De communiqués de presse dithyrambiques en scintillements dorés à la feuille, de sourires commerciaux en bises distribuées à tout va, de gens importants en personnalités essentielles et de scoops enfumés en nouveautés presque déjà vues et de blogueurs cravatés en journalistes, demis et pleins professionnels à la langue chargée, voici le SIHH. Mangez, chantez et dansez, tout est offert et le champagne arrive par pipeline à Genève.
Quel plaisir d'être le premier à annoncer une nouveauté, l'excitation atteint son sommet quand l'interview exclusive arrive. Ce sens de l'exclusivité c'est le succès d'une marque. Le diffuseur s'approprie ainsi les éléments de langage et va les distiller avec talent sur la toile webienne comme l'huile renversée se répand sur la toile cirée. Il est vrai qu'avoir le CEO en face de soi garantit qu'il est bien l'auteur des réponses alors que pour les interviews faites par mail, c'est dans 98% l'attachée de presse qui en nourrit les réponses. Pas étonnant que la cohérence soit davantage au rendez-vous à distance car le CEO fatigué et désaltéré au champagne a la fâcheuse tendance de ne plus assurer la cohérence de ses propos à partir de 11 heures du matin.
Si le SIHH est intéressant comme un balai, pardon ballet ensorcelé, tout ce qui se passe à côté n'en finit pas de grandir. Les hôtels de Genève pris d'assaut (espérons que le seul assaut sera celui des clients et des marques) n'en peuvent plus des cocktails, conférences de presse et rencontres discrètes pour vendre la camelote des fabricants angoissés par la crise, la montre connectée et la réorganisation des parités monétaires. Nous aurons cette année un concert de louanges pour la pure mécanique et une phrase assassine pour les montres connectées par des gens qui affichent ne rien craindre mais qui l'œil rivé sur les statistiques de ventes n'en peuvent plus d'attendre de les voir remonter.
Ce qui sera à observer à Genève cette année c'est ce qui n'y est pas. L'absence est un signe négatif, l'avant goût d'un échec, d'une catastrophe qui se cache à la vue des nantis qui ont encore les moyens d'allumer les guirlandes. Les marques absentes bien sûr sont un paramètre mais aussi les journalistes et les blogueurs non accrédités. Le SIHH n'aura pas forcément le courage de se débarrasser de tous ses pique-assiettes et passe-plats de banquets d'opérette, ceux-là même qui caressent dans le sens du poil tout ce qui passe sous leur main et se montrent roquets mordeurs de ce qui n'entre pas dans le jeu. C'est que la critique est un art et celui-ci n'est pas partagé par les lustreurs d'ego, les cireurs de pompes infatigables, héros du poignet paré par les plus belles mécaniques et le muscle sculpté par le va et vient de la flatterie gâtée.
Ne parlons ni de crise , ni de méventes ce n'est pas le lieux et pas le moment.
Le SIHH est ouvert et je déclare ouvertes les olympiades du beniouiouisme artistique !
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Contraria contrariis curantur. (Les contraires se guérissent par les contraires).