C’est par un beau samedi ensoleillé que débute notre journée à Glashütte
La petite ville de Glashütte est enfouie dans la campagne d'Allemagne de l'Est entre :
-Dresde, Florence saxonne
-et la frontière tchèque
Son tic-tac rythme avec fierté toute la marche de la vallée de Müglitz.
Elle existe depuis plus de 500 ans et a connu une histoire très mouvementée (notamment fin de l’exploitation des mines , 1ere et 2ieme guerre mondiale). Mais l'histoire de cette cité, autrefois réputée pour ses mines d'argent, ne se dissociera plus à partir de 1845 de celle de son industrie horlogère.
Une très longue histoire de tradition horlogère de près de 170 ans …qui commença sous l’impulsion de Ferdinand Adolph Lange
Nota : la ville de Glashütte, bourgade de montagne dans le Sud de la Saxe (à quelques km de la République tchèque), est le seul cas dans l'histoire de l'horlogerie où une ville a été "marketée" au point de devenir une marque. Avec l’ accord des autorités locales, le "sceau" régional est en effet ouvert à toutes les marques implantées sur place. On imagine difficilement l’inscription "La Chaux-de-Fonds Original" ou de "Le Brassus Authentic" sur le cadran de nos chères marques suisses!Glashütte : un des berceaux de de l’horlogerie allemande
L'histoire commence donc en 1845, lorsque Ferdinand Adolph Lange ouvre le premier atelier horloger dans la petite ville minière de Glashütte.
Pendant de nombreuses années, cette vallée vivait surtout de l’exploitation de ses mines d'argent. L'éclat de ce métal a trouvé son reflet dans le nom de la ville, « Glashütte », qui signifie « le lieu du métal brillant ».
Lorsque les ressources d'argent diminuèrent, la ville fut frappée d'une grande misère. Lange, qui travaillait alors comme maître horloger à la cour de Saxe, décida de lancer un atelier indépendant de production de montres à Glashütte. A côté de nombreux horlogers, les constructeurs de boîtiers, d’aiguilles et de balanciers s'installèrent à Glashütte.
Ces artisans (dont Julius Assman, Ludwig Strasser, Johannes Durrstein, Adolf Schneider, Strasser und Rohde et Ernst Kasiske) contribueront au même titre que la maison Lange à l'incroyable réputation de Glashütte. Plus encore, ils créeront son avenir, puisque la marque actuelle «Glashütte Original» est un peu leur descendante.
En 1878, Moritz Grossman fonde l'Ecole d'Horlogerie Allemande et transforme définitivement cette région en un bastion de l'horlogerie de haute précision.
Au cours des années qui suivent, l'industrie de Glashütte atteint une renommée de plus en plus grande, celle de productrice de montres de première classe destinées à des consommateurs à la recherche de pièces alliant un mécanisme sophistiqué et de haute précision à un design moderne et élégant.
Les maisons horlogères prospèrent et la ville assiste également à l'ouverture d'une myriade de petits ateliers spécialisés dans la fabrication de joyaux pour montres, tels visserie, roues ou encore ressorts et aiguilles.
L'Exposition Universelle de 1900 accueillera des modèles des différentes marques
Glashütte : une histoire mouvementée
La 2nde guerre mondiale déclarée, l'industrie de Glashütte se maintient grâce à sa reconversion. De montres haut de gamme destinées à quelques élus sa production s'oriente vers la fabrication de montres-bracelets pour aviateurs et de chronomètres de marine.
En 1951, toutes les entreprises d’horlogerie indépendantes fusionnèrent sur ordre des pouvoirs politiques, pour constituer un combinat horloger de grande taille sous la tutelle de l’état : le « VEB Glashütter Uhrenbetriebe », qui alimenta les pays du bloc de l'Est en montres et horloges.
Après la réunification politique et économique de l’Allemagne, le conglomérat se transforma en SARL. En 1994, elle fut privatisée. Et en 2000, Glashütter Uhrenbetriebe rentre dans le groupe Swatch.
Depuis la chute du mur de Berlin la ville est-allemande renoue avec un passé horloger prestigieux que le régime communiste avait réduit quelque peu ébranlé. Depuis une dizaine d'années, les plus grandes marques comme Glashutte Original, Union ou encore Lange & Söhne refont leur apparition.
Aujourd’hui encore, au même titre qu’au siècle passé, Glashütte demeure la vitrine de l’industrie horlogère allemande.
