Après les montres classiques à cadran en émail cloisonné (
https://forumamontres.forumactif.com/t155671-montres-patek-philippe-a-cadran-en-email-cloisonne-partie-1) et une revue des différentes références de World Time (
https://forumamontres.forumactif.com/t155672-montres-patek-philippe-historique-des-world-time-partie-2), j’aborde enfin les montres qui ont motivé la rédaction de ce triptyque. Les World Time à cadran en émail cloisonné sont des montres rares et exceptionnelles.
Le cadran d’une World Time se prête parfaitement au mélange entre l’art et la technique horlogère. Le cadran en émail est d’une taille contenue et laisse suffisamment d’espace pour les disques des 24 heures et des villes.
Les montres-bracelets World Time dotées d’un cadran en émail cloisonné sont, d’une part, les références « vintage » 1415 et 2523 et, d’autre part, la référence contemporaine 5131. Par ailleurs la référence 625 en montre de poche a également été produite avec des cadrans en émail cloisonné.
Les World Time « vintage » à cadran en émail cloisonnéLes World Time « vintage » à cadran en émail cloisonné sont des montres mythiques. Leur rareté en fait des objets très convoités par les collectionneurs.
La 1415 est un modèle relativement simple et d’un diamètre contenu de 31mm. Ce n’est qu’à partir de 1948 c.-à-d. les dernières années sa production, que cette référence a été proposée avec un cadran en émail cloisonné.
On estime le nombre de 1415 en or jaune à cadran en émail cloisonné à quatre exemplaires. Trois de ces exemplaires sont dotés d’un cadran identique (hémisphère oriental) alors que le quatrième est équipé un cadran présentant l’Europe et l’Asie. Ces quatre montres ont toutes été proposées à la vente par Christie’s ces dix dernières années. La dernière vente remonte au 12 novembre 2012 pour un prix de CHF 987.000.
Du fait que les 1415 en or jaune à cadran en émail cloisonné sont relativement moins onéreuses que les 2523 équivalentes, Christie’s estime que ces premières présentent une belle opportunité pour les amateurs éclairés et très fortunés car une marge de progression substantielle pourrait être espérée à l’occasion des futures reventes.
22
Crédit photo : Christie’s
Il n’existerait que deux exemplaires de la 1415 en or rose dotés d’un cadran en émail cloisonné. Ils sont tous les deux équipés d’un cadran présentant une carte comprenant l’Eurasie, l’Afrique et l’Australie. Une de ces références est visible au Musée Patek Philippe. Par ailleurs, une de ces 1415 en or rose a atteint le prix de CHF 2.735.500 lors d’une vente organisée par Antiquorum à Genève en Avril 2002. A ce jour, c’est le record réalisé par une World Time à cadran en émail cloisonné.
Crédit photo : Magazine Patek Philippe
Crédit photo : Magazine Patek Philippe
En ce qui concerne la référence 2523/2523-1, j’ai pu identifié avec certitude 7 exemplaires avec cadran en émail cloisonné (5 en or jaune, 1 en or rose et 1 en or gris). Les cartes représentées sont respectivement : l’Eurasie (1 en or jaune), l’Amérique du Sud (1 en or jaune) et l’Amérique du Nord (5 dont 3 en or jaune, 1 en or rose et 1 en or gris).
Crédit photo : Magazine Patek Philippe
Crédit photo : Antiquorum
Crédit photo : Antiquorum
Crédit photo : Huber & Banbery
Les prix réalisés par les 2523 à cadran en email cloisonné et cadran en émail translucide sont très substantiels. Les trois dernières ventes ont atteint respectivement CHF 2.771.000 pour une montre en or jaune et cadran figurant l’Amérique du Nord (Christie’s, mai 2012), CHF 2.675.000 pour une montre en or rose dotée d’un cadran en émail translucide (Christie’s, novembre 2011) et CHF 2.250.000 pour une référence en or jaune avec un cadran représentant l’Amérique du Nord (Antiquorum, avril 2006). A titre de comparaison, la plus récente vente d’une « simple » 2523 en or jaune à cadran argenté a eu lieu chez Christie’s en novembre 2008 et a rapporté CHF 951.000 (montant tout relatif à mettre en perspective avec le prix de CHF 270.000 réalisé en 1992 par une montre identique). Il y a donc une prime substantielle pour les 2523 à cadran en émail.
