Denver, Colorado, USA. Il est 4 heures trente quand comme chaque matin, Larry Fingerman se lève pour aller travailler. "Moins 6 degrés Farenheit" (moins 21 degrés Celsius) hurle-t-il à sa femme en regardant le thermomètre collé sur la fenêtre de la cuisine. "Reste au lit, tu ne vas pas aller travailler par ce froid" lui répond-elle. Larry est un type courageux. La neige a envahi les espaces, elle est tombée toute la nuit. Larry enfile son jogging et prend sa pelle pour dégager la bande de 30 mètres sur 10 qui est devant la maison. Le vent souffle à plus de 70 kilomètres par heure et a transformé la surface de la neige en glace. Larry transi par le froid peine à dégager toute cette neige. Il sera le seul du quartier à s'y risquer. Il travaille chez UPS depuis presque 6 mois, un job qu'il a trouvé après la fermeture du garage où il travaillait comme mécanicien jusqu'à ce que son patron meure asphyxié dans les toilettes dont la serrure avait cédé en plein été.
Ce matin, il n'a plus le temps de prendre son petit déjeuner, une douche rapide devrait le réchauffer. "Chérie ? Le chauffe-eau a encore disjoncté... Il n'y a plus d'eau chaude !" "Je vais le rebrancher mais tu n'auras pas d'eau avant 2 heures". Autant dire que l'eau glaciale sera son deuxième calvaire de la journée. Larry, habillé, prend les clés de la voiture à la volée et monte dans la vieille Ford de 1977, la voiture de son père lui aussi décédé. Le froid a comme paralysé le moteur. La clé de contact ne crée aucun effet. L'autoradio distille les programmes locaux et l'animateur explique gaiement qu'il va falloir marcher ce matin, car aucun bus ne circule. Le dépot est à 6 kilomètres, Larry, résigné, part à pied dans la neige. Il est 6 heures et avec un peu de chance, il y sera pour 7 heures. Après une heure éprouvante de marche, Larry parcourt les 500 derniers mètres avec les pieds gelés.
Lorsqu'il arrive au dépôt, il est 7 heures 10. Une affichette sur la porte indique que le dépôt est fermé exceptionnellement à cause des conditions climatiques et qu'il faudra revenir demain pour prendre le service à 5 heures afin de rattraper le retard. Larry repart à pied chez lui en se maudissant de ne pas avoir téléphoné avant de venir. Le lendemain, c'est à 3 heures qu'il part de chez lui après s'être levé à 2 heures pour dégager la neige. Sa voiture est fichue et c'est cette fois avec 80 centimètres de neige qu'il faut compter. A cinq heures, Larry est au dépot UPS. "Il n'y a que ce petit colis pour la France... Tu le déposes au tri à la gare quand même. Fais attention, c'est marqué fragile. C'est une montre. Prends le camion, les petits utilitaires sont HS". Larry traverse la ville en camion cette fois et fait les 15 kilomètres jusqu'au centre de tri. Les gars sont assis en pleine discussion. Pas un paquet depuis 2 jours alors ce petit colis, ils se l'arrachent pour apposer les tampons et le placer dans la bannette.
Le colis part pour Washington, il y est à nouveau trié et placé pour la France. Il arrivera à Roissy le lendemain matin. La neige a déjà paralysé le pays, 2 centimètres ont cloué les avions au sol et aucun train ne circule, les gens sont bloqués sur les routes et la moitié du pays a passé la nuit dans sa voiture. Jerry Masquéze, douanier, doit prendre son service à 8 heures mais bloqué à Paris, près de la place Vendôme où il a passé une partie de la soirée, il sera en retard ce matin. Son 3 G a en outre été piraté et il n'a pas pu prévenir. Le colis est déposé à la douane et remisé par l'agent intérimaire sur l'étagère marquée "Transit temporaire". Comme l'agent l'a placé sur l'étagère haute, personne ne le voit sans monter sur l'escabeau qui sert de porte-revues aux agents.
Après 15 jours, le système informatique se met en alerte. Le paquet doit être renvoyé aux USA, le dossier est incomplet. "Chef, Chef, il faut renvoyer ce paquet, il manque les papiers du destinataire !" "Ok Jerry, faites un rapport... Le paquet repart à Denver et retrouve son expéditeur directement livré par Larry. L'expéditeur le renvoie cette fois par la poste. Il arrivera finalement au bureau de poste du destinataire en France à Macon à 5 heures.
Gerard Frochignard, Postier à Macon se lève comme chaque matin à 6 heures. Il passe la tête par la fenêtre de la cuisine. " Merde ! Moins 21 degrés Celsius s'écrie-t-il !"(moins 6 degrés Farenheit) . Inquiet il évalue à 3 centimètres la couche de neige. Il part prendre sa douche. "Il n'y a plus d'eau chaude, Chantal ? " "C'est le disjoncteur qui a dû sauter !" Il n'y a que lui qui a sauté ...se dit Gérard. Lorsqu'il sort après avoir saisi ses clés à la volée sur le meuble à chaussures, il décide qu'il déneigera celle-ci avec les essuie-glaces. Il tente de démarrer mais la voiture est froide. Sans voiture, il va exercer son droit de retrait et repart se coucher. Ce n'est que le surlendemain, une fois la neige fondue qu'il prend son service et va pouvoir livrer le paquet au destinataire. "Il y a quelque chose à payer ?" demande ce dernier ... "Non, répond-il en tendant la main pour prendre les deux euros que lui tend le destinataire. " Tu te rends compte, chérie ? Ca n'a mis que 5 semaines pour arriver et pas un centime de frais de douanes !" "C'est bien maintenant ", répond-elle . Il faudra que ce soit tout le temps pareil et pour quel montant de frais de port ? " "20 dollars ... mais bon, un petit paquet comme ça c'est facile à transporter...."
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Contraria contrariis curantur. (Les contraires se guérissent par les contraires).