Le Bauhaus, son histoire
En 1901, l'architecte belge Henri VAN DE VELDE fonde et prend la direction de l'Institut des arts décoratifs et industriels de Weimar (Allemagne) :
La nationalité de l'homme lui imposera, à la défaveur de l'éclatement de la première guerre mondiale, de se démettre de ses fonctions en 1915.
VAN DE VELDE, défenseur du mouvement du
Deutscher Werkbund préconisant la promotion de l'innovation dans les arts appliqués puis l'architecture au travers d'une meilleure conception et de l'artisanat, désigne Walter GROPIUS comme successeur à la tête de l'Institut.
Extrait d'une famille d'importants architectes allemands (père et grand-oncle), GROPIUS a étudié l'architecture à Munich de 1903 à 1904 puis à Berlin de 1905 à 1907.
Il a notamment travaillé pour le compte de l'agence Peter BEHRENS jusqu'en 1910 et c'est à cette date qu'il a commencé à se lancer en tant qu'indépendant.
L'homme a notamment été remarqué pour sa participation à la réalisation de l'usine FAGUS (construction de 1911 à 1913).
Les façades de verre, la structure métallique et les toits plats de l'édifice marqueront au point que ce bâtiment sera inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco en 2011 :
L'Europe est violemment secouée par le premier conflit mondial et GROPIUS va devoir répondre à l'appel de la mobilisation générale allemande.
La défense de son pays l'éloigne durant plusieurs années de sa carrière.
La République de Weimar est proclamée en novembre 1918 et GROPIUS propose alors au gouvernement provisoire de réunir l'école des arts décoratifs et l'académie des beaux-arts de Weimar au sein d'un même établissement.
Le 12 avril 1919, GROPIUS succède à VAN DE VELDE et prend la direction de cette nouvelle école désormais appelée
Staatliches Bauhaus zu Weimar.
Littéralement, le mot Bauhaus provient de l'allemand Bau qui signifie construction et Haus qui veut dire maison.
Le Bauhaus est donc la maison de la construction.
GROPIUS publie le manifeste et le programme du Bauhaus.
Dans ce manifeste, il annonce la vocation de l'école en ces termes : « Le but de toute activité plastique est la construction ! […] Architectes, sculpteurs, peintres ; nous devons tous revenir au travail artisanal, parce qu’il n'y a pas d'art professionnel. Il n’existe aucune différence essentielle entre l’artiste et l’artisan. […] Voulons, concevons et créons ensemble la nouvelle construction de l’avenir, qui embrassera tout en une seule forme : architecture, art plastique et peinture […] »
Une vision unitaire des arts et des techniques est clairement ambitionnée.
La conception de l'artisanat est la cheville ouvrière d'un système que GROPIUS souhaite englobant. De la conception à la façon, la démarche tend toujours vers l'objectif de la réalisation. En cela, le travail de l'architecte ne diffère guère de celui du maçon. Il en va de même pour celui du designer et du menuisier.
Il suit que l'artiste et l'artisan travaillent tous deux dans la même direction. Une direction qui constitue l'enseignement que souhaite délivrer le Bauhaus.
Les cours commencent le 1er octobre 1919.
Afin de mettre en œuvre ses idées, GROPIUS fait appel à des artistes célèbres et reconnus. Il recrute des maîtres dont le peintre Lyonel FEININGER, le sculpteur Gerhard MARCKS ainsi que le peintre et professeur d'art Johannes ITTEN.
FEININGER
MARCKS
ITTEN
Malgré les difficultés de l'après-guerre, les ateliers sont peu à peu mis en place.
En 1920, afin de favoriser le rapprochement entre les arts et l'artisanat, le conseil de maîtrise décide d'une réforme importante : chaque atelier du Bauhaus est placé sous la responsabilité conjointe d'un maître artisan (
Werkmeister) et d'un artiste, maître de la forme (
Formmeister).
Cette modification de la structure de l'enseignement permet d'acter le rapprochement appelé de ses voeux par GROPIUS au travers une approche globale de la façon organisant la promotion d'un échange constant entre la fonction et la forme.
Au début de l'année 1921, les peintres Paul KLEE et Oskar SCHLEMMER sont nommés maîtres tandis qu'à l'automne le peintre Lothar SCHREYER est nommé responsable du département spectacle.
