Bonjour tout le monde,
Mon idée est de proposer ci-dessous une histoire succincte du chronographe et de ses évolutions. Je n'ai fait aucun travail de recherche original me contentant de compiler ou de traduire les informations glanées tout au long de mes lectures.
INVENTION DU CHRONOGRAPHESources : Business Montres, brèves du 7/4/2011, du 8/4/2011 et du 9/5/2011.
1690Première attestation d’une montre capable de décompter les temps courts avec une étonnante montre de poche attribuée à un médecin militaire et capable, dès 1690 (un gros demi-siècle avant les premières séries de montres à aiguille des secondes), d’afficher les secondes en question.
1751Montre de poche au mouvement signé John Ellicott. Elle est dotée d’un système d’arrêt des secondes qui s’apparente d’autant plus à un chronographe qu’il permet un décompte des cinquièmes de seconde. La pièce était destinée au marché turc et a été présentée aux enchères par la maison Auktionen Dr. H. Crott en mai 2011.
1776M. Pouzait, horloger, invente une « seconde morte indépendante » (seconde centrale qu’on pouvait lancer et arrêter à la demande, ce qui s’apparente à un chronographe).
1796James Freeman dépose un brevet pour une « Central second stopwatch vertical or horizontal, without the assistance of a compound motion », ce qui ressemble furieusement à un chronographe (stop-watch en anglais), mais qu’Arnaud Tellier, le conservateur du musée Patek Philippe, traduit prudemment par « montre à seconde au centre, verticale ou horizontale, dont le mouvement peut être arrêté à volonté fonctionnant sans l’assistance d’un mécanisme auxiliaire ».
Fin XVIIIe siècleHubert Sarton présente ses montres chronométrographiques dont il existe deux références dans les archives de la fin du XVIIIe siècle selon lesquelles elles permettaient de « noter exactement la durée d’une observation ». Ces montres qui comportaient un double mouvement étaient fabriquées en Suisse, au Locle, par Philippe DuBois.
1822Brevet n° 4645 en date du 9 février 1822, déposé par un horloger anglais, Frederick Louis Fatton, qui avait travaillé deux ans avec Abraham Louis Breguet sur ce projet de chronographe encreur « by which the time of the day, the progress of the celestial bodies, as well as carriages, horses or other animals may be correctly ascertained ».
1822Brevet en date du 9 mars 1822 - un mois plus tard, donc - déposé par Nicolas Rieussec. L'instrument a été imaginé pour enregistrer les temps de parcours des chevaux dans les courses.
La première génération des chronographes encreurs (1822) possède un cadran mobile et une aiguille fixe. Celui de Rieussec est gradué au 1/5e de seconde. Ce n’est qu’à la seconde génération (toujours Fatton et Rieussec, 18??) que le principe s’inverse : cadran fixe et aiguille mobile. La relation entre les deux horlogers semble complexe puisque « Fatton a reconnu par la suite que son premier brevet avait été inspiré par Rieussec, même s’il avait lui-même réalisé un tel chronographe encreur dès 1819 ». Par contre, le mot chronographe est bien une invention du français.
LES POUSSOIRSSources : Business Montres, brève du …
PREMIER POUSSOIR INDÉPENDANT1895Brevet n° 10582 déposé le 26 juillet 1895 par la société Nicolet Fils & Cie, fabricant de chronographes à La Chaux-de-Fonds.
Brevet qui décrit une « montre-chronographe dans laquelle le poussoir qui sert à actionner le mécanisme de chronographe, est diamétralement opposé au pendant de la montre (c’est-à-dire à 6 heures), ce qui simplifie beaucoup le travail de fabrication de la montre-chronographe, et assure la régularité du fonctionnement du mécanisme de chronographe, qui se trouve ainsi écarté du mécanisme de remontage et de mise à l’heure du mouvement de la montre ».
Il est même fort possible que Nicolet Fils & Cie, qui produisait à l’époque de très petits calibres chronographes (13 lignes), en ait même réalisé des versions bracelets.
1913On connaît au musée Omega de Bienne un poussoir indépendant sur un chronographe-bracelet daté de cette année.
1915Breitling lance un chronographe avec le poussoir indépendant à 2 h, où il se trouve toujours.
SECOND POUSSOIR INDÉPENDANT1893Brevet n°6180 déposé par Paul-Louis Droz, futur créateur de la Manufacture Junior à St Imier
Brevet intitulé « Mécanisme à double effet pour montres-chronographes simples, montres-chronographes à rattrapante, montres-chronographes à compteur, etc. ». Il y décrit effectivement l’utilisation d’un deuxième poussoir permettant la reprise d’un chronométrage sans remise à zéro, l’arrêt et la remise à zéro pouvant ensuite se faire indifféremment par l’un ou l’autre des deux poussoirs.
1934Breitling lance une chronographe avec un second poussoir indépendant de remise à zéro. Fait troublant : un an après ce premier chronographe deux poussoirs lancé par Breitling, deux autres sociétés vont en proposer. Il s’agit des manufactures Universal et Angélus : s’il n’y avait pas eu de licence sur le brevet, c’est peut-être qu’il y avait, en effet, des antériorités qui auraient rendu le brevet caduc.
LE CHRONOGRAPHE AUTOMATIQUESource : On The Dash – Project 99
Le chronographe automatique a été présenté pour la première fois au public en 1969 mais son histoire est plus compliquée qu'il n'y paraît.
