Bonjour
Maurice Perlouflard habite un pavillon de banlieue au nord de Paris, il partage son humble maison avec Gisèle Perlouflard sa femme depuis 1952. Chaque jour, Maurice remonte le carillon familial face à sa femme assise dans le canapé avec un tricot en cours sur les genoux.
Chaque jour, Maurice Perlouflard corrige la légère avance des aiguilles et peste contre l'horloger qui a réglé cette chose en décembre 1951. C'est un acte important dans la famille Perlouflard que de remonter ce carillon...
Une fois sa besogne faite, Maurice allume la télé sur la deuxième chaine et s'assure que rien, non rien n'obstrue le champ de vision de Gisèle.
Maurice va ensuite dans le jardin fumer une cigarette et passe l'aspirateur. Il évite soigneusement les pieds de table, le bas des meubles et les pieds de Gisèle. C'est qu'elle en a produit de la poussière Gisèle entre 1957 et 1961 quand son corps sec s'est effrité, laissant tomber à ses pieds cheveux, peaux et chaires. Oh, juste avant, ce n'était pas beaucoup mieux. Le sol était collant sous ses pieds et il a fallu aérer le salon presque toute la journée, même l'hiver et le carillon réveillait les voisins la nuit.
Malgré la tradition qui fait arrêter les pendules en présence d'un mort dans la maison, Maurice n'a jamais accepté d'arrêter le carillon. Sa peur de la solitude lui a fait refuser la perte de Gisèle et plus de 50 ans après, il lui parle encore chaque jour. Il lui dit toujours la même phrase que lorsqu'elle vivait : "Il va pleuvoir, j'ai mal dans le bas du dos". Comme de son vivant, Gisèle ne répond rien. Maurice ne l'a jamais su mais Gisèle aimait profondément Hector avec qui elle avait vécu quelques semaines d'amour fou.
Maurice n'a jamais voulu refaire sa vie par fidélité disait-il et puis Gisèle s'était bien stabilisée dans le canapé. Le silence laisse parfois planer un doute favorable. La vérité serait apaisante, encore faut-il savoir l'exprimer.