La résistance des montres confrontées au froid polaire
Le 9 mai 1926, il y a donc pile 94 ans, l'Amiral Richard E Byrd était le premier avec son pilote Floyd Benett à survoler le Pôle Nord, un exploit qui associait plusieurs manufactures horlogères et une chaine de recherches de celles-ci pour protéger leurs instruments du froid polaire. La conquêtes des pôles a fait couler beaucoup de sang et beaucoup d'encre. Les explorateurs pionniers de la découverte de ces régions hostiles sont pour la plupart décédés tragiquement sur le chemin de leur aventure, pris dans les glaces ou atteints par des maladies consécutives à la difficulté de s'alimenter. Les cas de scorbut sont fréquents et les corps congelés par le froid polaire, découverts parfois plusieurs années après les expéditions, ne laisse peser aucun doute sur les cause de la mort des victimes. Les découvreurs des Pôles se sont parfois perdus et ont souvent subi des avaries ce qui, dans les deux cas, leur fut fatal. La fin du XVIII ème siècle et tout le XIX ème siècle connurent des échecs dans cette soif des hommes à aller toujours plus loin découvrir tant le Pôle Nord, que le Pôle Sud. Si le premier cité est "moins hostile et moins froid" que le second, avec des température fréquemment aux alentours de moins 45°celsius au nord contre moins 65° au sud, personne n'a vraiment atteint les objectifs de conquêtes avant 1909.
L'expédition d'Amundsen en 1911 Au delà de la fragilité des hommes, le matériel était soumis à rude épreuve. Les coques des bateaux pris dans les glaces explosaient sous la pression, les hommes avaient les membres qui gelaient et peinaient à protéger leurs embarcations, le bois des manches des outils se cassait comme et l'acier brisait comme du verre. Les récits des explorations se sont peu arrêtés sur le sort des instruments d'horlogerie.
Un intérêt commercial Bien sur, au regard de la passion suscitée par les expéditions polaires dans la presse comme dans la littérature, Jules Verne en porta une grande responsabilité, les fabricants de montres ont vite compris l'intérêt de se rapprocher des explorateurs et de passer avec eux soit des contrats d'équipement, on ne parle pas encore de sponsoring, d'ambassadeurs ou de partenariat, afin de revendiquer sur un registre commercial la participation active aux exploits sportifs.
Longines, Omega, Ulysse Nardin, Zenith, IWC ou Waltham et Hamilton détenait en ce domaine quelques longueurs d'avance. Les allemands Lange & Söhne et quelques autres maisons n'hésitent pas à prêter des montres et à participer au financement des expéditions réputées très couteuses. Les explorateurs embarquaient plusieurs type d'instruments "horaires".
Les chronomètres de marine souvent jugés lourds et encombrants étaient malgré tout présents dans la plupart des expéditions jusqu'en 1930.
Les montres chronomètres de bord figurent dès la fin du 19ème siècle dans le matériel embarqué enfin des montres de poche viennent compléter la panoplie des équipements horlogers. Ces montres sont officiellement confiées par les fabricants sponsors ou sont celle à titre personnel des membres d'équipage.
Robert Falcon Scott 1868 - 1912 Quand les aventuriers du froid ne reviennent pas, la marque généreuse donatrice dès la fin du 19ème siècle, passe sous silence son investissement mais le succès en 1911 des expéditions du Norvégien Roald Amundsen au Pôle Sud ou en 1909 des Américain Frederick Cook et Robert Peary au Pôle Nord entraine une communication des marques associées qui veulent récolter le fruit de leur investissement. Un cercle vertueux se met alors en place avec l'explorateur héros d'une aventure difficile. La presse qui a contribué à l'intérêt du suivi de l'évènement par le public et qui reçoit en contrepartie une manne publicitaire de la ou des marques annonceurs qui ont participé au succès en le finançant en partie.
