Note:
Nous somme le dimanche 24 janvier 2021, tard le soir. Je viens de lire le bouleversant message nous annonçant le départ d’ @Zen.
Le 20 janvier j’avais lu avec délices les moments de sa jeunesse et de son intérêt pour l’usage du matériel de tirage (photo). Depuis plusieurs jours j’étais très modestement moi aussi penché sur l’écriture d’un texte qui expliquerait ma toute dernière arrivée horlogère, mais surtout comment d’une façon incroyable, son arrivée trouverait a raviver des images et des faits bien réels qui s’étaient produits dans le passé. Ce texte était, et est, pour moi difficile a mettre en forme et a ce moment-là je n’étais absolument pas certain de pouvoir le publier sur FàM.
Une certaine coïncidence dans les situations et les tournures de phrases m’avait incité a lui écrire en MP ma reconnaissance pour, sans le savoir, grâce a ses textes et celui-ci en particulier, m’avoir en quelque sorte fait passer le cap et décidé a tout faire pour le mettre suffisamment en forme et le proposer.
Ce MP était un message de reconnaissance, de remerciement aussi et n’attendait pas une réponse. Il n’y en aura pas.
Je n’ai pas la prétention de parler aussi bien des montres et encore moins d’horlogerie, que beaucoup d’entre-vous et ce n’est pas tant l’objet de cette histoire de montre.
Je terminait mon MP en soumettant a son oeil les premières lignes préambules de cette histoire.
Cette fin d’après-midi j’avais pris la décision d’attendre le retour de réparation de cette montre avant de le publier.
Ce départ soudain me fait changer d’avis ce soir et comme finalement cela change assez peu je garderais son retour pour un message dans le sous forum concerné.
Je voudrais lui dédier cette histoire.
Je souhaite un très grand courage aux modérateurs qui, je l’espère sincèrement, s’efforceront de garder a ce merveilleux jardin le haut niveau et la qualité des fleurs et des fruits qui s’y épanouissent, dont tous nous savourons le parfum et buvons le nectar.
Raxevis Arcofin.
PS: aucun mot n’a été changé après la lecture de ce triste faire-part.
Comment un Gousset en or à-t’il bien pu se retrouver dans ma poche, et autres histoires de montres. Pour lire avec plaisir certains articles sur ce Forum où souvent les histoires sont a rebondissement et ne manquent pas de ressort je vous propose de découvrir comment un gousset de campagne en or est arrivée dans ma poche.
Je vais profiter du fil de cette histoire pour y glisser mes autres instants horlogers marquants.
J’approche de la soixantaine comme indiqué sous mon pseudo.
J’aime lire, la musique, les photos N&B, la mécanique sous toutes ses formes et donc les montres.
Accessoirement je collectionne les boîtes et les roulements à billes. Je ne pense pas du tout a collectionner les montres mais, j'en ai plusieurs.
En lisant ce préambule vous pourriez penser:
A - « Bon, un type qui aime les montres, c’est banal ici ».
B - « C’en est encore un qui a hérité de la montre d’un grand-père ou reçue a Noël peut-être. Pas de quoi sonner 13 coups à 9 heures 3/4!. »
Ou bien encore :
C - « Une montre de poche en 2021 c’est pas non plus si dingue que cela. Y’en a plein! ».
Pour tout cela vous avez raison, mais l’interrogation n’est pas tant sur la montre elle-même que sur le « Comment elle est entrée dans ma vie? ».
Alors reprenons du début si vous voulez bien.
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Samedi 20 juin 1964, 13h05.

