L'histoire de la préservation du El primero de ZENITH
En 1971, ZENITH à bout de souffle et financièrement exsangue devient la propriété de la firme Américaine ZENITH Radio Data corporation de Chicago. Contrairement à l'idée reçue, la firme ne s'empare pas de la manufacture mais celle-ci est heureuse de trouver les nouveaux actionnaires que les dirigeants de ZENITH sont allés chercher, dès lors que toute l'industrie suisse en crise ne démontre aucune solidarité à son égard malgré des tentatives de rapprochement recherchées par les dirigeants de la marque.La firme américaine fait rapidement le constat que ses ambition de créer un grand pôle horloger avec la manufacture du Locle seront compromises dès lors que celle-ci est peu engagée dans la production de calibre à quartz et les achète à l'extérieur. Les américains tentent rapidement de limiter la casse et leurs pertes sont telles qu'ils annoncent dès 1975 la fin de toute production mécanique.
Charles VERMOT est découragé à cette idée et prend seul l'initiative, sans en référer à sa hiérarchie, d'écrire à la nouvelle direction son désaccord profond et tente d'expliquer que la crise est temporaire. Il risque sa place mais, probablement perçu comme un marginal, ne recevra pas directement de réponse si ce n'est un ordre répercuté par sa hiérarchie de livrer à la destruction machines, étampes et outillages dédiés aux montres mécaniques pendant que la Direction de ZENITH est chargée de revendre les ateliers du Pont de Martel où sont produits depuis 1969 les El Primero dans les anciens ateliers de Martel Watch.
Charles Vermot Les ateliers sont vendus à une entreprise agro-alimentaire. N'écoutant rien de l'ordre donné, Charles Vermot (dit Charly) entreprend de classer, étiqueter et ranger avec précaution toutes les étampes du El Primero et d'écrire dans des cahiers tout le processus de fabrication du mouvement et toutes les recettes qui en font les secrets de préparation. Les plans, les fiches techniques sont également répertoriés et classés avec soin.
La manufacture du Locle est grande et personne ne vient contrôler si les locaux vendus sont pleins ou vidés, alors Charly range dans un des greniers autrefois atelier au moment des heures de gloires, quand il y avait 1000 personnes qui animaient la manufacture et la transformaient chaque jour en une fourmilière.
Chaque décision des Américains est commentée vertement par Charly qui défend l'horlogerie mécanique auprès de ses collègues résignés, même s'ils caressent tous l'espoir d'un retour à la propulsion mécanique des montres.
Le domaine d'activité est peu prospère et en 1978 les américains ne voient plus l'intérêt de posséder cette manufacture, quand l'électronique impose d'autres investissements. Il revendent ZENITH aux Suisses...
ZENITH peine à relancer son outil de production et à se refaire une place malgré toute la passion de la nouvelle équipe de direction. En 1982, Ebel s'intéresse au mouvement dans sa version avec phase de lune pour ses propres collections et en assemble quelques dizaines, sortis des stocks disponibles depuis 1975.
"Un intermédiaire" présente le El Primero à Rolex en version classique, qu'il a fait assembler sur des modèles qu'il commercialise après avoir racheté les stocks restants chez Zenith. Rolex en possession de cette montre en examine le mouvement et les ingénieurs de la marque dressent un cahier des charges des adaptations qu'ils voudraient y voir si la Direction choisit ce mouvement pour ses Daytona.
La Direction de ZENITH se tourne vers Jean-Pierre Gerber, Directeur Technique, pour étudier la faisabilité d'une remise en fabrication. C'est à ce moment que Charles Vermot vit l'un des plus beaux moments de sa vie et les larmes aux yeux explique tout ce qu'il a mis en œuvre en 1975, pour qu'un jour son protégé soit à nouveau fabriqué...
Il faudra 2 ans pour "relancer la machine" et c'est en 1984 que les premiers El Primero sortent des ateliers du Locle... Un atelier spécial travaille pour Rolex qui, conciliant, a "payé d'avance" certaines livraisons et offert sa garantie donnant à la marque du Locle les moyens des investissements indispensables à la remise en fabrication de son mouvement mythique.