Il y a clairement une et parfois deux marques dominantes au retour de chaque expédition même si sur le terrain les choses sont beaucoup moins simples. L'image de l'explorateur "monomarque" est rapidement mise à mal quand on examine son équipement où se côtoient les montres des partenaires officiels, les montres personnelles des équipiers et les chronomètres de marine mêlant le besoins de données horaires de valeur scientifique et le besoin de savoir l'heure.
Une multiplicité d'instrumentsLes expéditions ne font pas qu'embarquer des instruments horaires mais aussi bien d'autres comme des compteurs de vitesse, des altimètres, des baromètres, des sextants etc … Tous ces instruments renferment des aciers et donc des éléments de fragilité qu'il faudra apprendre à maitriser.
L'Amiral Richard E Byrd fut le premier le 9 mai
1926 à survoler le Pôle Nord avec le pilote Floyd Benett. Il est alors équipé officiellement par la manufacture américaine
Hamilton Watch C°. En 1924, il contribuait à la notoriété de Longines en menant des tests de résistance dans les glaces éternelles de l'antarctique. Le 28 novembre
1929, Byrd accompagné d'une équipe de 84 personnes alors qu'il vivait déjà depuis un an à plus de 3000 kilomètres de la première habitation humaine, s'engageait dans une nouvelle expédition scientifique.
Sa mission cette fois consistait à opérer des recensements géographiques, cartographiques et météorologiques sur des territoires situés entre l'Ile de la Déception et la mer de Ross. Il releva des température inférieure à moins 67 degrés au dessous de zéro. Il décrit "un froid si dur qu'il brise l'acier comme du verre." Il rejoint dans sa description les récits de Roald Amundsen dont il va tenter de renouveler l'exploit 20 ans après. La protection des instruments contre le froid vient au rang des préoccupations majeures après celle des hommes. A nouveau , il choisit, en cette année 1929, Hamilton pour l'accompagner.
L'expédition de Byrd en mai 1926
Byrd avait fait fabriquer tout spécialement pour son expédition au Pôle Sud par Longines des chronomètres de marine de petites dimensions pour les rendre plus facilement transportables et mobiles, Ces chronomètres certifiés par les observatoires de Kew-Teddington et de Genève avaient pour vocation de servir à vérifier la marche des chronomètres certifiés portés par l'équipage et le chef de l'expédition. Longines avait prévu des épaisseurs de caissons en bois pour les préserver du froid et des chocs. Byrd creusa son camp de base baptisé "Little America" quasiment au même endroit que celui retenu 20 ans plus tôt par Amundsen pour passer l'hiver avec son équipage avant de rejoindre le Pôle Sud. Amundsen se déplaçait en traineau tiré par des chien, Byrd allait réitérer l'exploit en se déplaçant en avion, un GAC, un Fairchild et un Fokker.
Une résistance limitée au froid Byrd s'interrogea sur la manière dont Amundsen avait pu protéger ses instruments du froid lorsqu'il fit disposer des isolants dans les postes de pilotage des avions qu'il comptait utiliser. Lui en 1929 portait une montre bracelet naturellement "réchauffée" par le corps humain mais en 1909 et 1911 les équipements subissaient les assaut de la température. Même avec d'infinie précautions, les chronomètres de marine tombaient facilement au niveau de la température ambiante. Un ressort en acier qui par essence sublt des contraintes de force par la torsion due au remontage casse comme du crystal. Plusieurs des montres des explorateurs avant la première guerre mondiale ne résistèrent pas au froid et seule les montres de poche ou les montres de bord portées près du corps profitaient d'une température qui permettait d'espérer qu'elle fonctionnent jusqu'au terme de la mission.
Les spiraux des instruments horaires, les ressorts des altimètres, des baromètres subissaient des avaries irréversibles au moins sur place. Le sujet fut évidemment passé sous silence à l'époque car il eut été contre productif pour une maison horlogère de devoir justifier la casse de ses instruments. On imagine toutefois la peur des équipages et des explorateurs qui devaient déterminer leur position exacte en n'avaient plus que quelques chronomètre de bord et montres à disposition et plus de chronomètres de marine réputés alors les plus fiables. Sans nul doute, les chronomètres de bord d'Ulysse Nardin ou Longines conçus pour les bâtiments de marines militaires entre autres américains faisaient partie des rares instruments susceptible de soulager leurs inquiétudes.