KLEE
SCHLEMMER
SCHREYER
Theo VAN DOESBURG, membre fondateur de la revue et du mouvement De Stijl qui s'est installé à Weimar en avril 1921, donne des conférences au Bauhaus et présente son travail lors de plusieurs expositions :
A cette occasion, il critique l'expressionnisme dont se réclame GROPIUS et promeut un constructivisme fonctionnaliste porté par l'utilisation de la machine comme outil de création.
La critique de VAN DOESBURG s'appuie sur certaines réalisations antérieures de GROPIUS et notamment le Monument aux morts de Mars érigé à Weimar en 1921. Une réalisation dont les codes sont emprunts d'un affect sans rapport avec les principes du Bauhaus et de son directeur :
Au cours de l'année 1922, GROPIUS fait évoluer les objectifs du Bauhaus vers une réflexion sur l'utilisation des méthodes industrielles pour créer. Il semble que les arguments de VAN DOESBURG aient marqué le directeur en participant de l'infléchissement de la trajectoire initiée par VAN DE VELDE.
L'objectif est désormais de briser la dichotomie entre l'art et l'industrie en favorisant la production sérielle des objets puis des logements. Le but est de rendre ces objets accessibles au plus grand nombre afin de les porter vers un public toujours plus large.
La massification de la production et la grande diffusion va devenir un véritable crédo pour l'institution qui porte désormais une dynamique "sociale".
L'évolution de l'outil productif est une opportunité et justifie l'éloignement de l'artisanat originel.
Il suit que l'héritage historique du
Deutscher Werkbund est peu ou prou abandonné.
Cette évolution radicale de la posture de GROPIUS a longuement alimenté une controverse que nous ne pourrons pas résoudre ici.
Le directeur du Bauhaus est-il un partisan silencieux du fonctionnalisme De Stijl et de VAN DOESBURG? A-t-il cédé contre ses convictions à l'amendement des principes de VAN DE VELDE pour éviter de perdre la direction de l'école? Impossible d'être affirmatif...
Certains maitres dont ITTEN vont clairement s'opposer à cette évolution vers la production de masse. Progressivement, ITTEN sera d'ailleurs écarté par GROPIUS.
Le peintre Vassily KANDINSKY (1866-1944) est engagé comme maître au Bauhaus :
Je m'autorise ici une petite digression biographique car KANDINSKY est une figure passionnante! De nationalité russe puis française à partir de 1939, l'homme est considéré comme le père de l'abstraction moderne.
KANDINSKY est né à Moscou et a passé son enfance à Odessa. Son parcours atypique le verra s'inscrire à l’université au sein d'un cursus de droit et d’économie. Il décide de commencer des études de peinture sur le tard à l’âge de 30 ans.
En 1896, l'homme s’installe à Munich où il suit l'enseignement de l’Académie des Beaux-Arts. Il retourne ensuite à Moscou en 1918 après la Révolution bolchevik mais est profondément opposé aux théories officielles de l’art diffusées par le régime. Il décide alors d'une nouvelle installation en Allemagne en 1921. Il deviendra enseignant au Bauhaus au cours de l'année 1922 et ce jusqu'à la fermeture de l'école en 1933. Il émigre alors en France puis s'éteint à Neuilly-sur-Seine en 1944.
Figure décalé du Bauhaus, l'homme s'est rapidement démarqué du constructivisme théorisé par la seconde partie du directorat de GROPIUS en affirmant un traitement spécifique des surfaces particulièrement riche en couleurs et en dégradés.
Reprenons le fil de nos développements...
Nous sommes au début de l'année 1923 et ITTEN décide de quitter définitivement le Bauhaus.
Il est remplacé par l'artiste constructiviste László MOHOLY-NAGY, l'un des amis de VAN DOESBURG et partisan du courant De Stijl. Ce membre du Groupe G devient responsable de l'atelier de métal et assure le cours préliminaire :
GROPIUS modifie la devise du Bauhaus. "L'art et la technique, une nouvelle unité" vient remplacer la maxime du manifeste originel selon laquelle "il n’existe aucune différence essentielle entre l’artiste et l’artisan".
La rupture avec l'expressionnisme est définitivement consommée. Les idées de VAN DOESBURG et du mouvement De Stijl sont totalement intégrées par le Bauhaus.
