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 Récit : La montre de Gaucho argentin d'Ulysse Nardin

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ZEN
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ZEN


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Récit : La montre de Gaucho argentin d'Ulysse Nardin  Empty
MessageSujet: Récit : La montre de Gaucho argentin d'Ulysse Nardin    Récit : La montre de Gaucho argentin d'Ulysse Nardin  EmptyLun 20 Avr 2020 - 19:34

La montre Ulysse Nardin de Gaucho argentin




Récit : La montre de Gaucho argentin d'Ulysse Nardin  Savonn12

Préambule

Les rencontres de deux êtres sont souvent le fruit du hasard, il en nait des amitiés, des amours et parfois aussi des rancœurs et des haines. La rencontre avec un objet insolite ou chargé d'histoire est bien différente car elle fait naitre un sentiment de possession ou une frustration si l'objet ne peut devenir sa propriété, sa chose. C'est en cherchant tout autre chose que cette montre a attiré l'attention. Le propriétaire expliquait qu'elle avait appartenu à un Gaucho argentin, ami disparu d'un grand-père qui avait pris la décision de vendre tous ses biens pour éviter que les héritiers ne se les disputent.
Le vendeur était un ami, rien de plus. Il détenait l'histoire précise de la montre, une histoire banale en Argentine, disait-il, une histoire passionnante et originale ici.
Cette montre connut un acheminement chaotique. Elle serait arrivée plus vite si tout s'était mieux enchaîné. Pour simplifier, elle fit des aller-retours avant enfin que grâce à la persévérance du vendeur, elle atteigne son destinataire. Il détenait la moitié de l'histoire et c'est en Suisse que la seconde moitié de l'histoire de cette pièce put être mise au jour.
La synthèse est cette histoire, un moment de vie autant que le tracé d'une lumière dans une constellation d'étoile.      



Génèse



Certaines montres sont porteuses d’histoire, des histoires qui font rêver parce qu’elles appartiennent à des aventuriers, des hommes aussi proches de la nature que nos vies contemporaines nous en éloignent. Les plaines de Patagonie argentine ont vu passer nombre de ces hommes adeptes de liberté et d’espace et qui pourtant conservaient un lien permanent avec le monde urbain : La possession de l’heure juste. Celle-ci pouvait s’afficher sur de superbes pièces gravées d’images représentatives de la vie de leurs propriétaires : Les Gauchos. Mais comment d’aussi belles montres sont parvenues dans des contrées aussi éloignées ?
     

Un nouvel Eldorado

La seconde moitié du 19ème siècle a connu de grandes vagues migratoires d'Européens vers l'Amérique du Sud. L'Argentine fit ainsi partie de ces eldorados ou des Européens s'exilèrent en masse avec femme et enfants, à la recherche d'une vie meilleure plus prospère que l'Europe ne leur offrait.  En provenance d'Italie, de Grande-Bretagne, d'Espagne, du Portugal, d'Allemagne, de Hollande ou de France, cette migration a diverses causes à la fois politiques, religieuses ou simplement agricoles ou économiques. Certains y voient une fuite vers de meilleurs auspices et d'autres, un nouveau départ après un ou plusieurs échecs en Europe.
De France on quitte alors la Savoie, le Béarn, la Bretagne, le pays Basque ou l'Aveyron d'où des noms de communes ou de rues qui rappellent l'histoire des Aveyronnais. Rien que pour les années 1860 à 1869, ce sont plus de 18 000 personnes qui quitteront le port de Bayonne et de Bordeaux pour l'Argentine.


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Il faut en 1862 plus de 60 jours de navigation pour rejoindre  l'Argentine depuis la France avec un bateau à voile et 25 jours avec un bateau à vapeur. Le coût du voyage avec un bateau à voile est bien inférieur à ce que coûte un transport par un bateau à vapeur. Ces derniers connaissent en outre, des accidents susceptibles d'entrainer des explosions faisant préférer aux candidats au départ, la solution la plus longue mais la plus sûre.


