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| Sujet: Actu : Swatch : la vie après Nicolas Hayek... Mar 18 Jan 2011 - 3:03 | |
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Swatch : la vie après Nicolas Hayek...
Six mois après la disparition de son charismatique fondateur, le groupe horloger vit encore dans le souvenir de Nicolas Hayek. Désormais à la tête de l'entreprise, son fils, Nick, partage la même vision des affaires et poursuit son combat pour le « Swiss made ».
Ecrit par FREDERIC THERIN
Son immense photo trône toujours à l'entrée du bâtiment sans charme qui abrite le siège de Swatch à Bienne, en Suisse. Avec ses quatre montres aux poignets, Nicolas Hayek est bien là, toujours là... Le temps semble s'être arrêté dans ce petit immeuble de quatre étages construit tout près d'une voie ferrée. Assises derrière de modestes comptoirs vitrés, les deux réceptionnistes répondent au téléphone. Sur des chaises en métal et au cuir élimé, des visiteurs attendent que leurs hôtes viennent les chercher. Il y a maintenant plus de six mois que le fondateur du premier groupe horloger au monde a succombé à un arrêt cardiaque, le 28 juin, derrière son bureau. Mais son ombre plane toujours dans ces locaux. A l'étage de la direction, on croit même... sentir sa présence. Les effluves de cigare continuent de chatouiller les narines des salariés. L'unique fils de Nicolas, Nick, qui lui a succédé, a hérité de son père un amour non dissimulé pour les impressionnants barreaux de chaise qu'il fume à longueur de journée. Là n'est pas leur seul point commun. Les deux hommes sont en effet connus pour leur franc-parler et leur haine des spéculateurs financiers. « Le mimétisme est incroyable, confirme Olivier Muller, un consultant horloger. Nick est une copie conforme de Nicolas. » Personne ne s'en plaindra à Bienne... « Cela va vous sembler étrange, mais, dans ma tête, je continue de parler à Nicolas Hayek, explique, très émue, une proche collaboratrice qui a travaillé à ses côtés durant de nombreuses années. Je lui demande des conseils en le vouvoyant, comme je l'ai toujours fait. »
La statue du « Commandeur » d'origine libanaise n'est pas facile à déboulonner. « Son départ a été tellement inattendu, reconnaît Nick Hayek. Il est difficile de croire que ce bonhomme si plein d'énergie n'est plus là. On peut parfois tomber dans la mélancolie. »
Complémentarité
Sa succession semble pourtant s'être passée sans encombre. « Tout était préparé pour assurer la continuité du groupe, assure son fils. La passation des pouvoirs a été claire et tranquille. Son décès a eu lieu un lundi. Ma soeur, Nayla, a été nommée à la présidence le mercredi. Et trois jours plus tard, nous avons organisé une cérémonie de commémoration à Berne pour plus de 1.000 personnes. » Cette rapide transmission des pouvoirs a rassuré les analystes. Mais signifie-t-elle vraiment que rien ne va changer chez Swatch ? Si le fils Hayek ressemble étonnamment à son père, les deux hommes ne sont pas non plus des copies conformes...
« Nous étions complémentaires, explique Nick. [Mon père] était peut-être plus penché sur les chiffres, et moi je suis plutôt du côté de la créativité. » Ce féru d'hélicoptère, qui possède une licence de pilote, a pourtant longtemps refusé de travailler pour le groupe familial. Passionné de septième art, il a étudié au Conservatoire libre du cinéma français (CLCF) de Paris, avant de fonder au milieu des années 1980 une société de production baptisée Sésame Films. Il participera à plusieurs séries documentaires pour la télévision suisse, ainsi qu'à des courts métrages. L'un d'entre eux sera même sélectionné au Festival de Cannes. En tant que producteur et réalisateur, il a tourné deux films, « Das Land von Wilhelm Tell » et « Family Express » avec Peter Fonda. Mais son heure finira par sonner chez Swatch. Pour l'attirer à lui, Nicolas a commencé par lui demander d'organiser plusieurs expositions pour la marque, dont celle du Lingotto à Turin. En 1994, Nick rejoindra finalement la société horlogère au poste de directeur marketing. Et, en 2003, il se retrouvera propulsé au poste de directeur général. Officiellement aux commandes, il continuera toutefois de travailler la main dans la main avec le fondateur. « Il n'y avait aucun pré carré entre mon père et moi, note Nick. Nous n'avions aucun secret l'un pour l'autre. Nos bureaux étaient proches et nous nous parlions sans cesse de manière totalement informelle. » Cette manière très ouverte de collaborer semble être toujours de mise entre le directeur général et sa présidente de soeur. « La porte entre nos deux bureaux est toujours ouverte, confirme l'intéressé. Il n'y a aucun formalisme hiérarchique inutile entre nous. Elle connaît très bien le groupe. Elle est responsable depuis longtemps de la marque Tiffany et du Moyen-Orient. Ma soeur est très forte et son caractère est proche de celui de mon père. »
Une recette qui a fait ses preuves
Entre les deux héritiers, la séparation des pouvoirs semble toutefois plus claire que dans le passé. « Nayla Hayek ne sera pas très impliquée dans la gestion quotidienne du groupe, pense René Weber, de la banque Vontobel. Elle ne connaît pas bien non plus les analystes financiers et les journalistes. Elle n'a d'ailleurs donné qu'une seule importante interview depuis sa nomination à la présidence. Je pense qu'elle va clairement laisser son frère représenter le groupe à l'extérieur, car lui est déjà connu. » Quant à la gestion quotidienne de ce véritable empire horloger aux 19 marques et aux 24.000 salariés, les experts ne s'attendent pas à de grands virages stratégiques. Après tout, pourquoi changer une recette qui fonctionne ? A en croire le directeur général, 2010 a été « une année record, et il n'y a pas de raison pour que 2011 ne soit pas encore meilleure ».
