Chers FAMeurs, il y a quelques années, jaeger92 avait élaboré plusieurs articles pour vous parler des matériaux de nos montres. Je les avais redécouvert à l'occasion du partage d'un autre article :
L'art et la matière (article sur les matières utilisées pour les montres). En parallèle, vous êtes nombreux à vous intéresser aux montres en
bronze. Effet de la mode horlogère, elles connaissent un engouement et en particulier cette année. En hommage au travail de jaeger92 et pour vous, c'est avec plaisir que l'équipe de FAM reprend le flambeau et vous propose...
Les matériaux de nos montres - Partie IV : le Bronze
La (petite) histoire du bronze :L’âge du
bronze concerne une période allant de 3000 à 1000 avant JC. Il succède à l’âge de pierre et précède l’âge du fer [Ce concept des trois âges a d’ailleurs été formalisé par le français Nicolas Mahudel qui fut un moine de l’ordre des jésuites et ensuite de l’ordre des cisterciens pour information].
Il est à noter que l’usage du
bronze arrive après celui du cuivre, ce dernier étant le plus ancien métal utilisé par l’homme (avec l’or). Cela n’est pas étonnant car le
bronze comporte une bonne dose de ce métal qui fait toujours la joie des amateurs en quête de câbles de cuivre et des amoureux des patines pleine de vert-de-gris. Quand l’homme a découvert l’usage du cuivre, il s’est évidemment mis en tête de l’utiliser dans une série d’applications : en armes contondantes et tranchantes et plein d’autres utilisations (parfois) pacifiques. Le problème du cuivre vient du fait qu’il s’agit d’un métal malléable et ductile. Autant dire que cela posait un certain problème à celui qui voulait légitimement casser la tête à son voisin. Heureusement, le
bronze a été découvert.
C’est quoi le bronze ?Le
bronze est un alliage composé de deux éléments chimiques : le numéro atomique 29, le
cuivre, et le numéro atomique 50, l’
étain.
Autrefois, le
bronze désignait une série d’alliages à base de cuivre et d’autres éléments. Aujourd’hui, ce nom désigne les alliages composés de :
- soit uniquement de cuivre et d’étain (dans des proportions variables)
- soit des alliages composés de cuivre, d’étain et d’autres éléments comme le zinc, le phosphore ainsi que le plomb et le béryllium
La
composition du bronze varie selon les proportions de cuivre et d’étain choisies mais elle se situe entre 60% et 95% de cuivre.
Pour information, le laiton (que vous retrouvez notamment dans nombre d'instruments dans la marine), un autre alliage, est lui composé de cuivre (avec toujours un minimum de 60%) et de zinc. Il est à noter que le laiton est plus dur mais également plus fragile.
Les propriétés du bronzeS’intéresser au
bronze revient donc à s’intéresser principalement aux propriétés du cuivre et de l’étain. Le cuivre fait partie de la même famille de métaux que l’argent et l’or qui sont considérés comme des métaux nobles (le cuivre pouvant être considéré comme un métal semi-noble). L’étain fait partie des métaux pauvres mais possède des propriétés qui permettent de contrebalancer en partie les défauts du cuivre et il est notamment bien plus résistant à la corrosion exercée par l’eau.
L’alliage des deux métaux permet de fournir un métal :
-
Plus dur (et davantage s’il comporte une proportion importante en étain)
-
Plus résistant à l’usure (avec un faible coefficient de frottement)
-
Moins sensible à la corrosion (mais il le reste tout de même)
Il est à remarquer que le
bronze est plus lourd que l’acier (cela varie en fonction de la composition précise de l’alliage mais c’est à hauteur de 10% de plus environ).
Les applications du bronzeGrâce à ces propriétés, le
bronze s’est tout naturellement retrouvé dans les
statues (d’ailleurs, il en reste relativement peu du fait qu’une grande partie a été fondue… par les barbares ou par l’État déliquescent de l’époque qui en avait besoin car le
bronze se retrouvait également dans les
monnaies comme l'as durant l'époque romaine), les
cloches (elles-mêmes fondues selon le besoin pour en faire des canons, dans tous les cas, il peut-être noté que le
bronze a toujours servi pour faire pas mal de boucan), des
pièces industrielles - même de nos jours - et notamment dans l’industrie mécanique, minière et chimique et bien entendu dans l’
armement militaire jusqu’au XIXème siècle avec le fameux canon Gribeauval qui donna tant de victoires durant l’époque révolutionnaire et napoléonienne.