Au Mans les deux pilotes de la Ferrari 275P, Jean Guichet et Nino Vaccarella vont partir en 7ème position sur la ligne de départ. Le V12 de 3299cc est tout a fait prêt.
Pour situer le duel Ford/Ferrari cette année là, Ford à défaut de pouvoir racheter Ferrari, a bien l’intention battre la Scuderia sur son terrain: la compétition. Alors Henri Ford II aligne 3 GT40 propulsées par un V8 de 4,2L sur le circuit de la Sarthe.
Et les Ford réalisent les meilleurs temps des essais.
Et Ford part en tête… durant 1heure! Mais… aucune ne terminera la course.
En attendant pour l’équipage Franco-Italien de la N°20 il reste 2h55 avant que les aiguilles affichent 4h00 (16h00) sur la grosse horloge Dutray au dessus de la ligne de départ. Presque 3 heures avant le départ si typique de ces années-là, avec la traversée de la piste en courant pour grimper dans les bolides garés en épi. Ils déjeunent sans doute, boivent un café peut-être mais ils ne savent pas qu’il leur faudra 12 heures de lutte pour prendre la tête de la course. Et franchir la ligne d’arrivé en vainqueurs. En attendant, donc, ils sont dans les stands.
Au même moment, à l’hôpital, Ch. accouche d’un garçon. Son 6ème enfant. Le second avec F., l’amour de sa vie.
Non, elle n’est pas mariée avec lui. Non, elle ne vit pas avec lui. Et non encore cet enfant ne portera pas le nom de son père. Comme sa sœur, il portera le même nom que celui des ses 4 autres frères et soeurs plus âgés mais pas celui de son vrai père.
En 1964, cela n’est ni toujours évident de divorcer, ni toujours possible. Ch. ne travaille pas, ne gagne pas sa vie. Et puis le père de cet enfant n’a pas non plus les coudées franches pour engager cette famille au complet, mais pour d’autres raisons.
Et comme ce qui ce passe dans la chambre des parents reste dans la chambre des parents, certaines interrogations resteront en suspend.
Toujours est-il que Ch., après l’arrivée de ce bébé, entend la radio qui résonne dans le couloir de la maternité. C’est le départ des 24h. Puis la course. Puis l’arrivée.
Conséquence ou hasard, cette course des 24h du Mans sera toujours synonyme de fête et de passion pour le petit garçon, puis l’ado et l’adulte évidemment. Ce genre de vaccin-là c’est pour la vie.

Cette passion sera un peu entretenue aussi par le disque de mes grand-frères: Le Pilote Sans Visage de Jean Graton que je passe sur le pick-up bien trop souvent pour les oreilles de ma mère.

J’ai encore ce disque (adapté de la Bd par Maurice Chevit, l’impayable dentiste des Bronzé font du ski) où l’on entend la vaillante de Michel monter dans les tours en passant une bonne douzaines de vitesses… Apprenant hier le décès de Jean Graton je l’ai remis sur la platine: Eh ben croyez-moi: une Tesla n’est pas prête de me faire vibrer autant.
J’irais plusieurs fois au Mans mais je garde encore comme mon meilleur souvenir la première fois où tout gosse en 1973, j’irais emmené par mon grand-frère.
Cette année-là, l’année de mes 9 ans, j’ai passé les dernières heures du 1er jour accoudé aux rambardes. Quasi les pieds sur la piste. Dormi sur l’herbe a moins de 20 mètres de la piste du coté du virage Porsche. La nuit a la belle étoile entre le passage des voiture et la petite radio collée à l’oreille était magique. La paire Pescarolo/Larrousse sera gravé à tout jamais dans ma mémoire. D’autant plus que l’année suivante les deux pilotes gagnent encore. Mais cette course a tout de suite eu -pour moi- cette particularité d’être absolument liée a l’heure qu’il est; Au temps qui passe plus encore qu’à la vitesse des bolides. Peu importe combien de tours, combien de kilomètres. Il faut être à la 1ere place le dimanche à 16h00.
Il y a déjà deux ans que maman m’a appris que mon vrai père, dont je n’ai finalement qu’une ou deux vraies (?) images en tête, est décédé dans un accident. Elle même ne l’a appris que par une annonce parue dans un journal sur laquelle elle est tombée complètement par hasard puisqu’elle n’achète quasiment jamais le journal. Elle gardera toute sa vie le petit bout de papier, pestant contre le Typo qui a fait une coquille en indiquant 1928 comme année de naissance au lieu de 1938. Même nom, même prénom, même jour date et année si ce n’est la coquille.
Longtemps avant, elle et lui avaient préféré mettre un terme a leur relation impossible à tenir. Mais aussi pour qu’il ait -lui- la possibilité de se construire une vie de famille.
La mort dans l’âme ils se sont séparés, chacun prisonnier désormais d’une histoire toute en souvenirs. D’ailleurs les deux derniers enfants ne sont décidément pas comme les quatre premiers et certains regards en disent bien plus long que de raison.
Alors donc, petit garçon, j’avance dans la vie avec ma soeur et mes frères et soeurs, sans jamais appeler « Papa » celui qui fait vivre toute la famille. Sans jamais l’embrasser jusqu’avant l’âge adulte, ou si rarement que peut-être au 1er de l’an. L’ambiance est bonne entre tous sauf entre les parents qui ne sont d’accord que sur une seule chose: c’est qu’il ne sont d’accord sur rien. Chacun des parents a besoin de l’autre pour faire tourner la famille et ils s’en tiennent tous les deux à cela.
Nous vivons a 8 dans 66m2. Le courant est encore en 110v, la télé, lorsqu’elle arrivera sera en N&B, avec 2 boutons à tourner. L’un pour la mise en marche et le son, l’autre pour les chaines; mais on est tranquille: y’en a qu’une! Une fois allumée il faut attendre « que ça chauffe ». On achète la lessive en baril, ce qui est bien pour ranger ses billes ou ses marrons en rentrant de l’école, où évidemment l’on va à pied tout seul.
Pour l’instant en partant en vacances à 8 dans la 404 (pas break) je suis sur les genoux de ma mère et je conduis le petit volant en plastique ventousé sur la custode. Mes 5 frères et soeurs sont derrière. La 404 file à 120/130km/h même longtemps après le tunnel de St-Cloud sur la nationale. Le litre d’essence doit être a moins de 15cts de Franc!
Côté horloger, c’est vers l’âge de 6 ans que j’ai découvert ce qu’une montre peut avoir de merveilleux.
Un jour, sur un quai de gare un oncle « d’Amérique » qu’on est allé conduire en voiture, apprenant que le mari de maman n’a plus de montre, fouille dans son sac de voyage, en sort une Seiko Bell-Matic toute neuve et lui tend en disant: « Tiens prends celle-ci, j’en ai d’autres… ».

