Je me pose souvent une question. Est-ce que si Abraham Louis Bréguet avait eu accès aux échappements à ancre et au silicium, aurait-il utilisé ces technologies ou aurait-il fait autrement ? Il fait assez peu de doutes que Bréguet fut un précurseur du buzz horloger et que lorsqu’il créa les montres à toc, ses séries limitées et ses modèles de prestige, il avait déjà en tête ce qu'on appelle aujourd’hui le marketing et qu’on appelait à l’époque le sens du commerce.
Je doute peu que Bréguet eut fait une montre automatique à haute fréquence et avec une bardée de complications en série limitée. Bréguet, comme beaucoup de « grands » passait plus de temps dans les cabinets mondains que dans son atelier. Ses montres furent le fruit d’un travail collectif et de ses horlogers anonymes. Il avait le sens de la modernité. Il allégea les cadrans, usa de ce qui pouvait alléger la motorisation pour cultiver les complications.
C’est ce génie qui lui fit traverser le temps. Sa notoriété aujourd’hui est davantage liée au personnage et ses illustres clients qu’à ce que la marque produit actuellement et qui depuis la mort de Nicolas Hayek subit une communication discrète voire effacée.
Bréguet était loin d’être un idiot, il sût placer ses montres et ses boutiques, sélectionner ses distributeurs et privilégier les clients capables de nourrir sa notoriété. Si les ventes de pièces prestigieuses s’essoufflaient, il sortait des séries bon marché. Bref, il fut le premier horloger moderne.
Il n’aurait jamais bradé ni son image, ni son nom sur des modèles de petite qualité. Il attaquait ceux qui l’imitaient sauf quand ça le servait. Certains faux peuvent même être considérés comme validés faute d’avoir été poursuivis.
Projetons Bréguet de nos jours. Qu’aurait-il aimé porter ? Je pense qu’il aurait apprécié Rolex pour la constance de qualité et la communication assez proche de la sienne. Il aurait aimé Ulysse Nardin pour la créativité et le niveau élevé de qualité. Il aurait piqué la haute fréquence de Zenith en démontrant qu’il l’avait inventée mais en aurait voulu à la marque d’avoir été plus effacé et rapide que lui sur l’échappement Colomb. La Defy lab l’aurait beaucoup énervé pour ne pas être sorti de ses idées. Il aurait aimé la montre radio-pilotée aussi pour sa précision ultime. Seiko l’aurait beaucoup intéressé en qualité de manufacture faisant tout à 100%.
Bréguet aurait été à fond pour les réseaux sociaux et peu sur les forums car il haïssait être contredit ou contesté. Il aurait apprécié faire la une des revues horlogères, ne serait pas allé à Baselworld et aurait préféré le SIHH mais sans journée grand public. Il aurait choisi Georges Kern pour piloter sa marque, un commerçant créatif et un très bon gestionnaire, qualité qui lui faisait défaut. Il aurait exigé qu’Emmanuel ne dise de lui que du bien et que les instruments hors horlogerie qu’il créa aient autant d’écho que ses montres.
Il aurait déjà offert une montre aux Macron et Paris-Match en aurait fait la photo. Bréguet aurait détesté Médiapart et les Inrock. Il aurait préféré s’établir À Genève plutôt qu’a Paris. Il aurait détesté les autres horlogers mais serait ami avec les meilleures pointures du Marketing. Il n’aurait pas détesté faire partie de LVMH et aurait aimé converser avec Jean-Claude Biver. Il aurait apprécié Gregory Pons pourvu qu’il ne soit pas dans ses cibles. Il aimait beaucoup critiquer ses contemporains.
Il aurait été satisfait d’avoir une vitrine Place Vendôme et aurait applaudi la création des Swatch sistem 51. Il était comme ça Bréguet, enthousiaste sur les bonnes idées et hostile à ce qui était meilleur que lui. Il n’y a qu’une chose qui me laisse perplexe. J’ignore le type de femmes avec lesquelles il aurait aimé s’afficher. Je crois qu’il aurait séduit Lady Di ou Carole Gaessler, bon là je ne sais pas vraiment.
La seule chose certaine c’est que Bréguet n’aurait pas passé des mois à se lamenter sur la crise car lui au moins, il ne voulait envoyer que du rêve à ses clients....
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Contraria contrariis curantur. (Les contraires se guérissent par les contraires).