(Merci à la reconstitution et aux vieux grognards) Le bronze dans les montres - GQ a écrit:
- A l’instar des grands vins, les montres en bronze ne vieillissent pas, elles s’améliorent. Plus elles vieillissent, plus elles se bonifient. […] au poignet, plus le bronze est vert, plus la montre est d’or. Précieuse.
Laissez-moi vous dire que ce genre de phrases toutes faites et issues d’un journaliste plus soucieux de la mode du moment et du buzz que du caractère permanent de la beauté a tendance à me faire tantôt sourire tantôt froncer les sourcils.
Il est vrai que depuis quelques années et surtout depuis 2016, il existe clairement une mode des montres en
bronze. Les paneristi évoquaient souvent la PAM 382 et son prix a littéralement décollé depuis (mais est-ce vraiment un bon signe à l’exception de ceux qui achètent et revendent leurs montres en spéculant sur le potentiel de croissance en valeur sur le marché de l’occasion ?). Aujourd’hui, de nombreuses marques cherchent à occuper ce créneau, il est d’autant plus convoité que le marché des montres en or est en chute libre et que nombre de marques cherchent à trouver des créneaux plus porteurs.
Si la PAM 382 est certainement la montre en
bronze récente qui fut d’une certaine manière celle qui fit naître cet engouement récent, elle ne fut évidemment pas la première. Et d’une parce qu’elle est une réédition d’un modèle des années 40 et de deux parce qu’il existait des montres de poche en
bronze dans une époque plus reculée.
Mais ne boudons pas notre plaisir, le
bronze est un beau métal et de belles montres sont arrivées en 2016 et deux modèles ont retenu mon attention : la
Tudor Black Bay Bronze et l’
Oris Carl Brashear (et je remercie d’ailleurs Guy 67 de m’avoir aimablement fourni de superbes clichés de sa belle Oris).
(Credits to Hodinkee)Neuves ou bien entretenues (avec du jus de citron !!
), je les trouve pour ma part superbes. Le
bronze n’est pas un métal désagréable à l’œil comme vous pouvez le constater dans ces clichés.
Il existe d’autres modèles qui ont attiré l’attention comme la Zenith Heritage: Pilot Type 20 Extra Special (vive les noms à rallonge…) qui mérite une mention spéciale (même si la présence du
bronze dans une montre de pilote peut me laisser plus dubitatif sur le plan historique). Dans une toute autre gamme, des marques plus axées sur le budget découverte, comme Steinhart et Archimede, ont sauté sur le créneau pour proposer différents modèles en
bronze.
Dans les photos présentées ci-dessus, on peut voir le début de patine de la montre de Guy 67 et elle produit à mon sens un bon effet mais comme vous allez le voir, il y a patine et patine.
La patine n’est pas du platine… (et le vert-de-gris n’est pas de l’or)Il existe deux écoles :
Première école : Laisser faire le temps, apprécier le vieillissement naturel de sa montre, d’une certaine manière, pour faire simple, une belle patine est le reflet d’une belle histoire. C’est l’école qu’a choisi Guy et, comme tout bel objet, quand la montre avait besoin d’un peu d’entretien (du jus de citron), il n’hésitait pas à en prendre soin.
(on voit une légère patine se former dans la photo de mon estimé collègue Guy 67)Seconde école : Accélérer artificiellement le vieillissement d’une montre, prendre du vinaigre, de l’œuf et votre montre, mettre dans un sachet et transformer une belle montre en… quelque chose qui ressemble étrangement à du mauvais goût profond.
(là, je ne comprends pas comment certaines personnes peuvent aimer... Credits to instagram.com/lordshapleigh)Certains se sont mis à
suivre la tendance de l'époque pour s'extasier d'avoir posté des montres pleines de vert-de-gris. En consultant les photos sur d'autres bars (facebook, blogs, instagram...) de ces tentatives de faire vieillir artificiellement une montre, je dois vous avouer, je ne suis pas le seul dans l'équipe FAM, que je suis éminemment pas fan de ce genre d'expérience. Pour tout vous dire, j'ai des statues en
bronze plusieurs fois centenaires qui ne ressemblent en rien à ce que j'ai vu d'artificiellement vieilli, il faut dire que je plonge rarement de bels objets dans un mélange de vinaigre et d’œuf...
