New-York en 1976 (ou 1977), Philippe est en voyage avec sa petite amie à la découverte de New-York. Ca fait trois ans qu'elle et lui ont programmé ce voyage et travaillé pendant leurs vacances d'étudiants pour le financer. Avant de partir, les parents de Philippe lui donnent un peu d'argent liquide pour sécuriser le voyage. Philippe a quelques passions dont celle des Etats-Unis. Dans une petite rue de Manhattan, une micro-boutique plus profonde que large ressemble à un long couloir. C'est un prêteur sur gage. Pour le rencontrer, on longe une dizaine de mètres de couloir parsemé de chaque coté de vitrines blindées remplies d'objets sur 4 niveaux. Une pancarte annonce que l'on est filmé quand on entre dans la boutique. Une autre précise que le taulier est armé et qu'il commande à distance le verrouillage de la porte. Ce dernier est derrière une grille solide et une vitre pare-balle. Philippe et Anne, c'est le prénom de son amie ne sont pas très rassurés. Ils regardent longuement les vitrines dans un silence interrompu par le propriétaire des lieux qui est en train d'engueuler un employé qui a semble-t-il perdu un objet.
Dans les vitrines, il y a de tout, des bijoux de valeurs variables, des objets anciens dont une longue vue de pirate, une photo dédicacée de Maryline nue qui démontre qu'elle était brune, une paire de jumelles militaires, des instruments médicaux de la guerre de sécession, des disques et photos dédicacées de stars dont une de Paul McCartney, des livres anciens et des ... montres. Les montres sont disséminées un peu partout au gré des dépôts. L'une d'elle attire l'œil de Philippe, c'est une Rolex vendue 1000 francs. C'est une Oyster Date de 34 mm (ou 36 mm ça je ne sais pas) avec sa boite et ses papiers. Elle est d'aspect quasi-neuf. Philippe la voudrait mais il se priverait alors d'un quart des liquidités qu'il a pour tout le séjour. Le couple a très peu d'argent. Philippe tente de marchander et se voit opposer un refus catégorique et désagréable. Anne l'encourage à l'acheter et rassure Philippe sur leur besoins. Un client entre dans la boutique file vers le guichet et demande au propriétaire s'il a rentré des montres ! Philippe n'a pas vraiment pris le temps de réfléchir mais il va dire au tenancier de la boutique qu'il prend la montre. L'autre client le regarde et sourit.
Philippe et Anne repartent contents de la belle affaire. " Tu sa vu ? Il riait jaune le client " "Oui, il a raté un sacré coup". Le couple rencontre d'autres Français et raconte comment ils ont acheté cette montre à un très bon prix. Le couple leur conseille soit de jeter l'écrin, soit de l'envoyer par la poste pour éviter une taxation sur la Rolex, laquelle pourrait être salée. Philippe et Anne n'écoutent pas ces recommandations et finalement la douane ne les ennuie pas.
Deux ans passent. Philippe et Anne décident de se marier. Ils vont choisir les alliances chez un bijoutier. Ce dernier remarque la Rolex et Philippe raconte son histoire. "L'heure est très précise" remarque Philippe. Il défait la montre de son poignet et la montre de plus près au bijoutier. Celui-ci semble embarrassé et sort une loupe. "Euh, vous avez vu ce que c'est ?" Philippe s'attend à ce qu'on lui annonce qu'elle est fausse... "Elle a été polie mais c'est un métal précieux... Je pense à de l'or".
Le poinçon a été effacé par le polissage mais vérification faite c'est bien de l'or par contre le bracelet est en acier. En inclinant le fond sous la lumière, on aperçoit une mention illisible, peut-être 18 K mais c'est incertain. Philippe a toujours cette montre et 42 ans de plus. Elle est toujours aussi précise et a été révisée 4 ou 5 fois. Jamais repolie... Il raconte l'histoire à chaque repas de Noël et de nouvel an avec le même émerveillement des mêmes convives qui semblent avoir oublié le précédent récit. Mais non, je ne suis pas jaloux !
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Contraria contrariis curantur. (Les contraires se guérissent par les contraires).