Des horloges atomiques pour être de plus en plus "à la seconde près"
Des horloges atomiques pour être de plus en plus "à la seconde près"
© Creative Commons - RobDebo
Des scientifiques français viennent de mettre au point deux horloges qui pourraient permettre de redéfinir la seconde avec plus de précision. Leur trouvaille pourrait améliorer la géolocalisation, même si des obstacles subsistent.
Par Sébastian SEIBT (texte)
Ce ne sont pas des horloges qui garniront le salon de mémé, et pépé ne pourra sûrement pas s’offrir ces coucous-là. Les deux horloges mises au point par le laboratoire LNE-Syrte (Système de référence temps espace) de l’Observatoire de Paris remplissent chacune une pièce entière. Dans un article publié mardi 9 juillet dans la revue américaine "Nature Communications", les chercheurs français à l'origine du projet en détaillent le fonctionnement. Leurs travaux pourraient, dans un futur plus ou moins proche, donner un nouveau sens, plus précis, à l’expression “à la seconde près”.
La définition actuelle de la seconde remonte, en effet, à 1967. Elle se fonde sur les horloges atomiques au césium. Cette particule oscille 10 milliards de fois par seconde ce qui permet “d’avoir une exactitude de la seconde au 16e chiffre après la virgule près”, précise à FRANCE 24 Rodolphe Le Targat, l’un des deux physiciens, avec Jérôme Lodewyck, qui ont rédigé l’article dans "Nature Communications". Pas mal. Mais les équipes de l’Observatoire de Paris prouvent qu’il est possible de faire mieux.
Horloge atomique - Principe par aqenaton
Pour ce faire, ils ont changé d’atome. “Nos deux horloges qui utilisent du strontium battent la mesure 40 000 fois plus vite que celles au césium”, explique Rodolphe Le Targat. Ainsi, s’il y a des erreurs de comptage, l’impact est beaucoup moins important puisqu’il y a beaucoup plus d’oscillations par seconde. Ce physicien estime que leurs horloges atomique sont “environ deux fois plus précises” que les meilleures horloges qui sont utilisées pour définir le temps officiel."Et surtout, nos deux horloges sont en accord à un niveau qui dépasse d’ores et déjà la précision de la définition actuelle de la seconde", ajoute-t-il.
Google Maps et la faute au césium
L’Observatoire de Paris n’est pas le seul à vouloir inventer une nouvelle ère des horloges atomiques. “Il y a une douzaine d’équipes de chercheurs dans le monde qui y travaillent actuellement”, reconnaît Rodolphe Le Targat. Et dans cette course à la seconde, ce sont ceux qui construisent des horloges à ions qui sont, actuellement, à la pointe de la précision. “Le travail sur les ions a débuté il y a une quarantaine d’années, alors que le strontium n’est utilisé que depuis une décennie, mais nous sommes justement en train de rattraper notre retard”, se réjouit Rodolphe Le Targat.
Que reproche, en fait, ces scientifiques à la seconde telle que nous la connaissons depuis plus d’un demi-siècle ? “Améliorer la précision peut avoir un impact concret sur tout ce qui nécessite une synchronisation précise”, assure Rodolphe Le Targat. C’est, par exemple, le cas pour le GPS. Chaque satellite GPS est équipé d’une horloge atomique au césium, qui est centrale pour la précision de la géolocalisation. “La distance entre l’émetteur [comme un smartphone, NDLR] et le satellite est déduite en fonction du temps de transmission des données, chronométré par l’horloge embarquée dans chaque satellite de la constellation GPS par exemple”, explique Rodolphe Le Targat. Lorsque Google Maps se trompe, ainsi, de quelques mètres, c’est donc un peu la faute au césium.
Reste maintenant à faire accepter une nouvelle définition de la seconde. “Ce serait prématuré”, prévient Rodolphe Le Targat. Il estime qu’on ne sait pas encore quelles horloges atomiques - aux ions ou aux atomes neutres tel que le strontium - se révèleront les plus précises. “Il faut d’abord tester les limites des deux techniques”, affirme-t-il. Ensuite, contrairement aux horloges atomiques au strontium ou aux ions, celles au césium sont transportables et peuvent être réduites à une taille leur permettant, par exemple, de s’envoler dans l’espace à bord d’un satellite. Un obstacle pratique qui fait que “nous sommes encore loin du stade où nous pourrions fabriquer en série ces nouvelles horloges”, regrette Rodolphe Le Targat. Mais ce n’est au final qu’une question de temps...