Une histoire vraie, trop vraie ... "C'est possible"
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Souther
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ZEN
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ZEN Rang: Administrateur
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Sujet: Une histoire vraie, trop vraie ... "C'est possible" Lun 9 Mar 2020 - 18:57
Je vais vous raconter aujourd'hui l'histoire d'une petite fille parce que cette histoire m'a toujours parlé, parce que je la connaissais et parce que je connais la suite. Autant vous le dire, c'est une histoire qui m'a beaucoup hanté car frappante pour le gamin que j'étais. Ensuite, je ne voudrais trahir personne ni justifier quoi que ce soit, ce n'est pas le but. J'ai vécu cette histoire en spectateur mais attentif au sort de cette petite fille qui n'avait pas loin de mon âge et que je voyais chaque jour. J'avais pour elle un grand respect teinté d'affection, je me représentais ce que pouvait être son malheur et cela me touchait beaucoup. J'en parle toujours avec beaucoup de compassion. Il y avait vraiment une montre associée à cette histoire et je ne suis plus certain de la marque. C'était probablement une Zenith ou une Longines car là où son propriétaire était "client", on soignait ces deux marques avant tout. Mon doute m'arrange mais il n'est pas une absolue certitude. Je n'ai plus de nouvelles de cette petite fille devenue une dame depuis 2012 car la personne qui m'en donnait des nouvelles n'est plus là. Elle avait été encore plus frappée que moi par cette histoire dont nous n'avons jamais cherché à tirer une interprétation ni à donner un jugement de valeur. Sans doute n'y parviendrez-vous pas non plus.
On est en 1966. Julie a 7 ans et c'est une petite fille gaie, souriante, avenante et toujours bienveillante. C'est son père qui l'emmène à l'école et sa mère qui va la rechercher. La vie est belle pour Julie, enfant aimée de ses parents. Le papa est peintre en bâtiment et la maman est infirmière. Julie habite un petit appartement sans grand confort mais avec une vue imprenable sur la campagne au loin. Les parents de Julie se disputent parfois. La maman adore sa fille autant que son père, taciturne. Il sourit peu même s'il siffle en travaillant. Ce n'est pas qu'il soit triste mais il est comme ça, c'est son caractère.
Un dimanche matin, la maman de Julie décide de partir se promener avec sa fille et de laisser le papa à la maison car il regarde la télévision chaque dimanche après-midi et manque, dit-elle, de dynamisme. Le soir, Julie s'affale dans le canapé, la marche dans la forêt l'a fatiguée. Son papa montre de poche en main, celle de son père, fait remarquer à sa femme que rentrer à 19 heures c'est beaucoup trop tard. Elle se moque de lui et passe dans la salle de bain. Le ton monte, il s'énerve et, alors qu'elle est dans le bain, menace de brancher le séchoir à cheveux et de le lâcher dans la baignoire. Elle le défie de le faire. Il renonce, pose le séchoir et quitte la salle de bain. Elle l'insulte en se moquant de lui et provoque sa colère, il revient sur ses pas, se saisit de l'appareil et enroule le cordon autour du cou de sa femme. elle continue de se moquer de lui. Elle ne croit pas un instant qu'il puisse commettre l'irréparable et lui crie que les voisins seront les témoins de son agression. Alors, il serre car il n'a plus rien à perdre, elle se débat mais il la tue, incapable de s'arrêter dans cette pulsion criminelle qui l'envahit.
Il ressort de la pièce et emmène sa fille qu'il réveille chez la voisine. Il prend le temps de faire appeler sa sœur pour s'occuper de la petite. Il appelle ensuite la police. C'est le premier crime vu dans le coin depuis plus de 7 ans. Julie est confiée à sa tante qui l'a demandée et reste dans la même école. Elle perd la joie dans ses yeux et ne parle plus à personne. Personne ne va vers elle car elle est la fille de l'assassin. Dans les petites villes, les rumeurs ont une forte place. Elle devient adolescente et va voir son père une fois par semaine à la prison. Elle n'en a pas honte. Elle devient une très belle jeune fille et son père bénéficie d'une remise de peine. Il sort pour ses 13 ans. la condition pour recouvrer la liberté est de retrouver un emploi. Chez son ancien employeur, le Directeur général se porte caution et fait revenir son ouvrier. Il explique à ses collègues que cet homme a été jugé une fois et que nul n'a à l'être deux fois. Cette position humaniste fait l'unanimité car ce collègue était apprécié et jamais violent ni grossier.