Les grandes maisons pour mieux résister au froid eurent recours à une diversité d'astuces. Par exemple, le choix de Longines ou Ulysse Nardin de boitiers en argent meilleurs conducteur de chaleur que d'autres métaux permettait de mieux préserver la température du mécanisme pour une pièce transportée à proximité du corps. D'autres comme Zenith s'orientaient vers le recours à des boitiers monoblocs plus hermétiques à l'air froid tout en favorisant le maillechort. Peu de montres ont résisté et nous sont finalement parvenue après des expéditions.
Hamilton noua avec Byrd des liens très étroits. La Direction de la manufacture américaine a très tôt compris l'intérêt que le public portait à ces expéditions qui emportaient le rêve de ses clients.
Par trois fois, ainsi, en 1926 lors du survol de l'Atlantique Nord, en 1929 lors de l'expédition dans l'Antarctique et en 1934, lors de sa seconde expédition en Antarctique, c'est avec Hamilton que Byrd embarque dans ses aventures. La concurrence suisse de Longines par l'intermédiaire de son représentant américain, Wittnauer, est des plus acharnée. Longines entend en effet via son agent être à la pointe de l'actualité. C'est finalement Hamilton qui propose à Byrd le meilleur partenariat à un moment où les expéditions peinent à trouver des financements.
Byrd emporte avec lui 18 montres Hamilton toutes plus précises les unes que les autres. Les pièces ont subi une batterie de tests et de réglages et apportent sans doute à Byrd ce qui peut se faire de plus fiable à l'époque. Il ne s'agit pas de montres simplement précises. Ce sont aussi des pièces qui sont étudiées pour résister à des températures fortement négatives sans que le spiral ne casse ou qu'un échappement ou une roue ne vienne se bloquer et fassent s'effondrer les espoirs et la confiance placée dans la montre. Il n'est pas question lorsque les équipes sont sur place de songer à ce qu'elle puisse consulter un horloger pour assurer immédiatement un "service".
Les montres qualifiées "d'extrêmement précises" sont, selon Hamilton, réglées avec un appareil que la manufacture a breveté, un appareil dit
"Time-microscope" soit microscope du temps, un appareil qui est censé couvrir la production de toutes les montres de la maison horlogère. Comment mieux susciter la confiance du client qu'en lui proposant des montres réglées avec les mêmes moyens que les montres de l'Amiral Richard E Byrd. S'il faut encore convaincre le client, Hamilton rappelle que ses montres sont faites aux Etats-Unis par des personnels américains. Hamilton communique beaucoup dans les années 1930 avant la seconde guerre mondiale. Les supports visuels de sa communication sont très nombreux et diversifiés. Byrd est pour Hamilton un très bon communicant qui parle avec passion de ses explorations et apporte dans ces années après la crise de 1929, la touche de rêve et d'aventure qui passionne le public qui lit dans la presse ses récits et découvre, à la radio, l'ampleur de ses travaux.
Deux publicités Hamilton de 1934 et 1935 .
L'horlogerie a progressé grâce a ces aventures et a même réussi a faire évoluer les matériaux et la précision des montres fabriquées en série. Le gout pour l'extrême a perduré et reste aujourd'hui présent bien au delà du temps. Byrd a un peu été oublié mais le monde oublie facilement ses héros. Pourtant il subsiste de cette aventure humaine que fut la vie de cet explorateur, un marquage positif du dépassement de soi, une sorte de puissance intérieure qui avec l'aide d'instruments horlogers a permis à une équipe embarquées avec Byrd de démontrer à l'humanité que la volonté surpasse parfois la force.
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