La montre d'observation des sous-marins de la Navy britannique
En 1938, l'armée anglaise se prépare à la guerre dont le monde entier imagine l'imminence. La Navy britannique, grande consommatrice de montres notamment avec les pièces pour les services hydrographiques, est très satisfaite des mouvements prima 17 rubis qui les équipent. Toutefois, la marine anglaise a besoin de pièces très particulières pour ses sous-marins. Il s'agit de chronomètres d'une précision absolue et d'une fiabilité sans faille. La Navy s'enquiert auprès de Zenith quant à la faisabilité d'une montre dans une boite très plate et un verre plat et un mouvement de très haute précision. La manufacture propose son fameux 22,5 lignes qui a battu des records de précision mais cela ne satisfait pas la marine anglaise qui tient absolument à une montre plate et d'un diamètre discret.
Ce qu'il faut à la marine anglaise est en fait un calibre de 19 lignes et de 21 rubis. Zenith dispose d'ébauches fabriquées le 22 janvier 1931 et stockées dans la manufacture pour des pièces prestigieuses en or. La quantité est très limitée mais la commande de l'armée porte sur un nombre de pièces réduit. Zenith fait savoir que la manufacture ne dispose pas des boites mais cela importe peu car le fabricant anglais Dennison fabrique des boites réglementaires pour cette catégorie de mouvement. L'armée souhaite en effet des boites spéciales pour des mouvements de 19 lignes à fond vissé plat et couronne anglaise (boule). Les boites pour ces montres sont un peu spéciales à cause de la hauteur du mouvement qui n'est pas commune.
Il reste à la manufacture des Billodes à terminer les mouvements, ce qu'elle réalise le 30 mars 1938 et le dorage qui lui, sera achevé le 6 mai 1938. Les montres apparaissent dans la catégorie des "commandes spéciales", c'est-à-dire de pièces en très petites quantités faites pour une armée et les livraisons sont faites par boîtes de 6. Zenith livrera une vingtaine de kits calibre/cadran/Aiguilles. Les autres montres serviront ailleurs.
Dès la première boîte, chaque cadran produit, peint et assemblé par Zenith reçoit un numéro autonome par rapport au reste des montres faites par ailleurs pour l'armée anglaise que ce soit par Zenith ou une autre manufacture. De cette commande spéciale, tout le monde croyait qu'il ne restait aucune pièce tant leur nombre initial fut limité. Ce n'est pas le cas et de manière tout à fait exceptionnelle, l'une d'elles s'est égarée depuis Londres ... Le cadran porte la célèbre Broad Arrow et ce numéro symbolique de l'unicité des pièces. Loin des calibres 7 rubis ou même des 15 rubis des GSTP, ce mouvement est celui de la plus belle qualité jamais livrée à l'armée anglaise par son nombre de rubis et sa finition dorée, un calibre très rare dans une pièce militaire qui ne se justifie que par un besoin spécial lié à celui de la vie dans les sous-marins et le besoin d'avoir une montre ultimement précise afin de doubler les instruments de bord susceptibles de donner l'heure.
Trouver l'une de ces montres était une chance extraordinaire mais le hasard a mis 6 ans après la première, un second exemplaire de cette micro-série sur mon chemin. La numéro 6 trouvée en 2011 est dorénavant accompagnée de sa petite soeur, la numéro 4. Le numéro du mouvement est quasi consécutif à 2 près.
Une recherche plus approfondie démontre que la Marine anglaise accordait une extrême importance à la précision de ces montres qui lorsque les moyens radio étaient coupés pour rendre moins détectables les navires par l'ennemi, ces montres restaient à bord le moyen privilégié de conserver une heure de référence fiable. L'armée anglaise faisait donc subir à ces pièces des tests qui débouchaient sur un tri où n'étaient sélectionnées que les montres les plus précises. Les test ont conduit à choisir ces Zenith parmi les premières puis quelques IWC et Elgin à seconde centrale. La marine anglaise préféra en effet ensuite des pièces à seconde centrale semble-t-il plus lisibles pour les armées.
Ces 6 Zenith sont donc des pièces d'une exceptionnelle rareté avec des calibres "spéciaux" dont les hauteurs de pont sont différentes des autres mouvements de la manufacture ce qui aujourd'hui rend leur maintenance plus complexe quand il faut remplacer un axe. Deux pièces, cela correspond à un tiers de la production et il sera sans nul doute difficile d'aller plus loin.
Droits réservés - Forumamontres - Mars 2017