L'adolescente devient femme petit à petit. Elle explique à sa meilleure amie qu'elle soutient son père car sa mère était infecte avec lui. Les détails relèvent de leurs confidences. La jeune femme est superbe et rencontre un jeune homme qui devient avocat et l'épouse. Elle lui donne deux enfants. Le père de la jeune femme devient le meilleur des grands-pères. Il n'a jamais reparlé de son ex-femme, ni connu aucune autre femme. Il offre en 1999 la montre de son père à son gendre. Il lui a raconté sa vie d'avant la prison et sa vie d'après. Jamais le gendre n'a posé la moindre question. Le papa de Julie meurt l'année suivante d'une longue maladie. Dans ses papiers, les enfants retrouvent des documents sur l'instruction de son procès. Il n'a jamais rien dit de ses motivations pour cet acte irréparable. Il n'a déclaré qu'une seule chose "Il le fallait".
Cela lui a valu 10 ans de prison hors remise de peine. Dans une enveloppe fermée qui lui était adressée, Julie a retrouvé un courrier. Une lettre écrite pour elle quelques mois après la sortie de prison. Elle l'a lue à sa meilleure amie " Ma Julie adorée, ...... J'ai commis l'impardonnable lorsque j'ai appris que ta mère m'avait trompé et voulait t'enlever à moi en m'accusant des pires choses. J'ai voulu t'épargner cela mais je sais que j'ai gâché ton enfance en t'enlevant ta mère. Ne me pardonne pas mais je t'aime, tu sais....."
Il y a au barreau de la ville un avocat qui porte une montre de gousset au bout d'une chaînette. Sa femme en est très fière et lui aussi. Il n'a jamais dit à personne d'où venait cette montre. Julie lui a lu le courrier mais il lui a dit qu'il fallait se projeter au dessus de ce passé-là. Julie a dit qu'un jour elle raconterait tout cela à ses enfants. Il ont plus de 30 ans maintenant alors elle dit qu'il est trop tard. Elle a tout brulé parce que, dit-elle, on ne comprendrait pas dans la société d'aujourd'hui, le geste de mon père. C'est possible…
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Invité Invité
Sujet: Re: Une histoire vraie, trop vraie ... "C'est possible" Lun 9 Mar 2020 - 19:17
ZEN a écrit:
...Elle a tout brulé parce que, dit-elle, on ne comprendrait pas dans la société d'aujourd'hui, le geste de mon père. C'est possible…
On peut comprendre mais néanmoins condamner. Il n'y a pas si longtemps, on lapidait des femmes dans des stades de foot, mais bon, on peut comprendre, elles étaient quand-même adultères... (ironie)
Le jugement moral n'est pas sujet au temps, quand c'est bien c'est bien, quand c'est mal c'est mal.
bill74 Animateur
Nombre de messages : 831 Localisation : Earth Date d'inscription : 12/10/2007
Sujet: Re: Une histoire vraie, trop vraie ... "C'est possible" Lun 9 Mar 2020 - 19:42
Un père qui aimait sa fille.
chrispare Membre super actif
Nombre de messages : 319 Date d'inscription : 26/03/2014
Sujet: Re: Une histoire vraie, trop vraie ... "C'est possible" Lun 9 Mar 2020 - 20:19
bill74 a écrit:
Un père qui aimait sa fille.
Au point de tuer sa mère…
Adrien_fr_17 Membre Actif
Nombre de messages : 144 Age : 37 Date d'inscription : 20/07/2018
Sujet: Re: Une histoire vraie, trop vraie ... "C'est possible" Mar 10 Mar 2020 - 9:36
Zen a écrit:
J'ai commis l'impardonnable lorsque j'ai appris que ta mère m'avait trompé et voulait t'enlever à moi en m'accusant des pires choses. J'ai voulu t'épargner cela
Quel argument médiocre ! Ça aurait été à la justice de faire la part des choses ! On ne se fait pas justice soi même (à moins d'une légitime défense), c'est la base d'un état de droit. Un piètre avocat pour moi pour accepter de porter une montre d'une telle personne...
jeanbat 31 Passionné de référence
Nombre de messages : 3549 Localisation : Toulouse ou Mèze Date d'inscription : 16/01/2017
Sujet: Re: Une histoire vraie, trop vraie ... "C'est possible" Mar 10 Mar 2020 - 10:04
Je n’ai pas d’avis très pertinent sur cette histoire , merci du partage Zen !
Souther Animateur
Nombre de messages : 1159 Age : 43 Date d'inscription : 12/05/2012
Sujet: Re: Une histoire vraie, trop vraie ... "C'est possible" Mar 10 Mar 2020 - 10:16
Triste histoire
Beoman Puits de connaissances
Nombre de messages : 4776 Localisation : Marseille Date d'inscription : 27/04/2007
Sujet: Re: Une histoire vraie, trop vraie ... "C'est possible" Mar 10 Mar 2020 - 15:39
Je crois que je préfère encore les billets sur le cataclysme qui sévit actuellement sur la planète horlogère !
ZEN Rang: Administrateur
Nombre de messages : 57505 Date d'inscription : 05/05/2005
Sujet: Re: Une histoire vraie, trop vraie ... "C'est possible" Mar 10 Mar 2020 - 16:22
Je comprends que cette histoire mette mal à l'aise. Mon analyse est différente sur ce sujet depuis que j'ai fait une fac de droit même si affectivement cette gamine m'avait beaucoup ému.
