Bonsoir a tous
Pour tenter d'apporter un peu d'eau au moulin à cette interrogation, voici un texte que je crois attribuer au supplément spécial "Le Temps"
Date de parution: Mercredi 11 avril 2007
Auteur: Sophie Lagrange
Pour en finir avec 10h10 ?
Pour photographier leurs montres, les horlogers ont choisi de les faire sourire, en positionnant les aiguilles à 10h10. Mais les temps changent, et les aiguilles bougent. Décodage et enquête chez ces dissidents qui ont renoncé aux «Happy Hours».
Les horlogers vivent-ils dans un monde parallèle où le temps se serait arrêté à 10h10? On pourrait le croire, au vu de la communication de la branche. Annonces dans les journaux, photos dans les magazines et dans les catalogues ou encore affiches dans les rues, bon nombre de publicités présentent des montres figées à cette heure-là. Il en est de même dans les vitrines des bijouteries et dans les présentoirs des musées d'horlogerie.
S'agit-il d'un diktat du marketing? D'une manie des publicitaires qui a contaminé la filière de vente et les conservateurs de musées? Ou est-ce une simple habitude de plus dans ce secteur qui, par nature, cultive la rigueur et la précision? A moins que la chose relève d'une longue tradition remontant aux premières breloques?
La question n'est pas nouvelle. Mais elle s'avère plus que jamais d'actualité puisque, depuis quelque temps, la règle souffre d'exceptions. Il est désormais 4 h 08 pour les montres Yeslam, 7 h 24 pour la GMT Vintage de Van Der Bauwede, 8 h 02 pour la Master Piece Lune rétrograde de Maurice Lacroix, 8 h 20 pour la Bigger Bang de Hublot, 10 h 37 pour la Defy Xtreme Open de Zenith et 11 h 20 pour la Malte Dual Time de Vacheron Constantin.
Une petite révolution en marche au pays de la tradition ?
1 - Esthétique
Quelques coups de téléphone passés aux grandes marques suffisent à rassurer ceux que ces changements inquiéteraient: le 10 h 10 a encore de beaux jours devant lui. C'est une règle tellement bien assimilée que certains s'étonnent même que l'on puisse encore poser la question. «Cette position des aiguilles est la plus esthétique, elle donne une jolie ligne à la montre», affirme-t-on comme une évidence.
C'est vrai. La montre, fût-elle la plus extraordinaire merveille technologique, n'échappe pas à la dictature de l'apparence. Designers, photographes et publicitaires mettent tout en œuvre pour qu'elle soit belle. Et la beauté, c'est un équilibre. Or la symétrie, c'est beau, c'est clair, c'est propre en ordre, c'est universel. A 10h10, les aiguilles sont symétriques, elles donnent une apparence équilibrée à la montre. Enfin, précision oblige, puisque nous parlons de montres: c'est à 10 h 09 minutes, 13 secondes et 84centièmes qu'il y a symétrie parfaite. Raison pour laquelle les aiguilles sont en fait le plus souvent positionnées à 10 h 08 ou 10 h 09.
«Au début de ma carrière, je me suis battu pour changer cette position quasi ancestrale, mais c'était une habitude tellement ancrée que j'ai préféré me concentrer sur d'autres éléments créatifs comme l'éclairage», se souvient en souriant Joël von Allmen. Ce photographe installé à Neuchâtel connaît bien le secteur: ses photos illustrent nombre de publicités horlogères. C'est lui qui a récemment immortalisé une TAG Heuer au poignet d'Uma Thurman. «En plus, les montres qu'on photographie pour les publicités sont souvent des prototypes dont on ne peut pas bouger les aiguilles!», confie-t-il. Même constat du poids de cette tradition de la part de Nick Welsh, un photographe basé à Genève et à New York, qui s'est fait un nom dans la photo de montres et de produits cosmétiques notamment. «Pour les photos commerciales, je demande clairement au client de placer les aiguilles, comme ça c'est lui qui décide s'il préfère une autre position pour qu'elles ne cachent pas un détail du cadran qu'il trouve important», déclare-t-il.
