ZEN Rang: Administrateur
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| Sujet: Actu . Incursion dans le pays des gardiens du temps Dim 2 Sep 2007 - 19:58 | |
| - Citation :
- Incursion dans le pays des gardiens du temps
Geneviève Gourdeau
Collaboration spéciale
Imaginez que vous vous promenez dans un paysage qui ressemble à l’arrière-pays charlevoisien : hauts plateaux crevassés de vallées, avec de plus grosses montagnes en arrière-plan. Éloigné des grands centres, au milieu de nulle part. Puis, imaginez maintenant qu’au creux de ces vallons bucoliques nichent des usines fabuleusement high-tech portant les noms prestigieux de Tissot, Rolex, Cartier, Zenith. Mirage ? Non, c’est le pays suisse de l’horlogerie, entre le lac de Neuchâtel et la frontière française. Qu’a-t-il de si spécial, ce coin de pays reculé, pour avoir changé à ce point notre rapport au temps ?
D’abord, les gens. Rien n’est moins prétentieux qu’un Suisse du pays de Neuchâtel. D’une simplicité déconcertante, il est un peu « lent » pour nous, Québécois. Là-bas, on fait confiance aux gens et on dit bonjour à tout le monde dans la rue. On est très accueillant aussi ; la fédération suisse étant ce qu’elle est, chaque canton « exige » de recevoir des immigrants. Le type qui retape le bloc où l’on habite est croate ; la belle-fille de la propriétaire est d’origine éthiopienne. La ville horlogère du Locle ne compte pourtant que 10 000 habitants.
Ensuite, les valeurs. Le mode de vie dans les « vallées de la montre » reflète un souci constant de précision, de ponctualité et de propreté. Les trains sont à l’heure à la seconde près. Si on met ses ordures sur le bord du chemin trop à l’avance, on se fait servir un sévère avertissement. Si on arrive en retard en classe à l’école d’ingénieurs de l’Arc jurassien, on a droit à une remontrance en règle devant ses collègues pour outrage à la classe. Témoin à l’appui. Même le réparateur local de motocyclettes au Locle, M. Ninzolli, maîtrise le vocabulaire archidétaillé de ses pièces. Les mains dans l’huile, c’est un artisan. Pas de doute possible : ici, on a le goût du travail bien fait.
Puis, la contrée est apaisante. On ferme les yeux et on entend le train qui siffle au loin. Dans les prés, les cloches des vaches viennent rompre le silence, petits bruits d’une autre époque dont l’écho est vite étouffé par les montagnes enveloppantes. La randonnée est agréable à travers les forêts de sapins vert sombre, et elle met en appétit. On se rassasie avec la fondue au fromage et le pain paysan, accompagnés d’un rude vin blanc et d’un délicieux kirsch.
Les cités de la précision
Au départ de la belle Neuchâtel, sise sur les berges du plus grand lac entièrement suisse, le train monte, monte. À noter au passage que « Neuche », comme on l’appelle ici, est la patrie des chocolats Jacob-Suchard, qui fabrique la marque Toblerone, entre autres. C’est une ville très ancienne chargée d’histoire qui mérite une bonne visite de quelques jours. Mais pour découvrir les vraies fabriques de montres, c’est en haut, dans les montagnes, qu’il faut se rendre.
Arrêt à La Chaux-de-Fonds, métropole horlogère et vraie cité industrielle du XIXe siècle. Nichée à quelque 1000 mètres d’altitude, c’est la plus haute ville d’Europe. L’histoire de l’horlogerie est pratiquement écrite dans les murs de la ville et des environs. Le Musée international d’horlogerie présente l’histoire de la mesure du temps et réunit plus de 4500 pièces au total. Au Musée paysan et artisanal, dans le cadre plus champêtre d’une splendide ferme jurassienne du XVIIe siècle, le visiteur peut s’imprégner du véritable cadre de vie d’un paysan horloger. Et, avant de repartir, il faut admirer sous le portique de la gare la vaste mosaïque représentant les ouvriers et ouvrières de l’industrie horlogère locale.
Le train redémarre. Au sortir de la ville, le voyageur ne peut qu’être « ébloui » par l’éclat de verre de la « manufacture de haute horlogerie » Cartier, construite très récemment au milieu d’un champ.
Dernier arrêt, Le Locle. Cité de la précision, plus de huit siècles d’existence. La France est à trois kilomètres. À la gare, on nous souhaite « Bienvenue au pays de l’horlogerie et des microtechniques ». En sortant, on aperçoit de l’autre côté du vallon une vaste façade blanche : la fabrique Tissot domine la ville. En errant dans la ville, on croise des rues nommées du Progrès, de l’Industrie... L’École d’ingénieurs de l’Arc jurassien s’y développe et l’École technique accueille les sections d’horlogerie. La belle fresque apposée sur l’ample façade de l’hôtel de ville attire l’attention : deux mages astronomes armés d’un compas divisent le temps figuré par le rayonnement solaire. On y lit : « Les hommes ont divisé le cours du soleil, déterminé les heures. » Un peu en retrait de la ville, le château des Monts propose une magnifique collection de pendules, montres, automates et outils, dans un cadre très raffiné.
Tourné vers l’avenir, le pays de l’horlogerie est aussi celui des microtechniques. Ici fut développée toute la très nécessaire industrie de l’appareillage médical microscopique — les cathéters, par exemple. C’est le pays de l’infiniment petit qui doit être ultrafiable. Pour reprendre une expression de la fabrique Tissot, c’est le « royaume du millième de millimètre ». Fascinant. http://www.cyberpresse.ca/article/20070901/CPSOLEIL/70831187/6932/CPSOLEIL _________________ Contraria contrariis curantur. (Les contraires se guérissent par les contraires).
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