Pourtant isolée au cœur d’une vallée de l’ouest des Monts Métallifères, à quelques 30 kilomètres des portes de Dresde, la capitale régionale, la petite ville a su conserver le savoir-faire et la renommée des fabricants de montre de poche qui l’ont rendue célèbre grâce à leurs produits considérés comme de véritables hommages à la qualité, l’esthétique et la précision.
On commence donc comme il se doit par la visite du musée à la gloire de l’horlogerie locale inauguré en 2008.
Le bâtiment comporte 4 étages et offre plus de 1000m² à la gloire de l’horlogerie. C’est ce même bâtiment qui abritait en 1881 l’école de formation horlogère allemande
Près de 400 pièces sont exposées dans le musée (montres de poche, montres bracelet, pendules, chronomètres marine, modèles astronomiques)
Le musée est exemplaire en terme d’interactivité : salle « glossaire » tactile, panneau mobile
Ce sont plus de 250 000 visiteurs de près de 100 pays qui ont déjà parcouru les allées et grimpé cet escalier!
A l’entrée du musée, on remarque une très belle horloge astronomique
Elle est l’œuvre de Hermann Goertz (1862-1944) et a été construite en 1925
Elle comprend 1756 pièces : 122 roues, 411 vis
Sa construction a pris 30 ans depuis l’idée originale (qui intégrait moins de complications) jusqu’à sa réalisation
Voici les complications que j’ai notamment remarquées :
-lever/coucher du soleil
-phase de lune
-date
-heure/ minute/seconde
-équation du temps
-réserve de marche
Tout commence en 1845 avec Ferdinand Adolph Lange et une première entrepriseNé en 1815, année où le royaume de Saxe devient un Etat souverain et indépendant, Ferdinand Adolph Lange est le fils d'un armurier de Dresde. Il est placé dès l'âge de 15 ans en apprentissage chez l'un des plus estimés horlogers du pays, Johan Christian Friedrich Gutkaes.
Des dons exceptionnels pour le métier, aiguisés par un voyage de formation qui le conduira chez les plus grands maîtres horlogers de France, de Suisse et d'Angleterre, font rapidement de Ferdinand un spécialiste en la matière.
Fort du savoir des maîtres les plus créatifs d'Europe ainsi que d'une maîtrise et d'une passion sans égales pour la mécanique de haute précision, Ferdinand revient enfin au pays et se met à son compte, après avoir épousé la fille de son ancien maître.
C'est ainsi qu'en 1845 il part installer son premier atelier dans la ville de Glashütte, que l'industrie minière en déclin avait laissée dans un relatif état de pauvreté, inaugurant par ce même geste une ère de prospérité pour toute la vallée.
1845 marque donc l’ouverture de la première entreprise horlogère dans la petite ville de Glashütte.
C’est grâce à un prêt du gouvernement de Saxe que Ferdinand A Lange et son employé Adolf Schneider créent une école de formation avec 15 stagiaires !
15 stagiaires spécialisés par domaine : aiguille, finition, roue, pont, pignons, platine
La formation dure 3 ans et couvre depuis les outils jusqu’à la boite avec le mouvement et le cadran
La première année, les étudiants apprennent notamment à confectionner les outils
La deuxième année ils vont travailler sur les mouvements (deuxième rangée)
La troisième année parachève leur formation avec un projet/œuvre à réaliser : ils sont alors sur la 3 ieme rangée, en face des fenêtres car il faut de la lumière pour travailler (l’électricité n’existe pas encore)
Au final, plus de 4000 personnes passeront sur les bancs de son école
Quelques autres figures du projet « horloger » pour la région de GlashutteMoritz Grossmann, artisan de la promotion du savoir-faire horloger allemand
Sous son impulsion, une école fut fondée le 1er Mai 1878. Formant les anciens ouvriers de la région (mineurs, vanniers...), il installera une école de l'horlogerie et fera de Glashütte le bastion allemand de l'horlogerie de haute précision. La ville rivalise de savoir-faire et de renommée avec le Jura suisse.
Il créa également sa manufacture avec déjà des outils permettant une précision au 1/100 de mm
Depuis, certaines techniques de fabrication sont caractéristiques du travail horloger de la région, platine à trois quarts de Glashütte, vis bleuies, ponçage en bandes de Glashütte, balancier à vis, réglage fin par raquette et ressort en col de cygne, chatons en or vissés, polissage à plat à l'étain, etc.
En voici une parfaite illustration : mouvement réalisé en 1867 !