Faites ce que vous voulez de vos montres mais entre une personne qui hérite une montre de son père et qui la conserve telle quel en sa mémoire (ou qu'elle soit restaurée) et une personne qui fasse vieillir artificiellement une montre pour lui faire raconter une histoire (artificielle) cela me semble juste profondément…
artificiel. Et d’ailleurs, parlons d’un sujet qui n’est jamais abordé dans les revues de mode, les quelques réserves à avoir sur l’oxydation du
bronze.
La toxicité du bronzeIl ne faut pas oublier que le
bronze est un alliage avec du cuivre comme base élémentaire (à plus de 60%). Il n’appartient pas à FAM de mener des études sur la toxicité potentielle d’un boitier de montre en menant des tests sur une vingtaine de porteurs dans les conditions d’une étude scientifique sur plusieurs années. Il nous appartient en revanche de fournir aux membres certaines réserves et notamment pour ceux qui se pâment devant leurs montres prématurément oxydées et donc pleines de vert-de-gris.
Aussi, nous fournirons les éléments suivants :
- http://www.officiel-prevention.com a écrit:
- L’inhalation massive de cuivre provoque des irritations des muqueuses respiratoires et oculaires et l’ingestion des troubles digestifs : le vert-de-gris, qui est mélange de différents sels cuivrés (principalement carbonate), est un poison entrainant une insuffisance hépatique et rénale.
Le cuivre est aussi responsable de la fièvre des fondeurs.
Le vert-de-gris, outre son aspect esthétique particulièrement discutable, n’est évidemment
pas à ingérer (je n’imagine pas les FAMeurs lécher souvent leurs tocantes artificiellement vieillies
mais bon…) et
encore moins à inhaler (et j’imagine aussi que vous n'êtes pas non plus tous des fondeurs de boitiers en
bronze…) mais
porter des montres pleines de vert-de-gris ne me semble pas une très bonne idée.
Selon un article publié dans " Le British Medical Journal ", les sels de cuivre sont des
irritants naturels de la peau humaine. Le principal risque résiderait donc dans des
démangeaisons et des
irritations de la peau.
Une montre doit être une source de plaisir, pas de démangeaisons… c’est pour cela que je recommanderai pour ma part, si votre choix se porte sur une montre en
bronze, un
entretien régulier de votre tocante.
Pour contrebalancer ce problème, les marques utilisent un métal différent pour le fond de boite : celui de la Tudor BBB est acier PVD couleur
bronze et en acier tout simplement pour la Oris Carl Bashear. Une disposition qui est nécessaire pour éviter justement un contact prolongé entre la peau (et la sueur) et le
bronze. Pour la Zenith Heritage: Pilot Type 20 Extra Special en
bronze, le fond de boite est en titane. Dans une toute autre gamme, Steinhart propose différents modèles en
bronze avec un fond en acier comme Archimede d’ailleurs.
A noter que l’alliage de la Tudor BBB comporte de l’aluminium (quantité non déterminée) alors qu’une montre comme l’Archimede Pilot est composée de 92% de cuivre et 8% d’étain. Leur aspect relativement différent et la patine spécifique à tel ou tel modèle dépend directement de la composition de l’alliage et donc de son oxydation dans le temps.
En conclusion et à titre personnel, si j’avais à choisir un modèle, ma préférence irait pour le modèle de Tudor mais cela tient certainement à l’esthétique très réussie de la collection Black Bay. Il en demeure pas moins que le
bronze n’est pas de l’or contrairement à ce que certains magazines voudraient vous faire croire en ce moment (ou les cotes de certains modèles qui tiennent à mon avis plus de la spéculation que d’une vraie affinité) et, sur le plan strictement technique, l’acier peut sembler un meilleur choix. Les modes changent et continueront de changer au fil des années mais seul le beau durable reste.
En espérant que cet article a pu vous permettre de mieux découvrir, sans langue de bois, sans concession, sans complaisance, les montres en
bronze.
Remerciements à : Guy 67, pour ses belles photos, à Zen pour sa Zénitude (et nos échanges sur le sujet), à jaeger92 pour son travail sur les autres matériaux et source d'inspiration pour le présent article.