2 - Pratique
Cela dit, il faut reconnaître que la position à 10 h 09, en plus d'une bonne lisibilité, a aussi le grand avantage d'encadrer le logo de la marque, généralement positionné à 12heures, autre convention bien ancrée. «Les deux aiguilles de part et d'autre du logo captent le regard et amènent naturellement l'œil sur le logo, sur la marque», expliquent plusieurs responsables de marketing. Eléments d'autant plus essentiels que la montre fait partie de ces objets symboliques qui sont censés permettre d'affirmer son statut social.
3 - Graphique
Les aiguilles, où qu'elles se trouvent, sont deux lignes qui forment un angle. A 10 h 09, elles peuvent symboliser un «V» bien ouvert, mais un «V» quand même. «V» comme victoire. «V» comme «Vive la vie». «V» est un code largement reconnu pour montrer une valeur positive. Mais le «V» est légèrement asymétrique à cause de la petite aiguille des heures à gauche. Donc il ressemble davantage à ce caractère typographique, si répandu depuis l'avènement de l'informatique: le «vu», qui signifie «ok», «valider». D'ailleurs, en graphisme, on considère qu'une ligne s'élançant d'en bas à gauche vers le haut à droite exprime l'ascension, la vitesse, le mouvement. Bref, ce «V» asymétrique diffuse du positif, de la précision, de la certitude, du dynamisme !
4 - Zygomatique
On va plus loin dans la symbolique avec cet argument anthropomorphique cité par plusieurs marques. «Avec les aiguilles dans cette position, la montre vous sourit.» Le sourire, une expression du visage que les bébés comprennent rapidement. Un signe de communication universel. D'accord, il peut cacher des pensées peu charitables. Mais le sourire, ça fait vendre!
Les positions dissidentes
Mais alors, quelle mouche a piqué les «dissidents» qui rompent la tradition? Pourquoi abandonner ce 10 h 09 si plein d'avantages? Pour des raisons d'esthétique et de lisibilité. «Sur la Defy Open, nous avons effectivement pris l'option d'afficher 10 h 38 plutôt que 10 h 10, tout simplement pour équilibrer le visuel et éviter de passer avec l'aiguille sur le logo de la marque», explique Françoise Bezzola, directrice de la communication de Zenith. «Lorsque la présentation est plus parlante et plus efficace dans une autre position que le 10 h 09 ou 10 h 11, par exemple à cause du dessin du mouvement, nous changeons, et dans le cas de la Bigger Bang, nous sommes allés à 8h20», déclare Jean-Claude Biver, CEO de Hublot.
Avec l'engouement du public pour les complications, les cadrans des montres se sont singulièrement... compliqués! Guichet date, compteur, phase de lune, indicateur de réserve de marche se bousculent sur une surface qui reste limitée, malgré la tendance actuelle des montres à adopter des dimensions toujours plus grandes. Dans cette géographie encombrée, les aiguilles des heures et des minutes finissent presque, c'est un comble, par gêner !
Mais en passant de 10 h 10 à 8 h 20 que la montre donne l'impression de baisser... les bras et de faire la tête, prétendent les adeptes de la tradition. Une critique souvent entendue quand Bédat & Co avait adopté ce positionnement il y a quelques années. Quoi qu'il en soit, Ulysse Nardin avait choisi cette solution dès 1996 pour les chronographes de sa ligne marine. «A 8 h 17, les aiguilles ne cachent ni l'inscription chronographe certifié ni le nom de la marque, qui est assez long», explique Suzanne Hurni, responsable de la communication. Sur sa lancée et en fonction des modèles, la marque a joyeusement jonglé avec les heures: 2 h 22, 2 h 51, 3 h 54, 6h55. Et quand les multiples guichets et compteurs ont occupé toute la place, comme c'est le cas pour sa complication Sonata, elle a opté pour une solution plus radicale: des aiguilles squelettes.
Je ne suis pas arrivé à "enrichir" le texte (gras, ital, etc) désolé si c'est un peu confus. Amicalement