Julius Assmann : beau fils de F A.L. Il fonda sa manufacture en Octobre 1852 and s’illustra notamment par ses montres de poche aux finitions exemplaires qu’il exporte jusqu’aux Amériques
Adolph Schneider
Hermann Goertz (1862-1944) :
Il étudia l’horlogerie en Prussie et en Ukraine
Après la 1ere guerre mondiale, Hermann s’inscrit à l’école horlogère de Glashütte (c’est alors l’étudiant de plus vieux de la promotion)
On lui doit notamment l’horloge astronomique à l’entrée du musée
Et enfin Gustav Bernhard Gutkaes ...
C’est ainsi que petit à petit, près de 100 sociétés virent le jour dans la région couvrant tous les corps de métier de l’horlogerie
Un exemple ci-dessous avec ce panier de composants complet qui date de 1863 !
Rapidement, l’école horlogère de Glashutteacquiert une renommée international.
Ainsi, en 1945, 1/3 des étudiants viennent de l’étranger ! Le cursus dure 3 ans
Nombreux sont ceux qui créent leur propre entreprise à l’issue de la formation
Mais la 1ere première mondiale devait voir l’avènement des montres bracelet, que certaines manufactures à Glashutte ignorèrent et furent donc condamner à disparaitre ! Et avec elles, le savoir faire
L’inflation, la crise économique et la 2nde guerre décimèrent les rares survivants. Il ne resta bientôt plus que 2 manufactures !
En 1935, A Lange & Sohne se tourna par exemple vers les montres militaires. Avec le développement de l’industrie aéronautique, la marque lance dès 1940 sa première montre « pilote »
Au total, 7000 pièces seront produites entre 1935 et 1945
Pilonnage à gogo
La ville de Glashütte a malheureusement été pilonnée par l'armée soviétique... le dernier jour de la Seconde Guerre mondiale, le 8 mai 1945 !!!
Une exécution en règle qui sonnait pour les Soviétiques comme une revanche sur une ville qui avait passablement servi l'effort de guerre de l'armée allemande.
Les Soviétiques reviendront sur place pour démanteler les sociétés en guise de réparation de l’effort de guerre . Une partie de l’’appareil de production de l'ancêtre de Glashütte, le GUB, sera réimplanter en Russie. Sans succès.
Après la 2nde guerre mondiale, la ville de Dresde est complètement détruite et il en est de même de toute l’industrie horlogère à Glashutte
Il faut alors rebâtir l’outil de production, retrouver les savoir faire
La RDA est fondée le 7 Octobre 1949. Entre 1946 et 1948, toutes les entreprises sont nationalisées
En 1951 est donc crée VEB GUB (Glashutter Uhrenbetriebe) qui est l’assemblage de différentes sociétés : Gossel &co , R.Muhle & Sohn, Felix Estler, Liwos fusionnent pour former GUB
Ce conglomérat comportera d’autres entités : VEB Urofa, VEB Ufag, VEB Mechanik Lange & Sohne, VEB Liwos, VEB Messtechnik …
La société emploiera jusqu’à 1000 personnes et produira jusqu’à près de 1 million de pièces /an
100 étudiants intègrent chaque année l’école de formation interne Makarenko
1953 vit même la création d’une résidence étudiante interne
Les montres sont exportées dans les pays communistes : Chine, Corée du Nord
Tout est fait en interne sauf les cadrans qui proviennent de RFA : T.H Muller à Pforzheim
Les premières montres automatiques sortent en 1959 suivi en 1964 d’une version plus fine :
VEB Glashutter développa alors ce qui allait être un best-seller en Allemagne de l’Est : la spezimatic by GUB.
Mouvement automatique extra plat de 4,4mm d’épaisseur, 26 rubis avec affichage de la dateIl sera produit jusqu’en 1978 à près de 3,6 millions d’exemplaires
A l’époque, on pouvait se la procurer pour 39,50 marks seulement !
La foire internationale de Leipzig ouvre les portes à l’export hors bloc communiste
L’entreprise « communiste » remporte aussi quelques concours à l’international
Dans les années 80, la production est très orientée sur les montres féminines
Mais le 3 Octobre 1990 sonne le glas de cette époque avec la réunification
Après quelques années de « flottement », il ne reste plus que 72 personnes ayant des compétences horlogères. Les autres se sont exilés, reconvertis ou ont tout simplement disparu
Le successeur légal de ce combinat (VEB Glashutter Uhrenbetrieb) devient en Octobre 1990 la société Glashutte GmbH.