C’est une révélation cette montre:
Elle se remonte toute seule!
On peut voir les aiguilles dans la nuit!
En plus: Elle sonne!
Et puis… Qu’est-ce qu’elle est belle non d’un chien!
Non vraiment: c’est une découverte extraordinaire!.
La communion est l’occasion de deux cadeaux magnifiques: Un livre Pop-Hop: « Ils ont Marché sur la Lune » (Rouge et Or 1971) et une Kelton.

Du coup quelques années plus tard, avec mon premier vélo et ses roues de 600, parfois après avoir fait quelques tours de l’hippodrome de Longchamp, je pousserais jusque sur les Champs pour voir les vitrines des vendeurs de montres de grande marque.
C’est comme cela que je vais me faire remarquer devant la vitrine des montres Oméga ou je fais le rapprochement entre la « montre-a-cadran-noir-avec-Chronomètre-qui-a-été-sur-la-Lune » qui trône en vitrine, et les souvenirs d’une nuit d’été ou j’ai été réveillé par mes grands frères pour regarder la Télévision.
A force de me voir devant la vitrine, n’osant évidement pas entrer, un vendeur viendra me voir et passera quelques minutes a me parler des Omega. Il me glissera un catalogue et quelques photos publicitaires entre les mains. Joyau bien précieux pour un gamin de mon âge. Mais lui, je peux le dire: il a travaillé pour l’avenir!
C’est les années du collège et du lycée qui passent.
Le temps des échanges scolaire est l’occasion d’aller en Angleterre passer 2 semaines.
Je me souviens d’y avoir acheté une « Seiko Style » comme dit dans la publicité, dans une boutique de Londres qui était donc la copie d’une Seiko mais qui a fonctionné sans doute moins longtemps. Enfin quelques années tout de même. Elle va remplacer avantageusement le modèle en plastique qui remplaçait déjà la version a LED qui nécessitait de lâcher le guidon du vélo pour appuyer sur le bouton et lire l’heure. (Photo internet)

C’est durant les heures d’EPS que je vais faire ma première prise horlogère. Le prof a cassé le « verre » de son chrono et je lui prête un petit chrono a affichage digital publicitaire dont je ne me souvient plus de la provenance. Ce que je sais c’est qu’il est tellement persuadé que les chronos comme le sien sont OUT face aux quartz qu’il me dit de le garder en échange du mien à quartz. Figurez-vous bien que j’ai accepté et c’est sans remords que je le dis aujourd’hui! Ceci étant il n’a reçu un verre de remplacement que ces jours-ci soit, environ 40 années plus tard!

