Cela faisait un moment que je cherchais à acquérir un chrono de ce type. Les
ré-éditions
Poljot sont devenues plutôt chères (350-400 Euros) compte tenu
des prix pratiqués il y a encore 1 an ou deux (250-300).
Lorsque j'ai vu la vente, je n'ai pas bien compris de suite qu'il s'agissait
d'une montre neuve de stock car l'annonce était rédigée en polonais. Le
vendeur parlant aussi allemand...Le prix de 500 Sloties (125 Euros) est plus
dans les normes de ce que j'accepte de payer pour de l'horlogerie "de
service" russe.
La transaction fut sans problème aucun et la montre à atterri vendredi à Lyon
tout à fait normalement.
L'objet est emballé dans ces boites en "bakélite"
Slava si caractéristiques de
l'époque soviétique.
Ouvrons et voyons la chose ...
C'est bien cela, le chrono "
Sturmanskie" ("navigateur") attendu. Il y a encore
l'étiquette du contrôle de sortie de manufacture
Poljot indiquant un "
14-5
"OTK-64" 27" au recto et au verso ce que j'imagine être une inscription
manuscrite "
86917 Chronograph" (en cyrillique). Dommage qu'on ait pas les
papiers d'usine mais n'en demandons pas trop.
Regardons d'un peu plus près :
Dans cette série de "
Sturmanskie", il y a eu plusieurs versions dont une
strictement militaire avec un calibre 3133 modifié pour stopper le balancier
couronne tirée (Ref Poljot 31659) avec un boitier en inox massif sans lunette
tournante.
Cette version-ci est la version "civile" : boitier en laiton chromé ainsi que
les deux couronnes et les poussoirs. Il y a eu aussi diverses versions
d'aiguilles. Celle-ci a des aiguilles noires et plutôt minces à bout
arrondis. Il y a eu des bouts pointus et aiguilles plus larges. Les aiguilles
du chrono sont de type "dauphine" pour les secondes et droite pour celle du
registre des minutes. Ce modèle d'aiguilles et moins courant sur ces
Sturmanskies que les versions "ailées" plus typées. La lunette interne
tournante est graduées en secondes ou minutes avec des points sur le 1er
quart. La version courante est repérée en heures pour avoir des fuseaux
horaires comme sur cet autre de ma collection :
L'emblème est celui des forces aériennes et non du corps des bombardiers
comme celle ci-dessus. Cette
Stumanskie est répertoriée en page 11 (montre
N° 19) du livre de Juri Levenberg sous le qualificatif de "cadran bleu
pâle" (les autres si plus grises). Le livre est plein d'erreurs et de
"copiés-collés" aussi approximatifs en commentaires que la réputation de
l'auteur est sulfureuse en tant que revendeur...
Ca reste cependant un inventaire photographique assez complet des séries
russes qui permet que confirmer indépendamment l'authenticité d'un
modèle. Il n'y a pas de faux à ma connaissance, par contre il y a pas
mal de bricolage mélangeant les versions.
Voyons l'intérieur de la montre. On devisse la bague qui serre indirectement
le fond inox sur le joint surdimensionné de la boite :
C'est un bien un
Poljot 3133, 23 rubis marqué "SU" ("Soviet Union"?)
caractéristique des calibres export Poljot époque soviétique - URSS. Le
poinçoin est la couronne Poljot moderne sur la platine.
Il s'agit certaienement d'une production très tardive des dernières années
soviétiques 1990 ou 1991. Le chrono tourne à merveille ainsi que toutes les
fonctions et le dateur. Livrée sans bracelet comme c'était classique à l'époque,
la montre n'a aucune trace d'usure.
Les versions militaires pouvaient être livrées avec un bracelet inox assez
mince à déployant. 18 mm aux anses, il débordait de 1 mm de part et d'autre
s'intégrant bien à la carrure (un bon exemple sur le magnifique site "russian
watches" de Ill-Phill).
J'ai justement décapé un vieux bracelet genre "FixoFlex" recupéré (sur une
épave de montre chinoise "cheap" trouvée aux puces) qui a un peu ce genre.
Allons s'y pour voir:
Le couple russo-chinois (qui n'a pas baigné toujours dans la diplomatie...)
rend bien ce que j'avais en tête :
C'est du brutal, exemple typique de la montre de service russe si attrayante.
Elle fut un standart militaire jusque dans les années 90. Elle fut comme telle
probablement embarquée de nombreuses fois à bord des missions MIR avec
moultes autres types de montres durant les 15 années de service de MIR (voir
l'encyclopédique et formidable site capecom.net de Didier Capdevila)
Le 2 décembre 1990, Toyohiro Akiyama, journaliste TV et 1er cosmonaute japonnais ("cosmojournaliste") embarquait à bord de Soyouz TM 11
équipé d'une telle montre (version 31659). La chaîne TBS a payé son
billet 14 millions de dollards US et ce fut le 1er vol
"publicitaire" russe. Le lanceur Soyouz a en effet été peint avec les
logos de Sony, la chaine TBS, une société de cosmétique Yunicham et une
firme pharmaceutique Ohtsuha. A l'occasion de ce vol, la russie ouvre
les portes de son cosmodrome avec visite de ses usines. De plus,
l'ascension est filmée en direct par une caméra pour le réseau
Akiyama’s network....
Allez rêvons un peu : la
Sturmanskie était peut-être au poignet gauche de ce cosmonaute lors des sorties spatiales?