Bonjour
-Vous savez Berthier...J'ai beaucoup souffert. Tenez, je me souviens de cette époque avant l'exposition universelle de 1900, où ces femmes me faisaient sauter sur leur genoux. On a perdu, cette affection naturelle envers les enfants. C'est la grande guerre, celle de 14 qui a tout ruiné. Je revois mon père partir à la guerre. Oh, il n'allait pas loin. Il était réserviste de la défense passive. Papa avait fait ce qu'il fallait pour échapper eu front. J'avais 17 ans ... Moi aussi , j'aurais pu m'y retrouver . Heureusement qu'on avait un pied à terre en Suisse. Il en fallait du courage vous savez pour traverser la France et croiser tous ces types à pieds qui allaient vers la mort. Ca m'a laissé des images. Ah ça oui ...J'en ai plein la tête des images. J'ai tellement souffert.
Après mon pauvre Berthier, j'ai connu ma première femme à ce moment là. Une fille de famille. Son père était industriel dans le textile à Troyes. Les filatures ça rapportait bien à l'époque. J'ai fait l'amour avec cette femme des nuits entière Berthier ! Elle avait des jambes , des jambes ! Il faut dire que le fait de savoir que tous mes amis étaient en train de se faire massacrer ne donnait pas envie de dormir.
Je ne vous raconte pas les années 20 ... J'ai rencontré Suzanne à ce moment là... Une femme fidèle, oui fidèle et je l'ai épousée. La précédente Berthier ? Morte, je l'ai retrouvée étouffée... C'est marrant vous voyez parce que mon chien Max est mort de la même chose en 1947 quand il a fait si chaud. La langue a gonflé et il s'est étouffé.
La seconde guerre fut rude Berthier. Le commerce avec les allemands était dur. Ils exigeaient des prix d'amis et il m'ont pris ma Victorine. Victorine je l'avait épousée au début de la guerre. Une russe qui n'avait que sa fortune héritée d'un Tsar. Une fortune colossale... J'en ai encore le vertige de voir dans mon coffre ces kilos de métaux précieux... Tenez, l'hotel particulier où nous avons ces bureaux fut construit pas ses parents.
Ce qu'elle est devenue ? Elle est morte après la guerre de Corée, mordue par un écureuil qui avait la rage.
Vous voyez, je me demande si la plus belle période n'est pas celle où je vivais en Algérie. Ces gens aimaient ma famille. Non, je n'ai jamais cherché à savoir ce qu'ils étaient devenus...
Ne me parlez pas de mai 68 Berthier, ce fut la catastrophe... De Gaulle avait bien changé et Pompidou se moquaient des riches. Ce fut un calvaire, ce type était plus à gauche que Giscard ! Il était quelque part entre Fabius et Chirac. J'ai acheté beaucoup de tableaux pour ne pas distiller mon patrimoine ... Vous voyez, je voulais léguer aux enfant que j'ai eu avec Anne Sophie que j'ai épousé en 79 un vrai patrimoine... Je ne savais pas que je rencontrerai Annita en 86 et puis Edwige en 94.
Mais la femmme de ma vie sera j'en suis certain Elisa...Elle n'a pas loin de votre âge mon petit Berthier, elle est née presque le même jour que vous mais 15 ans plus tard !
-Monsieur Mosbilo ?
-Oui Berthier, je sais...Ce ne sont pas les années qui font les sentiments ... Bon allez Berthier, votre entretien annuel était bien intéressant mais j'ai plein de rendez-vous ...
-C'est que monsieur Mosbilo...
-Voyez mademoiselle Jeanne , je vous prie.
Des Berthier qui ne sont là que pour écouter des Mosbilo qui ont vécu 50 vies on en connait des centaines... Dans l'entreprise , c'est la qualité de l'écoute qui fait la qualité des cadres. Les grands dirigeants ont besoin de beaucoup d'écoute. eux sont sourds mais après tout, il vaut mieux qu'ils n'entendent pas ce qu'ils font supporter aux autres.