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Parmi les migrants, il n'y a pas que des pauvres sans qualification professionnelle mais aussi des hommes d'affaires, des exploitants agricoles, des idéalistes et des industriels qui vont faire de l'Amérique du sud un terrain d'affaires. Cette population d'industriels, de planteurs, de riches fermiers et d'hommes d'affaires est rapidement demanderesse d'objets marquant son rang social qui va la démarquer des ouvriers locaux ou migrants eux-mêmes.

Les boutiques de bijoux, montres et orfèvrerie à Buenos Aires vont très vite se dimensionner aux besoins de ces populations nouvelles qui vont aller dans les "Bazars" pour trouver des pièces attestant de leur réussite sociale. Les montres suisses mais aussi américaines sont bien présentes dans les vitrines et les produits doivent s'adapter à la clientèle. Celle-ci réclame du beau, du très beau, des montres qui marquent les fastes d'un mariage, de fiançailles, d'un anniversaire ou d'un évènement familial ou commercial. Certaines maisons ont sur ce marché pris une considérable avance parce que leur sensibilité les a rendues attentives à l'évolution des besoins et parce que souvent ces maisons suisses exerçaient une veille concurrentielle sur ces zones géographiques. Elles voient ainsi quelles marques suisses concurrentes y investissent et d'éventuels concurrents américains étroitement surveillés par les Suisses. L'or des boites des montres est à haut titre de 18 carats. Beaucoup de pièces sont uniques ou relèvent de très petites séries. Certaines maisons se battent sur le terrain des prix et pour le faire sans trahir leur clientèle européenne, usent de noms de marques quasi-exclusives à la zone géographique.    

Les commandes spéciales faites auprès des manufactures suisses s'ajoutent ainsi aux montres dont les boites sont travaillées spontanément pour être destinées au marché sud-américain. Les thèmes des gravures sont choisis dans tous les domaines, l'inventivité est sans limite. Les corps de métiers constituent un sujet attrayant, mais aussi les courses de chevaux, la chasse, l'automobile, le sport et d'une manière plus générale la faune et la flore. L'art nouveau n'est pas étranger à la décoration des boites. Frairier, Huguenin, Holly, les plus grands frappeurs de médailles et de boites s'en donnent à cœur joie et la demande semble intarissable.



L’Argentine : Un marché favorable aux pièces de haute qualité


La première guerre mondiale va ralentir les commandes un peu partout dans le monde sauf en Amérique du sud qui reste un débouché privilégié pour les manufactures horlogères. L'Argentine est traditionnellement un pays d'éleveurs, de vastes pays producteurs de viande. Les troupeaux y sont immenses. Ils sont surveillés par les « gauchos », des cavaliers émérites qui du haut de leur monture scrutent l'ensemble du bétail et en assurent les migrations. Ils peuvent aussi capturer des chevaux sauvages dans les plaines de Patagonie et d'Argentine. Par tous les temps, les gauchos assurent une mission difficile qui fatigue les chevaux. Ces derniers sont parfois confrontés aux aléas de la nature, des terrains boueux où ils s'enlisent au point parfois de devoir être abattus sur place parce qu'impossible à sortir des marais ou du sable. La capture de chevaux sauvages peut aussi tourner au drame quand la force de l'animal précipite les cavaliers au sol. Il faut alors un savoir-faire que seule l'expérience permet de maîtriser. Il ne faut pas que leur monture s'affole au mauvais moment. Il faut donc à la fois rassurer l'animal et maîtriser le lasso. L'homme doit avoir confiance dans son cheval qui doit lui-même faire confiance à l'homme. Les gauchos ont la réputation de vouer à leurs montures un véritable culte. Leur passion pour ces animaux les fait leur parler comme à des compagnons avec ils sont liés par un lien fort.  

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Le culte porté au cheval par les gauchos va au-delà du rapport du maître à l'animal, c'est une amitié, un partenariat dans l'épreuve, une communion qui se traduit par la recherche d'objets évocateurs de ce métier si particulier. Les illustrations sont nombreuses pour évoquer ce travail dur et au contact de la nature la plus sauvage. Les hommes finissent par adopter leur travail comme une sorte de famille. Ils sont présents 7 jours sur 7 sur leur monture parce que la surveillance des troupeaux ne s'arrête pas le dimanche pas plus que la capture de chevaux sauvages. Les gauchos ont aussi une passion pour les objets en argent massif. Les éperons, boucles de ceinturons, boutons de corralera (veste), médailles, chaines sont en argent le plus pur possible et bien entendu, les montres les plus prisées sont également faites du plus bel argent.