A l'occasion de l'exposition de l'été 1923 à Weimar, les architectes Walter GROPIUS, Mies VAN DER ROHE (membre du Groupe G de VAN DOESBURG) , J. J. P. OUD, Le Corbusier, Mart STAM et Frank LLOYD WRIGHT crées la maison prototype
Haus am Horn.
Cette réalisation incarne la révolution conceptuelle que le Bauhaus vient de réaliser en teintant fortement son enseignement de constructivisme et de fonctionnalisme :
L'aménagement intérieur et le mobilier ont été conçus par Marcel BREUER qui est également le créateur du fameux fauteuil WASSILY :
1924, le gouvernement social-démocrate est battu aux élections du land de Thuringe.
Les conservateurs qui réclamaient la fermeture du Bauhaus décident de diviser par trois la subvention précédemment accordée à l'institution.
Dans ce contexte, le 26 décembre 1924, les maîtres déclarent la dissolution du Bauhaus de Weimar au 1er avril 1925.
Afin de soutenir le Bauhaus, le Cercle des amis du Bauhaus (
Kreis der Freunde des Bauhauses) est fondé. Marc CHAGALL, Albert EINSTEIN et Gerhart HAUPTMANN font notamment partie de son conseil d'administration.
CHAGALL
EINSTEIN
HAUPTMANN
Les maîtres du Bauhaus choisissent Dessau-Roßlau pour la refondation de l'école.
L'une des raisons du choix de cette ville industrielle est le manque important de logements. GROPIUS qui prône désormais l'industrialisation de la construction se voit confier par la municipalité la création d'une cité à Dessau-Törten.
Les cours reprennent au Bauhaus en mars 1925.
Tous les maîtres à l'exception de Gerhard MARCKS déménagent à Dessau tandis que quelques jeunes maîtres comme Herbert BAYER ou Marcel BREUER sont nommés responsables d'ateliers.
GROPIUS adapte à nouveau le programme d'enseignement du Bauhaus afin de contribuer au développement d'un habitat moderne "de l'appareil électroménager le plus simple au logement complet".
Le nombre d'ateliers est réduit à six et GROPIUS fonde
Bauhaus GmbH afin de commercialiser les produits réalisés par l'école. La conversion du Bauhaus en un établissement économiquement rentable semble indispensable en vue d'éviter que les mésaventures précédentes ne se reproduisent.
En effet, la dépendance de l'institut de Weimar à des fonds publics ayant abouti à sa fermeture pour des raisons politiques, le directeur veut assurer l'autonomie financière de sa nouvelle structure afin de la pérenniser et d'en garantir la totale autonomie.
La construction du bâtiment du Bauhaus de Dessau, le plus célèbre entre tous, se déroule au cours des années 1925 et 1926 :
A proximité immédiate de ce nouveau complexe immobilier, GROPIUS fait également construire la maison des maîtres :
Le projet confié par la municipalité de Dessau en vue de la création d'une cité avance rapidement :
Tous les aménagements du bâtiment sont réalisés par les divers ateliers du Bauhaus.
L'unité de la conception et de la réalisation trouve ici sa pleine expression. Ces deux versants de la création sont irrigués par le même principe : la forme doit suivre la fonction.
Les 4 et 5 décembre 1926, les bâtiments sont inaugurés.
Les invités assistent à une grande fête au cours de laquelle sont organisés des expositions, des spectacles musicaux et théâtraux.
En avril 1927 et pour la première fois de son histoire, le Bauhaus ouvre un département d'architecture sous la direction de Hannes MEYER :
Le peintre Georg MUCHE quitte le Bauhaus et est remplacé par Gunta STÖLZL à la tête de l'atelier de tissage :
MUCHE
STÖLZL
Début 1928, GROPIUS annonce sa démission de la direction du Bauhaus pour se consacrer davantage à l'architecture. MOHOLY-NAGY, BAYER, et BREUER quittent également l'institution.
C'est Hannes MEYER qui assure la succession de GROPIUS. L'architecture se retrouve donc au coeur des préoccupations de l'école à l'aube des années 30.
MEYER décide de marquer de son empreinte l'organisation structurelle et l'enseignement de l'école. Il demande notamment aux ateliers d'être plus rentables et de travailler à des créations répondant aux besoins populaires.