A cette époque dans mon premier portefeuille j’ajoute sous ma carte d’identité et ma carte de cantine une petite photo de mon père; En N&B évidemment. Au lycée tous ceux qui la voient me demandent où j’ai pris cette photo là, tellement la ressemblance est frappante.
Pour mes seize ans, ma maman m’a offert une petite montre gousset en argentan. Un modèle des plus simples avec des aiguilles LXV. Elle ne remplace pas ma quartz-chrono-calendrier-alarme, qui bipe toutes les heures et peut s’éclairer la nuit.
Je n’ai jamais compris d’où lui venait cette idée de cadeau. Je garde la montre, même si elle s’arrête fréquemment. Sans raison apparente.
Mais décidément j’aime les montres.
Des études donc, un peu plus longues pour moi que ne le prévoit l’éducation nationale. Oui plus longues.
D’autant plus qu’au vu des résultats obtenus je marque une pause d’un an que je mets a profit pour entrer dans la vie active.
Durant cette année-là, avec quelques économies, je choisi Ma première montre. C’est une Yema Navygraph, étanche jusqu’a 100m, une « a quartz ». Une sacrée gueule de robustesse qui sera mon choix de montre. Elle a -a ce moment-là- un vague air de la Speedmaster dont je rêve. Achetée neuve pour 980Frs de l’époque (+-150€!).

Malmenée au possible au guidon de mes motos, de Bergen à El Oued en passant par les plages de Bretagne et autres bains de minuit, elle rendra l’âme au bout de 6 ou 8 ans. Conservateur, il y a peu j’ai même offert les pièce a un FAMeur après avoir posté une annonce ici. (Photo internet) - les pièces, elles, n’étaient pas dans cet état…

Les études n’étant pas finies je garde un peu de sous pour passer le Bac. Je choisi de m’éloigner de plus de 250Km de certaines tentations et tentatrices et cette année-là je pars la passer en internat a Bar-Le-Duc. Le nom et la ville ne sont pas inconnus dans la famille. Je ferais la route souvent en train, parfois en moto.
Toujours est-il que lorsque je vais trouver coup sur coup dans la rue et au milieu des poubelles une petite Genève acier, cadran blanc puis une IWC, je serais sûr d’être sur la bonne voie horlogère.


S’ancrent en moi la beauté d’un cadran clair, des aiguilles fines, dauphines lumineuses, des index simples et nets.
En tout cas c’est sûr et certain:
Un jour j’aurai une montre « à moi », « que j’aurai choisi »! . Et ce sera une Oméga! Et elle sera Automatique!
La Genève va m’accompagner jusqu’à ce qu’un horloger me dise que la réparation serait incohérente au regard de la qualité et du prix du modèle. L’IWC s’est rapidement arrêtée. Mais la Genève fonctionnait bien. (Photo internet).
Après un vrai départ dans la vie active et une installation au bord de la mer j’ai besoin d’une montre. Pas de sous? Ou pas trop? Un chrono Swatch un peu comme celle-ci fera bien l’affaire. (Photo internet)

Les années défilent et les obligations changent, ou passent.
Maman se bat contre un cancer et nous quitte a la veille du nouveau siècle. L’impression de me retrouver seul évidemment. Il y a des moments difficiles. Elle m’a accompagné lors de mon 1er mariage, a connu mes filles. N’a pas connu l’équipe de France championne du monde, mais je crois bien que de cela elle s’en moquait comme de sa première chaussette.
Elle m’a connu Malouin mais n’a pas connu mon départ pour la Côte Normande, voyageant un peu plus a l’est, ni mon retour a Bar-Le-Duc encore plus a l’est quelques années plus tard. A nouveau Barisien durant quelques années. Elle qui n’aimait pas cette ville.
Puis c’est l’arrivée à Lyon. Et dans cette ville c’est difficile de ne pas voir les vitrines des horlogers…
Début 2007 je m’inscris une première fois sur FAM (Pseudo Lexa) bénéficiant enfin d’une connexion internet correcte.
Alors, un jour de février je décide de laisser le vieux chrono Swatch, qui m’a offert durant pas mal d’années l’heure et l’assurance qu’un jour il serait remplacé par la montre a laquelle je pensais en l’achetant.
Je me suis offert une Omega Broad-Arrow dans la version cadran blanc cassé et bracelet croco. La version équipé du 3303 avant que la version « co-axial » ne le fasse disparaître. Je me souviens très bien que le jour où j’allais vraiment avoir les sous pour cet achat, je passais devant la vitrine où je la lorgnais depuis un bon moment déjà.
Et là! Horreur! Enfer et damnation!
Elle n’est plus là!
J’entre quand même dans la boutique et m’inquiète de ne plus voir la montre dans la vitrine.
Dialogue:
- Une Oméga?
- Oui, une Speedmaster Broad-Arrow! Celle avec un bracelet en croco miel.
- …
- Celle-là me répond en écho une vendeuse qui ré-installait les soldes en vitrine après la pause de midi la tenant négligemment entre le pouce et l’index par un bout du bracelet.
- Oui c’est celle-là!

