Bonjour,
Heureux possesseur depuis quelques semaines d’un modèle particulier sorti de la maison Pequignet, j’ai eu envie de vous le faire découvrir un peu plus en détail.
Sans refaire toute la genèse de l’entreprise, j’en profite pour faire un bref rappel à qui serait passé à côté de l’histoire: en 2010-2011, les français de Pequignet présentent avec enthousiasme un nouveau calibre conçu dans leurs ateliers de Morteau, dans le Haut-Doubs. Celui-ci a de nombreuses particularités, la première étant de pouvoir intégrer sur la même platine l’ensemble des complications possibles, permettant ainsi de conserver une épaisseur très contenue pour les garde-temps qui en seront pourvus.
Huit brevets seront déposés pour ce calibre de 318 composants dans sa version initiale comportant la petite seconde, l’indication de réserve de marche, la grande date et la phase de lune astronomique. Tous ces composants hormis l’ancre et la roue d’ancre sont issus des 279 plans industriels réalisés pour l'occasion, même si tous ne sont pas fabriqués en interne d'après ce que j'ai compris. 150 outillages de fabrications pour réaliser le mouvement. Il faudra alors 2 ans pour réparer les erreurs de jeunesse et l’amener à la fiabilité que l’on peut attendre d’une pièce de cette trempe.
Ce calibre, numéroté EPM01, a été décliné dès 2016 avec deux nouvelles complications, l’UTC 24 heures (GMT) et l’indication Jour/Nuit. Une version à remontage manuel EPM02 est sortie en 2017, le rendant ainsi accessible à un plus large public. La reprise de l’entreprise par 4 de ses cadres en 2017 permet aujourd'hui de faire perdurer cette histoire à la fois belle et tumultueuse.
Le fer de lance de la gamme Manufacture est la Rue Royale, avec sa carrure de 42mm et 12,3mm d'épaisseur (il existe un modèle 41mm, la Paris Royale). C’est celle-ci qui servira de base à la pièce que je vous présente aujourd’hui, la Royale Saphir acier.
Dévoilée en 2019, cette édition numérotée est limitée à 50 exemplaires. Pequignet a présenté en 2020 une version limitée en or rouge et une version acier de série au cadran bleu.
Étant originaire du Haut-Doubs, j’attendais la bonne opportunité pour revendiquer mon appartenance à la plus belle région du monde autrement qu’en ramenant des meules de Comté à mes voisins de palier (si, si, ça se compte en meules !). Attiré dès le départ par la qualité des différentes gammes arborant un Calibre Royal, j'espérais un modèle dont le cadran sortirait des sentiers battus malgré la qualité de ceux de la collection permanente. Entre mes LIP de designers de la grande époque, ma Longines et mes toolwatches à la couronne couronnée, j’étais parfaitement heureux.
C’était sans compter sur le Cheval de Troie Pequignet.
J’ai découvert la Royale Saphir en septembre 2020, un an après tout le monde. Coup de foudre malgré un tarif que je n’avais jamais envisagé jusqu’alors.
Mon chauvinisme est-il capable de justifier avec un minimum de raison l’acquisition d’une telle pièce ? Après tout, si c’est pour le calibre, je peux trouver des alternatives meilleur marché, que ce soit en neuf ou en seconde main.
Oui mais... quand-même.
La Royale Saphir coche toutes les cases, en particulier celle de mettre très en avant la complication magique de la grande date à deux guichet et trois disques, à saut instantané en 2/100e de secondes. Vraiment elle me plaît.
Oui mais… c’était une édition limitée.
Je passe donc quelques coups de fil, et on me dit qu’il en resterait une qu’il est possible de faire venir. NB: Ayant quitté les forums depuis plusieurs années, je ne connaissais malheureusement pas Stef et son implication vis à vis de la marque.
C’est alors que j’en découvre une chez un horloger parisien, auquel je m’empresse de rendre visite. Effectivement, elle est là, en vitrine, attendant patiemment le fou qui viendrait la mettre à son poignet malgré son manque de lisibilité notoire -comme lu ici et là dans les forums, souvent par des forumeurs ne l’ayant jamais vue en vrai. Bref.
Je la passe donc au poignet, et c’est parti. C’est mon tout premier achat horloger d’une montre neuve en boutique. On échange, j’hésite évidemment, mon interlocuteur a le bon goût de posséder une Rue Royale et d’avoir fait ses études d’horlogerie à Morteau. En cette période troublée, est-il vraiement judicieux de laisser la raison de côté ? Ou au contraire, est-ce la meilleure période pour cela ?
