le marketing sert surtout à promouvoir l'image d'une marque, ou d'un produit, mais il a ses limites.
le consommateur d'aujourd'hui, grâce à la rapidité de circulation de l'information, est mieux en mesure d'évaluer ce qu'il achète et ce pourquoi il paie.
Désolé de revenir une énième fois avec la même marque, mais je souhaite ici corriger l'image de TAG-Heuer, qui traîne derrière elle un passé qui fut glorieux, mais plombé par une dizaine d'années d'errances, lesquelles ont suffit a jeté le discrédit sur un produit en constante évolution.
Tout d'abord, est-ce que TAG fut un bien ou un mal pour Heuer ???
Il faut faire un retour en arrière, et se rappeler de l'horlogerie des années '80, ou en tout cas de sa première moitié.
Lorsqu'Yves Piaget racheta Heuer, il n'avait sans doute pas de plan précis en tête, j'ignore quel était son intérêt dans l'opération.
Toujours est-il qu'il n'a rien fait de la belle endormie, qu'il a gardée pendant 3 ans seulement, pour la refourguer à son partenaire de golf, Mansour Ojjeh, patron du groupe TAG.
ce dernier avait plus d'ambitions, et je l'ai rencontré lors de la conférence de presse tenue à la Foire de Bâle 1985, quand fut annoncé le rachat de Heuer par TAG.
Jusque là, dès mon arrivée dans l'affaire familiale jusqu'à cette reprise, la marque se trouvait dans une situation absolument catastrophique. taux record de retours de montres neuves mais défectueuses, problèmes récurrents d'étanchéité des montres dites de plongée, une fiabilité désastreuse, à tel point que j'ai vraiment souhaité stopper toute collaboration avec la marque.
Dès l'arrivée du groupe TAG dans l'affaire, la situation a radicalement changé: fiabilité en très nette amélioration, nouveaux modèles particulièrement réussis, comme la S/EL, et repositionnement de la marque, qui abandonnait les compteurs de sport, et qui liait son image au sport, automobile en particulier, avec la F1 et l'équipe Mc laren.
A l'époque, j'étais vraiment impressionné par la fabuleuse réussite des mc Laren-TAG Porsche, et fier que mes montres portent ce nom tant décrié aujourd'hui, TAG-Heuer
Aussi, je ne me suis pas fait prier lorsque le commercial de la marque nous a informé que dorénavant, il fallait dire " TAG-Heuer ".
La qualité fut en très nette amélioration, même si au fond, rien ne changeait dans l'outil de production, tout au moins vu de l'extérieur.
Les locaux se trouvaient toujours à Saint-Imier, Beau-Site 8, mais l'administration, la vente et le marketing déménagaient de Bienne à Marin, à côté de Neuchâtel.
Et surtout, le management changeait complètement, avec la nomination d'un personnage-clé dans le renouveau de TAG-heuer: Christian Viros.
ce dernier a su faire de TAG-heuer une entreprise horlogère moderne, adapter une communication en adéquation avec les objectifs fixés, et surtout définir une gamme de produits crédible, et leur appirter la fiabilité qui leur faisait défaut jusqu'alors.
Incontestablement, Viros a réussi, et honnêtement, j'aurais souhaité qu'il reste en place.
malheureusement, le groupe TAG décida de revendre la marque à LVMH, ce qui entraîna non seulement le départ de Viros, mais également de deux autres français qui avaient oeuvré efficacement au redressement de TAG-heuer, Luc Perramond et Philippe Champion .
Viros ne s'était jamais véritablement senti bien en Suisse, il ne parlait pas l'allemand, ce qui était capital pour traiter avec la partie germanophone du marché suisse, et il rentrait chaque week-end à Paris, l'issue était donc inéluctable.
Depuis la reprise de TAG-heuer par LVMH, la qualité du produit s'est encore améliorée, mais le marketing s'est planté avec des nouveautés annoncées trop tôt, et qui ont mis la marque dans une situation délicate: à dévoiler trop tôt ses projets, bien avant la commercialisation, on se ridiculise lorsque les choses traînent en longueur, ce qui en dit long sur les difficultés de lancer des technologies révolutionnaires, et surout de les fiabiliser.
Ceci ne signifie pas, comme on peut le lire ou l'entendre ici ou là, que cette marque n'est qu'un produit marketing, que ce n'est qu'un assembleur, les projets V4 et calibre 360 en sont les meilleures preuves, mais également tout ce qui va sortir d'ici 5 ans environ.
Un produit mal compris, c'est la Carrera: le modèle d'époque n'a pas toujours été motorisé par des calibres intéressants, il y eut certes le valjoux 72, mais le 7750 actuel n'est pas le pire que la marque ait connu et de plus, la conception de cette Carrera actuelle a été définie avec la collaboration de Jack Heuer, qui fut le concepteur du modèle original de 1964, ce qui en dit long sur la légitimité du produit.
Le gros progrès qui reste encore à accomplir, pour TAG-Heuer, c'est d'adapter le timing du marketing avec celui de la commercialisation des nouveautés, et ne pas se lancer dans les effets d'annonce qui ne débouchent que sur des reports pré-programmés.