Et bing...

Je raconte souvent ici des histoires de montres ... Sur une dizaine de pièces pour lesquelles je fais des recherches, je n'arrive pas à en reconstituer plus de 2 ou 3 et encore. Témoignages, archives des marques, gravures sur la montre etc ... Tout est utile. Cette fois une montre m'a demandé des mois de recherches et puis je n'avance plus. En 1924, André Citroën met en place une Croisière Noire (quelques années avant la Croisière jaune).

Lors de celle-ci des scientifiques de toutes spécialirtés sont sollicités pour traverser une partie de l'Afrique avec des véhicules à chenilles et ouvrir une voie de communication régulière. Celle-ci a lieu du 28 octobre 1924 au 26 juin 1925. Déjà, ce genre d'expédition trouve des sponsors et notamment des marques horlogères qui timidement s'associent à certains explorateurs. Difficile de parler pour cette expédition d'autre chose que d'un gros coup de Pub de Citroën mais les conditions "mécaniques" et humaines sont difficiles et indéniablement, il fallait être assez culotté pour se lancer dans cette aventure.

Dans son carnet intime, un des participants explique qu'il cuisait dans les voitures et que les ensablements étaient décourageants ne laissant avancer que de quelques mètres les véhicules certains jours. "On a de la casse, on mange du sable, et la châleur nous accable..." Cet explorateur exprimera assez vite son regret de s'être lancé car sa santé va en souffrir. Il évoque un moment sa montre pour s'interroger quant à l'utilité d'avoir l'heure dans un lieu où le temps ne compte plus.  


Sa montre est une Omega monobloc de poche étanche et chronomètre. Après l'expédition, il ne la quitte pas et la conserve jusque dans les années 30 où il s'équipe d'une montre bracelet. La montre de poche, il la suspend dans son bureau et la remontera chaque jour. Dans les années 40, il la laisse s'arrêter et la met sous une sorte de bloc de verre cubique sur une étagére derrière lui. La montre ensuite se perd dans les années 50 et le scientifique disparait au début des années 60. Une montre, mais est-ce "la montre", est récupérée dans ses affaires par un descendant qui se souvient qu'enfant il voyait cette pièce dans le bureau mais n'arrive pas à se souvenir si c'était ou non celle-ci. Le hic est que la montre est dorée et que l'enfant ne se souvient pas de l'avoir vue dorée mais plutôt en acier noir. Une photo retrouvée du personnage à son bureau ne permet pas de trancher, la montre en arrière plan est totalement floue. En revanche la montre était dans une enveloppe avec un ticket d'origine africaine mais on ne peut rien en déduire.

La montre va garder son secret. Pas très usée ni abimée, peut-être trouverait-on à l'intérieur un grain de sable mais il faut en rester là ... 4 mois pour rien.

La phase de recherche reste haletante et passionnante, même si elle n'aboutit pas, enfin me semble-t-il ?

Ce doit quand même être sacrément intéressant de se plonger dans des histoires pareillles. Car même si au final on fait chou blanc, cela permet de découvrir des histoires familiales parfois passionnantes non?

Le Güi a écrit:

Ce doit quand même être sacrément intéressant de se plonger dans des histoires pareillles. Car même si au final on fait chou blanc, cela permet de découvrir des histoires familiales parfois passionnantes non?

C'est un peu le lot de consolation... un chercheur veut trouver, non?

Il y a l'histoire et il y a la montre. Faire se juxtaposer les deux est excitant. Echouer est un peu décourageant mais c'est la loi du genre.

Ça doit être super excitant de partir à la recherche de l'histoire d'une montre... j'ai d'ailleurs du mal à imaginer comment tu fais...

Évidemment que quand tu obtiens toutes les informations, cela doit être un aboutissement jouissif... mais quand ce n'est pas le cas... rien n'est définitif... l'espoir persiste...

As-tu déjà reconstitué l'histoire d'une montre achetée et ensuite, restituée à un membre de sa famille actuelle ?

Rien qu'à l'idée d'imaginer les yeux remplis d'émotion du descendant   ... une quête de ce genre me plairait...

Restitué non mais par contre j'ai plusieurs fois été contacté par des descendants. C'est le cas pour une montre des chemins de fer de l'Est où le descendant m'a dit avoir joué dans l'usine de son grand-père et n'avoir aucune des montres qu'il fabriquait. C'est le cas encore pour la montre d'un horloger canadien dont la descendante m'a contacté car j'avais retrouvé des traces de son grand-père dont elle même ne disposait pas.
Je fut contacté aussi pour des pièces que des descendants d'anciens propriétaires reconnaissaient avec émotion.
Beaucoup de descendants de marchands américains aussi m'ont contacté après l'ouverture de Hourconquest.

La montre d'un sénateur américain m'a valu moults contacts.

Ma reconstitution la plus savoureuse ne concerne pas une montre mais un Tastevin de 1720. J'ai pu avec une précision extrême reconstituer son cheminement et retrouver les descendants du viticulteur, effarés que cet objet existe encore. Arbre généalogique en main, il a facilement pu être établi quand il fut sorti de la famille, ruinée par le mildiou.  

J'ai pu aussi reconstituer les traces d'un couvert en argent fabriqué en 1726.

C'est plus facile pour ces objets que pour les montres mais c'est la difficulté qui me séduit aussi.

A tout hasard je suppose que tu as regardé les marques de révision sur la cuvette même si les chances d'un indice sont infimes...

Ça doit être excitant comme tu dis ! Merci pour ces belles histoires. Je me régal à chaque fois.

Vivement un bouquin !

En effet, tu aurais certainement un livre à écrire pour raconter toutes ces histoires passionnantes...

Xaipe a écrit:

A tout hasard je suppose que tu as regardé les marques de révision sur la cuvette même si les chances d'un indice sont infimes...

Oui, tout examiné à la loupe mais je n'arriverai pas à aller plus loin.