ZENITH (1865)En 1959, Zenith acquiert Martel Watch, une société spécialisée dans la production de chronographes et de mouvements à complications (quantième à phase de lune p.e.). Elle commence le développement de son mouvement de chronographe automatique en 1962 avec l’espoir de pouvoir le lancer en 1965 pour son centenaire. Cependant, les premiers prototypes ne seront finis qu’en octobre/novembre 1968. La marque pense alors marquer un grand coup pour la foire de Bâle en avril 1969.
SEIKO (1881)On ne sait à peu près rien de la genèse du chronographe automatique chez Seiko. La première montre-bracelet automatique de la marque date de 1955 et son premier chronographe de 1964. La référence 5717 ne possédait alors qu’un seul poussoir et pas de compteur des minutes mais une lunette tournante.
HEUER (1860) – BUREN (1873) – DUBOIS-DEPRAZ (1901) – BREITLING (1884) – HAMILTON (1892)Dès la fin des années 50, Heuer eu l’idée de créer un chronographe automatique en associant un mouvement à micro-rotor de Buren (1954) avec un plateau de chronographe. Le résultat ne répondait cependant pas aux canons de l’époque qui promouvaient des mécanismes fins et de petites tailles. L’idée ressurgit en 1962 quand Buren présenta son nouveau calibre 1280 dont l’épaisseur diminuait de 4,3 mm à 3,2 mm.
Heuer, qui avait déjà travaillé avec Dubois-Depraz, choisit donc cette dernière pour son projet de module de chronographe adaptable au nouveau mouvement à micro-rotor. Un heureux hasard fit que Dubois-Depraz s’était déjà penché sur la question en collaboration avec Buren. Malheureusement, ces sociétés n’avaient pas les fonds nécessaires au financement d’un tel projet. C’est pour cela que Jack Heuer fit appel à son ami Willy Breitling. Les deux marques ne se concurrençant pas sur les mêmes marchés, leur collaboration pouvait être bénéfique pour chacune d’entre elles. Un cinquième partenaire s’imposa à tous quand Hamilton devint propriétaire de Buren en 1966. Le développement conjoint d’un chronographe automatique fut gardé secret et il reçut pour cela le nom de code de « Projet 99 ».
A l’automne 1968, cent prototypes avaient déjà été produits : 40 pour Heuer, 40 pour Breitling, 10 pour Hamilton-Buren, et les 10 derniers pour Dubois-Depraz qui continuait les tests et le développement. Ce fut sans doute cette production d’une centaine de montres impliquant de nombreux fournisseurs (outre les 5 partenaires impliqués, il fallait de nouveaux composants, de nouveaux cadrans, de nouvelles boites, de nouveaux bracelets, etc.) qui fit parler du projet.
L’ANNÉE 1969Dès le début de l’année 1969, des rumeurs commencent donc à circuler. Zenith décide alors de faire une annonce préventive et convoque une conférence de presse le 10 janvier 1969. Elle y présenta son projet et ses prototypes devant des journalistes de la presse locale et régionale suisse. Ceci explique que cette annonce n’eut pas un grand retentissement. Après le choc initial, Heuer et consorts comprirent que Zenith, malgré son annonce, n’avait présenté que des prototypes et que la société était encore loin de la production en série. De plus, à cette époque, Zenith était un relativement petit producteur de chronographe qui ne menaçait Heuer et Breitling sur aucun de leurs marchés phares. Le consortium décide donc de continuer son travail selon le planning initial.
Alors que la conférence de presse de Zenith fut tout ce qu’il y a de plus local, celle qui se tint le 3 mars à l’hôtel Intercontinental de Genève et au Pan Am Building de New-York, eut un tout autre retentissement. D’autant qu’elle fut reprise à Tokyo, Hong-Kong et Beyrouth. Ce fut le président de la Fédération Horlogère Suisse qui fit l’introduction de la nouveauté, et l’événement fut abondamment repris dans le Swiss Watch & Jewelry Journal : 6 pages de texte et 8 pages de publicité. Par comparaison, la présence de Zenith dans la même édition semble fort congrue : 6 lignes annoncent le lancement futur de deux modèles de chronographe automatique, dont un seul fit l’objet d’une page de pub. Un mois plus tard, la foire de Bâle confirma cette impression : Heuer, Breitling et leurs partenaires avaient de nombreux modèles prêts à être lancés, tandis que les premiers El Primero ne furent commercialisés qu'en octobre de la même année.
De son côté, Seiko lança sa référence 6139 au Japon en mai 1969. On ne connait pas grand-chose des circonstances de ce lancement : s’agissait-il d’une conférence de presse ? ou des montres furent alors disponibles dans le commerce ? Si on regarde le premier numéro de série d’un chronographe référence 6139, il renvoie au mois de mars 1969. Là encore, on ne peut que spéculer sur la signification de cette date. Ce n’est qu’à la fin de l’année que ce modèle et ses variantes furent commercialisés en dehors du Japon.
TABLEAUHeuer, Breitling, etc.- Annonce : 03/03/1969
- Commercialisation : Été 1969
Seiko- Annonce : Mai 1969
- Commercialisation : Mai 1969 (?)
Zenith- Annonce : 10/01/1969
- Commercialisation : Octobre 1969
En espérant vous avoir intéressés,
Nicolas