Un sacré coup de chance, elle était soldée. Je ne l’ai eu seulement qu’après 3 semaines d’attente pour une bête histoire de fonds pas encore tout a fait disponibles… Mais je l’ai eu quand même a mon poignet.
La montre a mes yeux la plus désirable des automatiques évoquants la SpeedMaster la plus connue, dont elle porte -sans trop l’usurper- le nom.
Aujourd’hui encore, je la porte tous les matins du lundi au samedi.
A vrai dire, si j’avais eu les moyens, c’est peut-être une Chronomaster t Zenith que j’aurais acheté. Il y en avait de très belles aussi. Cadran argent, bracelet acier, avec de belles aiguilles dauphines. Mais le prix était stratosphérique pour moi. Et les vendeurs de la boutique n’avaient vraiment pas l’air de m’accorder la moindre attention… Mais ils finissent malgré tout par me laisser partir avec un ou deux catalogue de la marque.
Deux ans plus tard c’est celui qui fut le mari de ma mère et le père de 4 de ses enfants, qui nous quitte.
Celui qui a tenu pour moi, le rôle du père durant toutes ces années, m’a transmit le goût de la mécanique, celui aussi de la musique lyrique et classique et aussi un peu par hasard sa montre Seiko qui n’a jamais passé un jour sans être a son poignet.
Le bracelet devenu trop large pour lui avec l’âge.
Il faisait faire des oscillations a sa montre en la tenant dans sa main pour la remonter faute de faire d’autres mouvements. Elle n’a jamais vu un horloger. Cette montre a la particularité de ne se remonter qu’avec le mouvement du poignet. La couronne remonte le réveil, sert a la mise a l’heure et jour et date Et aussi a tourner la lunette interne de réglage de l’heure de réveil. Le bouton a 2h sert a armer le réveil (position tirée) et avancer la date (par pression). Comme nombre de Seiko les jours de semaine sont noirs, le samedi bleu et le dimanche rouge.

Et la vie continue.
Une séparation avec ses lots d’affres et de tourments, ses lots de consolation aussi. Jamais très simple. Jamais si facile.
Quelques années passent. Les distances se creusent entre les personnes et c’est le genre de fossé qui ne se remblaient pas avec des gravas. Au contraire.
Une nouvelle vie s’installe.
Et c’est de nouveau le printemps.
A mon poignet alternent la Seiko et l’Omega. Le bracelet croco a été remplacé plusieurs fois par un veau brun de la marque, toujours sur la même BD. En attendant qu’un jour peut-être je puisse lui adjoindre un modèle acier plus facile a nettoyer pour les saisons chaudes.
Durant l’été 2017 une nouvelle vie professionnelle est décidée et avec ma compagne nous attendons qu’elle se concrétise pour l’hiver de cette même année.
Et le soir du 22 septembre nous nous apprêtons a prendre un verre après plusieurs jours d’un travail de rénovation acharné. Tout est propre enfin dans la maison. Les meubles ont trouvés leurs nouvelles places. Tout est enfin rangé. C’est l’heure du calme. Nous venons de nous installer dans le salon. Soudain: coup de téléphone. C’est ma soeur!
Elle a trouvé dans sa boîte aux lettres une enveloppe sans timbre. Le courrier est daté du 21. La personne qui lui écrit quelques lignes indique certaines choses qu’une seule personne peut connaître. Un prénom un nom et un N° de téléphone.
Elle appelle.
Puis moi.
C’était lui.
Je suis propulsé directement au même statut qu’Andromaque ou Luke Skywalker.
J’entend cette voix me dire:
« JE SUIS TON PERE ».
A 53 ans il y a soudain toute une vie qui s’effondre. Et en écrivant s’effondrer, je voudrais vous faire penser à Amelie Poulain…
Parce que non seulement il est bien vivant mais l’une de ses premières questions est: Vous n’avez pas cherché a me voir?
Ce a quoi je lui répond qu’il est très difficile de chercher a rencontrer quelqu’un qui est décédé depuis plus de 50 ans.
Alors en pareil cas, en général, on ne cherche pas.
Surtout lorsque c’est ta maman qui te le dit. Une maman ça ne ment pas.
N’empêche, il est très, très surpris, lui aussi, mais surtout d’apprendre qu’il était mort! Ce qui n’est pas commun - non plus.
Depuis, c’est un long apprentissage lors de nos rencontres. C’est un monsieur d’un âge certain mais en pleine forme. Marié et … père de …4 enfants (2+2).
Deux ans après nos retrouvailles, à sa demande j’accepte l’adoption après des semaines de réflexion, mon changement de Nom est officialisé. Dans ces conditions rien n’est facile, ni simple et le sommeil difficile à trouver.
Coté montres, en cette fin d’année 2019 je décide d’offrir à ma Broad-Arrow le bracelet métal qu’elle mérite. Pour montrer le changement de nom et alterner entre l’hiver et l’été. Un achat négocié par téléphone avec L’AD de Lyon qui m’a vendu la montre et tous les bracelets.

