12 décembre 1917 - Saint-Michel de Maurienne
Ce 11 décembre 1917, le chef de gare de Bassano del Grappa s'apprête à siffler de départ de l'un des plus longs trains de voyageurs jamais composés en Italie. Associant du matériel français et italien, le train va emmener en permission 1200 hommes de troupe et officiers qui avaient été envoyés en renfort dans le nord-est de l'Italie après la défaite des troupes italiennes lors de la bataille de Caporetto du 24 octobre 1917. C'est la Direction des Transports militaires aux Armées qui a en charge ce rapatriement.
Avec dans la main droite sa montre de poche Longines commandée spécialement 5 ans plus tôt par la compagnie Italienne des chemins de fers et son sifflet dans la main gauche, regardant au loin pour voir à plus de 350 mètres de la locomotive, la queue du train long de 17 voitures toutes en bois. La trotteuse de la Longines va pointer le 12 quand le chef de gare siffle longuement et donne le signal du départ. La locomotive dans un vacarme terrible commence à avancer distribuant la puissance du moteur aux roues taillées dans l'acier. La vapeur envahit le quai et le train avance à la grande satisfaction des soldats qui applaudissent autant par joie de rentrer enfin chez eux que pour saluer l'exploit mécanique qui les entraîne.
Le train arrive à Turin un peu après 15h 30, le 12 décembre 1917 à Turin et il est orienté vers le tunnel du Mont-Cenis transitant par la vallée de de Suse. Le train immense représente avec ses voyageurs, plus de 530 tonnes, soit un poids bien supérieur à ce que la locomotive peut tirer dans la montée vers le tunnel. C'est donc divisé en deux rames à partir de la gare de Bardonèche que le train va accéder à la gare de Modane où les deux rames seront rassemblées pour reformer le train de départ. La manœuvre est un peu longue et la plupart des officiers profitent de trains civils pour repartir en avance.
Il est 22h 47 quand le chef de gare Modane donne le signal du départ vers Chambéry. 14 kilomètres plus loin, le train déraille juste avant Saint Michel de Maurienne au lieu dit La Saussaz. Toutes les voitures sont dotées d'un système de freinage automatique continu et d'un système manuel. Au départ du train, le système de freinage automatique ne restera activé que sur les quatre premières voitures, il est inactif sur les autres voitures. Sept employés garde-freins sont répartis sur ces véhicules pour assurer un freinage manuel. Ce type de freinage est courant sur les trains de marchandise et les transports de militaires.
Les témoins survivants expliqueront qu'après la gare de Modane, le début de la descente fut normal jusqu'à Freney, peu après Modane. Le train accéléra alors sans cesser de prendre de la vitesse excessive. Lancé à plus de 150 km/h après Orelle il était manifestement incontrôlable et les freins insuffisants pour le ralentir.
Malgré le sifflet actionné par le conducteur de la locomotive pour alerter les serre-freins, le train déraille 1300 mètres avant la gare de Saint-Michel de Maurienne .
Les voitures s'écrasent contre un mur de soutènement d'une tranchée auprès de Saussaz et prennent feu immédiatement. L'incendie dure plus de 30 heures et seul le fourgon de tête, la première voiture, le fourgon de queue ainsi que les deux dernières voitures ne sont que partiellement accidentés et non détruits par le feu.
Le bilan est le plus lourd de l'histoire avec 425 morts et 250 blessés. L'armée va censurer l'information. Les cheminots inquiétés un temps seront finalement acquittés et aucun militaire ne sera mis en cause, même l'enquête démontra que le mécanicien avait averti des dangers. De nombreux soldats mourront ultérieurement de leurs blessures.