Crédit photo : Magazine Patek Philippe
Les aficionados de Patek Philippe invoquent souvent les résultats des enchères réalisés par leur manufacture préférée. Il ne faut pas se leurrer. Ces montants fabuleux ne concernent que des pièces uniques ou produites en séries très limitées. Les prix atteints par les World Time vintage à cadran en émail cloisonné illustrent bien cette réalité. Patek Philippe entretient ce mythe et est aussi un des grands acteurs du marché. De ce fait, Patek Philippe participe au maintien du « cours de bourse » de sa production.
Certaines montres de poche World Time, référence 605, sont également décorées d’un cadran en émail cloisonné. Le diamètre de la 605 mesure à peine 44 mm. On peut admirer au Musée Patek Philippe une référence 605 et une référence 2523 côte à côte.
Crédit photo : Magazine Patek Philippe
Lors d’une récente vente à Genève, le 14 mai 2012, Christie’s a proposé une 2523 ainsi qu’une 605, toutes deux en or jaune et chacune dotée d’un cadran présentant le continent Nord Américain.
27
Crédit photo : Watchonista
Le motif du cadran représenté sur les montres-bracelets est toujours un continent (Amérique du Nord, Amérique du Sud, Eurasie) voire une partie d’hémisphère. Plus rare, une carte complète du monde figure sur au moins deux montres de poche référence 605.
Crédit photo : Magazine Patek Philippe
Par ailleurs, le Musée Patek Philippe possède aussi un exemplaire de 605 avec un cadran présentant Neptune chevauchant un hippocampe.
Enfin, trois pendulettes World Time en émail cloisonné (référence 828) ont été produites par Patek Philippe. Un exemplaire est récemment réapparu à l’occasion d’une vente publique organisée par Christie’s. Une des trois références connues est présentée au Musée Patek Philippe dans la vitrine où sont exposées les World Time.
Crédit photo : Christie’s
La production de World Time à cadran en émail cloisonné s’arrête en 1965 quelques temps avant la disparition de Louis Cottier. Elle ne reprendra qu’en l’an 2008.
Les World Time contemporaines à cadran en émail cloisonnéCrédit photo : Magazine Patek Philippe
Depuis quelques années et pour le plus grand bonheur des amateurs et collectionneurs, Patek Philippe a relancé les modèles World Time à cadran en émail cloisonné. En 2008, la 5131J fait son apparition suivie l’année d’après par la 5131G.
Crédit photo : Patek Philippe
Outre l’émerveillement, des critiques sévères furent émises. En effet, la police de caractère et la gravure « Genève » sur la lunette ont fait jaser beaucoup d’amateurs ([url= %C2%A0https://forumamontres.forumactif.com/t30944-avant-premiere-patek-philippe-world-time-watch-ref-5131] https://forumamontres.forumactif.com/t30944-avant-premiere-patek-philippe-world-time-watch-ref-5131[/url]).
La 5131J présente un planisphère occidental comprenant l’Amérique, l’Europe et l’Afrique alors que la 5131G présente un planisphère oriental où figurent l’Eurasie, l’Afrique et l’Australie.
Les chiffres de la production des 5131 ne sont pas communiqués. Même si la production des 5131 est relativement confidentielle du fait qu’il y a très peu d’artistes capables de réaliser les cadrans, le nombre d’exemplaires fabriqués chaque année devrait largement dépasser de l’ensemble de la production des 1415 et 2523 à cadran en email cloisonné.
Une 5131J « Vue de la ville de Genève », pièce unique, a été réalisée par Patek Philippe pour le bénéfice d’une œuvre caritative. Le cadran représente une vue de la ville de Genève et du lac avec le fameux jet d’eau. Cette montre a été adjugée à Genève le 11 juin 2012 pour la somme de 1 million de CHF. A titre de comparaison, on retiendra que la World Time pièce unique pour Only Watch 2013 de Vacheron Constantin avec un cadran en émail a atteint la somme de EUR 100.000.
Crédit photo : Patek Philippe
Si je devais choisir entre la J et la G, je prendrais la G mais avec le cadran de la J. Ce choix n’a rien à voir avec une quelconque raison esthétique mais le planisphère de la J présente les trois continents où j’ai vécu. Malheureusement, cette combinaison n’existe pas.
Je ne vais toutefois pas faire la fine bouche. Pouvoir posséder une 5131 est déjà un privilège. Dans le cas d’espèce, c’est une version en or gris qui est arrivée récemment chez mon revendeur agréé après une très (très) longue période d’attente.
La proposition d’acquisition été formulée il y a quelques années, en témoignage d’une longue fidélité, sans aucune garantie quant au délai de livraison et à la couleur du métal. Vu le délai d’attente, j’ai eu tout le temps de mûrir mon achat. C’est finalement cette décision qui a aiguisé mon désir d’approfondir davantage le sujet.
