La Saga de la précision - Episode1 C'est quoi la précision ? De la précision, chacun ou presque a sa propre définition ! Il est vrai qu'une montre qui est à l'heure parfaite tous les jours à la même heure peut ne pas être précise alors qu'une montre dont l'heure est chaque jour relevée à la même heure qui accuse une même dérive est elle, potentiellement précise.
Le concept est simple…
Une montre mise à l'heure au jour J à midi qui affiche 6 heures plus tard, un retard de 20 secondes puis 12 heures plus tard une avance de 4 secondes pour au final au bout de 24 heures être parfaitement à l'heure, n'est pas précise au sens où l'on peut l'entendre. En effet,
la détermination de l'heure exacte doit être constante et non dépendante de l'heure des relevés. La montre doit pour être précise, tenir l'heure dans toutes les positions à plat ou au porté et quelle que soit la tension du ressort de barillet. Mais il faut aussi qu'elle soit peu sensible au magnétisme, à la pression atmosphérique et à la température …
Des concours pour mettre en avant la précision Les observatoires ont depuis la fin du 19ème siècle et jusqu'à la fin des années 1960 organisé des concours de chronométrie, autrefois appelés concours de précision et concours de réglage, pour stimuler la recherche technologique faite par les fabricants autour de la précision. Le besoin ultime de précision a démarré avec la recherche d'une méthode fiable du calcul des longitudes. C'est un menuisier John Harrison qui fut au siècle dernier en Angleterre, l'inventeur d'un chronomètre de marine permettant aux navires en mer de conserver l'heure de référence du port d'attache, indispensable au calcul des longitudes. Le besoin était essentiel car il permettait de se repérer et d'éviter des accidents de navigation dans les récifs.
Au delà des besoins de la marine marchande et de la marine militaire, la précision est pour le commun des mortels, la conservation de l'heure précise par rapport à une référence qui fut longtemps elle même soumise à variation comme l'heure de l'église ou de la mairie ou encore celle du bijoutier qui dans sa vitrine exposait un chronomètre de vitrine à vocation publicitaire et au nom de la marque dont le détaillant était le concessionnaire local. Les temps ont bien changé … La montre est aujourd'hui comparée avec l'heure du téléphone portable, une heure radio pilotée ou diffusée par GPS. Une heure précise à une seconde par siècle qui ne connait quasiment aucune dérive et est rectifiée à distance par son diffuseur.
Les chronomètres de vitrine témoignent de cette volonté des fabricants d'être leaders dans la précision des montres La précision pour tous ? La montre mécanique ne peut atteindre ce niveau de précision durablement car elle se dérègle et ne peut donc au mieux que donner l'espoir de se rapprocher de l'heure absolue. Le possesseur d'une montre doit donc faire preuve d'une grande abnégation pour admettre que sa montre à 10 000 euros soit moins précise que son téléphone qui n'en vaut que 100, pire il n'obtiendra pas une meilleure précision avec sa montre mécanique qu'avec une montre à quartz à quelques euros.
La précision a donc été "normée" et une montre est dite précise si elle ne dérive qu'entre -4 et + 6 secondes par jour. Elle est dite alors
chronomètre si le COSC, organisme suisse de certification des mouvements a délivré un certificat "de précision" après avoir contrôlé le calibre. Le problème est que celui-ci est manipulé après examen et qu'il peut donc varier après avoir été certifié. Les fabricants retouchent donc en général le réglage qui au final ne correspond plus qu'à une photographie instantanée de la précision du mouvement avant son montage dans la montre. Mieux vaut donc pour être certain de la précision, tester la montre terminée mais là non plus, le client n'a pas de certitude car la pièce peut être restée trop longtemps dans une vitrine sous un spot ou pire en plein soleil derrière une vitre blindée si épaisse qu'elle a fait l'effet d'une loupe faisant cuire les huiles dans la montre comme dans une friteuse (non là, j'exagère
).
Un horloger vous parlera d'isochronisme, c'est à dire "pour faire simple" de la régularité du tic et du tac et avec son chrono-comparateur ou son appareil électronique de mesure, vous fera une simulation de la précision de la montre sur 24 heures. C'est très bien mais là aussi théorique, car cela donne la dérive dans chaque position mais pas les positions intermédiaires. Pourtant, on porte une montre sans veiller à ce qu'elle soit verticale, verre en haut ou en bas. Un porteur blanc, c'est à dire un papy qui ne bouge pas de son fauteuil de la journée aura avec une montre automatique précise, une montre qui va aller au bout du ressort de barillet et donc dériver largement.
La chasse à la précision Les anciens, pour éviter les zones du ressort considérées comme à risque, c'est à dire la fin de l'armement du barillet, avaient inventé l'arrêt dit croix de malte, un système qui stoppait net le remontage et contenait le fonctionnement du ressort dans la zone optimale de son rendement. La force opérée sur le mouvement était donc plus constante sans pour autant atteindre le niveau des système à "fusée chaine" qui grâce à un entrainement par chaine donnaient autrefois sur les montres à coq, une force constante qui bien qu'efficace n'offrait pas compte-tenu des autres composants des montres, de très grandes garanties de précision.
Nos ingénieurs contemporains ont adapté les systèmes de fusée chaine sur des mouvements habituellement entrainés par un ressort de barillet. Le résultat, très esthétique, n'a démontré aucune amélioration de précision mais ça, nul n'en a parlé… Il faut savoir que lorsque l'on remonte ces systèmes entrainés par une chaine, le remontage arrête théoriquement la montre. La chaine en effet ne peut entrainer le mouvement lorsqu'il faut la débrayer pour le remontage. Les fabricants qui ont abandonné cette cause perdue avaient mis au point un ressort de barillet secondaire qui maintenait l'entrainement du mouvement pendant le remontage…
En pratique, les plus grand ennemis de la précision sont :
1 -l'inertie ! L'inertie due au poids intrinsèque des éléments réglants et en particulier du balancier, une inertie qu'il faut à tout prix contrôler.
