La "crise du quartz" à la lumière de l'actualité horlogère

Voici un article très intéressant de Pierre-Yves Donzé (historien et professeur associé à l’université de Kyoto, spécialiste de l'histoire de l'industrie horlogère, de l'histoire économique et sociale de la Suisse et du Japon) sur la prétendue "crise du quartz". Cet article est sûrement déjà apparu sur FAM mais je trouve qu'il est intéressant de le relire, en particulier à la lumière de la crise actuelle.

La crise horlogère suisse de 1975-1985 revue et corrigée.

Pour faire court, PYD explique la crise par le fait que l'industrie horlogère Suisse s'est reposée sur ses lauriers après la fin de la seconde guerre mondiale. Pour expliquer un peu mieux, voici quelques extraits de ce qu'il dit mais je vous incite vraiment à lire l'article pour profiter de son analyse plus complète.

Citation :

"De tout temps, la mémoire collective helvétique a enregistré que l’essor des montres à quartz japonaises était responsable du déclin de l’horlogerie helvétique pendant une décennie.C’est une légende! En fait, la Suisse était endormie depuis la fin de la guerre"

"La plupart des historiens et des économistes qui ont abordé la crise horlogère de 1975-1985 expliquent celle-ci comme la conséquence de l’arrivée sur le marché de montres à quartz, une innovation en laquelle les patrons horlogers suisses n’auraient pas cru, en raison de leur esprit conservateur, et qui aurait permis aux Japonais de s’imposer. Parmi les autres facteurs généralement cités, mentionnons le manque de rationalisation, la cherté du franc et le choc pétrolier, sans que ceux-ci soient pourtant intégrés en une explication générale, comme si leur seule simultanéité en faisait des facteurs explicatifs."

Je trouve le parallèle avec la situation actuelle intéressant, même si aujourd'hui on parle de montre connectée plus que de quartz, de politique anti-corruption en Chine plutôt que de choc pétrolier etc.

Comme toujours, l'histoire se répète, il semblerait que l'industrie horlogère Suisse se soit un peu voilé la face sur les tenants et les aboutissants de la crise de 75-85, n'en ait pas tiré de vraie leçon et fonce une fois encore droit dans le mur avec, certes, des conditions différentes mais le même problème de fond, celui d'une industrie qui se repose sur ses lauriers au lieu d'innover, évoluer et aller de l'avant.

Arnaud.A a écrit:

l'industrie horlogère Suisse s'est reposée sur ses lauriers après la fin de la seconde guerre mondiale.

Ça n'a pas changé...

Et je doute que ça change un jour, si la crise du quartz n'y a rien changé...

Ce n'est pas exactement la même situation car à l'époque on achetait une montre mécanique pour avoir l'heure et ça il ne faut pas l'oublier.

Avant le quartz on trouve pas mal de mouvement bon marché dont la finalité était de donner l'heure plus au moins juste pour un petit prix.
Ne pas oublier non plus qu'une bonne partie de la clientèle souhaitait simplement avoir l'heure juste, alors quand le quartz est arrivé moins cher et plus précis comment lutter ?

Alors qu' aujourd'hui , on achète une montre mécanique pour à voir l'heure avec  un certain "style", clientèle plus restreinte mais avec un plus gros budget.......

Il ne faut pas oublier que les montres à quartz sont devenues abordables quand la crise Suisse était déjà installée ! Ce n'étaient pas des montres peu chères ! Il n'y a qu'à voir les catalogues de Seiko des années 70. Par exemple, les Grand Seiko VFA (avec les mouvements qui ont fait les concours de chronométrie) coutaient 110,000¥, les Grand Quartz, Quartz Superior etc coutaient au moins 150,000¥. Les quartz normaux coutaient le prix d'une GS. La première Seiko Astron de 1969 coutait le prix d'une petite berline.

En plus, comme le dit l'article de Donzé, "Les entreprises horlogères suisses maîtrisent ainsi dans les années 1960 la production en masse de montres mais, à l’exception de Rolex, elles n’adoptent pas ce mode de production pour les produits de qualité. Il y a une véritable bipolarisation entre des montres de qualité dont la production n’est pas rationalisée et des montres bas de gamme fabriquées en masse. Or, c’est précisément la fusion de ces deux modèles, soit la production en masse de montres de qualité, qui permet aux fabricants japonais de s’imposer sur le marché mondial comme les véritables challengers de la Suisse." Donc oui, il y a des montres bon marché mais ce n'est pas ce sur quoi s'appuie l'industrie horlogère Suisse.

Mais je suis d'accord avec toi, la situation est différente et la crise n'est pas la même, c'est ce que j'essayais de dire. Mais comme je le disais, le problème de fond me semble être le même: une industrie qui se repose sur ses lauriers au lieu d'innover, de s'adapter et d'aller de l'avant.

Tout le monde sait que le quartz n'y était pour rien dans la crise horlogère des années 80.C'était juste l'excuse.

Comme l'est actuellement la montre connectée.

L'histoire se répète...

Je ne partage pas le fait qu'en 70 les maisons se reposaient sur leurs lauriers.

Quelques faits que j'ai en tête:
Augmentation des fréquences à 28800
Montre à diapason
Montre électromécanique
Passage du plexi au verre
Mouvement sans entretien 'tissot autolub'
...

