Les calibres 73 et 74 d'IWC
Les mouvements conçus par IWC présentent la particularité d’une grande diversité d’architectures. Cela est d’autant plus vrai qu’on remonte le temps jusqu’au plein succès des montres de poche. Le dessin des ponts, le recours à des demi-platines, des empierrements généreux et des raquetteries à col de cygne témoignent de cette inventivité propre à la manufacture IWC. Ces mouvements démontrent encore un siècle après leur fabrication leur exceptionnelle aptitude à se déjouer des affres du temps.
Un mouvement de référence 16 3/4- 17- 4,2 -18000 : Les mensurations de l'un des calibres les mieux proportionnés d'IWC tiennent essentiellement dans ces 4 nombres. 16 3/4 lignes (38 mm), 17 rubis, 4,2 mm d'épaisseur et 18 000 alternances par heure. C'est en 1913 qu'IWC présenta son mouvement Lépine 73 dit également H4 (74 pour la version savonnette). Celui-ci eut une carrière commerciale relativement courte puisqu'il ne fut fabriqué que jusqu'en 1931 et ce en moins de 15 000 exemplaires. Il reste pourtant l'un des mouvements les plus emblématiques de la manufacture. Avec son spiral Bréguet et ses 30 heures de réserve de marche, ce calibre chronomètre fait partie des meilleurs mouvements fabriqués initialement pour des montres de poche puis intégrés à des montres bracelet. Les premières Portugaises d'IWC portaient en elles ce mouvement fiable et précis à la dorure flamboyante.
Les montres de poche Calibre 73 et 74 sont assez faciles à identifier en particulier à partir du cadran et du boitier. Les montres furent en effet produites en pleine période art Déco, notamment dans les années 1920 et le marquage des cadrans se singularisait par des chiffres caractéristiques stylisés et les boites possédaient un font gravé aux formes géométriques et une tranche souvent imprégnée d'art grec ou égyptien ou de dessins en rapport avec la mode de l'époque. Selon les marchés destinataires des montres, IWC employait pour ses boites de l'or 18 carats, de l'acier ou de l'argent à haut titre essentiellement. Il ressort de ces boites une haute qualité digne des mouvements qu'elles renferment. La période de production entraina un choix d'aiguilles dites "Pommes" très en vogue à cette époque et surtout dans les années 1920. Les bélières étaient quant à elles souvent travaillées avec des motifs reprenant ceux de la carrure.
La caractéristique la plus marquante des mouvements 73 et 74 est sans doute leur faible épaisseur. Le calibre ne dépasse pas les 4,2 mm et c'est sans doute ce qui lui donna sa polyvalence. Cette finesse exploitée par IWC dans les montres de poche conduisit la manufacture à multiplier les idées pour en tirer profit et réduire l'épaisseur des emboitages notamment en supprimant le double fond plus couramment dénommé "cache poussières" généralement incontournable à l'époque. IWC fut si satisfait de ce mouvement que la firme emboita dans son modèle Portugaise vendu sous la référence 325, trois cent quatre mouvements dans des montres-bracelets entre 1939 et 1952. Ces montres furent ainsi les premières IWC bracelets à bénéficier de mouvements de montres de poche.
Une conception « Finger Bridge » toute en finesse Le calibre 73 est le descendant direct du mouvement "Finger Bridge" que l'on pourrait traduire par "Pont en forme de doigt" qui était produit par IWC sous la référence 65 à partir de 1893 et qui connut quelques variantes. Contrairement aux calibres les plus répandus à l'époque, cette famille de mouvements exploitait des ponts fins pour installer les trains de rouages et réduire ainsi l'épaisseur globale des mécanismes. Cette finesse donnait aux pièces une grande élégance qui contribuait à la réputation qu'avait déjà IWC de faire de jolies montres. Afin d'offrir un diamètre plus large au regard de la mode pour les montres d'hommes qui était orientée en faveur de pièces d'environ 50 mm, les mouvements 73 et 74 étaient souvent fixés sur un cercle d'emboitage en laiton doré et non brut comme cela existait chez beaucoup de fabricants. Cette dorure de la même nuance que les ponts et platines du mouvement se fondait visuellement avec celui-ci et donnait aux pièces un regain de poids qui participait à la perception qualitative des montres.
Les pièces fines dans les années 1920 n'étaient pas les plus courantes car les manufactures produisaient des mouvements assez épais dans les plus grands volumes possibles afin de se positionner simultanément sur tous les marchés du monde et ainsi concurrencer les firmes américaines qui par leurs volumes de production et un niveau d'industrialisation élevé pouvaient profiter d'une large distribution internationale. Beaucoup d'hommes qui n'étaient pas encore conquis par les montres bracelets dont le commerce était balbutiant trouvaient intérêt aux montres de gousset les plus fines possibles afin de ne pas déformer les poches des gilets de leurs costumes. Avec ses savonnettes dotées du calibre 74 ou ses montres Lépine équipées du calibre 73, IWC répondait aux attentes d'une clientèle exigeante qui entendait ne pas sacrifier la précision à son besoin de montres plates et discrètes.
Au tournant des années 30, IWC crée des calibres spécifiques aux montres bracelets qui sonnent le glas de ce mouvement polyvalent qui demeure une référence dans la dynastie des mouvements de montres de poche de la manufacture. Les calibres "Finger Bridge" auront alors vécu leurs heures de gloire et leur production disparaît progressivement également des firmes concurrentes et ceci d'autant plus rapidement que les exigences des montres bracelets vont apporter une série d'innovations techniques dans la conception et l'architecture des calibres.
Le tout premier mouvement des Portugaise Ce mouvement reste aujourd'hui celui qui a équipé les toutes premières Portugaise devenues les icônes d'IWC faisant oublier sa vocation première qui était d'être embarqué dans des montres de poche. Cela pose d'ailleurs la question de savoir pourquoi avec un tel objectif, IWC a fait un calibre de relativement petit diamètre pour une pièce destinée à la poche. Sans doute l'idée initiale était-elle de pouvoir proposer des montres de poche extra-fine de type montres de smoking mais la période de conception du mouvement peut faire douter de cette hypothèse. Toujours est-il que lorsque ce mouvement fut exploité à plein, dans les années 1920, la mode était aux montres d'un bon diamètre et il fallut user d'un cercle d'emboitage pour intégrer le calibre dans ces carrures de bon diamètre. Cela donne le plaisir d’avoir un mouvement fin et de haute qualité dans de jolies montres de poche bien proportionnées.
Droits réservés - Joël Duval - Juillet 2017 - Forumamontres