Bonjour
-Vous savez Gérard, ce n'est pas facile de licencier quelqu'un, pas facile de lui demander combien il a d'enfants, de l'avoir cotoyé pendant des années et de lui dire qu'il n'aura plus de salaire.
-Je vous comprends monsieur Mosbilo.
-C'est un peu comme ces cancérologues qui annoncent la maladie à leur patient et partent ensuite faire la fête. Ca gâche le plaisir.
-C'est vrai que votre mission est difficile.
-Vous voyez, il a fallu trancher entre Stéphanie , la petite blonde du second et Bouvier qui avait 35 ans de maison. C'est qu'il était efficace Bouvier mais son salaire était trois fois supérieur à celui de Stéphanie.
-C'est sur mais elle n'y connait rien.
-Je vous entends mais elle est tout de même plus jolie à regarder et pour les client c'est plus agréable.
-Oui, évidemment il n'y a pas photo.
-Le pire de mes licenciements fut celui de madame Carton, vous vous souvenez d'elle ? Son mari venait de mourrir et elle devait élever seul ses enfants ... On aurait trop de congés de garde à lui donner...Mieux valait couper le cordon .
-Oui c'est dur.
-Je n'ai pas pu avaler mon filet de boeuf le midi de ce jour là. Pas la force de macher. J'ai pris deux fois du foie gras. Je revois ses enfants qui pleuraient quand elle leur a dit que la DASS les prendrait en charge.
-C'est bien triste.
-Je ne pouvais pas imaginer qu'elle se mettrait sous le train aussitôt.
-Quel poids moral monsieur Mosbilo!
-Le psychologue du travail m'a dit que je ne devais pas culpabiliser pour si peu et qu'un salarié est avant tout une charge et un débit. Ca m'a rassuré. Non, vraiment le travail d'un cadre est difficile.
-On n'y pense pas assez.
-Oui c'est vrai Gérard. Les licenciements me ballonnent et si je ne mange pas immédiatement, ça me gâche le repas du midi. Je préféred'ailleurs licencier l'après-midi. Le repas du soir passe toujours mieux.
-Et les enfants de madame Carton ?
-Des petites crapules Gérard ! Ce sont devenus des crapules ... Ils ont voulu entrer dans l'entreprise et comme Hector le vigile les en a empêché, ils ont craché par terre devant le bâtiment de la société.
-C'est inadmissible monsieur Mosbilo !
-Oui, Hector les a ceinturé et plaqués au sol. On a déposé une plainte et ils ont pris six mois fermes en comparution immédiate. Vous savez c'est action/réaction.
-Mais ils n'y avait pas trois enfants ?
-Non quatre mais pour les deux plus jeunes on n'a pas pu les poursuivre.
-Ah oui et pourquoi ?
-L'un avait quatre ans et l'autre cinq.
-Seuls ceux de 8 et 10 ans ont pu être punis. Il faudrait restaurer le chatiement corporel pour ces crapules.
-Pauvre madame Carron si elle savait comment ses enfants ont tourné !
-Oui et bien c'est qu'elle les a mal éduqués, c'est encore une mère irresponsable ! Si elle avait eu un peu de courage et de respect pour ses enfants, elle les aurait élevés plutôt que les coller sur les bras de la société.
-Vous avez raison monsieur Mosbilo...
-Bien sur Gérard, il n'y a que les cadres qui réfléchissent... Comment voulez-vous que la société avance dans le bon sens ? Reprenez donc de la crème sur vos fraises Gérard.
-Quand aura lieu le prochain licenciement monsieur Mosbilo ?
-Maintenant Gérard, maintenant ...C'est le votre, vous voyez, j'y ai mis de l'humanité et vous ne pourrez pas dire le contraire.
Approuver le pire ne protége pas.