Pilotes et montres ont toujours fait bon ménage. on n’imagine pas un aviateur sans sa montre. L’imagine-t-on pour autant avec une Rolex ? Certains de ma connaissance se seraient bien vus avec…..
Dans une vie antérieure, au sein d’une vénérable compagnie aérienne à lignes et horaires et réguliers, l’histoire qui suit me fut narrée par un collègue qui avait déjà pas mal bourlingué dans des sociétés aéronautiques d’affrètements aux lignes, horaires et salaires irréguliers mais à l’intérêt professionnel certain pour un pilote.
Transport de VIP (Very Important Person) : rock star londonienne le week-end entre Gatwick et Marbella, vedettes de cinéma entre Cannes et Paris lors du festival, rois du pétrole, hommes d’affaire, jolies femmes pour les uns ou les autres, la location d’avions privés marchait plutôt bien et quand il y avait une période de creux on remplissait l’appareil avec 3 ou 4 tonnes de poussins vivants à destination des kolkhozes Ukrainiens ou Géorgiens (Ah, les marchés de compensation !) C’était de toutes façons encore des VIP ((Volaille Immature Piaillante) mais d’un autre genre et avec un taux de perte autorisé nettement plus élevé ! (10% dans le poussin c’est raisonnable !)
Ce collègue, sa machine et son équipage furent requis pendant une semaine complète pour le déplacement privé d’un émir. Pris au pied de sa Rolls sur la piste d’un pays Moyen Oriental, Son Altesse et sa suite firent leurs shopping dans une bonne partie de l’Europe occidentale pendant plusieurs jours, Venise, Paris, Londres, Genève….La relation avec l’équipage était assurée par le secrétaire de l’émir qui chaque jour disait :
-« Son Altesse veut aller à….. »
et hop plan de vol, clearance, en voiture Simone.
Lors du vol final, un peu avant le début descente, le secrétaire vint voir le Commandant de bord et lui dit :
« -Son Altesse est particulièrement heureuse de son voyage et très satisfaite de l’équipage. Elle souhaite vous exprimer son contentement en faisant, à chacun et chacune d’entre vous un présent rare. »
WOUAAAOUUU ! Top niveau son altesse !
Et le factotum d’ajouter :
« -Vous voudrez bien, à l’arrivée, après avoir retiré vos montres, vous tenir tous en bas de la passerelle, relever vos manches et présenter à Son Altesse vos poignets gauches ! » !!!!!!!!!!!???????
Glups ! Avalage de glottes dans le poste de pilotage ! Le porte coton s’en va et là c’est l’extase :
Le premier à exprimer le sentiment général (que dis-je : la certitude générale !) c’est le copi :
« -Woaa putain, y va nous offrir des Rolex !!! J’le crois pas ! »
Le Captain décroche son téléphone de bord pour appeler les collègues PNC (hotesses et stewards)
« -Vous allez jamais me croire, y nous arrive un truc génial…. »
Au niveau équipage, la descente se passe dans l’allégresse, faut dire que Rolex ça change de Breitling ! On imagine un modèle, en or; forcement en or avec un émir !
« - C’est presque dommage l’or, j’espère qu’il a aussi de l’acier, moi je préfère l’acier, ça fait plus viril ! »
Arrivée sur la tarmac Moyen-oriental, check-list parking, enlevage de montre et hop tout le monde en bas, manche relevée, poignet tendu.
Le secrétaire corrige la position de chacun, tournant un à un tous les poignets vers le ciel
Ben évidemment, couillon, ce sera plus facile pour l’Emir de te fixer ta Rolex comme ça ! Là au moins y voit ce qui fait !
Les Rolls sont là, un type sort une mallette en cuir précieux, la tend au secrétaire qui l’ouvre respectueusement devant son Emir. Icelui regarde à l’intérieur, puis regarde le Commandant, réfléchit, regarde à nouveau, choisit enfin puis en sort une superbe………………………..fiole en cristal emplit d’un liquide mordoré.
Avec parcimonie il en verse une goutte au creux du poignet de l’homo aeronauticus puis répète le même scénario avec tous les membres de l’équipage en changeant de fiole à chaque fois, laissant nos navigants littéralement siphonnés, sans voix et la bouche en sortie d’œuf !
Je vous dit pas la déception !
Ce qu’à l’époque mes collègues ignoraient c’est que son Altesse venait de les honorer avec bien plus de force que s’il leur avait offert à chacun une montre, fut-ce une Rolex car en leur plaçant une goutte d’essence de parfum (au demeurant sûrement fort fort cher) dans un endroit aussi fragile, circulatoire et vital que le creux du poignet, il leur avait, dans sa culture et sa tradition fait partager un peu de son âme….. !
M’EN FOUT DE SON AME MOI ! CE QUE JE VOULAIS C’ETAIT UNE ROLEX !