L’horlogerie suisse et le renforcement du Swiss Made
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ZEN Rang: Administrateur
Nombre de messages : 57505 Date d'inscription : 05/05/2005
Sujet: L’horlogerie suisse et le renforcement du Swiss Made Mer 28 Fév 2007 - 17:19
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L’horlogerie suisse se lance dans le renforcement du Swiss Made
le 28 Février 2007
La Fédération de l’industrie horlogère suisse s’apprête à présenter à ses membres un projet de renforcement du label Swiss Made. Bilan en révèle les lignes directrices qui, avant même d’être adoptées, agitent déjà le landerneau horloger.
«Structurer l’industrie automobile afin qu’elle n’existe que par Ferrari et Maserati représenterait un énorme danger. Or c’est exactement la voie que veut suivre l’industrie horlogère suisse en renforçant le label Swiss Ma-de. » Cet horloger, actif dans le moyen de gamme, est particulièrement remonté contre les propositions que va présenter la Fédération de l’industrie horlogère suisse (FH) pour renforcer des exigences nécessaires à l’obtention du label Swiss Made. Un label souvent décrié par les marques de haute horlogerie qui ne se reconnaissaient plus dans cette appellation considérée comme galvaudée.
Il a fallu que les géants du secteur se décident à changer la donne pour que le dossier avance à la FH. Sans la volonté conjuguée de Richemont, Rolex et Swatch Group,aucune modification n’aurait été envisageable. Le trio a alors trouvé un consensus pour renforcer ce label. Une aubaine pour les autres marques de haute horlogerie qui applaudissent à l’idée de ce renforcement.
Question de définition
A ce jour, une montre est considérée comme helvétique si son mouvement est suisse, s’il est emboîté et contrôlé au final par le fabricant en Suisse. Et pour être considéré comme suisse, le mouvement doit être suisse pour 50% au moins de la valeur de toutes les pièces constitutives puis être assemblé et contrôlé en Suisse. Sans même évoquer la problématique liée aux contrôles, cette définition laisse une large place pour des composants étrangers dans une montre Swiss Made.
Horlogerie à deux vitesses
Dans ce contexte, de nombreuses sociétés actives dans les segments moyen et inférieur, y compris les marques de renom, équipent leurs montres d’un boîtier, d’un cadran, d’un verre et d’un bracelet produits à l’étranger, souvent de qualité égale à la qualité suisse. Sans parler d’une partie des composants du mouvement. «Pratiquement aucune montre mécanique vendue à moins de 1000 francs ne peut se prévaloir d’être fabriquée uniquement avec des composants helvétiques», estime cet expert. Cette affirmation risque de surprendre ceux qui croyaient en toute bonne foi que leur montre à quelques centaines de francs était un pur produit suisse. Reste que ladite montre, même si elle compte de nombreux composants réalisés à l’étranger, porte légalement le label Swiss Made. D’où le léger malaise chez certains fabricants, essentiellement campés dans le haut de gamme, qui craignent que la clientèle soit informée de ces «faiblesses» et verraient d’un bon œil le nettoyage des segments inférieurs.
La vraie problématique est là: l'horlogerie suisse est devenue une horlogerie à deux vitesses. Et plus rien ou presque ne rapproche ces deux mondes. Or, il a fallu la pression des marques haut de gamme afin d’inciter la FH a étudié diverses voies pour renforcer le label Swiss Made. Lors de sa séance de jeudi dernier, le conseil de l’organe faîtier aurait expurgé de son projet les propositions extrêmes, à savoir l’obligation d’utiliser une production suisse pour les platines et les ponts (plaques qui enserrent les rouages d’un mouvement) ainsi que pour l’organe réglant, cœur stratégique de la montre dont un seul producteur en Suisse (Nivarox/Swatch Group) est en mesure de livrer des quantités industrielles. On se serait sans nul doute retrouvé face à une nouvelle enquête de la Comco…
Au final, les principaux éléments retenus tiendraient dans le relèvement des taux pour faire reconnaître comme suisse un mouvement: les 50% au moins de la valeur de toutes les pièces constitutives du mouvement passeraient à 80% pour les mouvements mécaniques et à 60% pour les mouvements à quartz. Mais la modification la plus importante concerne l’habillage de la montre (boîtier, cadran et verre notamment), hors bracelet. Alors qu’aucune exigence n’est formulée aujour-d’hui, la FH proposerait que 80% de la valeur de l’habillage soit produit en Suisse. Une aubaine assurément pour tous les sous-traitants actifs dans ces domaines. Contacté à ce sujet, Jean-Daniel Pasche, président de la FH, n’a pas souhaité commenter ces informations. Il indique que le conseil de la FH rendra publiques ses propositions dans quelques semaines. Lesquelles seront soumises à l’assemblée générale de l’organe faîtier le 28 juin.