Mes idées se téléscopent, je me bagarre avec ma banque et je pars 15mn plus tard avec un sac dans la main, un peu abasourdi.
Ayant eu le temps de recouvrer mes esprits, c’est donc avec beaucoup d’enthousiasme que je partage ces quelques photos avec vous aujourd’hui.
Le packaging est celui des Pequignet Manufacture. Généreux et qualitatif, à côté du garde-temps on trouve un stylet et un étui de voyage.
Le stylet signé PEQUIGNET MANUFACTURE est là pour le réglage des modèles avec phase de lune.
L’étui de transport, le chiffon microfibre, le manuel et la carte de garantie font également partie du voyage.
Passons à cette pièce exceptionnelle à mes yeux.
La carrure d’abord: c’est celle de la Rue Royale, entièrement polie avec ses arêtes douces. 42mm de diamètre et un très bel équilibre, qui s’adapte aussi bien à des cadrans classiques qu’à ce modèle hors du commun. Le saphir anfireflet bombé lui donne une dynamique magnifique, ses cornes prennent tous les reflets du monde. On trouve à 8 heures le correcteur de phase de lune.
La couronne siglée est très agréable à l'utilisation.
Le bracelet en Alligator grandes écailles noir mat siglé Pequignet, fabriqué en France, est de très belle facture.
Il se termine par une boucle déployante siglée également, présentant l'excellente idée d'être utilisable en Ardillon simple si on le souhaite.
Vient ensuite le cadran, clivant, j’en conviens. Ce n’est pas un squelette à proprement parler, le mouvement n’est que très peu visible, ce sont surtout les trois disques qui sont mis en avant par un procédé très spécifique, comme le montre la photo officielle ci-dessous. La Royale Saphir tire son nom de ce cadran en verre saphir teinté noir de 0,1mm d'épaisseur, opaque partout sauf à l’emplacement des disques, où il joue de transparence pour en révéler le contenu.
(crédit photo Pequignet)
A l’instar des cadrans habituels, il est évidé aux guichets, aux aiguilles et sur la partie traditionnellement visible de la phase de lune. Des perçages supplémentaires permettent d’insérer les pattes de fixation du magnifique insert en métal, qui est maintenu avec brio par pression et non par collage.
(crédit photo Pequignet)
Ce carénage gris brossé donne à la pièce « puissance et caractère », comme le dit le communiqué de presse. Moi, je le trouve juste superbe. Se confondant un peu avec le réhaut, il réduit légèrement l’ouverture notable du cadran de la Rue Royale.
Non seulement il comporte juste ce qu’il faut d’indications, mais il confère à l’ensemble du cadran une superbe profondeur.
Le prototype n’avait que la mention « PEQUIGNET », comme les modèles Rue Royale standards, je préfère nettement celui-ci avec la mention « MANUFACTURE » en-dessous plutôt qu’autour de la PDL.
En revanche, n’ayant pas l’espace pour caser la fleur de lys à midi, Pequignet a choisi de la mettre en avant dans la réserve de marche. Là aussi, certains la trouvent trop voyante.
Pourtant, tampographiée sur le cadran saphir, celle-ci est magnifique, et on peut en apprécier le relief sous certains angles pas faciles à reproduire en photo (surtout quand on n’est pas photographe).
Petite seconde à 4 heures
Les index sont pourvus de Luminova BGW9, tout comme les aiguilles. Le résultat de nuit est
Les trois disques de la grande date sont entièrement visibles, laissant même entrevoir l’une des roues des aiguilles principales. Le saut de date est magique. Un seul « clic » bref à minuit plus ou moins 2 minutes, il suffit de cligner des yeux pour le rater. Les trois disques sont parfaitement synchronisés et, comme le précise le manuel, il n’y a aucune zone rouge. On peut donc jouer avec la date à toute heure, sans s’inquiéter d’en altérer le fonctionnement, d’autant que le réglage est particulièrement facile et rapide: celui-ci se fait entièrement à la couronne, sans correcteur supplémentaire. Sur la seconde position de celle-ci, un mouvement antihoraire fait défiler les jours, un mouvement horaire fait défiler les quantièmes, tout cela de manière franche et plus agréable que tout ce que je connais jusqu’ici.