La rupture décidée par GROPIUS avec la philosophie originelle de VAN DE VELDE est définitivement entérinée. L'artisanat n'est plus le biais par lequel l'école veut se développer. Elle mise désormais sur un modèle dérivé de celui qui règne aux Etats-Unis. En effet, le fordisme a amorcé une nouvelle manière d'envisager la production et cette méthode tend à se développer en Europe.
La révolution industrielle pénètre ainsi le modèle initial et déporte l'objet du Bauhaus sans le modifier fondamentalement. Il s'agit toujours d'unifier les processus de conception et de réalisation mais en favorisant une approche sérielle.
Les aspects scientifiques et techniques prennent désormais le pas sur l'esthétisme pur. Comme l'évoque MEYER, les créations doivent être "nécessaires, justes et de ce fait aussi neutres […] que l'on puisse imaginer".
Parallèlement, le nombre d'élèves est porté à 200. Le Bauhaus démocratise simultanément ses créations et son enseignement.
En juillet 1929, les ateliers de métal, de menuiserie et de peinture murale sont fusionnés en un atelier de second œuvre dirigé par Alfred ARNDT :
Un département photographie est créé sous la direction de Walter PETERHANS :
L'architecte et urbaniste Ludwig HILBERSEIMER est également recruté :
MEYER est de plus en plus contesté par le corps professoral qui lui reproche son approche excessivement sociale de l'enseignement et sa vision scientifique de la création.
Des accusations portent sur ses activités pro-communistes qui participent d'une politisation excessive de l'école et de son enseignement.
Il est finalement écarté au profit de l'architecte allemand Mies VAN DER ROHE :
L'ami de VAN DOESBURG et partisan des influences portées par le courant De Stijl va entreprendre de purger les influences de son prédécesseur en décidant du renvoi de plusieurs étudiants communistes qui soutenaient ouvertement la démarche de feu le directeur MEYER.
Les nouveaux statuts entrent en vigueur au cours de l'année 1930 et interdisent toute activité politique au sein de l'établissement. Le programme est revu et le cours d'architecture devient l'axiome fondamental autour duquel s'articule l'ensemble de l'enseignement dispensé.
Le peintre KLEE et la tisserande STÖLZL quittent à leur tour l'institution.
En novembre 1931, le parti national-socialiste, idéologiquement opposé au Bauhaus, remporte les élections au conseil municipal de Dessau.
Le 22 août 1932, une résolution des nazis demandant sa dissolution est finalement votée.
Pourquoi les nazis n'appréciaient pas le Bauhaus?
En adaptant ses conceptions à la nouvelle industrie axée sur la production de masse, la pensée de l'école a fait un pas résolu en direction de la vie moderne et de l'amélioration des conditions sociales.
Cet engagement verra la création d'un style populaire tant par la forme du mobilier que dans la construction des habitations. Le mouvement national-socialiste se réclamait des mêmes idées mais réfutait avec force le "bolchevisme culturel" qu'incarnait notamment le directeur MEYER.
Alors qu'ils s'en prenaient déjà à "l'art dégénéré", les hitlériens chassèrent du Bauhaus tous les représentants du ce "bolchevisme culturel" tant dénoncé.
C'est ainsi qu'un grand nombre de réalisations, longuement mûries au sein de la section d'architecture de l'école, durent céder la place aux conceptions nazies du Sang et du Sol.
À la place de la lumière, de l'air et de l'ouverture vers l'extérieur qui constituaient jusqu'alors les symboles d'un habitat perfectionné, la parole de pierre va devenir le symbole caractérisant ce que les nouveaux maîtres appelaient la foi, la volonté et la force créatrice du national-socialisme.
Le Bauhaus de Dessau ferme le 1er octobre 1932.
Les villes sociales-démocrates de Magdebourg et Leipzig se prononcent en la faveur de l'accueil de l'institution.
Mies VAN DER ROHE avait néanmoins décidé en amont de la dissolution de déménager l'école à Berlin et d'en faire une structure privée. Les locaux sont installés au sein d'une ancienne usine de téléphone :
Le 11 avril 1933 voit la police politique allemande effectuer une perquisition qui aboutira à la mise sous scellés du Bauhaus.
Le directeur discute sa réouverture sous la forme d'une école d'art privée avec les autorités de l'époque mais ces dernières posent des conditions drastiques, notamment le renvoi de KANDINSKY et HILBERSEIMER.