Cette année-là je reviens sur le forum et dois me re-inscrire sous un autre pseudo. Les emails MdP utilisés en 2007 sont inaccessibles désormais après la destruction du PC qui conservait pour moi ces infos de connexion. Je garde néanmoins le même avatar.
Le 20 juin pour mon premier anniversaire fêté vraiment ensemble, mon père m’offre une montre. Lui qui ne jure que par les montres à quartz m’offre une Slow. Dans sa petite version acier. Un très joli boitier je trouve, assez fin, droit sans être anguleux. Un cadran rond et clair. Un verre tout a fait plat. Un bracelet assez séduisant.

Je reconnais la porter assez peu, ayant du mal a avoir une lecture instantanée de l’heure à mon travail.
Après pas mal d’hésitations, je me décide a re-tenter le coup d’une restauration et envoie ma Genève chez Omega à Paris. La réponse est sans appel: 1894,30€ pour espérer la voir fonctionner dont 790€ de restauration de cadran. Du coup je remise a nouveau la montre. Mais décide qu’il est temps de passer à autre chose.
Une annonce est postée et je revends à un horloger spécialiste des vintage la Genève puis l’Ingénieur.
J’ai eu de la chance de les avoir eu un temps au poignet et j’en mesure encore les effets.
Sur une décision prise avant que Madame Covid s’installe chez nous,
début 2020 et après avoir vendu ma moto, c’est décidé! Je m’offre une nouvelle montre! J’ajoute un peu et choisis une Omega GlobeMaster Annual Calendar cadran gris soleillé.
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Sans doute que la fréquentation un peu trop assidue de FAM et la visite intensive du site Omega m’ont fait découvrir cette merveille. En plus l’AD que je visite parfois a justement cette montre en boutique ce qui achève de me décider. Rétif a toutes mes demandes et propositions de geste commercial j’irais finalement voir ailleurs.
Un bracelet en cuir bleu, des aiguilles acier bleui, des index droits, blancs bordés du même acier bleui que les aiguilles l’ensemble avec du LUM bleu elles et surtout, surtout un cadran extraordinairement changeant. Des reflets de mercure. De l’argent le plus clair au gris le plus sombre. Une lunette aux reflets brillants, nets mais pas ostentatoires.
Coté père j’apprends qu’il a changé très souvent de voitures dans sa vie et qu’il a notamment conduit une Facelia qui est probablement mon graal absolu en terme d’auto. Qu’il a eu aussi une Panhard et que son grand-père avait une Delage. Qu’il a été plusieurs fois aux 24h (mais pas en 1964!) Et qu’il suit toujours avec interêt les voitures engagées, les essais et la course sur son Mac. (Encore une drôle de coïncidence!).
Et comment je l’apprend?
J’apprend cela en lui parlant de la marque DePanCel pour laquelle marque de montre j’ai une envie soudaine de concrétiser l’achat d’une tool… Ce sera celle-ci.

Mais l’année 2020 n’est pas finie.
En parlant de montres avec lui, j’évoque le fait qu’un jour peut-être, j’irais essayer une Reverso. Il y a quelques modèles DuoFace avec de très jolies aiguilles dauphines qui… Il me coupe et me dit: Ahh une reverso? J’en ai essayé il y a longtemps! Mais j’ai pas osé m’en acheter une par peur de la fragilité. Mais j’aime ces montres depuis toujours!
Et d’autres choses comme cela pour lesquelles nous avons des passions communes. Est-ce seulement dû au hasard?
Ce qui n’est pas un hasard c’est qu’à force de regarder FAM je retombe sur mon amour d’il y a plus de 20 ans: un chrono Zenith acier, cadran guilloché argent.
J’ai à nouveau le coup de foudre.