Quatre ans plus tard, l'entreprise devient Glashütte Original, une société anonyme à responsabilité limitée.
En 2000, la marque G.O est intégrée par le Swatch Group. Ses quelques modèles en édition limitée (Julius Assmann, Alfred Hewig, ou le garde-temps avec cadran en porcelaine de Meissen, par exemple) deviennent recherchés par les collectionneurs du monde entier.
D’autres entreprises verront le jour par la suite :-Nomos (1990)
-Nautische Intrumente Mühle (1994)
-Union (1996)
-Lange Uhren (1990) qui créera la marque A.Lange & Sohne
La chute du mur de Berlin et la réunification allemande donnent enfin à Walter Lange l'occasion de rentrer à Glashütte et de réclamer l'héritage de sa famille. Epaulé par la société suisse LMH, Walter fait renaître la célèbre marque. Le 7 juin 1990, la société Lange Uhren GmbH est inscrite au Registre du Commerce de Dresde et la marque A. Lange & Söhne simultanément redéposée dans le monde entier.
-tuttima (2008)
A noter que le tourbillon volant est une invention localeLe tourbillon est une invention d'Abraham Louis Breguet. Sa variante sans pont de support, donnant ainsi l'illusion d'être suspendue dans le vide, ou tourbillon volant, a été inventée à Glashütte par Alfred Helwig
Glashütte est aussi qualifié d' "Original" pour éviter la contrefaçon... suisse ! Incroyable mais vrai : aux premières lueurs du XXe siècle, la Suisse reconnaît l'ingéniosité de certains procédés horlogers inventés à Glashütte, dont la fameuse platine trois quarts, qui permet notamment une meilleure fixation des pivots du train de rouage.
La Suisse se met alors elle-même à employer parfois cette technique, sans d'ailleurs en cacher la provenance ("Système Glashütte" était inscrit sur cette platine). Malgré cela, les autorités locales ont apposé la mention "Original" à côté de Glashütte pour marquer la véritable provenance de la pièce. Une sorte d'AOC avant l'heure, en somme.
Deuxième partie de la journée : visite de l’école de formation
Glashütte Original, la marque, possède sa propre école, en interne. Elle est logée dans le même batiment que le musée
Chaque année, vingt-quatre élèves formés en alternance en sortent avec un diplôme d'État. Avec quelques semaines d'examens complémentaires, l'équivalence WOSTEP leur est proposée.
Les horlogers peuvent donc ainsi exercer dans le monde entier avec un diplôme reconnu de tous, même si l'empreinte allemande dans leur formation reste palpable.
Nous sommes vendredi et c’est l’été donc certains sont vacances !!
La manufacture commença à former des horlogers et des outilleurs en 2001
En 2002, la marque fonde sa propre école, qui porte le nom d'un célèbre maître-horloger et inventeur de Glashütte, Alfred Helwig.
Il enseigna pendant de nombreuses années dans la première école d'horlogerie de la ville. C'est au cours de ces années en tant qu'enseignant qu'Alfred Helwig élabora, avec ses apprentis, une nouvelle version en porte-à-faux du mécanisme de tourbillon, l'une des complications les plus fascinantes de l'horlogerie.
Fixée d'un seul côté uniquement, la conception de Helwig est vite connue sous le nom de « Tourbillon volant ». Les modèles actuels de Glashütte Original dotés de tourbillons volants rendent hommage, tout comme l'école, à cet enseignant dévoué et horloger extraordinaire.
À ce jour, Glashütte Original a fait profiter à plus de 200 apprentis d'excellentes opportunités professionnelles en tant qu'horlogers ou outilleurs.
L'École reçoit chaque année des centaines de demandes émanant de jeunes hommes et femmes ayant l'espoir d'obtenir une place en son sein.
Parmi celles-là, seules 28 candidatures sont retenues pour le programme de trois ans.
La première année, ils apprennent à utiliser différentes machines voir à construire leurs propres outils
La deuxième année, on « rentre » dans le mouvement
Désormais on a des microscopes électroniques, c’est bien plus pratique…
Et la troisième année, l’étudiant construit son « chef d’œuvre »
Quelques exemples ci-dessous issus des anciennes « promotions »
Ci-dessous 2004-2009
Puis voici d’autres œuvres pour 2011-2012
Pour cette année 2015, ce sont près de 50 apprentis qui sont en cours de formation à l'école d'horlogerie.
Promotion 2015 : 14 diplomés
A noter la forte féminisation (11 demoiselles soit 78 % de l’effectif !)