Un long chemin
En cas d’approbation, les nouvelles exigences devront être approuvées par les autorités fédérales, dès lors que cette question est régie par une ordonnance sur le «Swiss Made» (OSM). Le fait de convaincre à l’échelon gouvernemental ne suffira pas. «Il faut être conscient que nous ne pouvons pas changer une virgule de l’OSM sans en discuter avec la Commission européenne. Car la définition de la montre suisse est intégrée dans un accord horloger entre la Suisse et l’UE de 1972. Et la Commission européenne veille attentivement», avait relevé Jean-Daniel Pasche il y a un an.
Il est vrai que Bruxelles n’apprécie guère les velléités protectionnistes. D’autant moins sans doute que la Suisse fait la sourde oreille sur le dossier fiscal. Pour les horlogers, désireux de renforcer le label Swiss Made, le chemin sera assurément long et la marge de manœuvre, extrêmement étroite.
Produire en Suisse, mais avec qui?
Pour les horlogers suisses demeure une problématique majeure, plus aiguë encore en ces temps de surchauffe. La Suisse n’a pas les capacités de production pour répondre à la demande. Et nombreux sont les horlogers à prétendre qu’ils auraient pu réaliser, l’an dernier, un chiffre d’affaires de 20 à 50% supérieur s’ils avaient été en mesure de livrer les montres commandées.
Corroborant cette affirmation, les marques qui s’approvisionnent chez des sous-traitants – donc pratiquement toutes, car rares sont les sociétés entièrement autonomes – relèvent que les délais de livraison n’ont jamais été aussi longs. Une situation née de l’excellente conjoncture, d’une part, de la concentration de nombreux sous-traitants dans le giron des groupes, d’autre part. C’est dire que les petits et les indépendants ne sont pas rapidement servis.
Conséquence: plusieurs marques expliquent qu’une montre imaginée aujourd’hui n’a plus aucune chance d’être réalisée en 2008. Huit à douze mois d’attente pour des boîtiers, guère moins pour les cadrans, les niveaux de commandes bloqués au niveau des années précédentes chez ETA – fournisseur quasi exclusif de mouvements mécaniques en Suisse – la situation est devenue intenable pour de nombreuses sociétés. A tel point que la visite d’une entreprise de cadrans, le mois dernier, en Asie a réservé au visiteur des surprises de taille. On n’y voit pas que du Seiko ou de la montre fashion française mais quelques noms parmi les plus prestigieux de l'horlogerie suisse. Et s’ils vont se fournir en Asie, ce n’est assurément pas pour gagner quelques francs mais pour avoir une chance d’être livrés dans des délais raisonnables.
Dans ce contexte, la volonté de renforcer le Swiss Made fait sourire ceux qui en pâtiront le plus. Si, aujourd’hui, les boîtiers et les cadraniers n’arrivent pas à livrer la marchandise, veut-on réellement rapatrier la production de centaines de milliers d’unités en Suisse? L’effort est louable, mais avec quel personnel entend-on les produire? Cette interrogation renvoie à la problématique de la formation, un dossier que fabricants, associations et Confédération seraient bien inspirés d’inscrire dans leurs priorités.
Bilan
Michel Jeannot
www.bilan.ch
_________________ Contraria contrariis curantur. (Les contraires se guérissent par les contraires).
PtitPrince Nouveau
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Sujet: Re: L’horlogerie suisse et le renforcement du Swiss Made Jeu 1 Mar 2007 - 17:06
Il me semble comprendre des quelques lectures intéressantes proposées par Zen que l'industrie horlogère Suisse est en surchauffe. L'industrie du luxe est toujours intéressante à surveiller, or un élément me frappe en regardant les statistiques, c'est la baisse de la consommation chinoise. Je n'en connais pas l'explication faute d'éléments.