La patience est une vertu qui s’apprend avec Patek Philippe. Cela avait déjà été le cas pour mes toutes acquisitions précédentes hormis ma 5107 mais, en ce qui concerne la 5131, tous les records d’attente ont été battus. Finalement au mois d’avril, mon revendeur agréé a reçu la confirmation qu’une 5131 lui serait effectivement livrée cette année. Quelques mois après, Patek Philippe a précisé qu’il s’agirait d’une version en or gris. A cette annonce, j’étais comblé car j’avais un secret espoir d’acquérir cette version. Une date probable de livraison fut également communiquée. La date fatidique fut dépassée de quelques mois avant que la montre ne soit enfin livrée. J’espérais qu’elle arrive avant mon passage dans la catégorie des fringants quinquagénaires. A cet égard, elle est même arrivée quelques mois plus tôt.
La 5131G n’est pas une « Application Piece » c.-à-d. une montre pour laquelle une demande doit être introduite au siège de Patek Philippe. Les revendeurs agréés les reçoivent au compte-gouttes et décident en âme et conscience qui en sera le destinataire. Vu certains dérapages malheureux où des 5131 scellées ont été vendues en salle de ventes ou sur le marché gris à des prix insensés, Patek Philippe ne livre plus le certificat de garantie vierge mais exige d’obtenir les coordonnées de l’acquéreur et établit lui-même le certificat qui est envoyé ultérieurement.
Le cadran atteste qu’il s’agit bien d’une production récente : Caracas a laissé la place à La Paz.
Je ne vais pas faire l’analyse détaillée du calibre. Le 240 HU avec son micro rotor permet d’avoir une montre relativement peu épaisse.
Le boîtier d’un diamètre de 39,5 mm me convient très bien car, vu la taille de mon poignet, je suis plutôt allergique aux montres dépassant les 40 mm.
La police de caractère utilisée pour le disque des villes ne me choque pas. De même, laes gravures « Patek Philippe » et « Genève » sur la lunette sont à peine visibles. Le regard est de toute manière attiré par le disque central qui est tout simplement envoutant. Aucune photo n’est capable de rendre compte de la transparence de l’émail cloisonné. Ce qui frappe, c’est le niveau de détail du planisphère ainsi que les nuances de couleur que l’émailleur est capable de réaliser sur un disque dont le diamètre fait à peine 17 millimètres. L’or gris fait très bien ressortir le bleu intense des océans. Le bracelet bleu foncé doté d’une boucle déployante classique complète parfaitement l’ensemble.
Les aiguilles « ciseaux » offrent un grain de poésie supplémentaire de bon aloi. Celles-ci sont de couleur gris clair virant au blanc, ce qui facilite grandement la lecture. Le cadran ne comprend que quatre index représentant les 4 points cardinaux. Le réglage précis de la mise à l’heure ne peut être réalisé que tous les quarts d’heure. La lecture est toutefois très intuitive et est aussi facilitée par l’indication du disque des 24 heures.
Mon seul regret est que Patek Philippe n’ait pas poussé le goût de la perfection jusqu’au bout et que la technique de l’émail champlevé ne soit pas utilisée pour la réalisation du disque des villes (ce qui était le cas pour les références 2523).
Comme le dit très bien un bloggeur renommé (FX-Foversta-Pepito-Jamon-… Father Jack), il s’agit d’une montre poétique et rien que la porter vous transporte vers d’autres contrées.
Elle a gentiment rejoint ses petites sœurs pour un rassemblement familial de circonstance.
Suis-je arrivé à la fin de mon périple horloger ? J’en doute. J’avoue néanmoins envisager une pause de relativement longue durée avant de considérer une éventuelle nouvelle acquisition. Mon précédent achat, une Nautilus 5712/1A, remonte à trois ans. Le quintette que je possède représente, à mes yeux, la collection idéale du dilettante en « haute horlogerie » que je suis quand bien même il me manque une montre de forme avec le calibre idoine.
La production « vintage » que j’apprécie est tout simplement hors de ma portée de même que les très grandes complications. Par contre ma soif de découvertes n’est pas étanchée et je continuerai à me documenter au sujet de ma manufacture préférée. Ces recherches me font apprécier davantage les pièces que je possède. A cet égard, la publication du catalogue complet des montres Patek Philippe du Musée devrait me combler. Le 175ème anniversaire de la manufacture sera certainement l’occasion de proposer de belles réalisations horlogères. J’espère que des nouveaux ouvrages de référence seront également publiés à cette occasion.
Toutes les sources bibliographiques dont je me suis inspiré pour rédiger ce « triptyque » sont publiées dans une annexe séparée.
Merci de m’avoir lu.