Le 19 juillet de la même année, VAN DER ROHE et les maîtres prononcent la dissolution du Bauhaus.
En proie à une hostilité nazie toujours plus virulente, la plupart des anciens membres quittent l'Allemagne et trouvent refuge aux États-Unis. Les œuvres de l'école sont alors systématiquement détruites par le Reich.
Ces personnes, dont l'ancien directeur MEYER, vont participer à la transfiguration architecturale de Tel-Aviv. Un style épuré, sobre dans ses principes et rationnelle dans ses formes habillera désormais la ville.
Ci-dessous, le musée du Bauhaus au coeur de la métropole israélite :
En 25 ans, près de 4000 bâtiments de style Bauhaus ont été construits à Tel-Aviv lui conférant un cachet architectural unique au sein duquel l’homme est placé au coeur des créations.
La ville portait le nom de Ville Blanche en raison des façades recouvertes d’un crépi blanc uni :
Un important programme de réhabilitation a été mis en œuvre pour le centenaire de Tel-Aviv (1909-2009).
Nous retiendrons qu'en une brève existence d'à peine 20 ans, le Bauhaus a profondément marqué l'architecture, le design et les arts au sens large.
L'émergence du style international porté par Mies VAN DER ROHE après son exil aux Etats-Unis permettra de pérenniser cet héritage.
Aujourd'hui encore, le magistère d'influence exercé par le Bauhaus imprègne profondément le travail de nombreux créateurs.
Le Bauhaus et Stowa
Revendiquant une conception unitaire des arts de la conception et de la façon, le Bauhaus espère embrasser de son souffle toutes les disciplines connues.
L'horlogerie ne fait pas exception et la manufacture saxonne LANGE & SÖHNE va créer dès 1924 une montre inspirée des principes de GROPIUS et de ses disciples :
STOWA voit le jour en 1927.
Son fondateur Walter STORZ s'établit dans la manufacture de son père à Hornberg en Allemagne. Le nom de l'entreprise nait d'une contraction de son nom et de son prénom : STO pour STORZ et WA pour Walter.
Il amorce son activité en proposant des pièces dont la plupart des codes stylistiques sont hérités du Bauhaus :
Les yeux les plus affutés remarqueront que les cornes Stowa sont légèrement plus épaisses et que le cadran comporte l'intégralité des index chiffrés (Lange avait opté pour un allègement visuel en retenant seulement les index pairs).
L'Antéa Small Second dont nous allons parler est l'héritière d'une philosophie ancrée dans 80 ans d'histoire :
L'entreprise prospère et en 1938, la marque est devenue suffisamment florissante pour envisager la construction de ses propres locaux à Pforzheim.
En 1939, la production de la "Beobachtungsuhr" ou "B-Uhr" utilisée par la Luftwaffe durant la seconde guerre mondiale débute :
5 compagnies ont été choisies par le gouvernement allemand pour produire ces modèles : LANGE, LACO, WEMPE, IWC et STOWA.
Le 23 février 1945, l'usine STOWA est détruite par un bombardement allié. Pendant que la fabrique est reconstruite, Walter STORZ déplace la production à Rheinfelden afin de garantir la continuité de la production.
En 1951, STOWA construit une autre usine à Rheinfelden :
Les deux usines restent ouvertes afin d'accroître la production. Dans les années 1950, les montres STOWA sont distribuées dans près de 80 pays et plus de 50 % de la production est exportée.
En 1960, Warner, le fils de Walter STORZ, rejoint l'entreprise et se concentre principalement sur le marché étranger.
Walter STORZ décède en 1974 et son fils dirigera l'entreprise jusqu'en 1996. Jörg SHAUER rachète alors l'entreprise. La suite, vous la connaissez!
Retenons que la naissance de Stowa et son histoire sont intimement liées à celle du Bauhaus.
L'Antéa Small Second
La fiche technique :Dimensions
Diamètre : 35.50 mm
Epaisseur : 6.90 mm
Entrecorne : 18 mm
Corne à corne : 44.60 mm
Etanchéité : 3 ATM
Poids : 41 gr. (sur cuir), environ 85 gr. (sur bracelet métal)
Matériaux
Boite : Acier
Cadran : Argenté
Crystals: Sapphire crystal and sapphire display case back
Aiguilles : Temperature-blued steel
Couronne : Acier avec logo STOWA
Mouvement
Calibre : Peseux 7001
Remontage : manuel
Alternances par heure : 21,600 A/H
Fonctions : Heure, minute et petite seconde
Réserve de marche : environ 42 heures
Rubis : 17
Finition : Côtes de Geneve, rhodiage, visserie bleuie, logo STOWA gravé
Boite et cadranC'est un sentiment de pureté qui domine l'expérience. Une grande sobriété habille l'ensemble d'une élégance fonctionnelle, sans aucune ostentation.
