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L'horlogerie suisse craint pour la fourniture de ses composants
mardi 16 février 2010
par Silke Koltrowitz
ZURICH, 16 février (Reuters) - L'industrie horlogère helvétique, à peine remise de la crise économique, connaîtra des bouleversements importants si Swatch Group (UHR.VX:
Cotation) met à exécution sa menace de ne plus fournir de composants à des tiers via sa manufacture ETA.
Les marques qui ont davantage investi ces dernières années dans la publicité que dans leur outil de production, s'inquiètent de cette menace, dont la nouvelle est tombée à la mi-décembre dans la presse suisse romande
"Nous voulons mettre un terme à cette attitude de supermarché qui n'est pas bonne pour l'industrie horlogère suisse", tonne Nick Hayek, directeur général de Swatch Group, faisant écho à la détermination de son père Nicolas, président du groupe, de ne plus livrer de composants.
"Tout le monde doit investir dans la production. Certains ont préféré ouvrir leur bourse pour le marketing au détriment de l'essentiel qu'est le contenu de la montre", estime-t-il.
Certaines marques ne disposent pas de leur propre outil de production.
Pierre Landolt, président de la Fondation de Famille Sandoz, estime que, si la menace est mise à exécution, cela provoquera un important mouvement de consolidation de l'industrie horlogère.
"Les marques dépourvues de recherche et développement et de production propre devraient investir, rejoindre un groupe ou abandonner", dit-il. "Beaucoup de petites marques récentes risqueraient de disparaître."
LE MALHEUR DES UNS...
"Dans aucune autre branche, on ne se repose sur un seul groupe, qui est en même temps un compétiteur de taille, pour un composant essentiel du produit final", déplore-t-il.
Sa fondation est active dans l'horlogerie via la marque Parmigiani Fleurier, la manufacture Vaucher, qui produit aussi des mouvements pour des tiers, et la société Atokalpa, spécialisée dans les composants.
Une vague de consolidation profiterait à Swatch Group, Richemont (CFR.VX:
Cotation), LVMH (LVMH.PA:
Cotation) ou encore Rolex, en un mot à tous ceux qui disposent des moyens de faire les investissements nécessaires et avaler les concurrents en difficulté.
Jean-Claude Biver, directeur général de Hublot, contrôlé par LVMH, a déjà racheté le parc de machines et engagé une trentaine d'horlogers de son fournisseur BNB Concept déclaré en faillite fin janvier.
"Nous achetons de moins en moins de composants des fournisseurs tiers et envisageons d'augmenter notre verticalisation industrielle", dit-il.
Comme Audemars Piguet, la marque a récemment ouvert sa propre manufacture.
Chez Patek Philippe, une porte-parole explique que l'indépendance technique est d'ores et déjà importante, "même si, comme pour l'ensemble de l'industrie, nous devons nous fournir à l'externe pour certains composants".
L'écrasante majorité des maisons horlogères helvétiques ont en effet recours à ETA, ou encore Sellita, spécialisé dans la construction et l'assemblage de mouvements mécaniques, et Dubois & Dépraz, qui conçoit et fabrique des complications.
UN RISQUE POUR LE "SWISS MADE"
En cas de pénurie de pièces, les horlogers suisses pourraient se tourner vers l'Asie, moins chère. "Ce danger existe déjà aujourd'hui", explique Pierre Landolt, craignant une entrave à la réputation du "Swiss made".
Il semble donc essentiel de laisser aux marques le temps d'aviser.A court terme, l'arrêt de livraison de composants serait "insupportable et inimaginable" pour le secteur, juge Jean-Claude Biver. "Mais dans un délai de 15 à 20 ans, je pense que ce ne peut finalement être que positif. Cela va stimuler notre métier et la création de substance horlogère se verra considérablement accrue."
Pour bien se préparer et peut-être limiter le nombre d'éventuelles plaintes, Swatch Group a dit vouloir soumettre une proposition à la Commission de la concurrence.
"Ils ne sont pas obligés de nous prévenir mais ils risquent des mesures provisionnelles s'ils annoncent vouloir arrêter la livraison de composants du jour au lendemain", explique le porte-parole de la Commission, Patrik Ducrey.
Un précédent pourra servir d'exemple. En 2002, ETA annonçait son intention de suspendre la livraison d'ébauches au début 2006. Une enquête de la Commission de la concurrence avait débouché sur un accord amiable. ETA cessera finalement de livrer des ébauches au début 2011.
http://fr.reuters.com/article/frEuroRpt/idFRLDE61F0RI20100216?pageNumber=4&virtualBrandChannel=0