Je me permets de relayer la vidéo de Stef qui le montre en action : https://www.facebook.com/watch/?v=378269199705712
Comme toujours, c'est quand on l'a devant les yeux qu'on en prend toute la mesure.
Reste une autre pièce maîtresse de ce cadran, la phase de lune astronomique. N’étant pas basée sur une roue à 59 dents comme sur le 7751 de ma Longines par exemple (qui j’apprécie toutefois énormément), elle nécessitera seulement une correction tous les 122 ans grâce à un système de roues multiples dont la principale comporte 135 dents.
Cette phase de lune creusée dans la masse est tout bonnement magnifique (je l’ai déjà dit, non ?). Il s'agit d'un disque spécifique à la Royale Saphir, puisque l'épaisseur du cadran est un peu plus importante que celle des modèles standard (0,2mm de différence d'après ce que j'ai cru lire sur un site japonais). Le revêtement DLC combiné au placage des astres est très compliqué à appliquer sur un disque aussi fin.
Pourtant, le relief s’apprécie selon l’éclairage, et la lune et les étoiles microscopiques passent d’un poli miroir à un clair-obscur subtil en une fraction de seconde.
Bref, le cadran est parfait pour moi, hormis le « FABRIQUE EN FRANCE » sur lequel j’aimerais voir un accent. C’est dit.
Au dos, nous retrouvons sous un autre saphir antireflet le magnifique Calibre Royal entièrement décoré.
On peut lire « 100 METERS » sur le fond, ce qui souligne l’une des évolutions de la boîte de la Rue Royale. En effet, les premiers modèles étaient données pour 5 ATM, mais diverses améliorations ont permis d’en augmenter l’étanchéité. Bravo !
La contemplation des pièces soleillées, perlées, anglées (y compris les vis), etc. est un régal.
Les puristes du forum Haute-Horlogerie trouveront d’excellentes raisons de ne pas considérer qu’on s’en approche, en particulier pour certaines finitions imparfaites et le fait que les appels aux machines sont probablement trop nombreux. En ce qui me concerne cela n’enlève rien à l'élégance de ce superbe mouvement symétrique. Il serait présomptueux de considérer aujourd'hui une Pequignet comme « statutaire », même si ses lettres de noblesse évoluent d'une belle manière.
Concernant la maintenance, l’idée de Pequignet était que les 3 principaux modules (barillet, organe réglant, train de rouages) soient accessibles individuellement sans perturber les autres systèmes, ce qui est une belle prouesse.
Le Calibre Royal ne comprend qu’un seul barillet, très grand toutefois, parfaitement mis en avant. La réserve de marche de 88 heures au cadran atteint les 100 heures en pratique !
L’isochronisme est garanti sur 72 heures, et jusqu’ici le mien ne dérive que de quelques secondes par semaine, de manière étonnamment faible. Je n'ai pas de mesure exacte, l'absence de stop seconde étant un peu pénalisant sur ce point précis. D’après Pequignet, cette précision est due au remontage du ressort qui se fait par le tambour du barillet, alors que la force initiale est distribuée par un axe central au barillet, inséré entre 2 rubis et non solidaire dudit barillet. Mes compétences horlogères s’arrêtant là, ce que je vois c’est que ça fonctionne ! Un regret toutefois, j'aurais aimé la présence d'une vipère de Besançon, par pur chauvinisme évidemment.
Le système que l’on voit ici est celui du remontage par la couronne, extrêmement agréable, et la vue du mécanisme lors du remontage est plutôt sympathique, tout comme le mouvement du grand barillet soleillé.
La masse oscillante décentrée reste dans un alignement vertical avec l’axe du barillet et celui du balancier. C’est un remontage à double sens, qui se débraye lors du remontage manuel. Le roulement à grandes billes est bien visible, c’est un roulement maison.
Le grand balancier spiral possède 4 vis compensatoires en or massif, le porte piton est bien entendu spécifique au calibre.
Ici, on peut voir la réserve de marche et on aperçoit la tige du correcteur de phase de lune.
Pour terminer, la photo in situ pour référence, sur un poignet de 17,5 le 42 passe très tranquillement.
Voilà, merci à celles et ceux qui ont lu cette revue jusqu’ici, en espérant ne pas avoir été trop… trop.
N’hésitez pas à me faire part de vos corrections si j’ai fait des erreurs.
- nico -