Ulysse Nardin, une maison omniprésente en Amérique du sud


Ulysse Nardin est une maison omniprésente en Amérique du Sud et plus particulièrement en Argentine. A Buenos Aires Hernanos, le plus grand bazar de la ville "Hescasani Hermanos" distribue la marque locloise qui a dans ses vitrines une place de choix. Le fondateur de la manufacture puis son fils Paul-David ont fait de cette zone géographique un enjeu fondamental. Les commandes en provenance d'Argentine se succèdent donc avec des particularités qui sont fonction de chaque client. Les séries livrées sont souvent des séries de 2 ou 3 pièces plus rarement de 6, spécialement dédiées au marché argentin. Un travail particulier de la boite ou des gravures sont parfois sollicités pour marquer un événement. Les gauchos sont des gens relativement peu fortunés mais qui peuvent à l'occasion d'une transhumance sur une période longue ou sur une longue distance percevoir une solde ou une prime suffisamment conséquente pour leur offrir les moyens de s'acheter une belle montre. Ces hommes qui envient de ressembler aux riches fermiers qui les emploient n'ont en général aucun bien personnel autre que ceux qu’ils portent sur eux. Leur absence de sédentarité les fait vivre dans des baraques où ils ne sont que très rarement présents. Ils transportent donc avec eux le peu d'objets qui leur appartiennent, un cheval, une selle, un fusil, un pistolet, divers objets le plus souvent en argent dont une montre.

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La montre ne doit pas être fragile, cela ne peut être qu'une savonnette dont le verre est protégé en permanence, une pièce qui doit pouvoir résister à la poussière et aux intempéries. L'acier ne résiste pas à la corrosion et le nickel ou le métal blanc sont davantage fréquents dans les choix lors des achats des clients les moins fortunés. L’argent, plus cher est plus rare et l'or quasi inimaginable à cause de son prix et parce qu'il mettrait en danger son propriétaire qui risquerait à chaque instant de se faire agresser pour être volé. La montre la plus belle à laquelle un gaucho puisse accéder est donc une savonnette en argent gravée qui le représente avec des chevaux dans le feu de l'action. Le matériau de la boite n'est pas sans importance, il est même fondamental dans la sélection faite par les gauchos.

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La thématique des chevaux est relativement courante chez les médaillers et fabricants de boites à la fin du 19ème et au début du 20ème siècle. Les courses de chevaux et le sport équestre en général sont des sujets récurrents sur les boitiers des montres. Le thème des gauchos capturant des chevaux sauvages est évidemment bien plus rare. Il relève forcément d'une commande spécifique d'un cavalier marqué par les performances qu'il a pu réaliser. La période antérieure à la première guerre mondiale est encore en 1911 suffisamment insouciante pour que cette commande spéciale soit faite auprès d'Ulysse Nardin. Pour rester dans un état de conservation parfait, il a fallu qu'elle soit soignée, sans doute placée dans un étui de protection en cuir qui a supporté à sa place d'être malmené, soumis à la pluie et à la chaleur, à la poussière et au froid.

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Cette savonnette Ulysse Nardin témoigne 110 ans après sa livraison, de la vie des hommes, de leur courage au travail, de la simplicité de leurs envies et du respect qu'ils avaient pour eux-mêmes, leurs chevaux, leur travail de gardien de troupeaux et de leur attachement à l'image qu'ils pouvaient donner d'eux-mêmes. Le mouvement de 15 rubis est simple mais efficace au point qu'il permettait aux hommes de porter l'heure avec eux, une heure précise et fiable, une heure considérée comme un bien social dont la détention individuelle marquait une manifestation de richesse et d'indépendance. Le gardien de troupeau, le chasseur de chevaux sauvages, le gaucho conservaient l'heure comme un bien personnel et le choix d'une pièce en argent d'une manufacture réputée pour ses performances dans le domaine de la précision n'était le fruit d'aucun hasard.



Droits réservés - Joël Duval - Forumamontres - Aout 2018/ Avril 2020

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