Le secret de Swatch ? Un contrôle obsessionnel d'un bout à l'autre de la chaîne, de la fabrication à la commercialisation. Chaque jour, Nick Hayek va jusqu'à suivre sur son ordinateur les ventes des magasins les plus importants : « Je sais combien d'exemplaires de telle ou telle montre se sont vendus à Singapour, ou sur la 5e Avenue à New York, ainsi que l'origine de leurs acheteurs. Tout cela me permet d'avoir une idée exacte de l'évolution du marché. » Et de ne pas céder à la panique... « En février 2009, j'étais le seul de toute l'industrie à dire que l'horlogerie allait connaître cette année-là un ralentissement relativement léger. Notre secteur, comme d'ailleurs tous les autres, était devenu hystérique, se souvient le patron du groupe suisse. Certains prévoyaient une baisse de 50 % à 60 % de leurs ventes, mais, nous, nous avons toujours tablé sur un repli d'environ 6 % à 10 %. Nous n'avons donc licencié personne car nous savions que cette panique ne se justifiait pas. » L'incroyable reprise des ventes mondiales d'horlogerie enregistrée l'an dernier lui a donné raison...
Si le fils et le père Hayek semblent avoir la même vision des affaires, ils partagent aussi les mêmes combats. Nick déteste autant les banquiers que Nicolas, qui avait d'ailleurs autofinancé toutes ses acquisitions afin de ne pas s'endetter. Son dernier cheval de bataille : la dévaluation du franc suisse, qui aurait, selon lui, le mérite de « dégoûter les spéculateurs »... La flambée de la devise helvétique coûte, il est vrai, très cher à sa société. « 95 % de nos produits sont fabriqués en Suisse, commente le directeur général. Nos coûts sont donc en francs suisses. Lorsque notre devise augmente d'e 1 centime par rapport au dollar, notre chiffre d'affaires baisse automatiquement de 28 millions de francs. Si le franc avait été stable l'an dernier, nos revenus auraient été supérieurs d'environ 700 millions de francs à ceux que nous avons enregistrés. » Comme son père, Nick est également un fervent défenseur du « Swiss made », qui permet aux groupes locaux de vendre leurs produits à un prix élevé. Comme tous les adhérents à la Fédération de l'industrie horlogère suisse, Swatch Group se bat pour que ce label soit accordé aux montres mécaniques contenant 80 % de composants suisses, et non 50 % comme c'est le cas aujourd'hui. « Si vous jouez avec les appellations d'origine et que vous mettez en toute légalité quelques composants chinois ou japonais dans votre montre suisse, vous mettez toute l'industrie horlogère locale en danger, se justifie le successeur de Nicolas Hayek. C'est comme si une bouteille de bordeaux pouvait contenir quelques gouttes de vin algérien sans enfreindre aucune loi. »
Position dominante
Une logique qui a poussé le groupe à renforcer sans cesse ses propres capacités de production. Au point d'occuper une position quasi monopolistique dans la fabrication de certains composants horlogers. A son corps défendant, assure son patron : « Nous n'avons pas cherché à être dominants. Lorsque mon père a lancé Swatch, plus personne en Suisse ne croyait en l'horlogerie mécanique. Les montres mécaniques n'existeraient plus aujourd'hui si nous n'avions pas été là. » Visiblement agacé par ceux qui lui reprochent d'occuper trop le terrain, Nick Hayek s'en prend aux autres grandes marques nationales, qui rechignent à se lancer dans « l'aventure industrielle » : « Beaucoup d'horlogers communiquent massivement sur leur prétendue manufacture en se payant des pleines pages de publicité dans les journaux, mais ils trompent le consommateur, s'emporte le directeur général de Swatch. Ils continuent de nous acheter des mouvements à 250 francs pour les mettre dans des montres qu'ils revendront 10.000 francs, voire même plus cher ! » « Au lieu de placer tout leur argent en Bourse, ces grands patrons financiers feraient mieux d'investir dans des usines, poursuit-il, pas pour faire du show-business, mais pour y produire ! Pour certains, il semblerait que détenir des usines n'est pas assez sexy... » Le genre de discours à l'emporte-pièce que n'aurait pas renié son père...
FREDERIC THéRIN, Les Echos
http://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/grande-consommation/actu/0201061127823.htm _________________ Contraria contrariis curantur. (Les contraires se guérissent par les contraires).
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fitz Membre très actif
Nombre de messages : 287 Age : 51 Localisation : la manche Date d'inscription : 25/12/2008
| Sujet: Re: Actu : Swatch : la vie après Nicolas Hayek... Mar 18 Jan 2011 - 4:13 | |
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