"Cinq, quatre, trois, deux, un, zéro !" ! Histoire vraie ...

"Cinq, quatre, trois, deux, un, zéro !" Sur le terrain vague situé à deux pas de la maison de Jean, 7 ans et de Pierre, 9 ans, les enfants vivent une piste d'athlétisme et courent comme des fous pour battre des records de vitesse. C'est Philippe, 10 ans, qui tient le chronographe de poche Omega emprunté à son père sans le consentement de ce dernier. On est en 1927, ce jeudi de septembre, la rentrée scolaire n'a pas encore eu lieu et il pleut des cordes alors que les gamins continuent à jouer pour défier le temps des dernières heures de vacances.  

Philippe tend la main vers le haut pour montrer aux deux compétiteurs que le chronométrage va commencer. Il pleut de plus en plus et les gamins sont trempés. Au moment de rentrer le chronographe dans sa poche, Philippe commet l'irréparable et fait tomber le chronographe dans la boue. Il le ramasse immédiatement et l'essuie du revers de son manteau qui loin d'absorber la boue la répand sur le verre et le couvercle.

-Tu devrais la passer sous le robinet Philippe, sinon ton père va voir que tu t'en es servi !
-Oui tu as raison !

Philippe rentre vite à la maison et tandis que sa mère discute avec la voisine, il passe sous le robinet d'eau froide de la cuisine le chronographe qui est très vite noyé. La présence d'eau sous le verre n'inquiète pas immédiatement Philippe qui se focalise sur les rayures que les petits cailloux contenus dans la boue ont provoqué sur toute la boite et son fond en argent. Comme Philippe craint que la boue ne soit passée dans la montre, il l'ouvre avec son couteau opinel mais maladroit, il ripe sur le couvercle où il laisse une rayure bien plus visible que les micro-rayures faites antérieurement.

Le père de Philippe est inspecteur du Trésor. Il ne plaisante pas avec son fils dont il exige respect et sérieux. Ce chronographe, il l'a reçu en cadeau de son propre père juste après la guerre. Ce fut le dernier cadeau de son père qui mourut quelques mois plus tard de cette épidémie terrible de grippe espagnole. Le chrono est resté neuf dans son écrin et si le père de Philippe le remonte deux ou trois fois par an pour s'assurer de son fonctionnement, il y tient beaucoup trop pour l'utiliser.

Cet accident est donc une catastrophe. Philippe panique et veut faire disparaitre la rayure mais le mouchoir qu'il ne cesse de passer sur celle-ci ne suffit pas à l'effacer. A l'aide d'une gomme à encre, il va tenter de la recouvrir et effectivement, il en atténue les contours mais crée tout au long de celle-ci une trace encore plus visible que la rayure. Le gamin retourne le chronographe dans tous les sens mais s'inquiète lorsqu'il voit couler des gouttes d'eau par la couronne. Cette fois il panique. Il n'a plus qu'une solution : faire disparaître la montre.

Il la cache donc derrière une glace de l'armoire de sa chambre, cache secrète qu'il a découverte par hasard en faisant le pitre. Il est malgré tout très contrarié et c'est pendant le repas que son angoisse monte d'un cran, lorsqu'il pense qu'il aurait du faire disparaître également l'écrin de la montre. Ce sera chose faite le lendemain.

Il faudra plus de deux mois pour que la disparition du chronographe soit constatée par le père de Philippe. Le constat a lieu après que celui-ci ait porté plainte pour le vol d'outils de jardin remisés dans une cabane située dans la propriété. Le père de Philippe n'a aucun doute, le voleur est également rentré dans la maison. D'ailleurs, il ne retrouve pas non plus le porte plume en or qui était dans le tiroir du bureau. Le père de Philippe complète donc sa plainte au commissariat et s'avoue très triste de la disparition de ces objets auxquels il tenait.

Philippe qui ne manque pas d'imagination se dit que son père serait très heureux de retrouver son chronographe même en mauvais état et le glisse dans le jardin à proximité de la cabane à outil. Cela pourrait laisser supposer que le voleur l'ait perdu. Il suffit d'ouvrir l'écrin et d'attirer son père sur les lieux.

-"Papa ! Papa ! Regarde ! Ta montre est là par terre...
-Comment cela ? Mais oui, tu as raison Philippe ! Notre cambrioleur l'a perdue ou abandonnée ! Mais quel imbécile, elle est rayée et pleine de boue séchée. Regarde si tu vois un stylo tout en or ! Allez Philippe, si tu le retrouve, je te récompenserai ...

Philippe ne retrouve évidemment aucun stylo puisque celui-ci s'est simplement coincé dans le fond du tiroir. Son père le retrouvera quelques années plus tard ... L'horloger chargé de remettre la montre à neuf repolit le fond de boite et nettoie le mouvement et le cadran en émail. Lorsqu'il restitue la montre au père de Philippe, il se déclare étonné des caractéristiques de la trace qu'il a du effacer.  

-"On aurait dit qu'un papier abrasif avait été utilisé pour effacer une rayure"

Cela laisse sceptique l'horloger et son client mais aucune explication ne peut être trouvée. L'écrin sali est remplacé par un autre identique et le chronographe retrouve sa place dans le bureau 5 mois après l'avoir quitté.

-"Cinq, quatre, trois, deux, un, zéro !" !

Les trois gamins se mettent à courir tous ensemble! Ils ont décidé que le meilleur serait celui qui arriverait le premier. Il n'est pas utile de chronométrer les temps.

Jolie histoire.
Où tout le monde est "content" ...il nous est tous arrivé, gamin, de faire des bêtises plus ou moins graves.  

Excellent. Merci. Le gamin était prometteur : tant de catastrophes successives ! Un bon moment de rigolade pour le lecteur

jehanne a écrit:

Excellent. Merci. Le gamin était prometteur : tant de catastrophes successives ! Un bon moment de rigolade pour le lecteur

ça me rappelle quand mon grand oncle me chronométrait sur le tour de sa maison avec sa montre chronographe ( maintenant je sais que c'était un Landeron) ..je l'ai cherché lors du décès de ma grande tante mais nous n'avons retrouvé que la Longines.

je vais sans doute en acheter un , un jour ..

merci pour le souvenir et pour l'histoire.

Je me souviens de bêtises sur les montres que je faisais à l'âge de 3 ans.... Un jour je raconterai cela.

Merci pour cette sympathique historiette, Zen