Une mesure telle que celle proposée dans le document ci dessus est typiquement en plan de sauvetage en cas de crise. Or une jolie crise économique internationale n'est pas impossible du tout. Cela sent la fin de cycle à plein nez avec le ralentissement attendu de l'économie américaine, et je vous passe la hausse du pétrole
PtitPrince Nouveau
Nombre de messages : 46 Localisation : Paris Date d'inscription : 26/02/2007
Sujet: Re: L’horlogerie suisse et le renforcement du Swiss Made Ven 2 Mar 2007 - 10:07
Pour préciser mes propos qui peuvent sembler étranges, voici un extrait d'un article du journal "Le Monde" du 1er mars :
<< "Il y a une inquiétude réelle sur un ralentissement sensible de la consommation aux Etats-Unis et cela est un facteur d'une bien plus grande importance que le seul marché boursier chinois", estime Tao Dong, économiste du Crédit suisse. Même l'ex-président de la Réserve fédérale (Fed), le toujours très écouté Alan Greenspan, a déclaré, lundi lors d'une conférence à Hongkong, qu'il était "possible" que l'économie américaine entre en récession cette année.
"Nous sommes plus proches d'une récession que la plupart des économistes veulent l'admettre", affirme Michael Pento, stratège de Delta Global Advisors. >>
Ce n'est pas pour lancer un sujet sur crise ou pas crise en vue mais, j'entends de plus en plus souvent que les Chinois font tout pour éviter une récession avant les Jeux Olympiques de 2008 mais que ça pourrais arriver après. Or la baisse de conso de produits de luxe (le montres) en chine peut etre un indice...
Et si il y avait une récession marquant la fin de la surchauffe de l'industrie horlogère suisse vous feriez quoi à la place des Suisses ? Probablement ce qui est indiqué plus haut : protéger le label Suiss Made pour qu'il reste très haut de gamme au niveau mondial, non.
PtitPrince Nouveau
Nombre de messages : 46 Localisation : Paris Date d'inscription : 26/02/2007
Sujet: Re: L’horlogerie suisse et le renforcement du Swiss Made Lun 5 Mar 2007 - 10:16
Voici les statistiques des exportations horlogères de la Suisse vers la Chine qui m'interpellent (Source FHS) :
2005 > 45,4 Millions de CHF 2006 > 35,0 Millions de CHF
Comment explique-t-on celà ? Etonnant cette chute non ? Il y a peut-être une explication toute simple, si vous la connaissez ça m'intéresse.
PS : Visiblement 2007 repartirait à la hausse ( avec 37,6 mais il ne s'agit que d'une extrapolation sur le seul mois de janvier )
Nogaro Membre Hyper actif
Nombre de messages : 579 Localisation : Où il y a du soleil ou de la neige... Date d'inscription : 19/02/2007
Sujet: Re: L’horlogerie suisse et le renforcement du Swiss Made Lun 5 Mar 2007 - 11:54
Extrapoler une année complète à partir du mois de Janvier, c'est aussi fort que les prévisions de croissance du gouvernement (quelqu'il soit !)
Time to Time Membre très actif
Nombre de messages : 183 Localisation : Paris Date d'inscription : 20/02/2007
Sujet: Swiss Made Mar 6 Mar 2007 - 9:56
Superbe article...
Ce que je n'arrive pas à comprendre, c'est la position du Swatch Group dans cette affaire : ils sont les premiers à faire du faux "Swiss Made" (Tissot, Swatch et même Omega) en bourrant leurs montres de pièces et de composants "China Made" et ils seront donc les premiers ennuyés par un renforcement du "Swiss Made"...
Sauf si – c'est peut-être là la clé du dossier – il s'agit de créer un nouveau "Super Swiss Made", sans toucher à l'ancien : ce qui créerait une discrimination positive en faveur des marques qui auraient les moyens de s'offrir du "Super Swiss Made".
On aurait donc un "Swiss Made" à deux vitesses : celui des riches et celui des pauvres. Le dessus du panier suisse (Breguet, Blancpain, Jaquet Droz pour le Swatch Group) pourrait donc faire la différence avec les marques du niveau inférieur et faire payer cette différence aux consommateurs...
Du coup, il va peut-être redevenir intéressant de créer, face au "Swiss Made" des pauvres, un nouveau label horloger "Made in France" !
L’horlogerie suisse et le renforcement du Swiss Made