La boite, d'un diamètre contenu de 35,5mm, participe grandement de cette légèreté. Des cornes fines et tendues répondent à la rondeur du cadran, un contraste saisissant des formes qui a quelque chose d'architectural.
Les index noirs contrastent agréablement avec les aiguilles dont la couleur hésite entre le bleu électrique et le marine profond selon l'angle du poignet puis la lumière ambiante.
La police Art déco utilisée est parfaitement sobre et magnifie la pureté du cadran.
L'intégration du logo "STOWA" est impeccable. Pas de littérature surabondante pour encombrer l'oeil qui peut ainsi se consacrer exclusivement à la lecture de l'heure, sans aucune pollution.
La petite seconde est elle aussi parfaitement intégrée.
Le diamètre de la boite étant de 35,5mm, le Peseux ne nage pas trop à l'intérieur et le positionnement de cette complication se fait harmonieusement en regard du reste, ni trop haut ni trop bas.
Un détail qui compte : le compteur, au fond agréablement soleillé, ne coupe aucun index. En effet, le 6 a été purement et simplement supprimé pour éviter ce désagrément visuel qui agace bien souvent les propriétaires.
Revendiquant fièrement ses origines, le cadran de l'Antéa arbore un discret "Made in Germany". Il ne me dérange aucunement mais, dans l'absolu, je pourrais m'en passer.
Pas de date... Un choix assumé et revendiqué de ma part : la montre, c'est avant toute autre chose la lecture de l'heure.
Mouvement :Le Peseux 7001 est agrémenté d'un rhodiage, de belles côtes de Genève et d'une très germanique visserie bleuie.
Ce calibre, un brin roturier selon beaucoup d'amateurs en horlogerie, est en réalité un tracteur fiable et éprouvé. Son unique faiblesse concerne le réglage et il est bien souvent difficile d'en faire un chronomètre (je vous ferai un retour dans quelques jours à ce sujet après plusieurs mesures).
Le remontage manuel du mouvement permet de contenir l'épaisseur de la belle et d'éviter un déséquilibre du fait de son diamètre raisonnable.
Au final, le calibre sied parfaitement à la montre et dans ce domaine encore, la forme suit parfaitement la fonction : c'est simple et efficace.
Le porté :La première chose qui m'a frappé en la passant au poignet, c'est son incroyable légèreté. La montre s'oublie totalement et glisse parfaitement sous la chemise.
Les finitions sont excellentes et les aiguilles s'électrisent parfaitement à la moindre inclinaison de la main.
Bref, du très bon
.
Des regrets?Quelques détails sans grande importance mais que je souhaite mentionner :
- Le fond transparent que je trouve sans rapport avec l'esprit de la montre et dont je pourrais parfaitement me passer. Nomos propose d'ailleurs sur sa Tangente un fond plein et c'est, à mon avis, une excellente idée.
- La boucle déployante un brin épaisse et qui ne sied guère à l'esthétique de la montre (j'ai demandé par mail à Stowa de m'envoyer un ardillon, nous verrons si on me demande un petit supplément).
- L'absence d'outil pour dévisser la fixation de la déployante (Sinn en met toujours un dans son set et c'est bien pratique).
Quelques photos (d'autres suivront sur le fil) :Les remerciements
J'espère que vous aurez pris autant de plaisir à lire cette revue que j'en ai eu à l'écrire.
Je remercie chaleureusement tous ceux qui ont pris le temps de passer sur mes posts pour suivre l'acquisition de cette montre. Une acquisition qui a une saveur très particulière puisqu'elle est l'aboutissement horloger d'un intérêt qui perdure depuis longtemps.
Le Bauhaus vous sera désormais un peu plus familier et pour les plus passionnés, je recommande chaleureusement l'ouvrage de Jeannine FIEDLER et Peter FEIERABEND, la référence en la matière
.
Amicalement,
A.