Alors oui au début les quartz étaient chers mais avec la montée en cadence les prix ont chuté.

Lorsque une technologie est supérieure aux autres il ne peut y avoir à mon sens qu'une décision politique pour en freiner le déploiement.

Posons nous la question de savoir ce qu'aurait pu être une alternative au quartz si les suisses avaient injectés des milliards en R&D.

Personnellement dans la continuité des montres mécaniques je ne vois rien pouvant faire face au quartz.

Sinon, Aujourd'hui il y a encore des innovations mais qui sont plus "histoire de" comme l'augmentation des réserves de marche.
Les 2 dernières vraies innovations sont pour moi les antichocs et les spiraux amagnetiques, le reste c'est accessoire.

C'est vrai que dire qu'ils se sont reposé sur leurs lauriers, c'est un raccourcit. Après, il y a eu quelques petites innovations techniques mais rien de suffisant pour éviter la crise, principalement au niveau de la rationalisation de l'outil de production (ça c'est pas moi qui le dit, c'est Donzé ). Le quartz n'a été qu'un catalyseur mais il y avait beaucoup d'autres soucis, redevables ou non aux horlogers, que l'article met bien en avant.

A mon sens, Seiko (qui a toujours beaucoup invertit en R&D) ont proposé une réponse intéressante avec le kinetic, plus intéressant que le simple quartz tout en restant dans des petits budgets, et surtout avec le Spring Drive qui est pour moi le meilleur des deux mondes entre mécanique et quartz, c'est une technologie qui pour moi est dans la continuité du mécanique et peut faire face au quartz comme tu dis.

Vu que tu ne trouves pas que les maisons se reposaient sur leurs lauriers à cette période, tu vois quoi comme causes à cette crise du coup? Simplement l'arrivée du quartz?

De toutes façons même si c'était le quartz qui a aggravé les difficultés des suisses ceux ci connaissaient le potentiel du quartz et auraient peut être du prendre les devants. Par exemple en utilisant l'association qui a crée le beta 21 pour faire un mouvement pas cher sans vis de reglage, thermocompensation et tout le bazar.

Disons que le quartz a été le coup de grâce d'une industrie qui aurait pu sortir la tête de l'eau sans cela.

Sinon le springdrive est un bel objet d'ingénieur mais qui ne présente pas d'avantage face au quartz pour donner l'heure.

Le seul vrai concurrent du quartz c'est l'omniprésence de l'heure sur nos écrans d'ordi, smartphone,etc...
Il serait d'ailleurs intéressant de voir l'évolution des ventes de montre à quartz sur les 20 dernières années.

@willbur: ah d'accord je comprends mieux ce que tu voulais dire par alternative au quartz.

@Clickeur: Si le Beta21 avait été fiable et commercialisable avant le mouvement de Seiko, ils l'auraient fait. A l'époque, on ne pondait pas un mouvement thermocompensé par cher. On ne sortait même pas un mouvement quartz pas cher Si Seiko a commercialisé son quartz en premier, c'est bien parce que le Beta21 n'était pas abouti et commercialisable. Les montres qui en ont été équipées n'ont pas marqué l'histoire. Et ce n'est pas une question de moyens vu que 21 marques Suisses se sont associées en hâte quand ils ont senti arriver le vent d'est mais c'était trop tard... Mais ça, c'était juste une catalyseur, la machine était déjà en route !

Je ne trouve pas que Omega par ex se repose sur ses lauriers ...

Peut être qu'ils se dispersent un peu trop, mais il y a de nouveaux matériaux, le coax ...

Il y a par contre peut être une lassitude de ces prix toujours plus haut et ce sentiment de ne pas acheter au juste prix.

Axer une grosse partie de sa comm' sur un évènement qui s'est passé il y a presque 50 ans, c'est quand même pas non plus trop regarder vers l'avant

C'est parce que tu regardes ça avec tes yeux de FAMeur ...

Blague à part, regarde le site off, ils en parlent oui, mais pas que

Beaucoup de video également, et pas que sur les speed. Si si c'est vrai.

Heureusement qu'ils ne font pas que ça ! Après je ne connais pas assez la marque mais j'ai pas l'impression qu'ils innovent non plus énormément. Les prix augmentent de manière dingue, ils sortent principalement des "nouveaux" modèles inspirés d'anciens... C'est vrai que le coax est un bon mouvement et ils ont eu du flair de ce côté là...en 99 ! Bon, heureusement que le mouvement a évolué depuis aussi
Mais après la comm' d'Omega, c'est beaucoup la lune, James Bond, les JO, George Clooney. Voilà les trois trucs qui me viennent au tête. Mais j'espère bien qu'Omega c'est pas que ça !
Je veux pas non plus qu'on croit que je dénigre totalement Omega, ce n'est pas le cas (d'ailleurs je cracherais pas sur une petite AT bleue un jour ou l'autre ) et c'est vrai qu'ils font mieux que les petites boites qui ne font qu'emboiter de l'ETA/Unitas/Sellita qu'ils revendent à prix d'or.
Mais c'est une maison qui ne me donne pas l'impression d'être tournée vers l'avenir ou de fournir les efforts pour s'adapter à la situation actuelle.

Nous sommes d'accord pour bon nombre de maisons Suisses

Mais je pense que Omega et Rolex sortent un peu du lot. Ce n'est que mon avis.

Oui, tout à fait