Les montres qui sortent aujourd'hui ont été fabriquées l'année derniére -Billet

Il y a un an, l'Asie était en plein de la crise dite de Hong Kong et la baisse des ventes sur ce marché réputé pour sa prospérité. Pour contrecarrer ce problème de mévente purement conjoncturel, il n'est qu'une solution pour les fabricants : se démarquer, se faire remarquer à tout prix par une idée originale.
Ce qui fut vrai lors de cette crise l'avait été en 2007/2008 ainsi que lors de toutes les crises finalement.

Au nom de cette originalité jugée salvatrice, les fabricants ont à peu près tout imaginé depuis l'idée la plus originale et intéressante à l'idée la plus farfelue où le mauvais goût flirte avec l'atteinte au patrimoine.

Des cheveux de Napoléon, des micros lingots d'or, des météorites comme la Gédéon qu'il a fallu inscrire au patrimoine vu le pillage qu'elle a subi, l'acier du Titanic, les morceaux de Tour Eiffel et pourquoi pas les poils pubiens de Madonna ou le dernier crachat de la Dame aux Camélias.
Cela c'est pour les matériaux mais imprégnées d'un marketing vieillot, le bureau des légendes tourne à fond et produit ici la montre de Marlon Brando, Paul Newman ou Steve MacQueen en chassant l'idée qu'hors camera ou appareil photo, il portait autre chose voire qu'il ne portait rien.

On peaufine, on surpasse, on dépasse on fait surenchérir la technologie sur celle de l'autre. Omega dépasse Rolex en mettant sa montre plus profond à Bienne qu'à Genève. Les uns volent plus haut que les autres, comme si les marques se répondaient par produits interposés sans même regarder si le consommateur s'intéresse au sujet. C'est dit-on le monde d'avant, un monde où le marketing fait en sorte de se convaincre de la qualité de ce qu'il exprime sans jamais en mesurer le taux de pénétration dans les neurones du consommateur.

Ce dernier like sur les usines à liker, parce que c'est tendance de faire ainsi. Sonder auprès des amateurs et le résultat sera à la hauteur du désespoir que suscite l'état de nos cerveaux confinés pendant 8 semaines. Personne ne sait qui est allé plus profondément que l'autre, tout le monde ignore après 48 heures quel acteur a fait vendre la montre plus cher que l'autre et si Madonna a vraiment sacrifié sa pilosité quand celle de Napoléon a fait un score décevant.

Ce ballet du grand n'importe quoi de l'horlogerie a un dénominateur commun : "Faire parler de soi en attirant l'attention sur un produit". L'horlogerie a par elle-même si peu de choses à dire qu'elle en est arrivée à détourner l'attention pour la canaliser dans un jeu subtil et dangereux qui fait oublier que c'est bien d'horlogerie dont il s'agit. Mieux encore, les maisons qui ont bâti leur notoriété sur leurs recherches ou leur qualité se mettent à inventer des légendes comme si les histoires anecdotiques dont leur passé fourmille n'avaient pas d'intérêt.

C'est fou ce que depuis 10 ans on retrouve dans les caves et greniers.  C'est mieux que les archives des studios d'enregistrement de Mickael Jackson qui déversent des torrents de nouveautés après sa mort. Dans l'horlogerie c'est à croire, qu'on a tout enterré, caché derrière des plinthes, de la cave au grenier, le pays neutre suisse a tout caché comme si les coffres des banques étaient une option infantile. Le moindre carton de déchets oublié au fond d'un placard devient, même s'il est vide, le moyen de nourrir avec un pisse copie une belle histoire.

Le rythme est imposant et d'ici quelques mois, Napoléon aura porté une montre au poignet, Marie- Antoinette aura flirté avec Abraham Louis et la reine Victoria aura porté une montre Victorinox sans le savoir.  Le marketing est passé de l'ADSL au très haut débit constant et à la fibre émotionnelle. On raconte n'importe quoi à des consommateurs crédules et l'on espère sur l'instant les faire basculer dans une frénésie d'achats qui fasse revenir les peuples dans le monde d'avant.

Le Coronavirus a écorné les images, déstabilisé les discours. Le chanteur yéyé est devenu un vieillard fragile confiné dans son appartement et chantant sur YouTube une chanson filmée avec son téléphone, le quadra dynamique star du sport ou acteur de renom s'est mis à faire des blagues pas drôles sur Facebook ou Twitter, il s'est montré en pyjama ou avec en arrière plan un cadre et une photo qui attestent de son égocentrisme.  La somme des "merci" au personnel soignant ne fait pas une nouvelle société et les bonnes intentions ne construisent pas un projet d'avenir.

L'épanouissement de l'homme de demain passe par sa survie, la préservation des autres et de la nature et le décalage de l'image du bellâtre en voiture de sport bien polluante est devenu handicapante quand l'écoresponsabilité séduit davantage que la perspective de reprendre l'avion pour traverser l'Atlantique et aller voir une montre connectée qui rapportera le coronavirus à toute la famille dans les bagages.

