'une heure à l'autre des divisions du cadran. C'est aussi simple que vous le voyez. Nous avons terminé notre description. Est-ce à dire que nous n'ayons plus rien à apprendre de notre montre ? Au contraire, les impressions de voyage doivent toujours porter leurs fruits. Ceux qui font les montres, peuvent et même doivent s'inspirer de ce qu'ils ont journellement dans la main et sous les yeux. Quelle magnifique image d'organisation sociale ne présente pas une montre? Le barillet c'est le capitaliste ; la force motrice est le capital. Le rouage qui utilise ce capital, n'est-ce pas le corps ouvrier, faute duquel il resterait sans emploi, comme le ressort développerait sans utilité sa force dans le barillet, si le rouage ne venait pas la transmettre par l'échappement au balancier? Le balancier représente le fabricant, régulateur du travail et, de cette coopération de différents organes, sort enfin la montre en marche, image de notre industrie horlogère. Comme il ne suffit pas que la montre marche, mais qu'elle doit aussi être réglée, le spiral est l'accessoire obligé du balancier. Le spiral industriel c'est, pour ce qui nous concerne, les conditions commerciales, auxquelles la production industrielle doit être subordonnée. Le balancier fabricant doit être doublé d'un spiral commerçant. Lorsque chacun remplit bien sa fonction respective, montre ou industrie, tout marche et marche bien, mais si l'un des organes n'est pas dans son rôle, tout arrête et arrête ferme. Vous savez qu'une montre a besoin d'huile, afin de diminuer les frottements et d'assurer une bonne marche et un réglage correct, le corps industriel a lui aussi, besoin d'une huile qui se nomme huile de bon vouloir, autrement dite huile d'équité. Des rouages établis d'une façon bien correcte, un mouvement basé sur des principes de justice et du laisser vivre, avec cela de l'huile en suffisance et nous aurons un temps industriel horloger de belle et bonne marche, donnant à chacun, lorsque l'aiguillé atteint midi, la nourriture quotidienne en rémunération de son travail. La montre me dit encore autre chose, c'est une question personnelle, il est vrai, mais en voyage, les amitiés se contractent si rapidement que je puis bien, en ami, vous le communiquer sous le sceau du secret, cela s'entend. Elle me dit, en anglais encore (qui s'y serait attendu ?) : « Time is money », que je traduis par : Vous avez abusé de la patience de vos bienveillants lecteurs. Si cela, est « peut-être la montre a-t-elle mille fois raison», il ne me reste qu'à prier ces lecteurs, quoique bien dans leurs droits, s'ils se plaignent, de ne pas trop m'en vouloir, si je lue suis mal acquitté de ma besogne de cicérone, rôle improvisé si jamais il en fût et d'avoir oublié, en parcourant cet instrumenta mesurer le temps, que « le temps est de l'argent ».
JAMES PERRENOUD.
LA FÉDÉRATION HORLOGÈRE SUISSE février – mars 1887
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