2 -la gravité qui fait que tout est attiré vers le bas. Le spiral par exemple, est sensible à la gravité et donc au sens dans lequel la montre est portée ou posée. Pour contrôler l'ébat du spiral, l'extrémité de celui-ci est encadré dans une sorte de fourchette en forme de V dite goupille. Le système d'écartement des goupilles permet de préserver l'isochronisme du réglage. Lorsqu'on retourne la montre, le spiral est attiré vers le bas. Si on a recours à un écartement des goupilles constant c'est à dire parallèle d'un bout à l'autre, le réglage est d'autant mieux assuré. Dans un calibre doté d'une raquetterie classique, le risque potentiel est de régler l'écartement des goupilles de telles sorte qu'elles forment un V et donc altèrent l'ébat du spiral au regard de la position de la montre ce qui modifie l'amplitude du balancier.
Des grands chronométriers ont travaillé sur ce sujet comme Charles Fleck ou Charles Ferdinand Perret chez Zenith avec une raquette expérimentale qui leur fit remporter à chacun un premier prix de chronométrie sur la même montre.
https://forumamontres.forumactif.com/t48514-je-vous-presente-mon-graal-zenithMais ce travail devait être complété par un équilibrage du balancier parfait d'où le recours à des vis en platine et en or
Le facteur inertie a été testé sur des montres en apesanteur. Des montres précises au sol et peuvent être moins précises en vol dans une station orbitale. Fortis, Omega ont quelques tests sur le sujet mais aucun n'est publié. Mais là nous entrons déjà dans le comment faire une montre précise et sortons de la question : C'est quoi la précision ? "
Alors finalement, pour revenir à la question initiale,
quelles sont les vraies chances d'avoir un calibre précis ?
Idéalement le calibre le plus précis serait celui dont l'échappement resterait à plat bravant l'inertie et dont le mouvement serait entrainé par une chaine pour avoir la force constante… Voilà une belle idée qui donna naissance chez Zenith toujours au système dit zéro G … Oui mais car il y a un mais, le système n'a pas démontré une prouesse extraordinaire en matière de précision. La théorie car c'est en théorie le système le plus précis que l'on puisse imaginer n'a pas eu le résultat parfait escompté. Breguet qui avait fait d'énormes recherches en ce sens sans aboutir aurait pu s'intéresser à autre chose. Jaeger LeCoultre a emprunté un chemin différent. Là où Zenith a misé sur une position à plat de l'échappement, JLC a préféré un système de tourbillon gyroscopique où le réglage place l'échappement dans de multiples positions et où il faut en déduire un réglage en fonction de la moyenne des résultats obtenus. Pour faire simple, les éléments réglants du mouvement bougent dans tous les sens en permanence et comme on a fait un réglage sur la moyenne de ce qui semble le meilleur, on arrive à un résultat très précis.
Le Zero G de Zenith Le tourbillon Gyroscopique de JLC https://forumamontres.forumactif.com/t30897-zenith-zero-g-les-premieres-explicationsLe système de JLC a plutôt bien marché mais il était très cher à fabriquer et donc peu diffusable en grande série. De toutes les manières, ces systèmes complexes datent d'une époque d'expansion économique de l'industrie et la crise a sifflé la fin de la récréation. Malgré tout toutes les grandes marques sont restées sur le thème de la précision et toutes ont "leur solution" brevetée.
Alors c'est quoi ? La précision est donc une aptitude à tenir l'heure juste par rapport à une heure de référence par un moyen mécanique qui fait appel à une technologie développée (Silicium, échappement des Defy Lab, coaxial etc … ) mais cette précision qui est un objectif est aléatoire dans le temps et l'espace et dépend de multiples facteurs dont la manière de porter la montre, son environnement magnétique, thermique, barométrique, l'inertie, la qualité des matériaux, l'ancienneté des composants, l'architecture du mouvement, le diamètre du balancier, les frottements, etc.
Finalement la précision est un peu une appréciation subjective de la part de chacun d'entre nous … Certains considèrent être à l'heure avec 15 minutes de retard alors que la marge de tolérance d'autres ne dépasse pas la minute. Chacun revendique donc son droit à la précision. Ainsi on lit régulièrement des témoignages qui relèvent de Lourdes "Ma montre n'a pas dévié d'une seconde en un mois" ...C'est possible mais cela ne donne aucune garantie sur le mois suivant. On lit aussi "ma montre fonctionnait à la seconde sur un mois et tout d'un coup, elle a pris 4 minutes en 2 jours" … Au jeu de la plus grande précision, rira bien qui rira le dernier mais il est difficile d'être le dernier…
La montre la plus précise serait-elle donc celle qui arrêtée donne l'heure exacte deux fois par jour ? Sans doute mais elle ne sert à rien car entre temps elle n'est pas à l'heure.
La précision reste une quête, un défi industriel qui demande de gros investissements parfois pour un résultat qui n'emporte pas l'adhésion. Il faut se méfier des effets d'annonces, des découvreurs de l'impossible, des marchands du temple qui garantissent la précision absolue exactement comme il y a 100 ans mais avec la technologie en plus et qui malgré cela ne sont pas en mesure d'offrir des montres plus précises qu'un siècle en arrière.
Prochain épisode : Pourquoi la précision ?
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