Plonger pour aller retrouver le Titanic a un bilan carbone épouvantable et faire un cadran de la carcasse frise le mépris de l'espèce humaine par le coût polluant de l'opération. La montre à 40% de China made sent le CO2 à plein nez et le Swiss made qui fleure bon la neutralité, la paix et le petit paradis a un arrière goût de fioul et de pollution. Le monde d'après aura forcément un regard critique sur ces objets et il ne suffira pas de cultiver une image écolo en expédiant ses montres au cœur asiatique depuis un pays nordique pour imposer une image verte.

Le monde d'après ne pourra jamais être une arnaque commerciale comme le fut le monde d'avant. Si c'est le cas, les marques qui tireront les ficelles de cette tromperie seront de plus en plus isolées dans l'ancien temps face à des industriels d'autres secteurs qui vont se précipiter dans un discours fait pour trancher avec plus ou moins de sincérité au regard du passé.

Les montres fabriquées aujourd'hui sont celles de l'année prochaine. Elles n'ont rien de différent avec celles faites l'an dernier. Non, la différence va être dans la manière de communiquer et de les vendre. Ce qui était préparé ne tient plus la route. Le mec quadra sur le tarmac avec la mèche de coté et la montre au poignet tandis qu'il tient sa veste sur l'épaule, c'est devenu ridicule. Le père de famille de demain avec les enfants qui jouent ne sera pas vendeur non plus même si ça se rapproche de notre lecture de la société de demain.

C'est par l'histoire, la vraie que passe le salut avec une soif de savoir, une envie de partage qui amèneront à travers la montre un sentiment d'avoir vécu une aventure et de partager avec ses protagonistes, un état d'esprit constructif et ouvert sur l'avenir. Notre futur n'est pas dans le passé mais notre passé sera une leçon pour notre futur. Ceux qui vont l'oublier n'ont aucune chance d'avoir un futur très long.

J'aimerais être autant convaincu que tu sembles l'être, que le monde de demain sera meilleur que celui d'hier. Mais j'ai des gros doutes.

Jamais trop compris ni cru à cette notion de « monde d’après ». Il s’agit d’un concept fumeux, fabriqué de toute pièce, fantasmé par des mecs qui s’emmerdent en confinement et que tout le monde va s’empresser d’oublier aussitôt libéré...

Stéph.

Anatomie comparée du consommateur: la motivation principale du consommateur est de comparer la taille de sa ... consommation à celle de son voisin. De la même façon que pour le noble, ou le patricien, ou le bourgeois, à cela près que cet invariant a atteint une grande partie de l'humanité par la surabondance mondialiste. Les grandes aspirations spiritualistes et écologiques ne sont que le vernis qu'on étale sur sa mauvaise conscience.
Le monde d'après sera porté par les mêmes désirs, si ce n'est qu'ils seront davantage frustrés que par le passé. Il n'y a plus qu'à espérer que la frustration ne mène à quelque extrémité.

Cette croyance ou cet appel à un monde d'après différent, à une cassure, est quelque chose de très Français, c'est dans notre histoire et notre héritage.
Hors de l'hexagone selon le pays on veut surtout plus ou moins revenir au plus vite à la situation normale antérieure, consommer, jouir, rattraper le temps perdu.

Eric67 a écrit:

Anatomie comparée du consommateur: la motivation principale du consommateur est de comparer la taille de sa ... consommation à celle de son voisin. De la même façon que pour le noble, ou le patricien, ou le bourgeois, à cela près que cet invariant a atteint une grande partie de l'humanité par la surabondance mondialiste. Les grandes aspirations spiritualistes et écologiques ne sont que le vernis qu'on étale sur sa mauvaise conscience.
Le monde d'après sera porté par les mêmes désirs, si ce n'est qu'ils seront davantage frustrés que par le passé. Il n'y a plus qu'à espérer que la frustration ne mène à quelque extrémité.

  Ben pas forcément , si on fait confiance à l’intelligence collective , si on enseigne à l’humain que les aspirations spiritualistes et écologiques ne doivent pas être qu’un vernis mais qu’elles doivent plutôt guider vers un monde meilleur.
Si l’on supprime toutes les injonctions qui rendent quasiment obligatoires un mode de vie basé sur la surconsommation et la détention de biens matériels et inutiles ,

Peut-être que le monde d’après ne sera pas porté par les mêmes désirs inutiles !

jeanbat 31 a écrit:

  Ben pas forcément , si on fait confiance à l’intelligence collective , si on enseigne à l’humain que les aspirations spiritualistes et écologiques ne doivent pas être qu’un vernis mais qu’elles doivent plutôt guider vers un monde meilleur.
Si l’on supprime toutes les injonctions qui rendent quasiment obligatoires un mode de vie basé sur la surconsommation et la détention de biens matériels et inutiles ,

Peut-être que le monde d’après ne sera pas porté par les mêmes désirs inutiles !

Je suis totalement d'accord, et je me reconnais là dedans, mais ça fait quand même beaucoup de "si". Cette période très particulière est d'ailleurs l'occasion de l'émergence de plusieurs propositions d'évolution de la société, que je trouve très intéressantes et orientées "long terme", mais malgré les discours de notre Roi président, rien ne dit que les choses changeront vraiment demain.