D’autant qu’un FAMeur délicat fait suite a une remarque postée a propos de ce modèle en me disant qu’il en a une dont il pourrait se séparer…
(Là, plusieurs d’entre vous connaissent ce moment où çà commence à gratter sérieux).Ma femme ne pouvant supporter mon air abattu, ma perte soudaine d’appétit ni la pâleur de mon visage me propose pour me requinquer de m’offrir cette montre.
… (!)
Pensez bien si j’aime beaucoup ma femme… Quelques jours plus tard je recevrai ma montre avec boîte, sur-boîte, papiers, facture d’entretien Zenith et 2 boucles déployantes en plus de celle du bracelet de la marque, ainsi qu’une boucle ardillon de la marque encore.
- Décidément les FAMeur sont des gens bien.
Entre temps, mon père c’est lui aussi converti aux montres mécaniques. Il avait réglé le sort des montres automatiques parce qu’il s’était persuadé qu’elle étaient trop fragiles… Mais lorsque sa montre a quartz s’est arrêtée l’an dernier il s’est mis a chercher quelle automatique il pourrait choisir et a choisi une automatique Hamilton Jazzmaster Viewmatic, cadran argent et guilloché. Sans savoir -du tout- quoi que ce soit a propos de ma Zenith. C’était avant que je lui en parle.
Coincidences…
Pour la Zenith une chose me chiffonne, c’est la boucle déployante.
Elle semble être montée à l’envers. J’entends par-là qu’elle se déplie à l’inverse des boucles Omega et surtout que le nom ZENITH gravé est à l’envers lorsque l’on tourne le poignet. Mais encore que le bout long et perforé est attaché à 12h et non à 6h. En retournant l’affaire je constate que le port de la montre n’est plus du tout confortable et aussi que ce bracelet est au départ « encoché » pour boucle ardillon. Inconfort qui est donc la raison du retournement. Des recherche sur cette boucle, le bracelet d’origine et le sens de pose ne donnent rien auprès des FAMeurs, ni auprès de Zenith. Je me décide a confectionner un bracelet test avec un ruban pour mesurer les longueurs de brins qui conviendraient afin de porter la boucle dans le bon sens et qu’elle soit bien posée autour du poignet.
Louise (Camille Fourniret) finira par enregistrer ma commande après plusieurs échanges de mail et de coups de fils. J’opte pour un tissu bleu ( ou toile St-Germain - le Canvas de CF.) sur mesure pour l’une des boucles déployantes.
Et puis,
Et puis un jour de décembre mon père m’envoie un email me demandant si je connait ce genre de d’antiquité…

Il l’a reçue lui-même en cadeau d’une de ses tantes il y a plus de 10 ans. Elle aurait appartenu a un arrière grand-oncle du coté paternel. Soldat fin XIXeme et début du XXème siecle.

En étudiant les photos qu’il m’envoie, il va s’avérer que le boitier est bien en Or 18K. La montre a été faite (assemblée) à Bar-Le-Duc (coïncidence amusante) par Laurent Auger qui y a tenu boutique d’horlogerie de 1783 a 1821.
Né à Longwy le 2 février 1749 il a été tout d’abord Garçon Horloger à partir de 1773, puis Horloger à Clermont en 1775 puis à Bar-le-Duc de 1783 à 1821 donc.
La montre, elle, serait plutôt datée des années 70/80.
Enfin,
JE, la date de ces années-là mais- sans la moindre expertise, juste en me basant sur les montres datées telles que présentées sur les différents sites de référence. En tenant compte du fait qu’a cette époque Bar-le-Duc doit vraiment être une ville de « campagne », éloignée des nouveautés de la capitale, il est possible qu’elle soit en fait des années 1790. Enfin vu d’ici cela ne change pas grand chose. Ce qui reste assez unique c’est de voir un mécanisme aussi rustique dans un boitier Or seul. Parmi toutes les photos que j’ai pu voir sur des mouvements identiques, rares sont ceux dans un boitier Or non gravé ou non émaillé.
Datée de cette époque elle n’a donc pas pu être achetée neuve par cet aïeul-là qui n’était pas né, mais peut-être par un de ses ascendants qui y serait allé en garnison ou encore c’est un cadeau reçu ou un legs à l’occasion d’un héritage. L’histoire ne le dit pas.
La montre ne fonctionne malheureusement pas.
Mon père n’ayant jamais porté une attention particulière a cet objet, autre que celle de le garder précieusement, et me découvrant intéressé par l’horlogerie et les montres il s’est proposé de me l’offrir.
Elle a donc pour moi une valeur immense et très naturellement « aucun prix ». Elle porte avec elle une histoire de famille dont je sens en moi pousser les premières racines.
La montre est en très bel état.
Afin de comprendre ce qui empêche la montre de fonctionner je vais jeter un oeil attentif au mouvement. Heureusement il est très simple.
Sans chercher a l’ouvrir complètement me sachant très mal outillé pour rendre opportun ce démontage, je me borne a sortir le « calibre de campagne » de sa boîte.

