La montre du département hydrographique de la Royal Navy britannique
Les montres d'observation sont des instruments précieux pour les armées. Donnant une heure de référence, elle permettent d'accompagner des missions qui supposent des calculs horaires et des relevés les plus précis. On leur demande fiabilité et solidité. En 1941, la Royale Navy britannique décide de s'équiper de montres de ce type et en recherche d'importantes quantités en vue d'un débarquement sur les côtes françaises. Elle souhaite par ailleurs d'autres modèles pour ses sous-marins. Dans le même temps, la Royal Air Force passe commande de montres de poche à cadrans noirs, modèles dont l'armée anglaise a longtemps équipé ses troupes dans les colonies notamment indiennes. Naturellement, les Anglais se tournent d'abord vers les Américains pour lesquels Elgin et Hamilton tournent à quasi 100% de leurs capacités de production. Hamilton va mettre au point en 2 ans des chronographes et des chronomètres de marine qui seront fabriqués dans des volumes que les firmes suisses additionnées ne peuvent servir.
Hamilton répond négativement aux Anglais et ne peut leur servir que des volumes réduits de pièces. Waltham également sollicité ne pourra davantage répondre à l'immensité des besoins. La Navy se tourne alors vers les firmes suisses. La demande est spéciale et mentionne des pièces de poche à seconde centrale. Les mouvement doivent être de "haut grade" et donc d'au moins 16 rubis et avec un empierrement central. Ils doivent être "chronomètres" avec une précision de 2 secondes au maximum par jour.
Tavannes/Cyma, Zenith et Ulysse Nardin seront parmi les principaux fournisseurs. Zenith adapte un de ses calibres de 19 lignes et livre une superbe montre qui va avoir une singulière histoire. La Navy exige des lunettes et fond vissés jugés plus étanches et une boite de type anglais pour profiter d'une couronne plus préhensible. Ces montres étaient logées dans des boites en bois à couvercle monté sur charnière spécialement étudiées pour laisser apparaître le cadran par une zone évidée. La montre d'observation est une pièce dite de bord (Deck watch). La plupart des mouvements de ces montres, tous des 19 lignes (41,3 mm) de type 19-34-3-T, bâtis sur une base proche du 193, dotés d’un pont et d’une roue de renvoi de seconde centrale, furent fabriqués à partir de 1938 et figuraient donc dans les réserves de la manufacture, ce qui explique une capacité de livraison rapide de grands volumes. ZENITH réalisait en effet ses calibres par séries et les stockait avant emboitage après parfois plusieurs mois ou années.
Dotés de 16 rubis, ils bénéficiaient d’un balancier bimétallique à vis micrométriques de compensation et de la raquette à disque excentrique brevetée en 1903. Ce calibre n’a pas d’antichoc à la différence du 193 qui équipe l’armée allemande. L’armée anglaise avait déjà une expérience certaine de la qualité des mouvements ZENITH puisque c’est sur des bases de mouvements quasi identiques que la Royal Flying Corps fut dotée en montres en 1916.
Remarquables pour leur précision extrême et la qualité soignée de la finition des mouvements, les boites étaient fabriquées par ZENITH en staybright, acier inoxydable de l’époque. Les fonds et lunettes vissées de ces modèles étaient dotés d’une cannelure périphérique en facilitant le vissage et le dévissage. Le fond des montres était gravé de la mention « HS/|\3 », signe d’appartenance au service hydrographique de la Royal Navy. Le cadran émaillé à chiffres arabes et indication intermédiaire des minutes par un index, comportait à midi la marque ZENITH suivie du numéro individuel de la montre et juste en dessous, la Broad Arrow de l’armée britannique. Tous les cadrans étaient par ailleurs, estampés Swiss made à 6 heures.
A la fin de la guerre, la Navy récupère ses montres auprès des militaires et au lieu de les réformer, elle les envoie dans les réserves du département Hydrographique de la Royal Navy avec les autres chronomètres stockés au château de Herstmonceaux dans le Sussex. Les montres sont conservées dans des cartons avec des fiches recensant les numéros des pièces, numéros qui sont peints sur chaque cadran. Cette peinture était apposées par la Navy. Les montres sommeillent avec plusieurs fois des projets de reventes que le conservateur militaire des lieux fait échouer.
Au début des années 1950, le département Hydrographique remet ces montres en service au profit de l'
OTAN. Il faut toutefois les adapter à leur nouvelle destination. Les cadrans sont alors soigneusement remplacés par des cadrans décimaux brevetés par L.B. Ferguson, divisant en périphérie les secondes en 10 sections de 10 unités. La lecture de l’heure est alors considérée comme accessoire puisque les montres vont être destinées au chronométrage ce qui justifie de privilégier la lecture de la trotteuse. Les nouveaux cadrans peints sont divisés en trois zones avec à l’extérieur les secondes. Un disque rouge plus petit définit les minutes notées cinq par cinq avec un index unitaire et un cercle noir concentrique intérieur permet la lecture des heures. La trotteuse et l’aiguille des heures sont de couleur noire tandis que celle des minutes est rouge à l’identique de la zone du cadran sur laquelle elle se lit.
Ces montres, ainsi équipées d’un cadran au mode de lecture spécifique, permettaient un calcul mathématique plus rapide des temps mesurés et de leur expression sous une forme décimale. Les nouveaux cadrans sont anonymes et ne comportent plus de marquage ZENITH. Les fonds des montres font l’objet d’un nouveau gravage avec la nouvelle référence de stockage de l’
OTAN et quatre chiffres de référence individuelle de la montre reportés à l’intérieur du fond de la boite. Une nouvelle gravure de Broad Arrow en rappelle la propriété de l’armée Britannique. La mention initiale HS/|\3 est alors barrée de deux traits horizontaux afin de signifier le changement d’affectation.
Dans les années 1960, les montres sont réformées et vendues par lots lors d'enchères gérées par les armées.
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