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Alvida Animateur
Nombre de messages : 1015 Localisation : Entre La Rochelle et Genève Date d'inscription : 06/02/2020
Sujet: Re: Une histoire vraie, trop vraie ... "C'est possible" Mar 10 Mar 2020 - 16:52
Mettre mal à l'aise, non pas vraiment. C'est un cas qui, malheureusement, arrive de temps à autre. Chose impardonnable, bien sûr. Une enfance certainement malheureuse car ça n'a pas du être facile tous les jours pour elle. Mais heureusement, l'enfant devenue femme a su se trouver un équilibre et à fait sa vie. Certainement son mari est une bonne personne qui a su également l'aider et la soutenir sans juger...
Triste histoire et merci du partage Zen
lord of breit Membre très actif
Nombre de messages : 279 Age : 38 Localisation : centre Date d'inscription : 19/08/2016
Sujet: Re: Une histoire vraie, trop vraie ... "C'est possible" Mar 10 Mar 2020 - 19:41
Adrien_fr_17 a écrit:
Quel argument médiocre ! Ça aurait été à la justice de faire la part des choses ! On ne se fait pas justice soi même (à moins d'une légitime défense), c'est la base d'un état de droit. Un piètre avocat pour moi pour accepter de porter une montre d'une telle personne...
Un piètre avocat ou un piètre homme ? Est-ce l'avocat qui à accepté le cadeau, ou l'ami, le confident, l'être cher ? Cet homme n'avait donc pas le droit d'accepter le cadeau d'un autre homme, même meurtrier ? La fille de ce meurtrier a t'elle été une piètre fille d'avoir acceptée elle même des cadeaux de son père ? Et quand bien même cet avocat soutenait moralement cet homme, en tant qu'avocat, en quoi est-ce un mal ? Un avocat n'est certainement pas la pour juger les personnes qu'il défend, c'est également la base d'un état de droit.
Dernière édition par lord of breit le Mar 10 Mar 2020 - 20:36, édité 1 fois
Bruno_DN Pilier du forum
Nombre de messages : 1631 Localisation : Paris Date d'inscription : 28/09/2017
Sujet: Re: Une histoire vraie, trop vraie ... "C'est possible" Mar 10 Mar 2020 - 20:28
L'affaire est jugée. Elle n'a pas à l'être à nouveau. Il me semble que c'est même un principe fondamental dans notre droit. L'autorité de la chose jugée. Même s'il parait qu'il y a des nuances.
Cela n'empêche pas bien sûr d'avoir un point de vue moral sur l'affaire. Mais là, je me contente de lire l'histoire et d'en tirer mes petites conclusions personnelles sur l'objet montre qui est derrière. Et je repense à ma grand mère qui n'aimait pas porter tel ou tel bijou de famille qui lui avait été transmis et qui pouvait être chargé selon elle, pierres et métaux précieux, d'une espèce d'aura plus ou moins lugubre selon son origine. Alors on garde ça dans un coffre et on se le transmet de génération en génération en le faisant évaluer à chaque succession. Pas grand chose de mirobolant hein. Pas de quoi se payer une Rolex. D'ailleurs ça vaut pas grand chose les bijoux en fait. Mais c'est une croix qu'on porte dans un coin, le souvenir d'un être aimé qu'on n'a parfois même pas connu, aimé par d'autres qu'on a aimé. Donc on les aime. Forcément.
Elle m'a transmis cette crainte face à ces objets très intimes, qui comprennent pour nous les hommes, traditionnellement, les montres, chargées du "magnétisme" de son ancien porteur, et de son histoire. Il faut l'assumer. Même si cette crainte, objectivement et d'un point de vue "pastafariste" (le culte du monstre en spaghetti volant pour ceux que ça interroge) et rigolard semble dénuée de tout fondement. Oui, mais. Bin voilà, moi, j'aime pas. Et je ne porterai jamais rien d'intime de mon père, mort il y a bien longtemps maintenant, parce que sa vie d'homme n'a pas forcément été très heureuse. C'est à moi dans un coin. Et je n'y touche pas.
Et là, c'est la première réflexion qui m'est venue à l'esprit en lisant cette histoire. Je n'aimerai pas porter l'objet intime d'un homme qui a vécu un tel drame. Parce que c'est un sacré drame.
Mais après, je trouve ça très beau que le gendre l'assume complètement, et "recharge" en positif l'objet aimé par un autre qui vécu un tel drame et commis une telle faute -un crime de sang.
Les objets ont une histoire. J'en ai deux ou trois moi aussi, au sujet des montres. Des histoires de sang et de guerre. Mais bon, voilà. C'est dans un coin et je n'y touche pas.
Je retourne à ma manducation du monstre en spaghetti volant. Sauce tomate.
Une histoire vraie, trop vraie ... "C'est possible"