Je constate rapidement que la chaîne est cassée en bout de chaîne coté ressort. Il manque le crochet et surement quelques maillons mais d’après le nombre de tours actuellement faits sur le cylindre je pense qu’il en manque moins de 10mm. (Ceci en comparant avec les excellentes descriptions et photos de « Madman » vues sur le forum « Pocket Watches »). C’est peut-être le résultat d’un remontage un peu trop vigoureux… ou bien le ressort est-il bloqué? Le balancier est parfaitement mobile et entraine parfaitement l’ensemble.
A bien regarder le cadran et surtout l’orifice d’introduction de la clé de remontage, il n’y a aucun éclat, même minime, visible a la loupe. Le cadran en entier est dans un état quasi parfait. Sans aucune fêlure, ni marque. Seules les aiguilles semblent avoir été légèrement tordues dans leur horizontalité mais sont bien droites toutes les deux. Je ne sais pas si les deux aiguilles sont d’origine mais leur différence compose un joli cadran.
Pour le reste il n’y a aucune trace de rouille visible ni aucun encrassement. Sur aucune pièce. Le boitier en Or ne porte aucune marque de coup ou rayure, la bélière usée indique pourtant qu’elle à été portée longtemps.
D’ailleurs le nettoyage que j’effectuerais avec précaution, mais aussi un peu de Mirror, sur les aiguilles, le cadran, le verre et le boitier, bien que minutieux n’aura qu’un effet assez limité tant la montre a été bien conservée. Le chiffon micro fibre est bien plus sale lorsque je nettoie mon bracelet acier…

Actuellement elle se trouve chez un horloger a qui je l’ai confié. Il m’a confirmé le très bel état de conservation et le bien fondé d’une remise en marche selon les éléments qu’il a pu observer de son côté.
Le sous Forum consacré aux Montres de Poche
(Faites attention si vous y mettez les yeux pour la première fois. C’est un monde extraordinaire de vraies singularités et tellement éloignées des montres bracelets qui a des rares exceptions, pas de très bon goût en général, sont trop vite ressemblante à telle ou telle autre), ce sous forum disais-je, m’ouvrira tout grand ses écrans et les fins mordus de fusées, de bélières, et de giletières auront tôt fait de m’apprendre que sans doute (peut-être) l’aiguille des minutes n’est pas d’origine.
Aujourd’hui fin janvier, après avoir pris connaissance du devis et l’avoir accepté je suis maintenant impatient de la voir fonctionner cette mamie. Mais je m’efforce de penser désormais qu’après autant d’années sans savoir que j’existait (et moi de même), nous pouvons elle et moi attendre quelques semaines avant de nous retrouver.
Et voilà comment un joli gousset en or de plus de 230 ans c’est retrouvé dans ma poche.
Lorsqu’il est sorti de la boutique de Laurent Augé la Bastille était encore debout, Wolgang Amadeus Mozart avant de rejoindre Antonio Vivaldi dans la terre de Vienne nous apprenait avec son Cosi fan Tutte que les plus belles et les plus fidèles femmes sont évidemment les nôtres… jusqu’à preuve du contraire, et à Paris le balancier infernal de monsieur Guillotin donnait toute sa mesure en place de gréve.
Ce gousset est passé à travers cela et trois guerres.
Reconnaissez que sur ce coup:
j’ai eu de la chance…
NB: Source et Images 24heures du Mans: les24heures.fr / Article de Th. Chargé.